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Fantastique (la bit-lit est inclue)

Le dernier pharaon – Schuiten, Van Dormael, Gunzig, Durieux

Comme beaucoup d’amateurs de bandes dessinées, j’ai attendu avec impatience le Blake et Mortimer réalisé par François Schuiten, Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig. Le premier choix cornélien quand je suis arrivé chez mon libraire BD c’est de savoir quel format j’allais prendre. Vu les magnifiques dessins de Schuiten parfois augmentés (ou coupés) suivant le format choisi, j’ai opté pour les deux. Comme le format italien est limité en nombre d’exemplaires, il deviendra collector, et ceux qui ne l’auront pas acheté maintenant le regretteront plus tard. Si le prix est différent, il est justifié par son nombre de pages plus important.

L’histoire commence là où se terminait le mystère de la grande pyramide. Blake et Mortimer sortent de celle-ci avec une amnésie partielle concernant l’aventure qu’ils viennent de vivre. Quelques années ont passé et Mortimer se retrouve à Bruxelles, appelé pour résoudre l’énigme d’un mystérieux rayonnement issu des entrailles du palais de justice. Malheureusement ce rayonnement électromagnétique perturbe tous les engins électriques. La ville est évacuée et le palais de justice entouré d’une cage de Faraday. De retour à Londres, Mortimer est sollicité par son ami Blake pour revenir à Bruxelles et tenter de stopper ce rayonnement qui a repris. Parachuté sur la ville, Mortimer doit d’abord traverser celle-ci avec tous les dangers que cela représente et trouver le moyen de neutraliser ce rayonnement. Voilà la trame générale de cette BD.

Depuis l’enfance, je lis les aventures de Blake et Mortimer dessinées et écrites par Edgar P. Jacobs, mais aussi par les auteurs et dessinateurs qui ont repris le flambeau. Mais je n’ai pas éprouvé la même chose avec ce dernier pharaon. J’ai eu l’impression que c’était un tome de plus des cités obscures dans lequel Blake et Mortimer apparaissaient.

Je ne suis pas vraiment un fan de l’univers de Schuiten. J’ai néanmoins lu la fièvre d’Urbicande, Brüsel, et la Douce/12 et Bruxelles Itinéraires. Cela reste un univers froid et glauque, dans lequel le lecteur que je suis a difficile à avoir de l’empathie pour les personnages. Je ne reconnais pas Mortimer, qui a l’air d’être en fin de vie, et Blake qui fait de la figuration, sans parler d’Olrik qui est absent de cette histoire. La complicité entre Blake et Mortimer semble d’un autre âge, voire presque inexistante. Ils sont fatigués, et presque des inconnus l’un pour l’autre. C’est comme si la vingtaine d’aventures qu’ils ont vécue ensemble n’avait pas soudé leur amitié. Mortimer qui a toujours eu un esprit positif, curieux et téméraire, se retrouve face à un problème technologique (le rayonnement et le champ électromagnétique qui se dégagent du palais de justice). On y a ajouté une touche de mystère, alors que Jacobs a toujours privilégié la science plutôt que le fantastique.

Cela reste une bonne bande dessinée admirablement bien dessinée par Schuiten, mais avec un scénario plutôt faible par rapport aux « vrais » albums de la série. C’est paradoxal avec trois scénaristes talentueux on n’obtient pas une meilleure histoire. Cette BD est plutôt un prétexte pour montrer Bruxelles dans un futur post-cataclysmique, avec en toile de fond le palais de justice qui s’impose comme le lieu le plus étrange de la capitale belge. Et surtout un prétexte pour l’inclure dans les cités obscures.

Comme Bruxellois c’est un vrai bonheur de voir les magnifiques dessins de Schuiten et la mise en couleur de Durieux dans les deux formats. J’avais aimé « Bruxelles itinéraires » de Schuiten et Coste chez Casterman.

Concernant la grande pyramide, certains des lieux sont plus détaillés chez Schuiten que chez Jacobs.

En revanche, les phylactères sont loin d’être aussi remplis que ceux de Jacobs. Je pensais que la verve de Thomas Gunzig (que j’écoute régulièrement sur la première le matin) aurait permis des dialogues plus étoffés comme on a l’habitude d’en voir dans un Blake et Mortimer. Mais il n’en est rien. Dommage.

