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Essai sur l’imaginaire

Dictionnaire amoureux de la Belgique – Jean-Baptiste Baronian

J’ai hésité avant de chroniquer ce Dictionnaire amoureux de la Belgique écrit par Jean-Baptiste Baronian et édité chez Plon. D’abord parce que je ne suis pas fan des dictionnaires. Ensuite parce Baronian tout comme moi se trouve au générique de l’anthologie La Belgique imaginaire. Mais comme j’aime bien l’érudition du personnage, je devais chroniquer ce livre. Baronian a écrit un dictionnaire totalement subjectif, qui présente le pays d’une façon inhabituelle, un peu cocasse, certainement anecdotique. On lui doit plus d’une trentaine de romans, de nouvelles, d’essais et de biographies (Baudelaire, Verlaine, Rimbaud), mais aussi des essais sur Brel, Magritte ou Simenon. C’est quelqu’un de prolifique qui connait très bien la Belgique, sa culture, et le monde francophone plus particulièrement. Donc, une vraie référence.

On n’aborde pas un dictionnaire amoureux comme un autre dictionnaire. Celui-ci est formé de 250 articles qui couvrent une bonne partie de l’histoire et de la culture belge. Un tel ouvrage ne peut pas être exhaustif et encore moins objectif, et c’est le but. C’est ce qui permet au lecteur de se rendre compte que la Belgique est un pays surréaliste. Petit pays, certes, mais original à plus d’un titre.

J’ai donc lu les articles de ce dictionnaire dans le désordre le plus total, au gré du hasard ou de mes envies du moment. J’y ai trouvé un certain amusement mélangé de curiosité, et au bout du compte j’ai éprouvé un certain plaisir à parcourir les différents sujets, à piocher dans ceux-ci.

Baronian ne se contente pas de répéter ce qu’on trouve sur Wikipedia pour la Belgique. À travers ses souvenirs, ses émotions, son vécu, il apporte une vision personnelle d’un sujet qui tient du ressenti autant que de l’anecdotique. Mais il ne faut pas croire qu’il ne respecte pas la réalité. Oui, c’est vrai ce qu’il écrit, et oui c’est raconté autrement. C’est tout le charme de ce dictionnaire. En fait, c’est du Belge !

Une série de thèmes est incluse dans ce livre. Cela va évidemment de l’histoire du pays à la culture, le sport, la gastronomie, la peinture, le cinéma, la littérature, la musique, etc. Mais le plus amusant, ce sont les sujets inattendus pour le lecteur. Je pense par exemple à la guerre des vaches dont l’auteur nous retrace l’histoire il y a huit siècles. Je pense aussi à ce mystérieux mot qu’est « Pataphonie » qui consiste à faire de la musique avec n’importe quoi. Au fil des pages, on trouve quelques trésors surréalistes typiques de la Belgique.

Il me reste encore à rechercher quelques sujets dans cet ouvrage plutôt sympathique. Je sais qu’on y parle de Manneken pis, mais je n’ai pas encore trouvé à quelle rubrique.

Il y a quelques sujets que j’aimerais bien voir dans une mise à jour prochaine du dictionnaire, qui concerne davantage le théâtre. Je pense évidemment au mariage de mademoiselle Beulemans, à Bossemans et Coppenolle (et évidemment à madame chapeau). Quelques comédiens marquants comme Marie Gillain et Cécile de France pourraient aussi s’y trouver. Et puis peut-être un peu plus parler de notre Atomium qui est un symbole du pays (il y a un article sur l’Expo 58 dans le livre).

Je ne voudrais pas terminer ce tour du dictionnaire amoureux sans rappeler que Baronian est aussi un spécialiste du fantastique Belge en particulier et que ce domaine imaginaire est bien présent dans le dictionnaire. Il nous présente Jean Ray, Thomas Owen, Michel de Ghelderode, Henri Vernes, des auteurs qu’il a aussi connus dans le cadre des éditions Marabout. On lui doit d’ailleurs un panorama de la littérature fantastique de langue française.

Ce dictionnaire amoureux atteint tout à fait son objectif. Baronian est probablement le mieux placé pour commettre un tel dictionnaire amoureux de la Belgique. Le travail accompli à travers ces 760 pages est aussi amusant qu’intéressant et mérite d’être connu des lecteurs. À coup sûr un livre qu’il faut avoir chez soi si on aime la Belgique.

Dictionnaire amoureux de la Belgique, Jean-Baptiste Baronian, Plon, 760 pages, 2015

Dictionnaire amoureux de la Belgique

3 minutes pour comprendre la grande théorie du Big Bang – Igor et Grichka Bogdanov

Ce n’est pas mon habitude de chroniquer un livre de vulgarisation scientifique, même si j’en lis fréquemment. Mais le sujet de celui-ci me fait réfléchir sur l’origine de notre univers.

Igor et Grichka Bogdanov ont abordé le sujet à travers un livre qui reprend chronologiquement toutes les théories qui ont été échafaudées. Ils mettent également en valeur tous les scientifiques qui ont participé à notre connaissance actuelle de l’univers. Je rassure les lecteurs, on s’approche d’une meilleure connaissance de notre univers, mais on est encore loin d’avoir tout découvert.

Le livre est bien structuré. Sur la page de gauche, les faits scientifiques sont expliqués, tandis que sur la page de droite, des photos, des représentations graphiques complètent les textes.

Pourquoi 3 minutes ? Parce que c’est le temps qui a été nécessaire pour que l’univers se refroidisse suffisamment pour synthétiser tous les éléments qui constituent notre univers. Ce Big Bang part d’un atome primitif, d’une explosion, et d’une expansion de l’univers qui continue toujours.

On attribue à Lemaitre l’idée de Big Bang, qu’il proposa en 1927. Mais on découvre que 5 ans plus tôt, Alexandre Friedman avait déjà émis cette théorie. Lorsque Lemaitre soumet sa théorie à Einstein, celui-ci n’en voulut pas, car pour lui il n’y avait pas d’expansion. Au fil du temps, le Big Bang a eu ses détracteurs. Le paradoxe, c’est Fred Hoyle, astronome et auteur de science-fiction anglais, qui créa le terme « Big Bang » alors qu’il fulminait contre cette théorie.

On apprend que les satellites COBE, WMAP et Planck ont permis de mieux discerner le rayonnement fossile laissé par le Big Bang, que Gamow avait annoncé dès les années 40.

Au fur et à mesure du développement d’outils mathématiques nécessaires à l’élaboration des théories physique, les scientifiques approchent de plus en plus le moment où l’univers s’est créé. C’est passionnant.

Les frères Bogdanov, pour beaucoup d’entre nous, c’est l’émission Temps X. Deux jumeaux qui veulent nous faire partager leur engouement pour la science à travers des émissions. Ce sont d’excellents vulgarisateurs scientifiques (Grichka est docteur en mathématique, Igor est docteur en physique). Ils ont la particularité de parler de science, mais aussi de science-fiction. On pourrait penser que ce sont deux choses distinctes, mais en fait, elles sont étroitement mêlées. La science-fiction est du domaine de l’hypothèse, de l’imagination, de la spéculation. Tandis que la science cherche à comprendre comment les choses fonctionnent réellement.

