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Fidèle à ton pas balancé – Sylvie Lainé

Depuis trois décennies Sylvie Lainé apporte sa pierre à l’édifice imaginaire et science-fiction en particulier. Même si elle n’a pas commis de roman et préfère écrire des nouvelles, elle représente une auteure majeure de la science-fiction francophone. À la différence d’autres auteurs, elle a suscité l’intérêt et la passion à travers des textes courts. Et le temps passant, elle a toujours suivi une voie qui lui était propre, pas influencée par les autres auteurs.

Lire une de ses nouvelles est toujours un vrai bonheur. Et « Fidèle à ton pas balancé » reprend 26 textes qui ont amené les lecteurs dans d’autres contrées de l’univers. On lui doit quatre recueils de nouvelles édités par ActuSF :

  • Le miroir aux éperluettes
  • Espaces insécables
  • Marouflages
  • L’opéra de Shaya

Ces quatre recueils sont entièrement repris dans cette nouvelle anthologie, et même complétés par sept nouveaux textes. J’invite le lecteur à retrouver les chroniques précédentes pour les quatre recueils sur mon blog ou sur Phénix Mag.

Dans cette chronique, je vais davantage me focaliser sur les nouveaux textes :

Mélomania – Cette nouvelle aborde le domaine du remplacement d’organe humain. Lorsqu’on a un frère qui est devenu manchot après un accident de voiture, rien de plus facile que de se faire pousser un autre bras sur son propre corps, pour ensuite le faire greffer chez le frère. Le problème c’est que le bras et la main sont devenus des virtuoses du clavier, et que l’idée de s’en séparer est hors de propos.

Sirius m’était compté – Et si votre chien préféré était recréé tous les jours ? Vous payez 30 jours de clonage et on vous fait une promotion de 40 jours. Soit 10 jours de bonus. De plus, vous pouvez étaler ces 40 jours sur une période plus longue. Le seul problème, c’est que ça vous coute la peau des fesses.

Le printemps des papillons – Et si on utilisait des papillons comme moyen de communication, en inscrivant des messages sur leurs ailes ?

Le karma du chat —La domotique est très présente dans cette nouvelle, au point que les objets de la maison décident eux-mêmes de ce qu’ils vont faire, jusqu’au chat qui n’est pas tout à fait naturel. La quiétude laisse soudain la place à une sorte de chaos orchestré par des intelligences artificielles, que les propriétaires n’arrivent pas à maitriser. Cette nouvelle est pleine d’humour et devrait faire prendre conscience que la domotique risque à terme de connaitre des dérives. Très amusant comme nouvelle.

Temps, bulle et patchouli — Sous une bulle représentant un modèle réduit, on assiste à la création de l’univers.

Toi que j’ai bue en quatre fois — Se faire le grand flash eroticomane, c’est tout un programme ! Quatre éprouvettes contenant des liquides de différentes couleurs vont permettre de faire un trip érotique qui va s’étaler sur deux heures. En fait, chaque couleur à une signification particulière. Pas mal comme nouvelle. On aurait presque envie que les quatre fluides existent.

Petits arrangements intergalactiques (Verso) – Cette nouvelle est le pendant de Petits arrangements intergalactiques. La différence, c’est que l’histoire est racontée du côté Groc plutôt que du côté humain. Si la communication (ou l’absence de communication) est au cœur de cette nouvelle, elle n’en reste pas moins originale et cocasse.

Parmi les autres nouvelles précédemment publiées, plusieurs d’entre elles m’ont marqué. Je pense à : La bulle d’Euze, Un signe de Setty, Carte blanche, Les yeux d’Elsa, L’opéra de Shaya, Un amour de sable. Nouvelles parfois sensibles, parfois surprenantes, parfois amusantes.

Petits arrangements intergalactiques et sa suite (Verso) mérite aussi une attention particulière, car les deux nouvelles racontent la même histoire vue par des personnages différents.

Comme d’habitude, dans les nouvelles de Sylvie Lainé on va à l’essentiel des personnages, des lieux ou des situations dans lesquels ceux-ci se retrouvent. La technologie est présente, mais sans ennuyer les lecteurs avec des détails qui n’apporteraient rien de plus à l’histoire. Chaque nouvelle provoque le dépaysement. Une situation simple et évidente peut se transformer en situation complexe et dangereuse.

La prose de Sylvie Lainé ne m’a jamais laissé indifférent, au contraire. J’ai aimé la lire tout au long de ces années et si j’ai pris gout à lire des nouvelles c’est grâce à elle. Comme je l’ai dit précédemment, Sylvie Lainé apporte une note de littérature à la science-fiction, rendant le genre encore plus ouvert à des lecteurs qui osent sortir des sentiers battus de la littérature.

Le titre du recueil correspond à la dernière nouvelle du livre. Si je trouve le titre original, ce n’est pas nécessairement ce titre que j’aurais choisi, mais plutôt « Le chemin de la rencontre », car des rencontres, on en fait à chaque nouvelle. C’est même le moteur essentiel de chaque nouvelle. Que ce soit des rencontres entre humains ou avec des extraterrestres, elles sont toujours au cœur de chaque texte. Parfois elles nous surprennent, parfois elles nous font sourire. Dans tous les cas, elles sont empreintes d’une certaine sensibilité qui se ressent au fil des pages.

À noter que dans « Fidèle à ton pas balancé » on a droit à une préface écrite par Sylvie Lainé, alors que dans les quatre recueils précédents c’est Jean-Claude Dunyach, Catherine Dufour, Joëlle Wintrebert et Jean-Marc Ligny qui l’ont rédigée. Je ne veux pas dire par là qu’elle boucle son œuvre, mais que cette anthologie mérite de sa part une préface.

On pourrait me reprocher que cette chronique est plus subjective que mes chroniques précédentes. Si c’est le cas, je l’accepte volontiers, car Sylvie Lainé est vraiment une auteure majeure de la science-fiction, qui mérite que je lui apporte une attention plus particulière. Comme je l’ai d’ailleurs cité sur un autre média, lire « Fidèle à ton pas balancé », c’est un peu comme boire un grand vin. On prend son temps pour le déguster et pour apprécier tout son arôme.

Je dirai donc aux lecteurs qui veulent connaitre l’œuvre de Sylvie Lainé, ou aux amateurs avertis qui veulent approfondir son univers de lire ce recueil de nouvelles qui reprend trois décennies d’écriture. C’est une perle qu’il faut avoir dans sa bibliothèque et qu’il faut évidemment avoir lue.

Fidèle à ton pas balancé, Sylvie Lainé, ActuSF, 2016, 484 pages

Sylvie Lainé - Fidèle à ton pas

Les chroniques de la science-fiction – Guy Haley

Cela fait déjà un moment qu’une encyclopédie consacrée à la science-fiction n’avait plus vu le jour. Si le projet était à l’étude chez certains éditeurs, sa réalisation n’a toujours pas vu le jour. C’est bien dommage pour ceux qui espèrent une nouvelle version du science-fictionnaire qui date de 1994.

Le « pavé » que nous propose Guy Haley est censé combler en partie cette lacune. Stephen Baxter n’a écrit que l’avant-propos du livre. Le livre commence en 1818 et se termine en 2009. Inutile de chercher des séries comme millénium Sanctuary ou Supergirl. C’est trop récent.

Pas d’Harry Potter dans ce livre, mais une page dédiée à H.P. Lovecraft. Sous le terme science-fiction, on trouve tout de même un peu de fantastique, mais pas de fantasy.

Par exemple, Arthur C. Clarke, Isaac Asimov et Robert Heinlein sont mentionnés comme les trois grands de la science-fiction pour les années 40. Une page leur est consacrée. Si le lecteur veut en savoir plus sur chacun d’eux, il les trouvera sur des pages dédiées à leurs cycles et livres. Reste plus au lecteur qu’à situer la décennie dans laquelle le livre a été écrit pour faire une recherche visuelle. Sinon, il y a ce bon vieil index à la fin du livre qui renvoie vers l’information recherchée.

Par exemple, le cycle Dune (pages 232 à 237) reprend la chronologie dans un tableau où les couleurs indiquent si c’est un livre, un jeu, un film, une série TV. Un autre tableau détaille les événements importants du cycle et les personnages qui y sont associés. Et comme c’est aussi un film, on a droit à une double page de photos. Visuellement, ce livre est très pratique.

C’est davantage un guide visuel de la science-fiction, axé sur les supports cinéma et TV. Bien sûr, les livres ont la part belle dans ce guide. Les vues synthétiques par auteur ou par cycle sont un plus non négligeable à la lecture.

Mais ce livre est loin d’être exhaustif. Il est épais et lourd. Bonjour les poignets pendant la lecture. Donc, pas facile à manipuler. Son principal défaut en dehors du poids, c’est le choix des polices de caractères trop petites. Chaque article est écrit dans une police qui paraitra normale sur l’écran d’un smartphone, mais qui est trop petite pour un livre papier. Les légendes des photos nécessitent une loupe.

Le livre fait la part belle à la production anglo-saxonne. Inutile de chercher Bordage, Genefort ou Dunyach. Par contre, on y trouve Valerian et Laureline de Christin et Mézières, mais pas Blake et Mortimer ou Les naufragés du temps de Forest et Gillon ! Un lecteur anglo-saxon se contentera de ce livre alors qu’un lecteur européen en attendra davantage.

Les 35 euros du livre peuvent en dissuader plus d’un, surtout par rapport à la version anglaise qui coute 25 dollars. Mais ce genre de livre est trop rare que pour le laisser passer. Donc, l’amateur de science-fiction que je suis le conseil, en espérant que du côté francophone on pense à faire quelque chose de similaire.

Les chroniques de la science-fiction, Gut Haley, édition Muttpop, 576 pages, 2015, traduction de par Marie Renier et Inès Lecigne, couverture de Gualtiero Boffi/Alamy.

Les chroniques de la science-fiction

Quand les ténèbres viendront – Isaac Asimov

Isaac Asimov fait partie de ces auteurs qui ont façonné ma vision de la science-fiction lorsque j’étais adolescent. Au même titre que Heinlein, Bradbury, Clarke, Williamson, E.E. Smith, Hamilton, Vance et Herbert, il m’a fait découvrir de nouveaux horizons, là où personne n’avait été avant (sauf l’Enterprise). C’est dans la collection Denoël Présence du futur que j’ai d’abord découvert les nouvelles de l’auteur, puis son cycle Fondation qui m’a marqué.

Denoël qui reste fidèle à l’auteur, réédite dans sa collection Lunes d’encre, les principales nouvelles d’Asimov. Le recueil de nouvelles porte le titre de la première nouvelle : Quand les ténèbres viendront.

En anglais, il s’agit du recueil Nightfall and other stories. Jamais sorti en intégrale en français. À l’époque, Denoël l’a coupé en trois tomes. C’est donc une grande première de retrouver un volume unique représentant une vingtaine de nouvelles.

J’aurais dû sauter de joie en relisant ces nouvelles qui se sont parfois perdues quelque part dans ma mémoire. Ce n’était pas le cas, car 40 ans se sont écoulés depuis la première lecture, et les textes d’Asimov s’ils restent originaux, le sont beaucoup moins aujourd’hui.

À l’époque de l’écriture de ces nouvelles, Asimov se basait principalement sur des dialogues et peu de narration. Aujourd’hui, ce style est un peu surfait et donne l’impression que l’auteur n’y connait pas grand-chose en technologie malgré le fait que ce soit un scientifique. C’est probablement parce que la science-fiction de l’époque n’avait pas besoin d’être aussi bien détaillée qu’elle l’est aujourd’hui. Les questions philosophiques l’emportaient sur la science pure. Et même dans ces deux domaines, Asimov ne fait que les effleurer dans ses textes. Il ne se risque pas à développer en profondeur les différents aspects des situations qu’il crée. Dans ce sens, ses histoires restent accessibles mêmes aux plus néophytes de la science-fiction.

Je ne passerai pas en revue chaque nouvelle, mais quelques-unes ont retenu mon attention.

Quand les ténèbres viendront date de 1941. Sur Lagash le jour est permanent grâce aux six soleils du système solaire. Ses habitants pensent que la fin du monde va arriver lorsque la lumière de leurs soleils disparaîtra. On assiste à une confrontation entre les croyances et la science.

Hôtesse m’a davantage surpris par son originalité. Inviter un extraterrestre pour des raisons scientifique et puis lui extorquer le secret de sa présence sur Terre. Et si les terriens avaient en eux un virus qui décimerait la population des autres mondes ?

Vide-C était plus dans la lignée que j’attendais. La nouvelle fait référence à un vide-cadavre, porte donnant sur l’extérieur d’un vaisseau qui permet d’éjecter les morts. Dans la perspective de prendre le contrôle du vaisseau piraté par des extraterrestres, un homme va utiliser ce vide-C pour s’emparer du poste de pilotage. Pas mal.