Trois scénaristes devraient normalement donner une bande dessinée de meilleure qualité. Ce n’est pas gagné !

Une erreur de taille concerne les dieux égyptiens. Il y a une énorme différence entre Aton le dieu unique de l’Égypte et Amon le dieu de Thèbes. Une lettre dans le nom change tout. Je signale que Wikipédia, ça existe…

Une autre erreur, c’est le SIS Building à Londres, plus connu comme le quartier général du MI5 et MI6, les services secrets anglais. Vous savez, là où James Bond travaille. Si la bande dessinée se passe dans les années 70 ou 80 comme le suggèrent certains véhicules (le vieux bus), ce bâtiment ne peut pas apparaitre dans l’histoire, car il date d’avril 1994 ! Deux décennies plus tard.

Le lien entre le mystère de la grande pyramide et le dernier pharaon est original et l’amnésie de Blake et Mortimer permet ce tour de passe-passe. Par contre, faire apparaitre la fille du cheik Abdel Razek et révéler qui est le dernier pharaon est un peu simpliste. C’est là que le scénario pèche par sa simplicité. Et puis, où est Olrik dans cette bande dessinée ?

Je considère plutôt cet album comme un hors-série par rapport au cycle. Il n’a d’ailleurs pas de numéro contrairement aux autres tomes. Donc, c’est une initiative indépendante, comme c’est par exemple le cas chez Spirou pour lequel il existe des albums qui ne se raccrochent pas au cycle principal. Dans ce cas, cela ouvre la porte à d’autres auteurs et scénaristes qui pourraient transposer Blake et Mortimer dans un univers qui leur est plus personnel. Pourquoi pas ? C’est évidemment trop tôt pour le dire, car il n’y avait pas de librairie qui avait échappé à la vague Blake et Mortimer. Avec le recul du temps, on aura une perception plus objective de cet album. Était-ce un vrai Blake et Mortimer ou un nouveau « cités obscures » ?

Cette l’histoire aurait pu arriver à Bob Morane, pour rester dans les héros franco-belges. D’autres se sont déjà essayés à un Bruxelles post-cataclysmique dans lequel apparait le palais de justice. Je pense par exemple à Denayer et Frank, avec « Le spit du snack » dans le cycle Gord.

Est-ce un album à conseiller ? Oh que oui, même si les canons de la série n’ont pas tous été respectés ! Et puis artistiquement parlant, c’est du grand art ! La ville qui sert de toile de fond, Bruxelles, je l’adore et j’y vis depuis toujours. Donc, j’admire d’autant plus le boulot qui a été fait pour réaliser cette bande dessinée. Et si Blake et Mortimer ont décidé d’y passer quelque temps, pourquoi pas !

Le dernier pharaon, Schuiten, Van Dormael, Gunzig et Durieux, éditions Blake et Mortimer, 2019, 92 ou 176 pages (suivant le format choisi).

 

 

 

Place des ombres, après la brume – Véronique Biefnot et Francis Dannemark

Un nouveau roman de Véronique Biefnot et Francis Dannemark est toujours un événement marquant dans la production littéraire littéraire belge. Qu’ils arrivent à écrire à quatre mains des histoires originales tient de la gageure. Bien sûr, d’autres auteurs s’y sont essayés, mais pas de manière aussi réussie qu’eux deux.

La première question qu’on peut se poser sur ce livre, c’est de savoir s’il s’agit d’un ou deux romans. En fait, c’est bel et bien une seule histoire, dont les deux parties se passent à vingt ans d’écart. La première se situe dans les années 1980, et la seconde en 2000. La première est écrite par Véronique Biefnot, et la seconde est écrite par Francis Dannemark.

On avait précédemment lu des romans écrits à quatre mains par les deux auteurs. Voilà que le duo nous propose un diptyque dont chacun a écrit une partie, au départ d’un scénario élaboré ensemble. Et cela fonctionne toujours. Le tandem est bien rôdé !

C’est d’autant plus difficile de chroniquer chaque partie du livre, car trop en dire sur la première partie donnerait des informations aux lecteurs sur la seconde partie. Je m’abstiendrai donc d’en dire trop sur l’histoire pour permettre au futur lecteur de découvrir le roman.