À une époque où les guides de science-fiction étaient proposés par Jacques Sadoul ou Jacques Goimard, les frères Bogdanov nous proposaient « Clef pour la science-fiction ». A l’époque, ce livre m’a aidé à faire des choix en science-fiction.

L’origine de l’univers, est un sujet est tellement vaste que je propose de se tourner aussi vers les livres d’Étienne Klein ou de Roger Penrose qui traitent du Big Bang.

Le livre des frères Bogdanov touche tous les publics. Il ne faut pas être astrophysicien ou mathématicien pour comprendre le contenu de ce livre. Il faut juste être attentif et se représenter les différentes explications qui y sont données. C’est là que j’émettrais une petite critique en faisant remarquer que quelques schémas sur les interactions nucléaires et l’expansion de l’univers auraient été les bienvenus (un peu comme si on lisait Pour la science). Si ce livre est réédité, ce serait bien de l’étoffer avec des schémas, et l’une ou l’autre formule mathématique compréhensible par le grand public.

Le livre est accompagné d’un CD audio qui relate le contenu du livre. Je ne l’ai pas ouvert. Mais là aussi, un DVD serait plus judicieux, avec une animation en image de synthèse sur les différentes phases du Big Bang et de l’expansion de l’univers.

Dans tous les cas, c’est un bon livre de vulgarisation scientifique sur la création de notre univers. On a envie d’en lire plus. Il est écrit de telle manière qu’on a envie de tourner chaque page pour connaitre la suite. C’est pas mal du tout. Livre vraiment à conseiller au grand public. C’est une bonne introduction à la création de l’univers.

3 minutes pour comprendre la grande théorie du Big Bang, Igor et Grichka Bogdanov, Le courrier du livre, 2014, 184 pages + CD audio

 Bogdanov - 3 minutes

Autodictionnaire Voltaire – André Versaille

Voltaire, un des esprits les plus vifs et intelligents du 18ème siècle est ici mis à l’honneur à travers ce dictionnaire dont les thèmes ont été choisis par André Versaille, un auteur et éditeur belge. Qui mieux que ce dernier pouvait proposer un dictionnaire de plus de 600 pages dans une collection qui convient tout à fait à l’œuvre de Voltaire. Je veux dire la collection Omnibus.

Un de mes amis m’avait dit qu’il lisait cet « Autodictionnaire Voltaire » et qu’il y prenait un malin plaisir. J’avais noté ce détail quelque part au fond de mon esprit, car j’aime également lire Voltaire dont je venais d’acquérir « œuvres d’humour » chez le même éditeur.

Le hasard a fait qu’en me rendant à la onzième foire du livre belge au centre culturelle d’Uccle, André Versaille était justement interviewé pour nous parler de ce dictionnaire. L’homme avait commis précédemment un « Dictionnaire de la pensée de Voltaire par lui-même », livre de référence. Qui mieux qu’André Versaille pouvait donc proposer ce dictionnaire dont toutes les définitions sont extraites de l’oeuvre de Voltaire. Pour concevoir ce livre, Versaille avait relu en une année la totalité de l’œuvre, soit 25.000 pages. C’est énorme. Mais sachant qu’aucun sujet de discussion n’était écarté par Voltaire, il était nécessaire de relire son œuvre intégralement.

André Versaille-800

Ce dictionnaire contient une longue préface d’André Versaille, qu’il nomme « préface inutile » et qui est d’autant plus importante car il s’agit d’un essai sur Voltaire qui intéressera à coup sûr les lecteurs.

J’indique ici quelques thèmes repris dans ce dictionnaire : Amour, Athéisme, Bible, Cul, Démocratie, Esclavage, Juifs, Justice, Liberté, Louis XIV, Pascal, Shakespeare, Théâtre.

En parcourant ce livre dans le désordre (un dictionnaire ne se lit pas du début à la fin), je ne peux m’empêcher de penser que si Voltaire existait à notre époque, il serait certainement une des personnes les plus lues et écoutées au monde. Et qu’à travers un média comme Internet, il aurait encore eu plus d’impact sur notre société.

Deux siècles et demi après sa mort, son œuvre reste d’une grande clarté et se lit avec plaisir. Il n’est toujours pas démodé. C’est un intellectuel qui a très bien relaté son époque.

Avec cet omnibus, André Versaille nous rappelle que Voltaire a encore beaucoup de choses à nous dire.

Autodictionnaire Voltaire, André Versaille, Omnibus, 624 pages, 2013

Autodictionnaire Voltaire

Destination Mars – Marc Bailly

Pour Destination Mars, Marc Bailly avait contacté plusieurs auteurs. Comme il avait déjà lu plusieurs de mes nouvelles, il m’a proposé d’en écrire une, qui plus tard a été retenue. Par la suite, Marc Bailly m’a demandé d’écrire un essai sur Mars dans la littérature imaginaire, avec une contrainte sur le nombre de signes. J’aurais certainement voulu écrire un essai beaucoup plus long et exhaustif, mais les impératifs de l’édition ne le permettaient pas. J’ai dû faire des choix. Curieusement, une partie du texte s’est perdu dans les méandres du Web. Partie qu’on retrouvera si les éditions du Riez rééditent le livre. En attendant, je propose la partie manquante à la fin de cet article (avec la bénédiction de Marc Bailly et des éditions du Riez).

Pour cette anthologie, Marc Bailly a fait appel à des auteurs connus comme à des nouveaux, gardant ainsi un juste équilibre dans le choix des textes. Tous sont francophones. Il a sélectionné 12 nouvelles qui vont du thriller en passant par la politique, l’écologie ou la hard science. C’est très diversifié.

Les douze nouvelles sont accompagnées de deux essais qui permettront aux lecteurs d’approfondir leur connaissance littéraire ou filmographique sur Mars. Ils ne sont pas exhaustifs, mais suffisamment documentés pour que le lecteur y trouve de quoi continuer son exploration de la planète rouge.

Une chose que j’aime bien dans les anthologies de Marc Bailly, c’est qu’avant chaque nouvelle il présente chaque auteur. Présentation suivie d’un court chapitre sur les raisons qui ont poussé l’auteur à écrire le texte qui suit (je peux affirmer qu’il n’avait pas un phaser sur la tempe pour écrire).

Les nouvelles

Brice Tarvel Le Syndrome martien – Des terriens découvrent les martiens, sorte de grandes cocottes roses, qui les forceront à se jeter dans la lave. Étrange nouvelle, dont l’écriture fait penser aux chroniques martiennes de Ray Bradbury. Brice Tarvel continue à m’étonner en passant indifféremment d’un genre à un autre.

Jean-Louis TrudelLes sculpteurs de Mars – Sauvetage sur Mars et sculpture martienne.

Dominique DouayCelui qui attend – Exploration qui commence à quatre et qui finit à un. Les pensées d’un rescapé.