Un livre toujours intéressant et facile à lire qu’il faut replacer dans le contexte des années où il a été écrit. Un recueil qui présente une quantité infime de la production importante de l’auteur, mais qui se focalise plus sur le début de sa carrière. C’est la première fois que Nightfall and others stories sort intégralement en français. Une lacune qui est maintenant comblée.

À collectionner pour les amateurs, et à découvrir pour les nouvelles générations de lecteurs. À ces derniers, je conseille de lire aussi la trilogie de Fondation sortie chez le même éditeur qui reste un chef-d’œuvre.

Quand les ténèbres viendront, Isaac Asimov, Denoël Lunes d’encre, 2015, 576 pages

Asimov - Ténèbres

Au tour de l’amour – Biefnot-Dannemark

Pour les quarante ans du Castor Astral, un livre atypique est publié. Il s’agit d’un recueil de textes en vers et en prose écrits par le tandem Véronique Biefnot et Francis Dannemark. Les deux romanciers, sous un pseudonyme unique (Biefnot-Dannemark), publient deux livres en même temps. Le premier, un roman sur lequel je reviendrai dans une autre chronique : « La route des coquelicots », et « Au tour de l’amour » une plongée au cœur de ce qui motive notre existence, l’amour. Sujet vaste et éternel que les deux romanciers ont voulu aborder à travers des textes, mais aussi à travers des peintures toutes réalisées par Véronique Biefnot. Les dessins s’accordent parfaitement avec les mots. Ils retournent une certaine chaleur, beaucoup de sensibilité et peuvent se regarder indépendamment du texte.

La collaboration des deux auteurs n’est pas neuve, puisque leur dernier roman respectif possédait des éléments de roman de l’autre. Cela s’était aussi traduit par une nouvelle « Wallis & Ashvin » précédemment publiée en anglais, qui est un échange épistolaire entre deux personnes dans un futur improbable. À la lecture des différents textes, le lecteur trouvera des liens avec « Les murmures de la terre » et « Là où la lumière se pose ».

J’ai l’habitude de lire les livres des deux romanciers. Concernant Francis Dannemark, c’est depuis l’histoire d’Alice. Le livre m’a suffisamment marqué pour lire ses derniers opus littéraires, mais aussi pour lire ses précédents livres. Ses textes sont emprunt d’une légèreté, d’un bon sens, d’un amusement, d’une vision positive de la vie même dans les situations les plus dramatiques.

Pour Véronique Biefnot, c’est plus facile, car la romancière et comédienne est aussi une amie. En littérature, elle se révèle être une des romancières belges les plus douées. Sa trilogie sur Naëlle souffle le chaud et le froid et surprend les lecteurs. Et puis, il ne faut pas oublier la peinture, un art qu’elle exerce à merveille et qui peut se voir à travers une exposition ou tout simplement à travers ce livre qui parle d’amour.

Et l’amour, quel sujet peut autant occuper nos pensées et diriger notre vie ? Vaste domaine que les deux auteurs ont abordé pour notre plus grand bonheur avec toute leur sensibilité et talent, à travers l’écriture et la peinture.

Le titre du livre est un jeu de mots qui dévoile un peu le chemin qu’ils veulent faire prendre à leurs lecteurs. Les voies qui mènent à l’amour sont nombreuses et une de celles-ci passe par ce livre.

À travers les différents textes qui font ressortir tous les sentiments qui nous étreignent : le doute, l’incertitude, l’espoir, l’attente, le souvenir, le désir, la mélancolie, la tendresse, l’amusement, l’affection qu’on éprouve, l’envie ou le trouble qui nous assaille nous rappellent que le chemin qui mène à l’amour est parsemé de sentiments qui prennent souvent le dessus sur notre raison. Ne dit-on pas que le cœur à ses raisons que la raison ne connait pas.

Au tour de l'amour3

Je ne pouvais pas chroniquer ce livre sans proposer deux extraits:

Et si c’était la dernière fois…
Si c’était la dernière fois que je vois
Dans les yeux d’un homme qu’il me trouve belle ?
Si c’était la dernière fois que je suis belle ?

Mais aussi :

Avant que le soleil ne disparaisse,
Avant de revenir vers les gestes,
Accorde-moi encore un instant de rêve
Sans parler, sans bouger, laisse-moi te regarder.

Un voyage qui ne nous laisse pas indifférents, dans un pays qui nous est proche et éloigné, qui révèle nos propres sentiments et émotions, et que les deux auteurs ont décidé d’explorer à leur manière. Un moment de magie, de mystère, de plaisir qu’on partage volontiers avec les deux auteurs.

Des mots et des images au tour de l’amour, que les deux auteurs nous proposent de compléter à la fin du livre, par nos propres interprétations de l’amour. Un livre à lire, et à relire, qu’il est bon d’offrir ou de partager avec l’être aimé. C’est aussi un collector pour les quarante ans du Castor Astral.

Au tour de l’amour, Biefnot-Dannemark, Le Castor Astral, 2015, 128 pages, illustrations de Véronique Biefnot

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Légendes d’Afrique – Marc Bailly

Voilà une anthologie que j’attendais depuis un certain temps. Dirigée par Marc Bailly, elle aurait dû voir le jour un an plus tôt. Mais certaines péripéties l’ont retardée. Ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose, car c’est les éditions Elenya qui ont enfin donné corps à celle-ci.

Avant de parler de chaque nouvelle, je voudrais juste précisé que je fais aussi partie des auteurs qui ont participé à son élaboration. Je ne ferai donc aucune remarque sur mon propre texte, me contentant de résumer l’histoire en quelques lignes.

L’Afrique, un continent qui stimule l’imagination des auteurs, surtout lorsque Marc Bailly demande des textes liés à l’imaginaire, c’est-à-dire au fantastique, à la science-fiction et à la fantasy. Et les nouvelles contenues dans cette anthologie abordent justement les trois genres. J’y ajouterai en fil conducteur l’aventure et le mystère. Les histoires se passent à notre époque, mais aussi dans le futur ou à l’aube de l’humanité, sans parler d’une nouvelle qui nous transporte à une époque où l’Afrique ne portait pas encore ce nom.

Et pour écrire ces histoires, une très belle brochette d’auteurs avec lesquels il est agréable de se retrouver dans la table des matières. Au début de chaque nouvelle, les auteurs expliquent comment ils sont arrivés à écrire leur nouvelle.

Gudule commence l’anthologie en donnant le ton général de celle-ci avec « La rose blanche du Caire », qui nous présente une jeune exploratrice qui va se retrouver au musée du Caire à une place qu’elle n’aurait jamais imaginé. C’est mystérieux et original.

Avec « Celle-qui-conte », David Bry nous présente un jeune homme envoyé en Afrique par son père auprès d’un sorcier qui est censé le guérir. La fille du sorcier ne le laisse pas indifférent, mais une fois soigné, lorsqu’il doit regagner la civilisation, il n’y a pas de place pour une compagne.

Boris Darnaudet propose « Gro-Mak-Gra-Che », titre étrange qui correspond au nom des adversaires que son personnage tuera. L’histoire se passe à l’aube de l’humanité.

Avec « Jahia », Céline Guillaume nous parle d’un prince qui n’a pas le droit de voir des femmes et qui se transforme en crocodile le jour où il en rencontre une.

Jacques Mercier propose une nouvelle sombre et mystérieuse « Ankh ». Les personnes qui portent cette croix meurent.

« La résurrection d’Olokun » de Jérôme Felin nous emmène dans une Afrique mystérieuse où certaines personnes se transforment en félin.

« Qui se souvient encore de moi ? » de Emmanuelle Nuncq mélange aventure et science-fiction avec une sorte d’appareil photo surnommé « Victorine » qui permet de prendre des photos à des époques différentes. Original.

« Saxo bird » de Patrick S. Vast est probablement la nouvelle qui s’éloigne le plus du thème de l’Afrique. Elle fait référence à l’âme de Charlie Parker alias Birdie, et l’histoire ne se passe pas en Afrique. Pour fan de Jazz.

« Anima mea » d’Alain Dartevelle mélange des légendes.

« Lettre morte » de Serena Gentilhomme nous propose une nouvelle très sensuelle qui concerne Isis. On découvre comment elle a trompé Osiris avec Seth avant de le tuer. Très envoutant. C’est mieux que cinquante nuances…

« Amazulu est de retour » de Gulzar Joby. Nouvelle de science-fiction qui s’inscrit dans un cadre plus large développé par l’auteur. Un peu déroutant.

« Les éléphants de Sankuru » de Rose Berryl, revient sur une trame plus familière qui mélange conte et nostalgie.

« Sécheresse et chaos » de Kwamé Maherpa. De l’heroïc fantasy. Une longue nouvelle qui tourne autour d’un royaume dans une Afrique imaginaire, et d’une sécheresse provoquée. L’histoire mérite d’être développée pour en faire un vrai roman. Même si cette nouvelle est longue, il y a comme un gout de trop peu. J’espère que l’auteur en fera un roman.

« La robe d’écailles » de Brice Tarvel. Nouvelle qui commence simplement. Le personnage principal a décidé d’avoir une aventure sans lendemain avec Mami Wata. Jusque-là rien d’anormal, sauf qu’elle va se transformer en sirène et que notre héros va être surpris par la suite des événements. Peut-être que la fin mériterait une ou deux pages de plus. Mais Brice Tarvel est comme d’habitude parvenu à capter mon attention !

« Sable » de Christophe Collins. Du classique, mais du bon classique. Dans un futur où les ordinateurs ont disparu, deux soldats sont chargés de récupérer un paquet en Égypte. La mission ne se fera pas sans danger, et le paquet n’est pas ce qu’on pourrait croire. Il y a un petit clin d’œil à un commandant Morane et à Indiana Jones. Belle nouvelle avec une fin originale.

« La fille qui fut promise au dieu-serpent » de Fabien Clavel est un vrai conte, étrange qui mêle des animaux étranges et une jeune femme qui ne parle pas au début. C’est un excellent texte.

« Semences du désert » de Marc Van Buggenhout. J’en arrive à ma propre nouvelle, qui est la plus longue de cette anthologie, et qui parle d’une pyramide noire découverte dans le désert du Ténéré. Les explorateurs découvrent qu’il s’agit d’un octaèdre formé par deux pyramides collées à leurs bases, qu’elle est plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur, et que le temps s’écoule différemment. J’ai fait un clin d’œil à une amie très proche qui est romancière et comédienne. On devinera qui !

« Emela-Ntouka » de Sophie Dabat. Encore un récit étrange où un animal dangereux à un lien direct avec une petite fille. La fin est surprenante, montrant encore une fois que Sophie Dabat sait comment captiver ses lecteurs.

« La voie du dessous » de Jean Millemann nous fait découvrir un homme qui vient voire un sorcier avec l’espoir de guérir son épouse gravement malade. C’est une quête qui l’attend quelque part dans une grotte en plein désert. Belle histoire qui trouve une fin logique mais triste.

L’anthologie se termine par une présentation de chaque auteur. Dans l’ensemble une belle anthologie, bien équilibrée, dans laquelle on ne s’ennuie jamais. Des textes qui mélangent les thèmes de l’imaginaire, et des auteurs qui n’ont pas hésité à proposer des textes originaux. C’est vraiment une belle sélection de textes réunis par Marc Bailly. Le thème n’avait rien d’évident, car tout le monde n’avait pas été en Afrique, et c’est donc l’image du continent de chacun qui a été transposée dans ces nouvelles.

Je ne voudrais pas terminer cette chronique sans mentionner la belle couverture de cette anthologie éditée par Elenya. Le continent africain qui apparait sur le visage est vraiment original.

Belle anthologie qui mérite d’avoir une suite en explorant les autres continents de notre planète. J’ai vraiment passé un très bon moment de lecture, et j’espère en voir d’autres prochainement.

Légendes d’Afrique, anthologie dirigée par Marc Bailly, éditions Elenya, 2015, 404 pages

 Légendes d'Afrique

L’opéra de Shaya – Sylvie Lainé

Curieusement, j’ai eu des difficultés à écrire cette chronique. Cela tient au fait que l’interview qui se trouve dans le recueil de nouvelles reprend une bonne partie de mes propres conclusions sur ce recueil. J’aurais l’impression de répéter ce que Sylvie Lainé répond à Jean-Marc Ligny. Donc, je vais prendre le problème par l’autre bout en étant très subjectif (oh oui !) sur ce quatrième recueil de nouvelles proposé par ActuSF.

Sylvie Lainé, c’est la littérature dans la science-fiction, ou la science-fiction dans la littérature. Elle a une façon d’écrire qui fait d’elle un auteur à part entière, qui navigue entre les deux genres littéraires. Le format nouvelle lui convient à merveille. Nouvelles longues ou courtes, Sylvie est dans son élément et nous amène dans des coins de l’univers qui ne semblent pas être ce qu’ils laissent croire. Le dépaysement est toujours au rendez-vous, même pour un lecteur de la première heure. Sylvie propose un de ses thèmes favoris, la rencontre, le contact avec l’autre, avec l’étranger, avec l’extraterrestre, avec une forme de vie insoupçonnée, où la communication a tout son sens, mais ne s’établit pas dès le départ. Les sentiments des différents personnages viennent enrichir chaque histoire, au point d’en faire des textes uniques.