Place des ombres

Reste qu’avec Place des ombres, on retrouve le style d’écriture plus dramatique, plus sombre de Véronique Biefnot, qu’on avait déjà découvert dans sa trilogie (Comme des larmes sous la pluie, Les murmures de la terre, Là où la lumière se pose). Comme d’habitude, le style est soigné, précis, fluide, et… mystérieux. Avec un sens du détails qui lui est propre.

Si le fantastique a déjà été abordé précédemment dans les romans « Sous les ruines de Villers », ici on a droit à une dimension nouvelle et je pense que Jean Ray, Thomas Owen ou Michel de Ghelderode ne renieraient pas cette histoire. Par ailleurs, Véronique Biefnot peut allier le noir et le rose, passer du drame à la comédie lorsque c’est nécessaire. Probablement parce qu’elle est aussi une comédienne qui a abordé de multiples genres sur les planches de nos théâtres.

Le personnage principal de cette première partie est Lucie, une étudiante à l’université, qui se retrouve dans une ville qu’elle va devoir découvrir. Pas très loin de la place des Ombres, elle va faire la connaissance d’Evariste Jussieux un vieil herboriste qui tient son officine au rez-de-chaussée et de madame Latourelle, la propriétaire de la demeure dans laquelle Lucie va occuper un appartement. Lucie « adoptée » par un grand chien noir aux yeux d’ambre qui ne la quitte pas un instant, va bientôt être confrontée à d’étranges phénomènes en ces lieux et découvrir que ces deux personnes sont liées au sort de la maison. Une histoire révolue ? Peut-être pas : un événement tragique et spectaculaire va se produire, dont Lucie sera la victime… Il y a le danger sournois et invisible, que Lucie ignore alors qu’elle est la victime, et le danger imprévisible d’une demeure qui n’a pas encore livré tous ses sombres secrets.

Ce n’est qu’avec l’arrivée inattendue de son amie Maud que les événements tragiques vont trouver une explication rationnelle… Mais ne faudrait-il pas dire surnaturelle ?

Cette première partie se termine sur une note à la fois triste et rassurante, qui donne évidemment envie de lire la seconde partie de ce roman.

À noter que le fil rouge de cette histoire est un autre livre : Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire.

Après la brume

Dans la deuxième partie du roman, on retrouve Maud vingt ans plus tard. Elle a perdu son mari et sa mère, tandis que son fils est hospitalisé. Un nouveau personnage répondant au nom de La Brume fait son apparition. Taciturne, mystérieux, mais toujours aimable et attentif, il est accompagné d’un grand chien noir. Maud se sent rassurée par sa présence et il sera à son côté lorsqu’elle se rendra dans le château de  son père.

La brume semble être un étranger à toute cette histoire, et l’on sait peu de choses de lui. Et pourtant – mais le lecteur ne le découvrira que bien plus tard – des liens inattendus le rattachent aux protagonistes que l’on a appris à connaître depuis le début du diptyque.  Peu à peu, les pièces éparses s’assemblent…

Le ton et le style de Francis Dannemark sont certes légèrement différents de ceux de Véronique Biefnot mais le mystère plane toujours et nous sommes tout autant dans un registre où le fantastique règne en maître, quoique toujours dans un cadre réaliste

Je me demande à quoi aurait ressemblé ce roman si dès le départ il avait été écrit à quatre mains, comme c’était le cas pour les livres précédents des deux auteurs. Ou ce que cela aurait donné si Francis Dannemark avait écrit la première partie et Véronique Biefnot la seconde. Mais ces questions, qui sont de purs jeux de l’esprit (privilège du lecteur !) ne doivent pas nous faire perdre de vue qu’il s’agit d’une histoire qu’ils ont imaginée ensemble et, bien sûr, retravaillée en duo.

Dans cette « Place des Ombres, après la brume », on ne retrouve pas la charmante douceur de La route des coquelicots, ou la tendre nostalgie de Kyrielle Blues. Au cœur de ce diptyque, c’est un drame qui pose sa marque, et le mystère plane en permanence sur cette histoire, qui n’est pas moins agréable à lire, mais plus dense, plus tendue. C’est une nouvelle dimension dans le travail de ce duo ! Qui annonce d’autres collaborations dans l’avenir. À lire sans aucun doute !