Jean-Pierre AndrevonLe caillou de Mars – À la fois triste et ironique, cette nouvelle parle de l’épidémie mortelle qui décima la population sur Terre après la première expédition martienne.

Gulzar JobyMars l’ancienne – Nouvelle qui nous parle d’un projet d’envoyer des personnes sur Mars, mais sans possibilité de retour. C’est bien écrit, un peu trop long, et cela met en scène deux vieux couples qui vont se rendre sur la planète rouge, ce qui servira les politiques restés sur Terre.

Jonas LennLe Gaucho de Mars – Un artéfact découvert, et un personnage principal contaminé par une entité extraterrestre. Premier contact, mais sur la planète rouge.

Hugo Van Gaert118 heures avant la fin – Très courte nouvelle qui propose un dialogue entre un capitaine de vaisseau et son ordinateur de bord. N’est pas capitaine celui qui croit l’être. Fort éloigné du sujet martien.

Marc Van BuggenhoutRestez chez vous – Et si Mars était une station balnéaire dans une grande confédération galactique ? Les images que nous recevons sur Terre sont falsifiées de telle sorte que nous ne cherchons pas à nous y rendre. Le problème c’est qu’au 21ème siècle, deux missions européennes et asiatiques font route vers Mars, et dès qu’elles poseront un pied, tout ce qui a été construit appartiendra aux terriens.

Jean-Jacques GirardotLes chants de Mars – Les chants de Mars mélange plusieurs genres : le steampunk et le space opera, mais étalé sur des milliards d’années. On dirait qu’Olaf Stapledon est passé par là, mais avec une connaissance culturelle plus approfondie, car on y parle aussi de Mozart et de Chris Rea.

Thierry Di RolloAube dernière – Mars fantasmé par Di Rollo, prétexte pour nous parler de la mort d’une mère.

Frank RogerCiel rouge, sable rouge – Entre politique et terrorisme, cette nouvelle nous relate des événements sur Mars qui ressemblent étrangement à ceux que la Terre a déjà connus. Les colons répèteraient-ils les erreurs du passé faites sur Terre. Sur Mars, un président du Conseil et sa fille qui milite pour retrouver une planète Mars d’avant la colonisation. Pas mal !

Daniel WaltherOlympus Mons – L’ascension du mont Olympe par John Carter. Oui, mais fallait-il qu’il meure d’une crise cardiaque à la fin ? À moins que ce ne soit pas le vrai John Carter.

Essais

Marc Van BuggenhoutMars dans la littérature – Cet essai reprend les livres ou cycles les plus représentatifs concernant la planète Mars. Cela va du 19ème siècle à notre époque. Les livres sont regroupés par thème (expéditions, invasions, les martiens).

Jean-Pierre AndrevonMars au cinéma – C’est une visite guidée que nous propose Jean-Pierre Andrevon. D’abord avec un historique des adaptations cinématographiques concernant Mars, ensuite avec une filmographie très détaillée.

J’ai bien aimé cette anthologie (pas parce que je suis dedans). La planète Mars a toujours été une des destinations favorites des auteurs de science-fiction. La planète rouge fait rêver. Marc Bailly et les éditions du Riez ont eu la bonne idée de faire une anthologie sur ce qui sera le prochain défi technologique et humain de ce siècle.

Une seule critique à formuler sur cette anthologie, l’absence de numéros de page dans le sommaire. Ce n’est pas grand-chose, mais cela simplifierait la vie aux lecteurs qui ne veulent pas lire les textes dans l’ordre qu’a choisi Marc Bailly.

Belle couverture de Pierre le Pivain qui colle parfaitement à l’anthologie.

Destination Mars est une bonne anthologie, très variée. Inégale à plus d’un titre, avec une brochette d’auteurs qui avaient un point commun : nous présenter leur vision de la planète Mars. J’espère que d’autres anthologies du même genre verront le jour.

Destination Mars, anthologie de Marc Bailly, Éditions du Riez, 2013, illustration de Pierre Le Pivain, 339 pages

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Voici la partie manquant dans l’anthologie de l’essai  Mars dans la littérature :

Le gouffre financier que représente une mission martienne à l’heure où bon nombre de pays subissent la crise économique fait reculer l’événement qui devrait être le plus important du siècle. Le premier pas de l’homme sur Mars est sans cesse postposé, faute d’argent et de volonté politique. Le défi est à la fois technologique et psychologique. Technologique, car il faut construire un vaisseau capable de faire l’aller-retour entre la Terre et Mars. Il devra accueillir un équipage qui devra y vivre six mois à l’aller et au retour. Psychologique, car la promiscuité des membres d’équipage ne doit pas engendrer de dissensions, mais une collaboration étroite. Quant au vaisseau, il devra contenir un module d’atterrissage et probablement l’un ou l’autre satellite qui permettra une meilleure communication et géolocalisation sur la planète rouge. Et puis, il faudra déployer assez de matériel pour construire une base pour les astronautes. On ne sait pas encore combien de temps ils passeront, ni combien ils seront sur la planète rouge, mais ce sera sans commune mesure avec ce qu’on a vu lors des missions Apollo. La mission d’exploration sur le sol de la planète rouge durera certainement plusieurs semaines, voire quelques mois. Il faut rentabiliser le coût d’un tel projet. Les astronautes qui un jour fouleront le sol rouge ne pourront pas se contenter de faire quelques pas et quelques expériences. On peut supposer que l’investissement intellectuel et financier aura des retombées économiques et technologiques importantes pour l’humanité.

Si les différentes agences spatiales étudient la question, ce sont surtout les auteurs de science-fiction qui développent le mieux les idées fondamentales pour un projet qui consiste à amener un homme sur Mars. On doit à plusieurs auteurs de hard-science une vision réaliste de ce que sera cette mission. On compte parmi ces auteurs, Arthur C. Clarke, Kim Stanley Robinson, Ben Bova et Stephen Baxter.

Arthur C. Clarke, dans son livre Les sables de Mars nous montre une des premières colonies installées. Sur Mars. Un journaliste est envoyé pour y relater le quotidien des explorateurs. Il découvre une colonie martienne où l’amabilité n’est que façade. En fait, il est l’intrus et est toléré par les colons. Lors d’une exploration, il va découvrir l’existence de martiens, sorte de petits kangourous à l’intelligence similaire. L’un d’entre eux va devenir son ami, ce qui rendra le journaliste plus populaire au sein de la colonie. Tandis qu’il participe au travail quotidien de la colonie, on va lui révéler qu’une des lunes est en train d’être adaptée pour devenir soleil artificiel autour de la planète rouge. La colonie veut son indépendance par rapport à la Terre. Le livre Les sables de Mars est le premier du genre. C’est une approche pas trop naïve de la colonisation de Mars, qui date tout de même de 1951.

On retrouve la planète rouge chez Arthur C. Clarke dans Maelstrom, le tome 2 de son cycle Base Vénus. Cycle qui est en fait une concaténation de plusieurs nouvelles de Clarke, adaptées par Paul Preuss. Dans ce livre, après la découverte d’un morceau de métal, vieux de plus d’un milliard d’années, dans les sables de Mars, on retrouve son héroïne Sparta, à la poursuite d’un ami d’enfance. Mars n’est ici qu’un décor parmi d’autres. Car avec ce cycle, Clarke nous fait visiter tout le système solaire.