Quatre nouvelles forment ce recueil. Nouvelles inattendues, qui souvent commencent par une situation idyllique qui lentement révèle un danger, avant de basculer vers l’étrange tinté de cruauté. Car derrière l’apparente quiétude de chaque histoire se cachent des histoires complexes et sombres.

Le paradis, c’est les autres ? Le recueil commence par une excellente préface de Jean-Marc Ligny, qui nous rappelle que les textes tournent autour de trois axes : les rencontres, les échanges et les sentiments. Le titre de cette préface fait sourire, car c’est un clin d’œil à L’enfer c’est les autres, une citation de Jean-Paul Sartre qui apparait dans Huis clos.

L’opéra de Shaya – Nouvelle qui donne son nom au recueil. La plus longue et la plus belle nouvelle de ce recueil, dans lequel on découvre So-Ann qui recherche une planète idyllique sur laquelle elle peut passer un moment. Lorsqu’elle découvre cette planète, elle est assurée de pouvoir y passer deux ans. Le maitre mot de cette nouvelle, c’est imprégnation. Tout est contact physique, tout est sujet à assimilation des fluides, de l’ADN, ou des organes des autres. Que ce soit les habitants de Shaya, ses animaux ou ses plantes, ils sont tous capables de changer leur apparence en fonction de l’ADN des êtres qu’ils touchent.

So-Ann pense être sur une planète qui tient du paradis, car loin de la technologie et du stress de la civilisation. Elle va découvrir une étrange culture qui évolue en fonction de ses propres visiteurs. C’est une histoire très étrange, admirablement bien écrite. Mais derrière cette image de beauté et de plénitude se cache un secret beaucoup plus terrible. Lorsque So-Ann découvre celui-ci, elle met un terme à son séjour et se fixe comme objectif de retrouver la personne qui a imprégné son compagnon sur Shaya. C’est à la fois beau et cruel.

Grenade au bord du ciel – Et si tous les cauchemars, les vilaines pensées, les doutes, les envies qui traversent notre esprit étaient stockés sur un astéroïde et oubliés du commun des mortels. Jusqu’au jour où une mission spatiale retrouve celui-ci et découvre son contenu. Ces souvenirs et ses pensées deviennent tout d’un coup une marchandise, une drogue, qui va faire le bonheur des humains. Étrange nouvelle.

Petits arrangements intra-galactiques – Un vaisseau en panne obligé de se poser sur un monde inconnu, et un pilote qui est pressé de retrouver la civilisation, mais qui doit d’abord penser à trouver de la nourriture. Mais quelle nourriture sur cette planète ? Nouvelle caustique, humoristique, qui fait un peu penser aux histoires de Robert Sheckley.

Un amour de sable – Nouvelle très originale, dans laquelle les humains découvrent un monde de sable. Ils prélèvent des échantillons (de grands échantillons) de différentes couleurs. Mais ils n’imaginent pas que ce sable est vivant, pense, et aime être en contact avec les humains. Une histoire où les sentiments ont un grand rôle à jouer, mais seulement pour une des deux parties de cette étrange rencontre.

Interview de Sylvie Lainé par Jean-Marc Ligny – Avec cette interview, Sylvie Lainé se dévoile un peu plus pour le grand bonheur des lecteurs. Curieusement, je ne m’appesantirai pas sur son contenu, préférant que les lecteurs la découvrent. C’est le point d’orgue de ce recueil. Il mérite bien sa place.

Je suis un inconditionnel de Sylvie Lainé. C’est toujours un plaisir de lire ses textes. Et pourtant, je n’ai pas toujours été un adepte du format nouvelle. Mais au fil du temps, Sylvie m’a fait changer ma vision de l’imaginaire et des textes courts en particulier. C’est aussi pour ça que j’ai préféré chroniquer ce recueil avec un certain retard par rapport à sa date de publication.

Un livre de Sylvie, c’est comme un grand vin. Cela se mérite, cela se déguste, cela s’apprécie, et surtout cela nécessite une lecture plus attentive. Pas besoins de demander d’écrire un roman à Sylvie. Toutes ses nouvelles contiennent les éléments nécessaires à de grandes histoires. La différence, c’est que chaque nouvelle se focalise sur les individus, sur leurs pensées, sur ce qu’ils éprouvent, sur la difficulté à communiquer. Le décor une fois planté et l’histoire lancée, c’est au lecteur de prolonger celle-ci une fois la dernière ligne de texte lue. En fait, les nouvelles de Sylvie Lainé sont de petites perles. Au fur et à mesure que ses recueils sont édités par ActuSF, on rencontre un nombre de plus en plus grand de lecteurs qui ont été convaincus par sa plume.

Je conseille ce recueil à tous ceux qui veulent découvrir la science-fiction à travers des nouvelles de qualité, mais aussi aux habitués de Sylvie Lainé qui attendent avec impatience ses histoires. Je suis certain que lire ce recueil donnera envie de lire les précédents à ceux qui découvrent l’auteur. Encore une fois, un recueil excellent pour lequel je ne peux que remercier Sylvie Lainé de l’avoir écrit et avec lequel j’ai passé un agréable moment de lecture.

L’opéra de Shaya, Sylvie Lainé, ActuSF, 2014, 178 pages, illustration de Gilles Francescano

L'opéra de Shaya

Le rêve de l’exilé – Alain le Bussy

Alain Le Bussy fait partie de ces auteurs belges qui m’ont échappés. Je l’ai rencontré une fois, lors d’un Trolls et Légendes à Mons. À l’époque, je me demandais ce qu’il pouvait bien écrire comme science-fiction. Puis, je me suis dit qu’il fallait absolument combler cette lacune. D’abord parce que c’est un compatriote, et que depuis un certain temps je fais découvrir des auteurs belges sur mon blog, tous domaines confondus. Ensuite parce que j’en ai tellement entendu parler autour de moi et surtout dans le fandom, qu’il m’était impossible de ne pas le lire.

J’ajouterai que ce premier tome de l’anthologie consacrée à Alain le Bussy est paru chez Rivière Blanche, et est dirigée par Marc Bailly. Donc, cette anthologie devenait incontournable pour moi, surtout si je ne voulais pas mourir idiot. C’est donc avec un regard neuf que j’ai abordé cet auteur très prolifique et très actif dans le domaine de l’imaginaire. Il a écrit une centaine de romans et deux fois plus de nouvelles.

En commençant la lecture de cette anthologie, je n’ai pas eu l’impression d’être confronté à des textes obsolètes. Les nouvelles qui la constituent sont toujours d’actualité, et le style de Le Bussy fait que ses textes restent intemporels.

La première de ces nouvelles donne le ton de l’anthologie. Dans Un don inné paru en 1966, qui est le premier texte d’Alain le Bussy, on aborde le space opera, et de manière plus classique, le planet opera. Ce qu’on découvre, c’est un extraterrestre naufragé sur Terre, qui doit attendre que le niveau technologique de la civilisation lui permette de réparer son vaisseau ou d’en reconstruire un , capable de le ramener chez lui. Mais après les siècles passés, l’extraterrestre doit bien s’intégrer au reste de l’humanité, et l’identité qu’il prend est révélée dans les dernières lignes de la nouvelle, et est assez amusante.

La cité des tours mélancoliques reprend le thème du voyageur solitaire qui explore d’autres mondes. Thème qu’on retrouve souvent dans les nouvelles d’Alain le Bussy. L’auteur est à l’aise avec les histoires de planet et space opera.

Le rêve de l’exilé, nouvelle qui donne son titre à cette anthologie, fait référence au dieu endormi, à l’extraterrestre qui un jour a atterri sur Terre pour ne plus repartir. On peut considérer que cette nouvelle est une variante de « Un don inné ».

Les autres nouvelles sont du même niveau, et se passent parfois à notre époque. Alain le Bussy, passant facilement de la science-fiction au fantastique.

On retrouve dans l’écriture d’Alain le Bussy, une forme toujours très épurée, très facile de ses histoires. L’auteur a le mérite d’avoir de très bonnes histoires, bien pensées, mais racontées simplement, avec l’envie pour le lecteur d’aller jusqu’au bout de celles-ci. Dans certaines des nouvelles, on dénote même une forme de poésie chez l’auteur.

Marc Bailly préface cette anthologie dont il a choisi les textes. Il précise que ce premier tome correspond à une période spécifique de l’écrivain qui va de 1966 à 1991. Deux autres anthologies devraient suivre. Dominique Warfa préface la première nouvelle de Alain le Bussy, tandis que George Bormand, Serena Gentihomme, Christian Martin et Jeremy Sauvage ajoutent un hommage en guise de postface. On le voit, l’auteur ne laisse pas indifférent. Au cours de ses cinquante années d’activités dans l’imaginaire, il a tissé un réseau impressionnant d’amis et de lecteurs.

Sur 350 pages, le lecteur trouvera déjà un excellent panel de la productivité en imaginaire d’Alain le Bussy. Ce premier tome devrait être suivi par deux autres, et réjouira les lecteurs qui ont aimé celui-ci, mais aussi ceux qui veulent découvrir en détail l’auteur. Une anthologie qui rend hommage à un excellent auteur de science-fiction d’origine belge.

Le rêve de l’exilé, Alain le Bussy, Anthologie dirigée par Marc Bailly, Rivière Blanche, 350 pages, illustration de Grillon

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Les contes d’Amy – Frédéric Livyns

Mais pourquoi n’ai-je pas lu ce livre plus tôt ? Avec les contes d’Amy de Frédéric Livyns, je retrouve tout ce qui fait l’originalité du fantastique Belge. Et du fantastique, l’auteur nous en sert sur un plateau en contant des petites histoires toutes plus différentes les unes que les autres, mais qui forment un tout dans ce recueil édité par Lokomodo. Un petit livre qui a un prix très démocratique, qui en plus inclut un marque-page.

Curieusement, je n’ai pas lu ces nouvelles les unes à la suite des autres. Entre chacune d’entre elles, j’ai lu autre chose. Peut-être pour mieux apprécier les textes de Frédéric Livyns, pour ne pas être entré et aussi vite sorti de la lecture de ce recueil de nouvelles fantastiques. Et le résultat, c’est que j’ai beaucoup apprécié ce recueil. À travers l’auteur je trouve une relève assurée au fantastique Belge. Jean Ray peut dormir sur ses deux oreilles, Frédéric Livyns est là pour nous concocter des histoires mystérieuses et cauchemardesques. Un fantastique classique à lire, qui pourrait facilement être adapté par le 7ème art.

Le livre a raflé le prix Masterton en 2012, ce qui ne m’étonne pas vraiment en le lisant. Les nouvelles sont courtes et toutes originales. L’écriture est très fluide, et chaque nouvelle est originale. Il y a une certaine homogénéité, un certain équilibre dans ce recueil. Aucune nouvelle ne démérite sa place. Au contraire, chacune apporte une pierre à l’édifice que Frédéric Livyns à patiemment construit. La première et la dernière nouvelle ne forment qu’une seule et même histoire, dans laquelle on peut découvrir qui est Amy. C’est le fil conducteur de ce recueil.

En fait, cela commence par la visite d’un couple, Charles et Coralie, qui a un projet immobilier et s’intéresse à un bâtiment à l’abandon en pleine forêt. L’agent immobilier leur apprend qu’il s’agit d’un ancien asile psychiatrique qui pendant la Seconde Guerre mondiale a été réquisitionné par les Allemands qui en ont fait un point d’observation contre les maquisards. Les pins, c’est le nom de cet ancien institut, accueillaient des pensionnaires qui ont tous été fusillés par les Allemands.

Pendant que Charles visite le bâtiment en compagnie de l’agent immobilier, Coralie découvre des anciens dossiers médicaux qui font référence à une patiente qui s’appelle Amy. Une fillette qui a prématurément vieilli et qui a un don particulier, celui d’effrayer les autres personnes en leur instillant des cauchemars qu’elle a préalablement écrit. Chaque nouvelle correspond à un de ces cauchemars. C’est excellent, bien amené et très fluide.

A noter, l’excellente préface de Christophe Collins, qui lui aussi navigue entre polar, macabre et aventure.

Un bon conseil, si vous voulez dormir sur vos deux oreilles, n’achetez pas un asile psychiatrique en pleine forêt ! Par contre, ne laissez pas passer ce livre, si vous aimez le fantastique. C’est du Belge et c’est excellent.

Les contes d’Amy, Frédéric Livyns, Lokomodo, 224 pages, Prix Masterton 2012, illustration de Jimmy Kerast

Les  contes d'Amy

Autodictionnaire Voltaire – André Versaille

Voltaire, un des esprits les plus vifs et intelligents du 18ème siècle est ici mis à l’honneur à travers ce dictionnaire dont les thèmes ont été choisis par André Versaille, un auteur et éditeur belge. Qui mieux que ce dernier pouvait proposer un dictionnaire de plus de 600 pages dans une collection qui convient tout à fait à l’œuvre de Voltaire. Je veux dire la collection Omnibus.

