Pour mon 100ème billet, j’ai décidé de présenter mon livre de science-fiction préféré. C’est-à-dire Dune de Frank Herbert. Ce n’est pas évident, car à mes yeux ce livre mérite tous les qualificatifs. C’est LE LIVRE de science-fiction par excellence. L’édition de référence reste celle publiée en Laffont Ailleurs & Demains, choisie par Gérard Klein et traduite par Michel Demuth. Cette édition comprend Dune, le prophète de Dune et le messie de Dune. Une histoire qui se suffit à elle-même.

Dune est un vrai paradoxe. Ce n’est pas de la fantasy contrairement à ce que certaines mauvaises langues disent. Ce n’est pas non plus un vrai space opera, même si des vaisseaux font leur apparition dans le livre. Dune s’apparente à un planet opera dont l’enjeu n’est rien moins que le contrôle de toute la galaxie en 10191. C’est une gageure que Frank Herbert soumet à ses lecteurs. Sur Arrakis, Dune, la planète des sables, tous les regards sont braqués. D’abord administrée par les Harkonnens, la planète passe sous le contrôle des Atréides parce que l’empereur Padishah Shaddam IV l’a décidé. Le duc Leto Atréides doit quitter son fief de Caladan pour exploiter les ressources en épices de la planète Arrakis. Rien d’anormal, si ce n’est que l’épice est la substance la plus précieuse dans l’empire. Elle permet aux pilotes des vaisseaux de la guilde spatiale de naviguer sans l’aide d’ordinateurs, et fait des mentats des ordinateurs vivants. L’épice est extrait d’Arrakis pour le compte de l’empereur et de la guilde des navigateurs. L’épice décuple les capacités psychiques et rend dépendants ses consommateurs.
Mais les choses ne sont pas aussi simples. Si Shaddam IV a envoyé les Atréides sur Dune, c’est aussi pour les contrôler et les affaiblir. Il est aidé dans ses plans secrets par la guilde spatiale qui voit dans les Atréides un nouveau danger, sans parler des Harkonnens qui sont prêts à reprendre Dune et à anéantir les Atréides. Ce serait trop simple si cela se limitait à cela. Mais la CHOM (Combinat des Honnêtes Ober Marchands), le Landsraad (les maisons majeurs et mineurs qui composent l’empire), ainsi que le Bene Gesserit (les révérendes mères qui ont établi un programme génétique) ne jouaient pas un rôle secondaire, mais important derrière les plans de l’empereur.
Personne ne sait d’où vient l’épice. Ou du moins, personne n’a compris comment il se forme, si ce n’est les Fremens qui occupent Arrakis ou l’écologiste impérial Liet Kynes. Mais savoir d’où vient l’épice, c’est être capable de changer l’écologie de la planète. C’est aussi devenir le maître de l’épice pour celui qui peut commander les vers des sables.
Le duc Leto Atréides vient sur Arrakis, accompagné par sa compagne Dame Jessica (une Bene Gesserit) et son fils Paul Atréides (qui est le personnage principal de ce livre). Paul est un incident de parcours dans le programme génétique du Bene Gesserit. Jessica avait eu l’ordre de concevoir une fille, mais elle a préféré donner un fils à son duc. Paul a été correctement formé par ses parents. Son éducation liée à la découverte de l’épice va faire de lui un messie, un prophète, qui va prendre la tête des Fremens. Après des années d’oppression Harkonnen, les Fremens sont prêts à se révolter, sous le commandement de Paul. Une tempête Fremen va changer la face de l’univers connu. Et tout cela va se passer sur Dune, Arrakis.

Paul Atréides va découvrir qu’il est le Kwisatz Haderach, celui qui peut voir ce que les Bene Gesserit sont incapables de voir. Ses visions vont lui faire comprendre qu’il peut détruire la production d’épice, ce qui fait de lui le maître absolu. C’est aussi ce que craignaient la guilde spatiale et l’empereur Shaddam IV. C’est ce que voulait éviter le Bene Gesserit. Et c’est ce que n’avaient pas prévu les Harkonnens.
Et c’est là qu’on voit toute la complexité du roman aux multiples facettes. Frank Herbert mène de front plusieurs histoires qui s’entremêlent avec une telle complexité au niveau des enjeux politiques, économiques, et écologiques, qu’on peut se demander si un jour ce livre sera égalé.
Dune, c’est d’abord l’œuvre d’un auteur, Frank Herbert. Auteur qui aborde plusieurs thèmes à travers ce livre. D’abord celui de l’écologie, celui du pouvoir mêlé à la religion, et celui de la sélection génétique combinée à un plan établi sur des générations et qui fait appel à des visions.
J’aurais presque envie de dire que Frank Herbert a créé Dune pour les vrais amateurs de science-fiction. On me rétorquera que le livre n’est pas accessible à tout le monde, qu’il est tombé des mains de certains lecteurs. Très bien, je veux bien admettre qu’il peut paraitre hermétique pour certains lecteurs. Le livre est long, lent, compliqué, mais c’est un vrai trésor en matière d’intrigues galactiques, de personnages, de descriptions, etc. Tout y est décrit, expliqué, détaillé. Chaque pensée, chaque point de vue est minutieusement analysé et expliqué au lecteur. Aucun aspect n’a été négligé.