Kim Stanley Robinson va plus loin que Arthur C. Clarke. Il nous propose une trilogie sur Mars (Mars la rouge, la verte, la bleue), qui va de la colonisation de la planète rouge à sa terraformation. Un quatrième tome Les martiens est un recueil de nouvelles qui complète la trilogie.

La trilogie montre un futur où l’homme a déjà posé son pied sur la planète rouge. L’Arès, un grand vaisseau emmène cent colons vers Mars, et à son bord se trouve l’homme qui a marché sur Mars. Le voyage durera un an et il sera à sens unique. Ils ne reviendront pas et il leur faudra s’adapter à la planète Mars, ou adapter la planète Mars à eux. Mais cette dernière solution ne plait pas à tout le monde et engendre des conflits. Commence alors un long travail de construction, poussé par l’exode d’autres colons qui fuient une Terre surpeuplée. Cette colonisation aiguise évidemment l’intérêt des multinationales terriennes, qui y voient une manne financière importante.

Tandis que Mars se terraforme et cherche son indépendance, la Terre connait la surpopulation et des catastrophes naturelles. Une chaine de volcans en éruption a fait monter le niveau des eaux.

Cette trilogie est longue et aborde tous les aspects, que ce soit humain, technologique, politique, écologique. Elle est suivie d’un recueil de nouvelles qui se passe dans les blancs laissés libres de la trilogie. Un cycle de référence.

Avec Mars, Ben Bova propose une science-fiction plus classique, plus hard science. Il présente la première expédition humaine vers la planète Mars. Ce qu’elle devrait être encore ce siècle-ci. L’histoire est parsemée de flashbacks qui concernent la sélection des membres d’équipage. En dehors de son aspect technique, ce livre se focalise davantage sur l’aspect psychologique ou humain d’une telle expédition. Ce livre est sorti avant la trilogie de Kim Stanley Robinson, mais a été publiée en français bien après celle-ci.

Ben Bova écrira une suite Retour sur Mars qui se passera six ans plus tard. L’histoire est davantage calquée sur le projet Mars Direct présenté à la NASA par Robert Zubrin en 1981.

Voyage de Stephen Baxter est une uchronie qui se passe dans les années 70 et 80. Kennedy n’a pas été abattu à Dallas, et la NASA ne se contente pas de mettre un pied sur la Lune. Plutôt que d’explorer le système solaire avec des sondes, l’humanité se focalise sur Mars. La prochaine étape spatiale sera la planète rouge et l’année de cet événement sera 1986.

Baxter nous conte une mission spatiale dans ces moindres détails, depuis la conception de la mission, en passant par le choix des technologies, l’incertitude de la mission, l’inquiétude du lancement, l’ennui du voyage, l’exaltation de l’objectif enfin atteint, et le retour sur Terre. C’est un roman de hard science comme Baxter sait le faire. Le livre, assez épais, reste très cohérent avec la technologie de l’époque. Il n’est pas certain qu’à notre époque on s’y prendrait de la même manière. En tout cas, Baxter reste en phase avec les programmes spatiaux de l’époque. Une référence, un livre à comparer avec celui de Ben Bova.

Références littéraires

Plutôt que de donner une liste de livres de science-fiction sur la planète Mars, je donne ici quelques références que le lecteur pourra approfondir.

  • Mars & SF (http://gotomars.free.fr/marsintro.html)
    Ce site est une vraie mine d’informations consacrée à la planète rouge et à la science-fiction. Les références que je pourrais donner sont pratiquement toutes sur ce site. Donc, commencez par-là votre exploration de la planète rouge.
  • Guerre des mondes ! de Jean-Pierre Andrevon (Les moutons électriques)
    Essai consacré au livre de H.G. Wells et à toutes ses adaptations littéraires, illustrées et cinématographiques. Cet essai est vraiment exhaustif sur la guerre des mondes.
  • Destination Mars de Alain Dupas (Solar)
    Livre de vulgarisation scientifique entièrement consacré à Mars. Cela va de la mythologie jusqu’aux futures missions d’explorations spatiales.
  • L’homme sur mars de Charles Frankel (Dunod)
    Un livre consacré à la préparation et à la réalisation d’une mission humaine sur Mars. Une mission, comme si on y était.

Il était impossible d’être exhaustif en écrivant cet article. J’ai donc dû me résoudre à parler des auteurs qui ont écrit des livres et pas des nouvelles sur Mars. J’ai par exemple éliminé Les sables de Mars d’Isaac Asimov, Total recall de Philip K. Dick. J’ai également fait l’impasse sur des livres comme Les conquérants de l’univers de Richard Bessiere, Roi de l’espace de Captain W.E. Johns, Ilium et Olympos de Dan Simmons, L’envol de Mars de Greg Bear ou Le grand livre de Mars de Leigh Brackett. On le voit, ce n’est pas les livres de science-fiction qui manquent sur Mars.

Mars reste pour l’instant un rêve inaccessible pour l’homme, mais pas pour l’humanité. Les sondes et les robots sont les seuls à pouvoir s’y rendre. Le premier homme, et pourquoi pas la première femme, devra encore attendre quelques décennies avant de pouvoir poser le pied sur Mars. En attendant, la science-fiction représente le seul moyen pour chacun de se rendre sur la planète rouge.

Marc Van Buggenhout

Guide des éditeurs de l’imaginaire – Cocyclics

On l’avait rêvé, Cocyclics l’a réalisé. Le guide des éditeurs de l’imaginaire, alias Le grimoire galactique des grenouilles (GGG) a été publié aux éditions Tremplins de l’imaginaire. Cette seconde édition du petit guide est disponible au prix très démocratique de 5 euros. Guide qu’il faut absolument acquérir si on veut envoyer son manuscrit auprès d’un éditeur.

En un peu plus de 120 pages, le guide fournit tout ce qui est nécessaire aux auteurs. Il commence avec un excellent article de Jean-Claude Dunyach qui explique comment présenter son manuscrit chez un éditeur. Cindy Van Wilder nous rappelle quels sont les genres qui composent l’imaginaire (steampunk, uchronie, cyberpunk, new weird, anticipation, dystopie, fantasy mythologique, fantastique, space opera). J’aurais aimé trouvé la hard science dans cette liste, bien que ce genre peut être associé à un autre. La chaine du livre est également présentée. Les différentes étapes par lesquelles l’idée devient livre sont décrites. À cela vient s’ajouter un petit lexique du jargon utilisé dans l’édition.

Le plat principal de ce guide est évidemment la liste des éditeurs de l’imaginaire. Pour chaque éditeur, une fiche technique indique quel type de texte il accepte, quelle taille doit avoir le texte, les critères de soumission, les coordonnées et les délais d’attente pour obtenir une réponse. C’est la partie la plus importante de ce guide, qui motivera tout un chacun à l’acquérir. Le livre se termine par des témoignages de jeunes auteurs et aussi par une présentation de Cocyclics qui a un rôle certain à jouer dans le paysage imaginaire.