Un de mes amis m’avait dit qu’il lisait cet « Autodictionnaire Voltaire » et qu’il y prenait un malin plaisir. J’avais noté ce détail quelque part au fond de mon esprit, car j’aime également lire Voltaire dont je venais d’acquérir « œuvres d’humour » chez le même éditeur.

Le hasard a fait qu’en me rendant à la onzième foire du livre belge au centre culturelle d’Uccle, André Versaille était justement interviewé pour nous parler de ce dictionnaire. L’homme avait commis précédemment un « Dictionnaire de la pensée de Voltaire par lui-même », livre de référence. Qui mieux qu’André Versaille pouvait donc proposer ce dictionnaire dont toutes les définitions sont extraites de l’oeuvre de Voltaire. Pour concevoir ce livre, Versaille avait relu en une année la totalité de l’œuvre, soit 25.000 pages. C’est énorme. Mais sachant qu’aucun sujet de discussion n’était écarté par Voltaire, il était nécessaire de relire son œuvre intégralement.

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Ce dictionnaire contient une longue préface d’André Versaille, qu’il nomme « préface inutile » et qui est d’autant plus importante car il s’agit d’un essai sur Voltaire qui intéressera à coup sûr les lecteurs.

J’indique ici quelques thèmes repris dans ce dictionnaire : Amour, Athéisme, Bible, Cul, Démocratie, Esclavage, Juifs, Justice, Liberté, Louis XIV, Pascal, Shakespeare, Théâtre.

En parcourant ce livre dans le désordre (un dictionnaire ne se lit pas du début à la fin), je ne peux m’empêcher de penser que si Voltaire existait à notre époque, il serait certainement une des personnes les plus lues et écoutées au monde. Et qu’à travers un média comme Internet, il aurait encore eu plus d’impact sur notre société.

Deux siècles et demi après sa mort, son œuvre reste d’une grande clarté et se lit avec plaisir. Il n’est toujours pas démodé. C’est un intellectuel qui a très bien relaté son époque.

Avec cet omnibus, André Versaille nous rappelle que Voltaire a encore beaucoup de choses à nous dire.

Autodictionnaire Voltaire, André Versaille, Omnibus, 624 pages, 2013

Autodictionnaire Voltaire

Destination Mars – Marc Bailly

Pour Destination Mars, Marc Bailly avait contacté plusieurs auteurs. Comme il avait déjà lu plusieurs de mes nouvelles, il m’a proposé d’en écrire une, qui plus tard a été retenue. Par la suite, Marc Bailly m’a demandé d’écrire un essai sur Mars dans la littérature imaginaire, avec une contrainte sur le nombre de signes. J’aurais certainement voulu écrire un essai beaucoup plus long et exhaustif, mais les impératifs de l’édition ne le permettaient pas. J’ai dû faire des choix. Curieusement, une partie du texte s’est perdu dans les méandres du Web. Partie qu’on retrouvera si les éditions du Riez rééditent le livre. En attendant, je propose la partie manquante à la fin de cet article (avec la bénédiction de Marc Bailly et des éditions du Riez).

Pour cette anthologie, Marc Bailly a fait appel à des auteurs connus comme à des nouveaux, gardant ainsi un juste équilibre dans le choix des textes. Tous sont francophones. Il a sélectionné 12 nouvelles qui vont du thriller en passant par la politique, l’écologie ou la hard science. C’est très diversifié.

Les douze nouvelles sont accompagnées de deux essais qui permettront aux lecteurs d’approfondir leur connaissance littéraire ou filmographique sur Mars. Ils ne sont pas exhaustifs, mais suffisamment documentés pour que le lecteur y trouve de quoi continuer son exploration de la planète rouge.

Une chose que j’aime bien dans les anthologies de Marc Bailly, c’est qu’avant chaque nouvelle il présente chaque auteur. Présentation suivie d’un court chapitre sur les raisons qui ont poussé l’auteur à écrire le texte qui suit (je peux affirmer qu’il n’avait pas un phaser sur la tempe pour écrire).

Les nouvelles

Brice Tarvel Le Syndrome martien – Des terriens découvrent les martiens, sorte de grandes cocottes roses, qui les forceront à se jeter dans la lave. Étrange nouvelle, dont l’écriture fait penser aux chroniques martiennes de Ray Bradbury. Brice Tarvel continue à m’étonner en passant indifféremment d’un genre à un autre.

Jean-Louis TrudelLes sculpteurs de Mars – Sauvetage sur Mars et sculpture martienne.

Dominique DouayCelui qui attend – Exploration qui commence à quatre et qui finit à un. Les pensées d’un rescapé.

Jean-Pierre AndrevonLe caillou de Mars – À la fois triste et ironique, cette nouvelle parle de l’épidémie mortelle qui décima la population sur Terre après la première expédition martienne.

Gulzar JobyMars l’ancienne – Nouvelle qui nous parle d’un projet d’envoyer des personnes sur Mars, mais sans possibilité de retour. C’est bien écrit, un peu trop long, et cela met en scène deux vieux couples qui vont se rendre sur la planète rouge, ce qui servira les politiques restés sur Terre.

Jonas LennLe Gaucho de Mars – Un artéfact découvert, et un personnage principal contaminé par une entité extraterrestre. Premier contact, mais sur la planète rouge.

Hugo Van Gaert118 heures avant la fin – Très courte nouvelle qui propose un dialogue entre un capitaine de vaisseau et son ordinateur de bord. N’est pas capitaine celui qui croit l’être. Fort éloigné du sujet martien.

Marc Van BuggenhoutRestez chez vous – Et si Mars était une station balnéaire dans une grande confédération galactique ? Les images que nous recevons sur Terre sont falsifiées de telle sorte que nous ne cherchons pas à nous y rendre. Le problème c’est qu’au 21ème siècle, deux missions européennes et asiatiques font route vers Mars, et dès qu’elles poseront un pied, tout ce qui a été construit appartiendra aux terriens.

Jean-Jacques GirardotLes chants de Mars – Les chants de Mars mélange plusieurs genres : le steampunk et le space opera, mais étalé sur des milliards d’années. On dirait qu’Olaf Stapledon est passé par là, mais avec une connaissance culturelle plus approfondie, car on y parle aussi de Mozart et de Chris Rea.

Thierry Di RolloAube dernière – Mars fantasmé par Di Rollo, prétexte pour nous parler de la mort d’une mère.

Frank RogerCiel rouge, sable rouge – Entre politique et terrorisme, cette nouvelle nous relate des événements sur Mars qui ressemblent étrangement à ceux que la Terre a déjà connus. Les colons répèteraient-ils les erreurs du passé faites sur Terre. Sur Mars, un président du Conseil et sa fille qui milite pour retrouver une planète Mars d’avant la colonisation. Pas mal !

Daniel WaltherOlympus Mons – L’ascension du mont Olympe par John Carter. Oui, mais fallait-il qu’il meure d’une crise cardiaque à la fin ? À moins que ce ne soit pas le vrai John Carter.

Essais

Marc Van BuggenhoutMars dans la littérature – Cet essai reprend les livres ou cycles les plus représentatifs concernant la planète Mars. Cela va du 19ème siècle à notre époque. Les livres sont regroupés par thème (expéditions, invasions, les martiens).

Jean-Pierre AndrevonMars au cinéma – C’est une visite guidée que nous propose Jean-Pierre Andrevon. D’abord avec un historique des adaptations cinématographiques concernant Mars, ensuite avec une filmographie très détaillée.

J’ai bien aimé cette anthologie (pas parce que je suis dedans). La planète Mars a toujours été une des destinations favorites des auteurs de science-fiction. La planète rouge fait rêver. Marc Bailly et les éditions du Riez ont eu la bonne idée de faire une anthologie sur ce qui sera le prochain défi technologique et humain de ce siècle.

Une seule critique à formuler sur cette anthologie, l’absence de numéros de page dans le sommaire. Ce n’est pas grand-chose, mais cela simplifierait la vie aux lecteurs qui ne veulent pas lire les textes dans l’ordre qu’a choisi Marc Bailly.

Belle couverture de Pierre le Pivain qui colle parfaitement à l’anthologie.

Destination Mars est une bonne anthologie, très variée. Inégale à plus d’un titre, avec une brochette d’auteurs qui avaient un point commun : nous présenter leur vision de la planète Mars. J’espère que d’autres anthologies du même genre verront le jour.

Destination Mars, anthologie de Marc Bailly, Éditions du Riez, 2013, illustration de Pierre Le Pivain, 339 pages

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Voici la partie manquant dans l’anthologie de l’essai  Mars dans la littérature :

Le gouffre financier que représente une mission martienne à l’heure où bon nombre de pays subissent la crise économique fait reculer l’événement qui devrait être le plus important du siècle. Le premier pas de l’homme sur Mars est sans cesse postposé, faute d’argent et de volonté politique. Le défi est à la fois technologique et psychologique. Technologique, car il faut construire un vaisseau capable de faire l’aller-retour entre la Terre et Mars. Il devra accueillir un équipage qui devra y vivre six mois à l’aller et au retour. Psychologique, car la promiscuité des membres d’équipage ne doit pas engendrer de dissensions, mais une collaboration étroite. Quant au vaisseau, il devra contenir un module d’atterrissage et probablement l’un ou l’autre satellite qui permettra une meilleure communication et géolocalisation sur la planète rouge. Et puis, il faudra déployer assez de matériel pour construire une base pour les astronautes. On ne sait pas encore combien de temps ils passeront, ni combien ils seront sur la planète rouge, mais ce sera sans commune mesure avec ce qu’on a vu lors des missions Apollo. La mission d’exploration sur le sol de la planète rouge durera certainement plusieurs semaines, voire quelques mois. Il faut rentabiliser le coût d’un tel projet. Les astronautes qui un jour fouleront le sol rouge ne pourront pas se contenter de faire quelques pas et quelques expériences. On peut supposer que l’investissement intellectuel et financier aura des retombées économiques et technologiques importantes pour l’humanité.

Si les différentes agences spatiales étudient la question, ce sont surtout les auteurs de science-fiction qui développent le mieux les idées fondamentales pour un projet qui consiste à amener un homme sur Mars. On doit à plusieurs auteurs de hard-science une vision réaliste de ce que sera cette mission. On compte parmi ces auteurs, Arthur C. Clarke, Kim Stanley Robinson, Ben Bova et Stephen Baxter.

Arthur C. Clarke, dans son livre Les sables de Mars nous montre une des premières colonies installées. Sur Mars. Un journaliste est envoyé pour y relater le quotidien des explorateurs. Il découvre une colonie martienne où l’amabilité n’est que façade. En fait, il est l’intrus et est toléré par les colons. Lors d’une exploration, il va découvrir l’existence de martiens, sorte de petits kangourous à l’intelligence similaire. L’un d’entre eux va devenir son ami, ce qui rendra le journaliste plus populaire au sein de la colonie. Tandis qu’il participe au travail quotidien de la colonie, on va lui révéler qu’une des lunes est en train d’être adaptée pour devenir soleil artificiel autour de la planète rouge. La colonie veut son indépendance par rapport à la Terre. Le livre Les sables de Mars est le premier du genre. C’est une approche pas trop naïve de la colonisation de Mars, qui date tout de même de 1951.

On retrouve la planète rouge chez Arthur C. Clarke dans Maelstrom, le tome 2 de son cycle Base Vénus. Cycle qui est en fait une concaténation de plusieurs nouvelles de Clarke, adaptées par Paul Preuss. Dans ce livre, après la découverte d’un morceau de métal, vieux de plus d’un milliard d’années, dans les sables de Mars, on retrouve son héroïne Sparta, à la poursuite d’un ami d’enfance. Mars n’est ici qu’un décor parmi d’autres. Car avec ce cycle, Clarke nous fait visiter tout le système solaire.

Kim Stanley Robinson va plus loin que Arthur C. Clarke. Il nous propose une trilogie sur Mars (Mars la rouge, la verte, la bleue), qui va de la colonisation de la planète rouge à sa terraformation. Un quatrième tome Les martiens est un recueil de nouvelles qui complète la trilogie.

La trilogie montre un futur où l’homme a déjà posé son pied sur la planète rouge. L’Arès, un grand vaisseau emmène cent colons vers Mars, et à son bord se trouve l’homme qui a marché sur Mars. Le voyage durera un an et il sera à sens unique. Ils ne reviendront pas et il leur faudra s’adapter à la planète Mars, ou adapter la planète Mars à eux. Mais cette dernière solution ne plait pas à tout le monde et engendre des conflits. Commence alors un long travail de construction, poussé par l’exode d’autres colons qui fuient une Terre surpeuplée. Cette colonisation aiguise évidemment l’intérêt des multinationales terriennes, qui y voient une manne financière importante.

Tandis que Mars se terraforme et cherche son indépendance, la Terre connait la surpopulation et des catastrophes naturelles. Une chaine de volcans en éruption a fait monter le niveau des eaux.