Frank Herbert a mis six ans pour écrire Dune. Le livre a d’abord été édité dans le magazine Analog (en 1963 et 1965). Le livre a été rejeté une vingtaine de fois par des maisons d’édition avant de recevoir en 1965 les prix Hugo et Nebula. Cela peut paraitre inquiétant si on se dit qu’autant de directeurs de collection sont passés à côté de la montre en or et n’ont pas reconnu le réel impact de ce livre. Cela peut aussi être rassurant dans le fait que tôt ou tard un tel chef d’œuvre voit le jour chez un éditeur. C’est aussi un exemple pour tous ceux qui veulent un jour proposer leurs propres textes à des éditeurs. Il ne faut pas baisser les bras trop rapidement.
Pour certains lecteurs qui auraient mis la mauvaise paire de lunettes, je signale que Dune n’est pas de la fantasy, mais bel et bien de la science-fiction. Un livre dans lequel il y a des ornitopthères, des vaisseaux long-courrier à générateurs Holtzmann, des navigateurs de la guilde, des cônes de silence, des chasseurs-tueurs, des marteleurs, des moissonneuses, des suspenseurs, des champs de force individuels, des satellites météo, etc. ce n’est pas de la fantasy ! Même si ça se passe dans le désert. Et ce n’est pas parce qu’il y a une personne ou deux qui chevauche un vers, ou qui absorbe de l’épice qu’il faut lui coller une étiquette fantasy. A ma connaissance, il n’y a pas de magicien, de fée, d’elfe, de donjon, de dragon, d’épée enchantée, etc. dans Dune. C’est de la science-fiction.
C’est le livre de science-fiction qui reste inégalé à l’heure actuelle. Même Frank Herbert n’a pas pu faire aussi bien dans ses suites ou dans ses autres livres. Dune est presque inclassable, impossible à résumer tellement il foisonne d’histoires, de personnages, d’intrigues, de thèmes. Mais quelle joie pour le lecteur qui en détient la clé. Lorsque le livre est sorti pour la première fois dans la collection Ailleurs & Demains, je me souviens ne pas être sorti indemne de sa lecture. Le livre m’a profondément marqué au point qu’aujourd’hui il est un des rares livres que j’ai relu, et que je possède en français et en anglais et dans différents formats. Je ne vais pas m’étendre sur les suites du cycle, celle écrite par Frank Herbert ou par son fils Brian Herbert accompagné de Kevin J. Anderson. Ce n’est pas le but de ce billet, et j’invite le visiteur à chercher les chroniques correspondantes sur mon blog, ou de cliquer sur le mot-clé Dune.
J’espère que pour les cinquante ans du livre en 2015 (paru en 1965), une édition de luxe lui sera consacrée (un collector comme certains disent). Il y a eu une multitude de rééditions en grand et petit format, mais aucune n’a mis en valeur ce chef d’œuvre de la science-fiction, car Dune est bel et bien un chef d’œuvre. Il existe une version de luxe du seigneur des anneaux, agrémentée d’illustrations. Mais rien de comparable pour Dune. Dommage. Il reste un peu moins de 4 ans pour combler cette lacune !

Pour l’instant je dois me contenter de la version en deux tomes, parue dans la collection suisse Les chefs-d’œuvre de la science-fiction, dirigée à l’époque par Pierre Versins. Deux tomes noir et or parus en 1975. Et puis il y a la version anglaise, parue chez Gollancz, dans la collection SF Masterworks. Curieusement ce volume cartonné coute à peine la moitié d’un Laffont A&D. Cela devrait donner des idées aux éditeurs francophones. Enfin, je l’espère !

Voilà, je voulais que ce 100ème billet soit une exception sur mon blog. On a tous un livre qui nous a plus marqué que les autres. Dans mon cas c’est Dune, et j’en suis bien content.
Dune, Frank Herbert, Laffont Ailleurs & Demains, 750 pages.
P.S. Le 200ème article du blog sera aussi consacré à Dune et sera en quelque sorte la suite.