Le guide n’est pas dénué d’erreurs. Par exemple, Bragelonne est indiqué comme ne faisant pas de science-fiction. Étrange, surtout qu’il y a une collection Bragelonne SF, dans laquelle on retrouve Peter F. Hamilton, Kevin J. Anderson, Richard Morgan, Connie Willis, David Weber, Iain M. Banks.

Il y a aussi les bizarreries de l’index des éditeurs. On trouvera les éditions Laffont en cherchant sur le prénom et pas le nom (c’est à dire à Robert Laffont). Le pré au clerc se trouve à la lettre « L » alors que Le seuil jeunesse se trouve à la lettre « S ». Comprendra qui veut. Heureusement que ce guide est facile à parcourir.

On y trouve un éditeur canadien. Je me demande dans quelle mesure la prochaine version de ce guide ne devrait pas aussi reprendre les éditeurs francophones situés en Belgique, Suisse et Canada qui sont distribués dans l’hexagone.

L’initiative faite par Cocyclics est excellente. Ce genre de guide manquait vraiment. On trouve les coordonnées d’éditeurs dans des livres consacrés à l’écriture, mais rien de spécifique pour l’imaginaire. Ici c’est proposé pour un prix plus que démocratique. Cocyclics comble un vrai vide avec ce petit guide.

Je suis très content que ce genre d’initiative existe. Le guide est proposé dans un format très pratique, facile à manipuler, avec une présentation exemplaire. En tous cas, il aidera bon nombre de nouveaux auteurs à trouver l’éditeur qui convient le mieux à leurs textes. À conseiller à tous, car ce genre de guide est tellement rare qu’il serait impardonnable de ne pas l’avoir.

Guide des éditeurs de l’imaginaire, Cocyclics, édition Tremplins de l’imaginaire, 152 pages, 2012, illustration de Guillaume Ducos

Jean Ray, l’alchimie du mystère – Arnaud Huftier

Voilà un livre que je m’étais promis de lire depuis sa sortie en 2010. Mais à peine l’avais-je acheté, que déjà il se retrouvait dans ma dans la liste de livres non prioritaires. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une étude sur Jean Ray et son œuvre. Le lire un ou deux ans plus tard ne changera rien, car ce genre de livre vise un public pointu (qui aime l’œuvre de Jean Ray), qui peut se permettre d’attendre et qui est prêt à débourser 60 euros.

Attiré par l’œuvre de Jean Ray, mais pas par une étude universitaire hermétique (souvent ennuyante à lire), j’ai longtemps hésité à me lancer dans la lecture de ce livre. Mais Arnaud Huftier arrive à captiver son lecteur en proposant une étude littéraire de l’œuvre de Jean Ray. Et pour arriver à cela, il a dû lire les textes francophones et néerlandophones. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il a précédemment dirigé des ouvrages sur J.H. Rosny aîné, Stanislas-André Steeman ou sur le fantastique Belge néerlandophone.

Plus connu sous le nom de Jean Ray ou de John Flanders, Raymond de Kremer a marqué de son empreinte le fantastique Belge. Le chemin qu’Arnaud Huftier nous propose ne se limite pas au fantastique, mais aussi à l’aventure, au roman policier. Ce chemin nous présente l’œuvre de l’auteur dans le contexte de l’époque, sous différents angles.

L’œuvre est proposée de manière chronologique. Quatre périodes distinctes vont montrer un Jean Ray qui commence sa carrière littéraire relativement tard, à l’âge de 38 ans, avec des textes qui sont en néerlandais. Puis un Jean Ray partagé entre une volonté littéraire et l’obligation de toucher un large public. Puis, une période où l’auteur est enfin reconnu (c’est celle de Malpertuis ou de la Cité de l’indicible peur). Et enfin, une période où l’auteur voit son imagination se tarir. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’Henri Vernes à travers les éditions Marabout permet à une nouvelle génération de découvrir l’auteur mythique.

Les 200 dernières pages de cette imposante étude (de 768 pages) sont consacrées à la biographie complète de Jean Ray, abondamment illustré de photos en noir et blanc qui reprennent la majorité des couvertures des livres. On n’y trouvera pas l’intégralité des couvertures des Harry Dickson, mais chaque édition ou réédition est soigneusement reprise dans ce livre. Un travail de fourmi, de longue haleine, réalisé par Arnaud Huftier, qui mérite en soi un grand remerciement pour le travail accompli.

Ce livre très complet se suffit à lui-même. Tout amateur de Jean Ray, que ce soit pour ses textes fantastiques ou pour ses Harry Dickson (qui le sont tout autant), trouvera toutes les références souhaitées. Les multiples éditions dans plusieurs pays, dans plusieurs langues, sont reprises dans cet ouvrage. Il ne manque pas grand-chose pour qu’il soit parfait, si ce n’est un prix plus abordable pour le lecteur. Mais le faible tirage de ce livre ne le rendra jamais accessible à un prix plus abordable.

Je conseillerai à ceux qui se lancent dans l’aventure de prendre en complément les mémoires d’Henri Vernes. Le père de Bob Morane parle longuement de son amitié avec Jean Ray, et la manière dont ses livres ont fait leurs apparitions au catalogue des éditions Marabout. D’une certaine manière, Jean Ray doit beaucoup à Henri Vernes d’avoir été réédité. C’est aussi la consécration de l’auteur.

Donc, voilà un livre pour amateur averti, pour fan de Jean Ray, ou tout simplement pour lecteur qui veut approfondir le fantastique Belge.

Jean Ray, l’alchimiste du mystère, Arnaud Huftier, Encrage, 2010, 768 pages

Le petit guide à trimbaler de Philip K. DIck – Etienne Barillier

Les guides à trimbaler que nous propose ActuSF vont toujours à l’essentiel. Ils sont petits, concis et pas chers. Ce guide, réalisé par Étienne Barillier, et consacré à Philip K. Dick ne fait pas exception. D’un format presque carré, en un peu moins de 200 pages, il peut tenir dans une poche (pas trop petite tout de même). 30 ans après la mort de l’auteur (1928-1982), ActuSF a décidé de lui rendre hommage à travers ce petit guide.

Étienne Barillier nous présente Dick sous plusieurs aspects. Sa biographie, son œuvre, les adaptations à d’autres médias que le livre, les études sur l’auteur et son œuvre, ainsi qu’une sélection de nouvelles à découvrir (je précise que celles-ci ne sont pas dans le livre). Un panel d’informations toutes plus pertinentes les unes que les autres, qui vont aider le lecteur à choisir les livres de Dick qui sont le plus à même de l’intéressé.

C’est bien écrit, c’est concis. Pour chaque livre, on a droit à un synopsis, des commentaires, les points intéressants à découvrir, et à des citations extraites du livre.