Cette trilogie est longue et aborde tous les aspects, que ce soit humain, technologique, politique, écologique. Elle est suivie d’un recueil de nouvelles qui se passe dans les blancs laissés libres de la trilogie. Un cycle de référence.

Avec Mars, Ben Bova propose une science-fiction plus classique, plus hard science. Il présente la première expédition humaine vers la planète Mars. Ce qu’elle devrait être encore ce siècle-ci. L’histoire est parsemée de flashbacks qui concernent la sélection des membres d’équipage. En dehors de son aspect technique, ce livre se focalise davantage sur l’aspect psychologique ou humain d’une telle expédition. Ce livre est sorti avant la trilogie de Kim Stanley Robinson, mais a été publiée en français bien après celle-ci.

Ben Bova écrira une suite Retour sur Mars qui se passera six ans plus tard. L’histoire est davantage calquée sur le projet Mars Direct présenté à la NASA par Robert Zubrin en 1981.

Voyage de Stephen Baxter est une uchronie qui se passe dans les années 70 et 80. Kennedy n’a pas été abattu à Dallas, et la NASA ne se contente pas de mettre un pied sur la Lune. Plutôt que d’explorer le système solaire avec des sondes, l’humanité se focalise sur Mars. La prochaine étape spatiale sera la planète rouge et l’année de cet événement sera 1986.

Baxter nous conte une mission spatiale dans ces moindres détails, depuis la conception de la mission, en passant par le choix des technologies, l’incertitude de la mission, l’inquiétude du lancement, l’ennui du voyage, l’exaltation de l’objectif enfin atteint, et le retour sur Terre. C’est un roman de hard science comme Baxter sait le faire. Le livre, assez épais, reste très cohérent avec la technologie de l’époque. Il n’est pas certain qu’à notre époque on s’y prendrait de la même manière. En tout cas, Baxter reste en phase avec les programmes spatiaux de l’époque. Une référence, un livre à comparer avec celui de Ben Bova.

Références littéraires

Plutôt que de donner une liste de livres de science-fiction sur la planète Mars, je donne ici quelques références que le lecteur pourra approfondir.

  • Mars & SF (http://gotomars.free.fr/marsintro.html)
    Ce site est une vraie mine d’informations consacrée à la planète rouge et à la science-fiction. Les références que je pourrais donner sont pratiquement toutes sur ce site. Donc, commencez par-là votre exploration de la planète rouge.
  • Guerre des mondes ! de Jean-Pierre Andrevon (Les moutons électriques)
    Essai consacré au livre de H.G. Wells et à toutes ses adaptations littéraires, illustrées et cinématographiques. Cet essai est vraiment exhaustif sur la guerre des mondes.
  • Destination Mars de Alain Dupas (Solar)
    Livre de vulgarisation scientifique entièrement consacré à Mars. Cela va de la mythologie jusqu’aux futures missions d’explorations spatiales.
  • L’homme sur mars de Charles Frankel (Dunod)
    Un livre consacré à la préparation et à la réalisation d’une mission humaine sur Mars. Une mission, comme si on y était.

Il était impossible d’être exhaustif en écrivant cet article. J’ai donc dû me résoudre à parler des auteurs qui ont écrit des livres et pas des nouvelles sur Mars. J’ai par exemple éliminé Les sables de Mars d’Isaac Asimov, Total recall de Philip K. Dick. J’ai également fait l’impasse sur des livres comme Les conquérants de l’univers de Richard Bessiere, Roi de l’espace de Captain W.E. Johns, Ilium et Olympos de Dan Simmons, L’envol de Mars de Greg Bear ou Le grand livre de Mars de Leigh Brackett. On le voit, ce n’est pas les livres de science-fiction qui manquent sur Mars.

Mars reste pour l’instant un rêve inaccessible pour l’homme, mais pas pour l’humanité. Les sondes et les robots sont les seuls à pouvoir s’y rendre. Le premier homme, et pourquoi pas la première femme, devra encore attendre quelques décennies avant de pouvoir poser le pied sur Mars. En attendant, la science-fiction représente le seul moyen pour chacun de se rendre sur la planète rouge.

Marc Van Buggenhout

La perle d’éternité – Céline Guillaume

Après le tumulte d’un livre de science-fiction, j’avais envie de lire un roman court, qui me sortirait d’un genre que je ne connais que trop bien. En général, j’alterne fantastique, fantasy et science-fiction. Et je m’étais promis de lire un livre de Céline Guillaume, en particulier son roman « La perle d’éternité » dans son édition Lokomodo. Le roman est complété par d’autres récits fantastiques, ce qui fait de ce livre un excellent recueil de nouvelles.

La perle d’éternité met en scène Blandine, une jeune archéologue qui a perdu son fiancé Julien. Plutôt que de se laisser abattre par les événements, Blandine continue les recherches archéologiques commencées par son fiancé. Elle est l’invitée du château d’Aube-Croix, et fait la connaissance de son propriétaire, l’étrange Charles Cornier. Il l’incite à continuer ses recherches archéologiques, car cela donnera plus de valeur au château s’il veut le revendre.

Blandine va vivre des événements étranges, qui vont l’amener à s’intéresser à Albérède d’Aunis, une châtelaine qui a été emmurée vivante au moyen-âge. Cela va commencer par une bague qui va se retrouver à un de ces doigts, un petit matin lors de son réveil. Elle va voir des fantômes et assister à des phénomènes surnaturels. Une visite nocturne dans un passage secret du château va lui faire découvrir l’histoire d’Albérède. Le châtelain actuel qui va la surprendre dans son exploration nocturne va lui demander d’arrêter celle-ci. C’est alors qu’on constate que l’homme est étrange, et que lui comme elle a un lien avec ce passé médiéval. On pourrait parler ici de réincarnation à travers les âges. Apprendre qui est Albérède, c’est apprendre sur elle-même.

Malgré une histoire très intéressante, pleine de mystère et de magie, c’est vers Blandine et vers l’ambiance mise en place que notre attention est attirée. Céline Guillaume a un talent certain pour rendre ses personnages attachants (ou repoussant comme on le verra dans les nouvelles qui suivent) et à créer un climat empreint de mystère qui ravira le lecteur.

Le thème principal de cette histoire, c’est l’amour à travers le temps, au-delà du temps. Un amour qui se répète à diverses époques avec des personnages qui se sont réincarnés.

Je ne cache pas que cette histoire m’a tellement intrigué que j’ai cherché Aube-Croix sur le Web et que j’en suis arrivé à la conclusion que l’endroit est sorti tout droit de l’imagination de Céline Guillaume. Roman court ou longue nouvelle, je laisse le lecteur décidé. Dans tous les cas, c’est un excellent texte qui ravira les amateurs de fantastique médiéval.

Le titre du livre est « La perle d’éternité et autres récits fantastiques ». On a donc droit à 14 textes supplémentaires qui viendront prolonger le climat mystérieux et magique dans lequel Céline Guillaume nous a plongé.

« Au bout du chemin » nous emmène dans une partie de la France qui n’est pas reprise sur une carte. « Les flammes de l’au-delà » nous présente le tenancier d’une auberge à l’époque de Louis XV, qui n’en peut plus de vivre avec sa femme devenue un laideron et un pochetron. Mais parfois, un simple souhait fait bien les choses au point de parler de combustion spontanée. « Théobald Mendola » va dans le même sens, mais cette fois-ci ce sera un gros rat blanc qui sera l’instrument du destin, souhaité par un enfant qui n’apprécie pas sa tante. Les nouvelles qui composent ce recueil sont soit amusantes, soit macabres. Mais dans tous les cas, envoutantes.

Je pense que la vraie perle de ce livre, c’est tout simplement Céline Guillaume, qui nous propose son univers fantastique, dans un style très personnel, très onirique et archéologique, avec une écriture d’une grande fluidité, influencée par le passé médiéval. C’est un vrai moment de détente, de bonheur et de lecture.

On sent à travers les textes de Céline Guillaume toute l’émotion, toute la sensibilité à fleur de peau de l’auteur. Derrière chaque vieille pierre se cache peut-être quelque chose de magique et mystérieux qui nécessite d’être explorer ou dévoilé. J’aime ce genre de fantastique qui n’est pas sanglant comme c’est de plus en plus le cas à l’heure actuelle. Je suis sorti du livre un peu émerveillé avec l’envie de lire d’autres textes de Céline Guillaume. C’est une romancière qui a l’art d’envouter ses lecteurs, ce qui rend la situation cocasse et attachante.

C’est donc un livre à lire absolument, petits et grands, à un prix très démocratique.

La perle d’éternité et autres récits fantastiques, Céline Guillaume, Lokomodo fantastique, 240 pages, 2011

La perle d'éternité

Destination Univers – Debats et Dunyach

Anthologie de science-fiction consacrée aux grands espaces. Elle est proposée par Jeanne-A. Debats et Jean-Claude Dunyach et est éditée par Griffe d’encre. Les huit textes vont sensiblement dans le même sens. Après lecture, j’ai trouvé cette anthologie bien équilibrée mais pas sans défaut. Dommage que les deux anthologistes aussi auteurs de science-fiction ne proposent pas un de leurs propres textes.

Les TigesThomas Geha

Les Tiges et les Ailairdarlis se font la guerre, et au milieu de ce conflit se trouvent les humains. Lors de la lecture, j’avais l’impression qu’il s’agissait d’un texte expurgé d’un roman. Certains idées n’étaient pas claires., Cette nouvelle se raccrochait au livre La guerre des Chiffoneurs édité par Rivière Blanche, que je n’ai pas lu. Je n’ai pas accroché probablement parce que je n’ai pas lu le roman.

Évaporation et sublimationAnthony Boulanger

Voilà la nouvelle qu’il faut retenir de cette anthologie. Elle nous parle des oiseaux de feu, qui surgissent des étoiles. On y découvre entre autres l’oiseau-lumière, l’oiseau-ténèbres et d’autres qui vont se détacher du corps du premier ou le réintégrer. Cette nouvelle démarre comme une légende, et on est subjugué en tant que lecteur tellement c’est bien raconté. On découvre que sur leur passage, ces oiseaux de feu détruisent inconsciemment des civilisations. Jusqu’au jour où les humains découvrent qu’en créant des vortex spatio-temporels dans les étoiles, ils peuvent immobiliser les oiseaux de feu et les détruire. Cela se passe sur des décennies, des siècles. Cette nouvelle est plutôt une narration du face à face entre les oiseaux de feu et la civilisation humaine. Cette nouvelle est vraiment originale, au point qu’Anthony Boulanger devrait plutôt en faire un roman avec des personnages humains à développer et des conflits sur la manière de faire face aux oiseaux de feu. C’est une simple suggestion de ma part. Si je ne dois retenir qu’une nouvelle dans cette anthologie, c’est bien celle-ci.

Le bal des méduses – Célia Deiana

Étrange nouvelle que celle de cet enfant prisonnier sur un vaisseau, qui va vivre l’attaque du vaisseau sur lequel il se trouve. Puis il va rencontrer un vogueur et prendre sa place. Voyage initiatique, plutôt poétique, qui est très bien écrit.

Sleeping beautyAnne Fakhouri

On suit Olbomce, un spécialiste en cybernétique, qui en compagnie de son fils navigue sur son vaisseau le Sleeping beauty. L’homme fuit la civilisation, jusqu’au jour où il rejoint une station spatiale où il retrouve son ex-femme. Le conjoint de clle-ci n’est autre que celui qui dirige la station spatiale. On demande à Olbomce de réparer un androïde femelle, sous peine de se voir emprisonner définitivement. Histoire très intéressante, qui manque d’ampleur et de détails. C’est un roman qu’il fallait écrire, et pas simplement une nouvelle qui laisse un gout de trop peu chez le lecteur.

Le gambit de HungerOlivier Gechter

Encore un space opera dans cette anthologie, avec Amy une chasseuse de prime. Elle capture un pirate très recherché et le remet aux autorités locales d’une planète reculée dans la galaxie. Cette capture devrait la mettre définitivement à l’abri sur le plan financier pour le reste de son existence. Malheureusement pour elle, le pirate en question (Hunger) va lui subtiliser son vaisseau et fuir. Tout est à refaire. Une bonne nouvelle, plutôt pessimiste, mais qui se laisse lire.

Le Marathon des trois lunesAurélie Ligier

Encore une histoire sombre, dans laquelle on suit des colons qui font face à un ennemi local, ou plutôt a un virus qui décime la population. Le capitaine d’un vaisseau semble avoir fait une grosse erreur qui a couté la vie à des milliers de passagers. Plutôt qu’aller en prison (bien qu’il ne soit pas le seul à avoir fait des bourdes), il doit participer à un Marathon où seul le vainqueur retrouvera une vie normale. Les autres seront enrôlés de force dans l’armée. Nouvelle sombre qui fait penser à Marche ou crève de Stephen King.