Je ne suis pas un fan de Dick, même si j’ai beaucoup aimé Ubik ou certaines nouvelles de l’auteur, et que le Maitre du château m’attend encore. Mais Dick est un auteur incontournable en science-fiction. Ce n’est pas le plus grand auteur de science-fiction (sauf dans l’hexagone). Mais qu’on aime ou pas, il faut tenir compte de ce qu’il nous a légué.

Ce livre a beau être petit à côté de ce qui a déjà été écrit sur Dick, il en reste pas moins d’une grande utilité pour l’amateur de science-fiction que je suis et qui n’est pas un « Dickien ». Que me faut-il de plus pour découvrir l’œuvre de l’auteur ? Rien, à part ce petit guide d’Étienne Barillier, qui remplit très bien son rôle. Très bonne initiative !

Le petit guide à trimbaler de Philip K. Dick, Étienne Barillier, ActuSF, 2012, 192 pages

L’encyclopédie Tarzan – Michel Vannereux

La tribune des amis d’Edgar Rice Burroughs nous propose une encyclopédie sur Tarzan. Il s’agit d’un livre exhaustif sur tout ce qu’Edgar Rice Burroughs a écrit depuis 1912 sur le personnage. Michel Vannereux a ici fait un travail de fond remarquable, reprenant chaque texte dans la langue d’origine et en français. Pour chaque texte, on a droit aux différentes éditions qui l’on intégré. On constate que Tarzan a été édité par bon nombre d’éditeurs, mais qu’aucun n’est parvenu à sortir l’intégrale en français. Les différents textes sont disséminés, et il est particulièrement difficile de les retrouver.

Michel Vannereux accompagne chaque livre ou texte d’un résumé, en indiquant à quel moment le texte original a été édité. Un chapitre se consacre à toutes les particularités du personnage, son apparence, son cri, son humour, ses rapports avec la civilisation, les langues qu’il parle, etc.

Un long chapitre reprend tous les personnages du cycle, les peuples, les lieux, les termes. Le livre se termine par un dictionnaire Mangani. C’est évidemment le travail d’un passionné de Tarzan, et on ne peut que féliciter Michel Vannereux pour s’être lancé dans ce travail de fourmi.

Une remarque à faire sur ce livre ? Pas sur son contenu, qui est vraiment excellent. Mais plutôt sur le contenant, le livre qu’on aurait aimé plus souple. En dehors de ce détail, je me demande s’il existe des cartes géographiques imaginées par Edgar Rice Burroughs.

Pour profiter pleinement de ce livre, il serait bien qu’un éditeur nous sorte enfin une intégrale Tarzan sous forme d’omnibus (en français, je précise). J’aimerais bien que Michel Vannereux  nous fasse une seconde encyclopédie, mais cette fois-ci consacrée à la BD de Tarzan, car si le personnage se lit encore facilement, il se lit aussi sous forme BD.

Ces dernières années, Tarzan a pris un peu de recul par rapport aux héros doués de pouvoir. Son point fort c’est l’aventure, le mystère, l’exploration. Dans un monde où le temps et la distance ne font que se réduire grâce à l’invention et la technologie, il devient de plus en plus difficile de trouver un coin de terre qui nous dépaysera. Et là, Tarzan reste une référence littéraire, bande dessinée ou cinématographique.

 L’encyclopédie Tarzan trouvera naturellement sa place chez tous les fans du personnage. À conseiller, évidemment.

 L’encyclopédie Tarzan, Michel Vannereux, Editions Mangani, 2011, 276 pages

 

Mémoires – Henri Vernes

Les mémoires de Bob Morane… pardon, d’Henri Vernes ! Ce livre de 490 pages est édité par les éditions Jourdan. On pourrait penser qu’il s’agit d’un livre de mémoire de plus parmi une myriade d’autres. C’est vrai, mais celui-ci apporte son lot d’informations sur un auteur qui nous a transportés aux quatre coins du monde lorsqu’on était adolescent. Bob Morane, c’est toute notre jeunesse. Et le temps passant, on est resté fidèle au personnage. En tout cas, je le suis resté. Je n’irai pas dire que j’ai lu tous les Bob Morane, mais plus d’une centaine c’est certain.

Né à la fin de la guerre 14-18 à Tournai la ville aux six tours (qui n’en a que cinq et un beffrois), Henri Vernes va connaitre une enfance partagée entre des parents séparés. Il sera envoyé chez les Jésuites, sans être convaincu de l’existence de Dieu. Au début de l’adolescence, il connaitra sa première fois avec une femme qui avait l’âge de sa mère. Puis à un âge où il parait plus vieux que son âge réel, il part pour Anvers, et accompagne une certaine madame Lou en Chine (ce qui nous rappelle miss Ylang-Ylang). L’aventure est au rendez-vous et est parsemée de conquêtes. On va ainsi suivre Henri Vernes sur plusieurs décennies. On le voit militaire, puis résistant entre la France et la Belgique. C’est un personnage haut en couleur qui va devenir un écrivain prolifique.

Et Bob Morane dans tout ça ? Il faut attendre la 400ème page pour faire allusion à lui. En fait, notre héros de BD et de roman est loin d’être le sujet principal du livre. C’est la vie d’Henri Vernes qui est au premier plan, pas celle de son personnage principal.

Ces mémoires sont un bon livre, qui se laisse lire. Les chapitres courts se succèdent les uns après les autres, sans que le lecteur se perde dans des lourdeurs. La vie d’Henri Vernes est loin d’être une sinécure. Et à travers ses péripéties, on a une vision du vingtième siècle et de la seconde guerre mondiale en particulier à travers son regard. Cela englobe évidemment l’histoire de Belgique.

Mais si comme moi, le lecteur a acheté le livre pour en savoir plus sur la genèse de Bob Morane, il risque fort d’être un peu sur sa faim. Seules les cent dernières pages du livre vont aborder l’écriture et l’édition (Marabout entre autres). On va surtout découvrir l’amitié qui lit Henri Vernes à Jean Ray (autre monument de la littérature populaire belge, et fantastique en particulier). Une amitié de vingt ans lie les deux hommes. En lisant les mémoires, on constate que Vernes est pour beaucoup dans la réédition des œuvres de Jean Ray chez Marabout. Il en est même le principal initiateur.

Cette partie du livre est particulièrement intéressante. On comprend mieux les relations qu’avait Henri Vernes avec Marabout. On comprend aussi pourquoi cette collaboration n’a pas continué. Le livre s’arrête abruptement à l’année 1977. C’est très dérangeant pour le lecteur que je suis et qui a grandi avec Bob Morane en roman et en bande dessinée. Mais que sont devenus les rééditions en volumes chez Lefrancq, ou celles chez Ananké ? Pourquoi ne parle-t-on pas de la relève ? Simple question qu’Henri Vernes aurait pu élucider en ne s’arrêtant qu’à la date de fin du livre, c’est à dire le 3 avril 2011. 34 ans ont ainsi été escamotés, comme si plus rien ne s’était passé. C’est vrai que si l’auteur a davantage espacé l’écriture de roman, il n’en reste pas moins que les rééditions, le dessin animé, et la bande dessinée ont occupé cette période. Un oubli de 34 ans pour un livre de mémoires, ça ne fait pas très sérieux. J’espère que lors d’une réédition, un complément viendra combler cette période manquante.

En dehors de ça, c’est un livre très intéressant qui nous montre un auteur qui s’est inspiré de lui-même pour créer Bob Morane. Les aventures (parfois sentimentales) font partie de la vie de ce baroudeur qui a été très prolifique et a commis quelques grands moments du livre d’aventure. Mais attention, ce n’est pas seulement l’aventure. Dans les Bob Morane, on trouve du fantastique, de la science-fiction, du thriller, de l’épouvante. Tout le panel des genres existe, à l’exception du sexe. Ce qui est parfaitement compréhensible à l’époque (1953) car l’auteur voulait toucher un grand public

Un livre à conseiller, car c’est la première fois qu’Henri Vernes se dévoile autant. Un livre qui trouve sa place entre Bob Morane, Miss Ylan-Ylang et l’ombre jaune.

Je propose aux lecteurs d’acquérir en complément Henri Verne l’album de Jacques Dieu aux éditions L’âge d’or.

Mémoires, Henri Vernes, éditions Jourdan, 2012, 488 pages

Guerre des mondes ! – Jean-Pierre Andrevon

Avec ce livre Jean-Pierre Andrevon nous retrace l’histoire de ce roman de science-fiction paru en 1898. La guerre des mondes de H.G. Wells est le premier livre qui traite d’une invasion extraterrestre. Il a donné lieu à plusieurs adaptations (radiophonique, cinématographique, en bande dessinée) qui nous sont révélées dans ce livre.

Andrevon nous décrit d’abord comment la planète Mars était perçue avant que le roman de H.G. Wells ne soit écrit. La planète rouge a de tout temps fasciné les hommes. Il était donc normal que la première invasion extraterrestre vienne de Mars. Andrevon nous retrace la carrière de Wells et le contexte dans lequel il a élaboré son roman. Il enchaine avec l’engouement qu’à provoqué le livre auprès d’autres auteurs qui se sont librement inspirés de celui-ci. Sans oublier de nous parler de la version radiophonique d’Orson Welles qui a créé la panique. Le cinéma n’est pas en reste, et Andrevon nous explique que les adaptations ne sont pas très fidèles au livre. La version de 1953 est passée en revue ainsi que celle de Steven Spielberg.

Un chapitre est consacré au dessin et aux couvertures en particulier. Le livre de Wells a inspiré bon nombre d’illustrateurs qui ont réalisé des couvertures de pulps ou de livres. On trouvera même une version du livre illustrée par Edgar P. Jacobs, le créateur de Blake et Mortimer.

Dans la foulée le livre nous parle des séries qui se sont librement inspirées de la guerre des mondes. L’invasion de la Terre par des martiens a été exploitée à maintes reprises. Pour terminer, un chapitre est consacré aux livres qui ont comme toile de fond la planète rouge. On y trouve le cycle de Mars/Barsoom/Carter de Edgar Rice Burroughs, ou le livre de Mars de Leigh Brackett, ou Shambeau de Catherine L. Moore pour ne citer que quelques titres.

Voilà une étude détaillée de la guerre des mondes, de la planète rouge et des martiens qui sont sensés y habiter. Andrevon nous fait faire un tour d’horizon très complet, qui commence au milieu du 19ème siècle pour s’achever au début du 21ème siècle. Un livre édité dans l’excellente collection Miroir aux Moutons électriques. Une référence pour amateur de science-fiction.

Jean-Pierre Andrevon, Guerre des mondes !, Les moutons électriques, 190 pages, 2009, Couverture de Sébastien Hayez


Space opéra ! – André-François Ruaud et Vivian Amalric

Régulièrement les Moutons électriques nous sortent des études sur l’imaginaire ou sur les auteurs de l’imaginaire. Avec Space opera ! de André-François Ruaud et Vivian Amalric un nouveau pas a été franchi. Genre de prédilection que je ne pouvais pas laisser passer, tout simplement parce que c’est avec lui que j’ai commencé à lire de la science-fiction. Aujourd’hui encore ma préférence va à ce genre de livre, même si il n’y a pas pléthore de titres qui sortent sur le marché.

Les deux auteurs proposent de faire une visite du genre, mais en s’arrêtant volontairement à l’année 1977 qui correspond à la sortie de Star Wars. A travers les romans et nouvelles, mais aussi à travers les films, les séries télé, les pulps et la bande dessinée, ils retracent l’histoire de l’aventure spatiale tel que imaginée par des auteurs, scénaristes, réalisateurs et dessinateurs. On a droit à une préface de Gérard Klein, ce qui est en soi une référence. Et on découvre que les collaborateurs de ce livre sont des acteurs importants de l’imaginaire francophone d’aujourd’hui.

Space opera ! nous ramène à notre adolescence, lorsque nous aimions lire des livres d’aventure qui avaient pour décor l’espace (je précise que c’est toujours mon cas quatre décennies plus tard). On pourrait s’attendre à une histoire chronologique du space opera, mais il n’en est rien. Les auteurs ont préféré aborder le genre à travers plusieurs sujets. On trouvera donc : Doc Smith, Eric Frank Russell, Isaac Asimov, Hal Clément, Poul Anderson, Colin Kapp, Nathalie Henneberg, etc. pour lesquels presque un chapitre entier est consacré. Il y a évidemment d’autres auteurs dans ce livre, mais c’est impossible de les citer tous. Et puis il y a des thèmes comme les serials, Star Trek, le Fleuve Noir (à travers Louis Thirion entre autre). Les films ne sont pas en reste, et des classiques comme Planète interdite ne sont pas oubliés. Des séries comme Flash Gordon ou Buck Rogers occupent une part importante dans ce livre. Star Trek est aussi bien présent et se prolonge indirectement vers Next Generation.

Le livre a le grand mérite de raviver les souvenirs et aussi de donner envie de relire ces vieux livres de space opera qui datent d’un autre âge. Il est par moment déséquilibré car la place qu’occupent certains auteurs ne mérite pas tout un chapitre. C’est le cas de Nathalie Henneberg, qui malgré la qualité de son œuvre, pouvait certainement occuper deux fois moins de place. Même critique sur Flash Gordon, à mon avis beacuoup trop long.

Le livre a quelques lacunes. Mais on n’a jamais demandé aux deux auteurs d’être exhaustifs et objectifs. Par exemple ils ont complètement oublié la bande dessinée Jet Logan don 64 numéros sont sortis entre 1965 et 1970. Et pourtant c’est du vrai space opera qu’on peut mettre dans la même catégorie que Dan Dare. Pas trace de Jezabel, la pirates de l’espace dessinée par Magnus, qui a sévit pendant 18 numéros. Et puis dans les séries télés, un oubli comme Orion raumpatrouille (Orion space patrol), une série allemande qui date de la même période que Star Trek. On pourrait aussi ajouter la série Firebird XL5 de Gerry et Sylvia Anderson qui date de 1962.