Les dieux bruyantsLaurent Genefort

Les humains qui ne pensent qu’à coloniser d’autres mondes, rencontrent les Pilas, des autochtones aux allures de pieuvres. Le contact entre humains et Pilas n’est pas des plus francs, et un incident dramatique va accroitre le fossé qui les sépare. On retrouve un thème classique de la science-fiction, le contact avec d’autres races, le choc des cultures. On retrouve également le cycle des portes de Vangk de Laurent Genefort. Encore une fois, un texte trop court qui mériterait d’être plus développé.

Le Khan MergenOlivier Paquet

Histoire de ville mongole qui se déplace sur des pattes mécaniques. Ses habitants son réfractaires à la technologie, conditionnés devrais-je dire contre toute forme de progrès technologiques. Contrairement aux autres, Kushi , qui retourne dans sa ville natale, sait que le monde ne se résume pas aux cités. Il vient du Melkine, un vaisseau scientifique d’exploration. Sujet original, qui mériterait aussi un développement plus approfondi. Le texte ne coule pas de source, mais l’idée est intéressante.

L’impression générale que j’ai à propos de cette anthologie, c’est que chaque texte est un résumé de quelque chose de plus grand, ou appartient à un roman ou un cycle. C’est le cas pour Thomas Geha et Laurent Genefort avec les chiffoneurs et les portes de Vangk. Dans l’ensemble, les textes sont plutôt pessimistes. Ce que n’attend pas nécessairement e lecteur qui aime le space opera en particulier. Il y a des textes de qualités dans cette anthologie. L’idée que j’en retiens, c’est qu’ils sont trop courts et trop sombres. Néanmoins, cette anthologie est intéressante. Elle montre que la science-fiction à encore de beaux jours devant elle. A lire.

Destination Univers, Jeanne-A Debats & Jean-Claude Dunyach, Griffe d’encre, 242 pages, 2012, illustration de Alexandre Dainche.

Voisins d’ailleurs – Clifford D. Simak

 

La sortie de Voisins d’ailleurs chez Folio SF permet de renouer avec cet auteur de l’âge d’or. Ce recueil contient neuf nouvelles dont le thème principal tourne autour de voisins extraterrestres agissant sur notre planète, ou oubliant certains objets qui ont des conséquences sur nos vies. Les histoires se situent pour la plupart dans le milieu rural, que Simak connait très bien pour y avoir été cultivateur. Il nous présente des personnages sympathiques, volontaires et pleins de bon sens qui sont confrontés à des machines qui émettent des cliquetis avant de pondre des objets (La maternelle), ou qui troquent (Le bidule).

Simak ne se contente pas d’ajouter un élément extraterrestre à ses histoires, il y ajoute également des éléments spatiotemporels. Par exemple l’étranger qui après deux heures de route n’a toujours pas trouvé l’entrée d’autoroute alors que le cultivateur qui emprunte la même route n’aura besoin que de dix minutes pour la trouver (Le voisin). La fin des maux nous montre comment on peut soigner les maladies sur notre planète, mais en rendant les humains un peu moins intelligents. Des objets viennent du futur (Le cylindre dans le bosquet de bouleaux) ou des personnes étaient déjà présentes, loin dans notre passé (La photographie de Marathon, La grotte des  cerfs qui dansent). Ce qui peut paraitre un paradoxe temporel trouve son explication rationnelle. Curieusement la nouvelle Un Van Gogh de l’ère spatiale sort du thème imposé. C’est aussi le texte le plus faible de ce recueil.

Simak a un style fluide, sans fioriture, toujours agréable à lire un demi-siècle plus tard. Un livre qui ravira certainement les fans de Simak. Un livre qui en appelle d’autres, je l’espère…

Voisins d’ailleurs, Clifford D. Simak, traduit par Paul Durastanti, 400 pages, Denoël Folio SF, 2012

 

 

 

 

Les dossiers secrets de Harry Dickson T.3 – Brice Tarvel

Voici le troisième tome du cycle Harry Dickson, écrit par Brice Tarvel et édité par Malpertuis. Au programme, deux longues nouvelles qui tiennent toutes leurs promesses. Lire un Harry Dickson, c’est comme lire un Bob Morane ou un Sherlock Holmes, l’aventure, le policier et le fantastique sont au rendez-vous.

Comme j’ai grandi avec Bob Morane et Harry Dickson, je ne pouvais pas laisser passer ce livre. Après avoir lu un pavé de science-fiction en deux parties, ce tome 3 du plus célèbre des détectives américains était une aubaine.

Le gouffre des ombres

On retrouve Harry Dickson et son fidèle Tom Wills dans la petite ville de Scalby qui fait face à la mer du Nord. Alors que les deux compères recherchent Black Rat l’assassin à la hache, un événement inconnu se produit. Une partie d’un champ s’effondre, laissant un grand trou béant. En voulant examiner celui-ci, Harry Dickson va se retrouver pendant un bref instant en suspension au-dessus de celui-ci. Ce qui va aiguiser sa curiosité et l’inciter à aller visiter les grottes qu’il y a en dessous et qui donnent sur la mer. D’abord, c’est face à des soldats allemands qu’il sera confronté. Mais rapidement, il va se rendre compte qu’ils n’en ont que l’apparence. La grotte abrite des poulpes qui viennent d’un autre monde ! Nouvelle dans laquelle Brice Tarvel ne nous fait pas basculer vers la science-fiction, mais laisse le lecteur dans une ambiance fantastique.

Le jardin des mandragores

D’étranges hold-up meurtriers sont commis à Londres. Sur les lieux du crime, de la mandragore est retrouvée. Par un curieux hasard, Tom Wills va retrouver une amie d’enfance qui habite en face de la demeure de trois sœurs Tanner. Celles-ci possèdent une serre mystérieusement éclairée la nuit, ce qui va fortement intriguer Tom Wills. Le jeune homme va se rendre dans cette étrange serre, et sera suivi de son amie. Pendant ce temps, Harry Dickson qui est sur l’affaire des hold-up meurtriers va s’inquiéter de ne pas revoir son protégé. Et voilà qu’une nouvelle enquête prend cours pour retrouver Tom Wills. Ce que Harry Dickson ne sait pas encore, c’est que cette dernière enquête est liée à celle des hold-up. Au cœur de Londres, avec un fog omniprésent, Brice Tarvel  restitue très bien une atmosphère mystérieuse et lourde, dans laquelle le danger plane en permanence.

Au final, deux nouvelles très agréables, très fluides, captivantes, dans lesquelles on ne s’ennuie jamais. Brice Tarvel a bien repris le flambeau. L’héritage laissé par Jean Ray est dans de bonnes mains. On retrouve ici le côté inquiétant et fascinant qu’il y a dans les vieux films fantastiques en noir et blanc.

Un bon conseil : lorsque vous rencontrez des serres fortement éclairées la nuit contenant des homoncules, fuyez ! Et le même conseil est à prendre à la lettre pour les grottes contenant des poulpes ! Je laisse aux lecteurs le loisir de découvrir à quoi je fais référence.

J’ai vraiment bien aimé ce livre, au point que je lirai les suivants. La couverture de Christophe Alves colle parfaitement avec l’histoire. Évidemment, ce n’est pas Albert Roloff, mais c’est exactement à quoi correspond une des deux histoires. Voilà un bon moment de lecture fantastique, et un héros qui n’a pas pris une ride.

Les dossiers secrets de Harry Dickson T.3, Brice Tarvel, Editions Malpertuis, 2012, 130 pages, illustration de Christophe Alves

Les enfants de Masterton – Marc Bailly

L’anthologie présentée par Marc Bailly chez Rivière Blanche reprend neuf nouvelles fantastiques qui ont remporté le prix Masterton. Le prix a été créé en 2000 par Marc Bailly, et est décerné chaque année par un jury de professionnels francophones de la littérature. Le prix est attribué à trois catégories distinctes : un roman francophone, un roman étranger traduit en français, et une nouvelle.

Personnellement, je n’ai pas lu le moindre livre de Graham Masterton. Cette anthologie est donc pour moi une occasion de me familiariser au genre de prédilection de cette auteur. On peut voir cette anthologie de nouvelles comme un hommage à l’auteur. Et le fait qu’on n’y trouve que les gagnants de chaque année est un gage de qualité. La lecture des différents textes m’a agréablement surpris, dans le sens où il n’y a aucune nouvelle qui n’a pas sa place dans ce livre. Le sommaire est le suivant :

Préface de Graham Masterton
Présentation du Prix Masterton par Marc Bailly
Michel Pagel : La Roche aux Fras
Anne Duguël (Gudule) : Cadavres Exquis
Sylvie Miller : Un choix réfléchi
Armand Cabasson : Dragons, Renards et Papillons
Francis Berthelot : Le Serpent à Collerette
Michel Rozenberg : Les Maléfices du Temps
Sylvie Miller & Philippe Ward : Le survivant
Mélanie Fazi : Notre-Dame aux Écailles
Richard D. Nolane : Séparation de corps

Avec La roche au Fras, on nous emmène sur l’ile d’Yeu lors d’une tempête. On y découvre des fadets et surtout que l’invincibilité n’est pas de ce monde.

Cadavre exquis, est plutôt macabre puisqu’on suit les pensées d’une morte en train de se faire enfourcher par un nécrophile.

Un choix réfléchi nous parle des aléas de la vie, et de l’incapacité de prendre de bonnes décisions de son personnage principal. Heureusement, son reflet dans la glace se dissocie de lui au moment où il fait le grand saut.

Dragon, renard et papillon se passe au moyen-âge japonais et nous compte l’histoire d’un seigneur qui va faire confiance à celle qu’il croit être sa concubine. Que les apparences sont trompeuses dans cette nouvelle qui porte bien son nom.

Le serpent à Collerette est un conte admirablement écrit, où des enfants sont persécutés par un étrange serpent et son maître.

Les maléfices du temps nous font rencontrer un clown qui dirige une femme vers un magasin très bizarre. À coup sûr, la nouvelle qui déroute le plus le lecteur, une fois qu’on est dans le magasin. Surtout lorsqu’il y a des livres qu’on ne peut pas lire et des boites qu’on ne peut pas ouvrir. Excellent.

Le survivant nous apprend qu’un joueur de blues doit son succès et sa longévité au diable.

Notre-Dame aux écailles est plus onirique et nous entraine en pleine nuit auprès de statues de pierre. C’est beau.

Séparation de corps commence avec un site Web porno et se termine par la douleur. Je n’en dirai pas plus.

A noter également qu’à la fin du livre le lecteur trouvera une présentation de chaque auteur.

Cette anthologie est bien équilibrée, sans réelle faiblesse. Tous les textes sont préfacés par les auteurs ou par Marc Bailly. La nouvelle de Francis Berthelot a reçu un second prix, celui de la meilleure nouvelle de ces dix dernières années. A la lecture, j’ai effectivement trouvé qu’elle était excellente. Mais ce n’était pas ma préférée. J’ai davantage été attiré par Les maléfices du temps de Michel Rozenberg. Sans doute était-ce parce que ma sensibilité plus « fantastique belge » correspondait à ce texte.

En voyant la couverture, je pensais être tombé sur un livre gore, dans lequel les différents personnages se faisaient tronçonner au fil des pages, ou des clones du comte Dracula sévissaient à chaque coin de rue. En réalité, il n’en est rien. On a droit à tout le panel du fantastique, avec des scènes parfois d’horreur, mais avec des histoires qui mériteraient d’être plus développées sous la forme de romans. Auteurs, traducteurs, éditeur s’y trouvent, révélant leur talent pour un genre qui fait frissonner le lecteur. Pas besoin de vampire ou de magicien pour dépayser le lecteur et lui faire passer un bon moment de lecture. En fait, quand on arrive à la fin de l’anthologie, on a comme un gout de trop peu. Tiens, c’est déjà fini ? Ah, il faut attendre la prochaine anthologie ? Tant pis, j’attendrai !

Je pense que Rivière Blanche n’en restera pas là, et renouvellera ce genre d’initiative. Tout comme Marc Bailly, qui nous proposera certainement d’autres nouvelles liées au prix Masterton.

Voici une anthologie, qui démontre que les francophones n’ont rien à envier aux Anglo-saxons en matière de fantastique. Des textes réunis autour d’un prix, qui se laissent lire sans déplaisir. À coup sûr, un livre qui fera passer un bon moment au lecteur.

Les enfants de Masterton, Marc Bailly, Rivière Blanche, 2011, 241 pages, illustration de Nick Tripiciano

Dimension Galaxies – Jean-Claude Dunyach et Stéphanie Nicot

Rivière Blanche nous propose une sélection de nouvelles francophones issues du magazine Galaxies. Cette anthologie est présentée par Jean-Claude Dunyach et Stéphanie Nicot. En un peu moins de 400 pages, on a droit à un panel d’auteurs contemporains qui ont apporté leur contribution au magazine entre 1996 et 2007.