Si on fait abstraction de ces oublis, le seul vrai reproche qu’on peut faire aux deux auteurs, c’est de n’avoir pas légendé toutes les images du livre. En dehors de cela, c’est un travail de bénédictin qui a été accompli et qui mérite amplement des louanges. Je compare un peu ce livre à celui de Jacques Sadoul sur l’histoire de la science-fiction. C’est en tout cas une référence de plus qu’il faut avoir dans sa bibliothèque, si on est un amateur de space opera. Ce livre montre parfaitement les bases du genre. Le seul problème, c’est que beaucoup d’entre elles n’ont pas été traduites ou n’ont tout simplement pas été rééditées. Dans ce sens, des collections comme Les trésors de la SF chez Bragelonne, devraient exister chez d’autres éditeurs. Il y a des classiques de la SF qui méritent leurs places dans nos bibliothèques, même si ils n’ont pas été des chef-d’œuvres.

Concernant Space opera ! l’idéal serait qu’une suite existe, qui irait de 1977 à nos jours. Je pense qu’il y a matière à faire cette suite. Espérons que les deux auteurs entendent mon vœu le plus pieux. Ce livre est une machine à rêver, un poison qui n’a comme seul but que de nous donner envie de retrouver tous ces livres de space opera disparus ou oubliés. Même en connaissant bien le space opera, j’ai encore découvert à travers ce livre des auteurs qui m’ont échappés. Il me reste à me lancer dans une course au trésor pour les retrouver. Evidemment s’ils pouvaient être un jour réédités (de préférence sous forme d’omnibus), ce serait beaucoup mieux !

Un livre qui doit faire partie de la bibliothèque des amateurs du genre, sous peine d’être jeter dans un trou noir à l’autre bout de la galaxie.

Space opéra, André-François Ruaud et Vivian Amalric (Les Moutons  électriques), 426 pages, 2009

Anticipation, 50 ans de collections au Fleuve Noir – Alain Douilly

Voilà un livre qui arrive à point nommé, à une période où bon nombre d’éditeurs  piochent dans le catalogue du Fleuve Noir. Les différentes  collections représentent une partie importante du patrimoine de l’imaginaire  francophone. Patrimoine que le lecteur d’aujourd’hui ne connait pas toujours.  Alain Douilly recense les différentes collections (Anticipation, Angoisse, Gore, etc.) mais aussi les cycles tels que Perry Rhodan, La compagnie des glaces, Jimmy Guieu. Il nous les présente de plusieurs manières.

Par exemple les collectionneurs y trouveront les 2001 titres de la collection Anticipation, classés par numéro ou par auteur. Un dictionnaire des auteurs nous apprend qui se cache derrière les pseudonymes. Alain Doully n’a pas oublié de nous parler des illustrateurs qui ont imposé un style graphique à la collection anticipation : René Brantonne, Gaston de Sainte-Croix, Florence Magnin, Patrice Sanahujas pour n’ en citer que quelques uns. Le livre est d’ ailleurs abondamment illustré.

On est étonné d’ apprendre que bon nombre d’ auteurs anglo-saxons ont un jour été publiés au Fleuve Noir : Poul Anderson, Leigh Brackett, Arthur C. Clarke, Isaac Asimov, A.E. Van Vogt, etc. La collection anticipation a presque été un passage obligé pour un grand nombre d’auteurs francophones qui sont des références aujourd’hui (Genefort, Klein, Ayerdhal, P.J. Herault, Dunyach, Jeury, Lehman pour n’en citer que quelques uns). Si un bon nombre de livres peuvent s’assimiler à du roman de gare, la collection regorge aussi de perles qui sont en train de revoir le jour auprès des éditeurs actuels. On ne peut que se réjouir de voir ses trésors enfin réédités.

Ce livre trouve sa place dans une bibliothèque de l’imaginaire. Il est exhaustif sur la production du Fleuve Noir. On aurait bien voulu une version couleur du livre ou une description plus détaillées de chaque livre. Mais le livre aurait eu la taille d’ un dictionnaire et son prix aurait monté en flèche pour un petit éditeur comme Rivière Blanche. Ce guide est une très bonne initiative qui arrive au bon moment.

Anticipation,  50 ans de collections au Fleuve Noir – Alain Douilly (Rivière blanche)

100 mots pour voyager en science-fiction – François Rouiller

Ce livre propose de présenter la science-fiction en 100 mots. Pas 100 mots de science-fiction, mais 100 mots qui sont sensés rassembler des œuvres de science-fiction (livres, films, bande dessinées, etc.). On trouvera par exemple : architecture, déni, griffes, maison, pire, rumeur, zut. Des mots qui ne donnent aucune indication précise sur un thème de science-fiction. En fait le livre se lit dans n’importe quel ordre. Le lecteur choisit un mot et se retrouve plongé dans un chapitre qui part dans tous les sens parce que François Rouiller connait bien son sujet et arrive à trouver des liens là où le lecteur passerait à côté de ceux-ci. Autant sortir des cartes d’un chapeau et par un tour de passe-passe trouver un dénominateur commun. C’est trop facile !

Pour un amateur de science-fiction averti, ce livre est décousu et ne suit pas la logique classique des thèmes. On peut aimer ce genre de désordre quand on lit un livre de philosophie, mais dans le cas de la science-fiction ce n’est pas du tout approprié. Je dirai donc que ce livre mériterait d’être réordonné complètement pour devenir très intéressant. Son contenu est excellent, mais sa présentation déroutera plus d’un lecteur.

100 mots pour voyager en science-fiction, François Rouiller, Empêcheurs de Penser en Rond, 2006

SF : la science mène l’enquête – Roland Lehoucq

Sur la table de mon libraire SF ce livre avait attiré mon attention. Roland Lehoucq, ça me disait quelque chose, mais je ne parvenais pas à me souvenir. Et en regardant le livre de près, je me suis souvenu que c’était un astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) qui avait écrit des livres de vulgarisation scientifique. N’ayant jamais lu Bifrost, je ne pouvais pas savoir qu’il tenait aussi une chronique dans cette revue.

J’adore lire Pour la science ou Science & Vie chaque mois et voilà un livre qui emprunte la même voie, celle de la vulgarisation scientifique. Thème après thème, avec des exemples issus de la bande dessinée, du cinéma et de la littérature SF, Roland Lehoucq nous dévoile les invraisemblances technologiques que contiennent ces derniers. Il analyse scientifiquement l’ascenseur spatial, le voyage vers Mars, la colonisation de la galaxie, le voyage au centre de la Terre, le terraformage, le voyage temporel, etc. Dix sept thèmes sont passés en revue. Mais il le fait avec un certain humour sans casser l’image que nous avons de ceux-ci. Le livre peut se lire de manière non linéaire, directement au chapitre qui nous intéresse. En un peu moins de 250 pages il donne une mine de renseignement et de références à nos propres lectures SF, mais aussi à des études scientifiques. La bibliographie en fin d’ouvrage est des plus intéressante.

Voilà un livre qui trouve naturellement sa place dans ma bibliothèque. Mais de quel côté? Science fiction ou vulgarisation scientifique ?