Je ne me suis intéressé au magazine que depuis qu’il a ressuscité, c’est-à-dire après la période correspondant à cette anthologie. Je lis en général tout, sauf les nouvelles ! C’est donc l’occasion pour moi de rectifier le tir en me focalisant davantage sur les textes écrits par des auteurs francophones. Galaxie (sans « S »), c’est aussi le magazine que je lisais dans les années 70, à la recherche de textes de Frederik Pohl, Jack Williamson ou Jack Vance.

À travers 15 textes écrits par des auteurs pas toujours très connus du grand public, l’anthologie brosse un portrait de la science-fiction francophone de ces deux dernières décennies. Certains auteurs ne s’en sortent pas trop mal.

On a d’abord droit à une préface de Jean-Claude Dunyach et Stéphanie Nicot, qui nous font l’historique de Galaxies.

Thierry LEVY-ABEGNOLYPartage. Nouvelle qui fait froid dans le dos. Lorsque deux médecins se retrouvent seuls sur une base martienne, sans aide, attendant des secours qui mettront des semaines à arriver, ils n’ont d’autre recours pour survivre que de se manger entre eux !

Sylvie LAINÉUn signe de Setty. Sylvie reste égale à elle-même. Avec cette nouvelle qu’on a pu précédemment relire dans Le miroir aux esperluettes, on découvre le petit monde de Léa, univers virtuel, adapté par son ami Franck. On découvre une IA qui a des origines extraterrestres. Le face à face humain et IA est admirablement décrit par Sylvie.

Richard CANALhttp://www.starsong.cs. L’auteur a décidé d’utiliser tous les termes informatiques qui lui venaient à l’esprit, ainsi que des noms du domaine. L’informaticien que je suis n’y a vu que de la poudre aux yeux, surtout que les deux premiers tiers de la nouvelle sont facultatifs. Il manquait juste Bill et Steve à cette histoire. Dommage.

Michel JEURYLa Bonne étoile. Nouvelle sobre de Jeury, qui nous conte un pèlerinage. Celui de jeunes qui partent pour les étoiles.

Claire BELMAS & Robert BELMASBergère ô. Les auteurs nous emmènent dans un Paris futuriste sous les eaux, où la tour Eiffel existe encore. Ulysse, le capitaine Nemo, le Hollandais Vanderdecken rencontrent une IA nommée Cynthia. Original de mélanger des personnages appartenant à des époques différentes.

Marie-Pierre NAJMANUne Voix dans sa cité-mémoire. Étrange et originale nouvelle, dans laquelle on assiste à un voyage dans sa propre mémoire. En quelques jours, plusieurs décennies vont passer. Le sujet est admirablement traité.

Jean-Pierre ANDREVONIl y a toujours une seconde chance. L’écriture d’Andrevon est un vrai régal, mais sa nouvelle est inutilement longue. Nous raconter le quotidien d’un grand nombre de personnages n’invite pas le lecteur que je suis à vouloir aller jusqu’au bout. Et pourtant, c’est ce que j’ai fait, car dans le dernier tiers de cette nouvelle l’histoire est enfin expliquée. Et cette bonne vieille Terre sur laquelle nous vivons a droit à une seconde chance.

Fabien TOURNELGrandeur et décadence d’une valeur boursière. Aujourd’hui on est un joueur de football qui a de la valeur. Demain, on n’est plus rien. Histoire de sport et de valeur boursière. Je n’ai pas accroché.

Francis VALÉRYBwana Robinson. Voilà un humain qui se retrouve coincé sur une planète avec un vaisseau en panne. Il rencontre un extraterrestre qu’il veut faire travailler pour lui. Mais celui qui commande n’est pas celui qu’on croit. Un brin d’humour pour une nouvelle classique.

Frank ROGERLa Guerre au vingt heures. Suivre une mission de commando via une chaine de télé. Cette nouvelle n’est plus vraiment de la science-fiction, mais correspond bel et bien à la réalité.

Jean-Baptiste CAPDEBOSCQPêche à la mouche. Mission de sauvetage dans l’espace. Un vaisseau qui dépasse son orbite. Science-fiction classique.

Jean-Jacques GIRARDOTSur le seuil. Et si on était une incarnation de soi ? Déjà mort, mais ressuscité, avec la possibilité de vivre ou de se supprimer. Nouvelle originale, bien qu’un peu courte.

Serge LEHMANPanique sur Darwin Alley. Un canular sur les soucoupes volantes. Et derrière tout ça, des dépenses énergétiques, et des émissions télévisées. Pas mal, mais un peu court.

Serge DELSEMMELa Porte étroite. J’ai adoré ! Échange de courrier entre un nonce apostolique et un ministre des affaires étrangères. Le pape doit bientôt faire une visite dans le pays du ministre, mais le problème c’est qu’il a dans ses bagages une drôle de bestiole d’origine extraterrestre, et que la loi du pays ne permet à cette dernière de pénétrer. Cela commence sérieusement, mais ça se déride au fil des mails qui sont envoyés. Un petit bijou d’humour.

Olivier PAQUETSynesthésie. La porte des étoiles, vous connaissez ? Et si cette porte était dirigée par une IA ? Et bien, cela donne une excellente nouvelle dans laquelle la civilisation humaine est face à un ennemi qui veut franchir cette porte, mais n’y parvient pas. Cette nouvelle mériterait un développement sous forme de roman.

Les anthologies francophones, ce n’est pas à proprement parlé mon genre de prédilection. Mais avec l’idée de combler mes lacunes, j’ai abordé cette anthologie de manière neutre. Comme je le dis plus haut, il s’agit d’un panel d’auteurs qui ont été publiés dans le magazine. Ce n’est pas nécessairement ce qu’ils ont fait de mieux (pour certains), mais cela donne une bonne idée de la science-fiction de ces deux dernières décennies. Dans l’ensemble, j’ai bien aimé cette anthologie.

C’est un recueil bien équilibré, qui ne reprend pas tous les ténors de la science-fiction francophones. Mais fait voyager le lecteur dans l’espace, dans le temps, ou tout simplement au fond de sa mémoire. Pas mal !

Dimension Galaxies, Jean-Claude Dunyach et Stéphanie Nicot, Rivière Blanche, 2011, 406 pages, couverture de Gilles Francescano

 

Frères lointains – Clifford D. Simak

Après le recueil de nouvelles « Voisins d’ailleurs », Le Bélial nous propose un second recueil de nouvelles de Clifford D. Simak. Ce « Frères lointains » s’inscrit tout à fait dans la lignée du premier tome. En commençant sa lecture, je m’attendais à retrouver le style si caractéristique de Simak. Et au bout du compte, je n’ai pas été déçu. L’auteur est toujours aussi agréable à lire.

Il faut remercier Le Bélial pour son initiative de rééditer Simak. Cela fait des années qu’on a plus eu l’occasion de voir une réédition de cet auteur. À part quelques classiques encore au catalogue, ou en omnibus, l’auteur a pratiquement disparu des librairies. Je devrais dire que ce recueil de nouvelles est principalement édité pour les amateurs avertis. Mais ce ne serait pas rendre service à l’éditeur. Non, Simak doit être lu par les nouvelles générations de lecteurs autant que par les anciennes. Il a toujours sa place en science-fiction. Cette version révisée et traduite par Pierre-Paul Durastanti, s’ouvre par un avant-propos de sa plume.

Au programme de ce recueil, huit nouvelles et une postface très intéressante, qui est une vraie bibliographie de Simak. Huit nouvelles, dont quatre inédites, qui me semblent tout de même moins marquantes. Mais ne boudons pas notre plaisir.

Le frère – Un journaliste enquête sur le frère d’un vieil homme. Le problème, c’est que personne n’a vu ce frère, et qu’il n’est enregistré nulle part. Nouvelle qui rappelle le premier recueil de nouvelles édité par le Bélial. Ce n’est pas la meilleure, mais elle donne le ton.

La planète des reflets – Nouvelle dans laquelle on suit une équipe d’explorateurs qui lors de la construction des premiers baraquements sur un nouveau monde, sont suivis par des extraterrestres qu’ils surnomment « reflets ». Les reflets sont des touche-à-tout, sourds et muets, qui viennent gentiment semer la pagaille. La colonie d’humains s’en accommode parfaitement. Jusqu’au jour où un des reflets meurt. En découvrant comment se débarrasser des reflets, les terriens décident de construire une machine qui ne sert à rien, si ce n’est à attirer l’attention des reflets. Ils apprennent que ceux-ci sont en fait dirigés par des extraterrestres qui craignent l’installation d’une colonie plus importante de terriens. La rencontre avec les extraterrestres est plutôt cocasse et annonce un futur où les deux races vont pouvoir vivre en paix.

Mondes sans fin – Dès le départ, la lecture de cette nouvelle m’a fait penser à Philip K. Dick. C’est à mon avis, la meilleure de ce recueil. L’histoire commence à la guilde du rêve, une entreprise qui permet au commun des mortels de vivre des rêves qu’il a lui-même choisis. Le personnage principal de cette histoire travaille dans cette entreprise. Dès le départ, son supérieur meurt, et il se voit promu à son poste. Le problème, c’est qu’il découvre que les clients vivent des rêves qu’ils n’ont pas demandé, et qu’ils servent en fait de cobaye pour explorer des univers inconnus. Depuis des siècles, des statistiques sont faites sur l’exploration de ses rêves. Une nouvelle qui tient à la fois du thriller et de la science-fiction. Sans aucun doute la pierre angulaire de ce recueil de nouvelles.

Tête de pont – Un vaisseau d’exploration atterrit sur un monde où les autochtones ressemblent à des humanoïdes minces comme des allumettes. Le premier contact avec ces humanoïdes est assez frappant, surtout lorsque ces derniers indiquent aux humains qu’ils n’auraient pas dû venir, qu’ils ne repartiront jamais, et qu’ils mourront sur ce monde ! Simak nous conte une histoire où la technologie se déglingue et où les humains sont faces à une inconnue que leur technologie ne leur a pas permis de découvrir. Pas mal, mais prévisible.

L’ogre – Nouvelle qui nous emmène sur un monde où les arbres font de la musique. Ils composent des symphonies. Les humains voudraient en rapatrier sur Terre. Encore une nouvelle qui traite des rapports entre humains et extraterrestre. Dans le cas présent, Simak n’a pas hésité à nous proposer des extraterrestres farfelus.

À l’écoute – Les humains entrent en contact télépathique avec des extraterrestres beaucoup plus avancés qu’eux. Comment obtenir des informations sur le moyen de dépasser la vitesse de la lumière, surtout que les extraterrestres voient les humains pour des sous-développés ?

Nouveau départ – L’histoire commence comme une randonnée qui tourne mal. En effet, le personnage principal se foule une cheville et est obligé de rentrer à la maison en rampant. Mais lorsqu’il entre, il découvre que sa vie va entièrement changer grâce à des extraterrestres bienveillants. Il faudrait me donner l’adresse de ces derniers, car à côté d’eux, le père Noël est un enfant de choeur.

Dernier acte – Cette nouvelle plutôt mélancolique nous montre l’humanité qui a reçu un don de prescience. Les humains savent ce qui va se passer dans les 24 heures à venir, ce qui rend d’autant plus monotone leur existence. La nouvelle la plus courte et la moins intéressante.

L’université galactique au coin du bois – Postface de Philippe Boulier, véritable biographie de Simak, qui mérite toute l’attention du lecteur. Très beau travail accompli.

Je ne sais pas si un troisième recueil viendra compléter les deux existants. En tous cas, ce deuxième tome tient toutes ses promesses. Il traite davantage des rapports entre humains et extraterrestres. Avec une particularité chez Simak, c’est ce côté pragmatique qu’ont les humains face aux rencontres avec des extraterrestres. Voilà encore un recueil de nouvelles qui trouve sa place dans une bibliothèque de science-fiction. Les nouvelles n’ont pas subi les affres du temps, et le lecteur actuel n’y verra que du feu. À conseiller, dans tous les cas.

Frères lointains, Clifford D. Simak, Le Bélial 2011, 340 pages, couverture de Philippe Gady

McSweeney’s – anthologie d’histoires effroyables

C’est un peu par erreur que je me suis retrouvé à lire ce livre. En réalité, j’attendais la sortie chez Folio de « La jeune détective » de Kelly Link. Je me suis rappelé que dans la « méga-anthologie d’histoires effroyables » (sorti chez Gallimard), une nouvelle de Kelly Link se trouvait dedans. Malheureusement dans cette version Folio la nouvelle est passée à la trappe en même temps que les nouvelles de Neil Gaiman, Stephen King ou Michael Crichton. On passe de 21 nouvelles en grand format à 9 nouvelle en version de poche. Ce qui fait un peu beaucoup. On trouvera les nouvelles suivantes :

Les abeillesDan Chaon : Un homme se remémore son adolescence parce que son propre fils se réveille chaque nuit en hurlant de douleur. Il reçoit le message d’un mort qui a brûlé dans une maison. Nouvelle mystérieuse et dramatique.

Le généralCarol Emshwiller : Chasse à l’homme. Un général en fuite nous relate son passé, jusqu’à ce qu’il soit repris. Histoire sombre par son ton.

Sinon, le chaosNick Hornby : voilà une nouvelle plus dans le style de Stephen King. Un adolescent achète en occasion un magnétoscope. La particularité, c’est qu’il peut enregistrer des émissions sans utiliser de cassette vidéo. Il permet même de passer en accéléré des émissions qui sont en direct ! Mais surtout de découvrir que la fin du monde n’est pas loin, et qu’en parler à la fille qu’il aime est le meilleur moyen de se l’accaparer.

Le sceau de ChuckChris Offutt : Ah ! Enfin une nouvelle de science-fiction dans laquelle on parle de théorie quantique, de pont Einstein-Rosen, de voyage dans le temps. Il faut juste « gnoquer » pour être dans le coup !

L’affaire du canary naziMichael Moorcock : L’histoire se passe en 1931, dans l’entourage du führer. Un détective anglais est amené à résoudre le meurtre de la nièce du führer, car ce dernier ne veut pas faire appel à la police allemand. On est en pleine uchronie.

La danse des espritsSherman Alexie : Pour le FBI, 200 tombes ont été pillées et mises à sac. En réalité un petit malin ressuscite les soldats du 7ème régiment de cavalerie. Mais qui donc s’intéresse à la résurrection du général Custer ? Je me le demande.

Derniers adieuxHarlan Ellison : Dans l’Himalaya, un homme qui a été recueilli se retrouve un jour face à un ancien joueur de baseball. De quoi pensez-vous qu’ils vont parler ? Pas de science-fiction, c’est certain.

Note sous AlbertineRick Moody : La plus longue nouvelle de cette anthologie parle d’une drogue, l’Albertine, qui permet de revivre le passé. Un journaliste doit enquêter sur le sujet dans un Manhattan en partie dévasté. On approche ici les thèmes de Philip K. Dick.

L’agent martien, roman d’aventures planétaireMichael Chabon : Uchronie dans laquelle l’Amérique est encore un territoire anglais. La reine victoria règne sur le pays. L’histoire se passe en 1876 et met en avant deux enfants de traitres à l’empire. Le titre de la nouvelle n’a rien à voir avec son contenu.

Cette anthologie n’a rien d’effroyable. C’est parfois bien écrit, mais le lecteur de science-fiction et de fantastique n’y trouvera pas vraiment son compte. Je dirai donc qu’il s’agit d’une demi-anthologie qui m’a à demi convaincu.

McSweeney’s anthologie d’histoires effroyables, Folio, 2011, 374 pages, illustration de Sam Van Offen


Dimension Jimmy Guieu – Richard D. Nolane

Comme pour beaucoup de lecteurs de science-fiction, la collection Anticipation du Fleuve Noir a eu une forte influence sur moi. Si mon premier FNA a été Opération Astrée de Scheer & Darlton, j’ai rapidement enchainé avec des auteurs comme Richard Bessière, Jimmy Guieu, Gérard Marcy, Pierre Barbet, Peter Randa ou Maurice Limat. Mais à y regarder de plus près, en dehors du cycle Perry Rhodan, l’auteur que j’ai le plus lu dans cette collection c’est Jimmy Guieu à travers ces cycles Gilles Novak et Blade & Baker. Je dirai que les livres qui m’ont mis le pied à l’étrier sont Le retour des dieux et Joklun-N’Ghar la maudite. Puis j’ai enchainé avec certains titres sortis dans la collection fusée.

A l’époque (fin 60, début 70) en tant qu’adolescent, je n’avais pas beaucoup d’argent de poche. Et tout mon argent allait dans l’achat de livres de science-fiction. Je faisais les bouquineries et je filais directement au rayon FNA dont les couvertures étaient dessinées par Gaston de Sainte-Croix. Je peux dire que cet illustrateur m’a fait rêver autant que les auteurs que je lisais dans cette collection.

C’est donc avec un certain plaisir que j’ai commencé la lecture de ce recueil de nouvelles dirigé par Richard D. Nolane en hommage à Jimmy Guieu. Les nouvelles sont inégales, mais l’engouement de chaque auteur est le même : rendre hommage à l’auteur . C’est réussi et ça se sent, ça se lit à travers chaque introduction, à travers les nouvelles pour lesquels plusieurs se sont amusés à faire de Jimmy Guieu un personnage de leur histoire.

Un Sphinx pour MarcahuasiMichel Archimbault. Une nouvelle beaucoup trop longue,mélangeant réalité et fiction à travers deux auteurs : Erich Van Daniken, Walter Ernsting (Clark Darlton) et un personnage de Jimmy Guieu : Daniel Keller. L’auteur s’est fait plaisir mais a oublié de faire plaisir aux lecteurs  (*). Son texte oscille entre biographie, échange de correspondance et fiction. Un conseil de lecteur : commencer la nouvelle à la page 62 (Lundi 12 juillet 1976). A partir de cet endroit, c’est l’aventure dans les Andes et la rencontre des  extraterrestres.
(*) Authentique !

Cité Noé  51Didier Reboussin nous amène deux siècles dans le futur, et nous propose une rencontre entre Teddy Price et l’androïde de Jimmy Guieu. Nouvelle empreinte d’une certaine sensibilité.

Le miroir de fuméeFrank Schildiner. Petit face à face entre Polariens et Denebiens pour un miroir caché dans la chambre forte de Rockefeller au Walldorf-Astoria. Voilà Jean Kariven dans un mini-thriller.

Seconde chanceChristian Perrot. Jimmy Guieu cloné dans un lointain futur. Il doit aider un peuple à combattre les petits gris. Amusant. Avec une fin sympa où on a vraiment envie d’exhausser son vœu de cloner son épouse.

Planète inhospitalièreChristian Perrot. Le Maraudeur II est détourné de son parcours pour résoudre un meurtre. L’histoire parle d’un peuple qui s’est tourné vers la spiritualité et qui a abandonné son enveloppe corporelle. Mais l’instinct animal vient perturber tout cela. Intéressant.

MARS…la véritéSerge Parmentier. Une aventure de Gilles Novak et de sa compagne Régine. Au départ il doit aller en Angleterre pour enquêter sur les crops circles, mais l’apparition d’un vaisseau spatial va lui faire vivre une aventure sur un autre monde. S’agit-il de réalité ? Ou bien d’images qu’on lui a projetées dans sa tête ? En tout cas c’est un avertissement à notre humanité pour ne pas répéter les erreurs des autres.

Le soleil andalouMichel Stephan. Jimmy Guieu vu par l’auteur. Je pense que chacun de nous aurait une vision similaire du personnage.

La fin du glaiveJean-Marc Lofficier. A qui doit-on penser comme futur collègue pour un magasine? A Gilles Novak évidemment !

Rock ‘n’ roll et soucoupes volantesRichard D. Nolane. Clin d’œil au Fleuve Noir, où on découvre qu’on ne veut plus de Jimmy Guieu comme auteur et qu’on le remplace par… Gilles Novak !

La ballade de YulnThomas Geha. La compagne de Jean Kariven se retrouve dans un supermarché. Ce qui devait être une simple balade se transforme en horreur. Mais n’était-ce pas un simple cauchemar ? Un peu rapide la conclusion.

Habanita est dans de beaux drapsRoch-Alexandre Kursner. Une enquête policière entre Maigret, Colombo et Poirot. J’avoue que je n’ai pas accroché car je ne connaissais pas le personnage. Et puis la science-fiction est aux abonnés absents.

La chanson de JimmyRoland C. Wagner. L’auteur nous explique comment il a rencontré Jimmy Guieu et comment il l’a perçu tout au long de ces années. Un témoignage comme je les aime. Merci Roland !

L’aube de l’ufologieJimmy Guieu. Cette anthologie ne pouvait pas se terminer sans un texte de Jimmy Guieu. Dans le cas présent il s’agit d’un article sur son thème de prédilection, l’ufologie.

Avec le recul du temps, je constate que Jimmy Guieu a laissé une marque indélébile sur chacun de ses lecteurs. C’est avec nostalgie qu’on parle de ses livres. Il avait l’art d’écrire des histoires qui nous captivaient, grâce à un style vif et direct, parfois simpliste. Même si je n’abondais pas dans le même sens concernant les E.B.E j’aimais bien lire les aventures de Gilles Novak qui rencontraient très fréquemment des extraterrestres. Ce n’était pas la même chose. Il y avait la science-fiction d’un côté, et l’ufologie de l’autre. Pour moi il restera un excellent auteur de science-fiction, qui a bercé mon adolescence. Si un jour ces principaux cycles sont réédités sous forme d’Omnibus (4 ou 5 histoires par tome), je serai un des premiers à le relire.

Dimension Jimmy Guieu était attendu depuis longtemps. C’est une excellente initiative de Rivière Blanche, dirigée par Richard D. Nolane. Le genre de sortie littéraire qui je l’espère n’en restera pas là, car Jimmy Guieu mérite plus qu’un  livre.

Si vous avez envie de retrouver Gilles Novak, Jean Kariven ou Blade et Baker dans leur Maraudeur, alors n’hésitez pas, cette anthologie dirigée par Richard D. Nolane vous donnera peut-être envie de relire les cycles de Jimmy Guieu. Pour les curieux ou les nouveaux lecteurs, je dirai simplement que ce livre montre l’engouement qui existe encore pour l’auteur, qui nous a quitté en 2000. Il a vraiment beaucoup marqué la science-fiction francophone.

A noter que cette anthologie contient également une douzaine de reproductions  en noir et blanc de livres de Jimmy Guieu traduits dans d’autres langues.

Dimension Jimmy Guieu, Anthologie dirigée par Richard D. Nolane, Rivière Blanche, 2010, 308 pages, illustration de Patrick Dumas

A l’est du Cygne – Michel Demuth

Pour moi, Michel Demuth c’est d’abord le traducteur de mon livre préféré, c’est-à-dire Dune.  Comme les nouvelles n’ont jamais été ma tasse de thé dans le passé, pas plus que les auteurs français, j’ai quasi raté tous les textes de Michel Demuth. Avec néanmoins une exception : Les galaxiales sorti en son temps chez J’ai lu  qui doit toujours se trouver dans ma bibliothèque et que je n’ai jamais ouvert !

Depuis quelques années je comble mes lacunes en donnant une plus grande importance aux nouvelles et en m’intéressant aux auteurs français. Je profite donc des rééditions ou des recueils de nouvelles qui proposent les meilleurs textes d’un auteur en particulier. Dans le cas présent c’est Michel Demuth. Ce recueil de nouvelles paru au Bélial est une excellente chose. J’ai abordé le livre sans apriori en le lisant dans l’ordre des pages. Richard Comballot a composé ce recueil en reprenant dix-sept nouvelles de Michel Demuth. Est-ce vraiment les meilleures ? Je n’en sais rien.

J’ai agréablement été étonné de retrouver un auteur uniquement focalisé sur la science-fiction, avec une majorité de nouvelles qui sont du space opera. Bien sûr tous les textes ne m’ont pas plu, mais dans l’ensemble il y a une bonne cohérence. Le recueil commence par une préface de Gérard Klein, et se termine presque par une interview de Michel Demuth faite par Richard Comballot. En fin de recueil, une bibliographie complète de l’auteur a été faite par Alain Sprauel.

Dix-sept nouvelles dont la majorité sont du space opera, se passant sur des mondes tellement éloignés que la Terre est un lointain souvenir, un berceau de l’humanité qui n’a plus un grand rôle à jouer dans le destin des autres civilisations. Les sujets sont assez diversifiés chez Michel Demuth. Cela va des machines de destruction (Les années métalliques), en passant par les téléporteurs (Translateur, Mnémonique), ou les assassins et agents secrets  temporels (Nocturne pour démons, Intervention sur Halme), en passant par des voyages intergalactiques (Dans le ressac électromagnétique) et se terminant par des nouvelles qui se passent souvent sur Terre à notre époque (A mélodie pour toujours, Sous le portail de l’ange). Ces dernières (les plus récentes) ne m’ont pas vraiment plu car elles parlent plutôt des sujets que l’auteur aime (voyage en Espagne, etc). The Fullerton incident ressemble plus à une description des états d’âme de l’auteur qu’à une nouvelle. La nouvelle A l’est du Cygne ne mérite pas d’être le titre du recueil car il n’y a aucun dialogue dans celle-ci. Elle fait une cinquantaine de pages.

Même si je ne suis pas un grand fan de Michel Demuth, je ne le remercierai jamais assez pour avoir traduit Dune. Plutôt que de lire mes deux tomes des Galaxiales (qui trainent toujours dans ma bibliothèque), je vais attendre que le Bélial réédite ce cycle, qui devrait être augmenté.

Ce recueil de Michel Demuth est finalement une bonne vitrine pour les lecteurs qui comme moi n’ont jamais voulu aborder l’auteur. Ce n’est pas exactement le genre de livre que je préfère, mais j’ai tout de même passé un bon moment de lecture en découvrant un auteur qui m’avait échappé.

A l’est du Cygne, Michel Demuth, Le Bélial, 2010, 536 pages,  anthologie dirigée par Richard Comballot, illustration de Caza