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La forêt de cristal – J.G. Ballard

J’avais lu précédemment La forêt de Cristal édité par Denoël Lunes d’Encre, et j’étais resté mitigé, car J.G. Ballard ne fait pas partie de mes auteurs préférés. J’ai donc décidé de donner une seconde chance à ce roman en relisant la version poche qui vient de sortir chez Folio SF.

Je n’avais jamais lu Ballard auparavant, si ce n’est son livre « Empire du soleil ». J’ai donc décidé de lire cette réédition qui bénéficie d’une retraduction.

L’histoire se passe dans les années 50-60 en Afrique. Ma première réaction a été de faire un parallèle avec Tintin au Congo ou avec le film The african queen à cause de la première image que montre Ballard. Dans une Afrique post-coloniale, le docteur Edward Sanders arrive à Port Matarre et doit se rendre à Mont Royal pour s’occuper d’une léproserie et par extension retrouver sa maitresse qui est la femme de son collaborateur. Ballard crée une ambiance sombre et mystérieuse qui deviendra plus tard belle et dangereuse. C’est très bien écrit, le rythme est lent et l’atmosphère mélancolique, voir un peu envoutante. Il arrive très bien à nous plonger dans l’ambiance de ces vieux films d’aventure où le héros va simplement d’un endroit à un autre, mais à qui on devine parfaitement qu’il arrivera des choses. Sanders dans son voyage est entourée d’une jolie journaliste qui ne le laisse pas insensible, d’un architecte un peu dérangé qui veut retrouver sa femme, d’un prêtre jésuite et d’un médecin militaire, sans parler d’hommes à la mine patibulaire qui sont prêts à tuer…

Mais pourquoi ? Les clichés du vieux film avec Humphrey Bogart sont pleinement utilisés par Ballard. Le docteur Sanders va devoir se rendre à Mont Royal par le fleuve car c’est impossible de s’y rendre par la route. Il est confronté à cette forêt sombre le jour et lumineuse la nuit, dans laquelle la nature, les animaux et les humains qui s’y attardent sont cristallisés.

On se rend vite compte que Sanders est un médecin qui ne soigne pas mais dont le passe-temps favori est de se balader dans cette étrange forêt de cristal. Quand il arrive enfin à Port Royal, on devine qu’il est fasciné par cette forêt et que finalement toute l’intrigue de l’histoire se résume à ça. En dehors du fait qu’on découvre que c’est une fuite temporelle qui est à l’origine du phénomène, l’aspect scientifique a complètement été effacé, tout comme aucune solution n’est donnée pour se débarrasser de cet étrange phénomène. On apprend que cette étrange forêt n’est pas la seule sur Terre.

En fait Ballard a préféré se focaliser sur la psychologie de ses personnages et leur fascination pour une mort belle et froide plutôt que sur l’action. Peut-être que ce livre aurait dû s’appeler L’appel de la forêt de cristal. Le titre aurait été plus judicieux.

J’ai lu « Empire du soleil » de J.G. Ballard, son roman autobiographique, qui se passe à Shanghai alors qu’il avait onze ans pendant la guerre sino-japonaise. Ce roman m’a davantage plus que cette forêt de cristal qui me laisse un peu sur ma faim. Cette seconde lecture me confirme que Ballard est un auteur à découvrir.

Je dois reconnaitre que ce livre est bien écrit et plaira certainement à des lecteurs plus en phase avec la transfiction, et le new wave.

La forêt de cristal – James Ballard, Folio SF, 254 pages, 2015

La foret de cristal

Les dossiers secrets de Harry Dickson T4 – Brice Tarvel

Harry Dickson est de retour aux éditions Malpertuis. Brice Travel nous a concocté deux nouvelles histoires dans lesquelles le détective américain va mettre sa vie en jeu.

Lire les aventures d’Harry Dickson, c’est un peu comme lire celles de Bob Morane ou de Sherlock Holmes. On peut laisser passer du temps, mais chaque fois qu’une nouvelle aventure se présente, on est bien content de retrouver le personnage. D’abord parce qu’il s’agit de longues nouvelles rapidement lues, ensuite car le héros est original (un détective américain qui habite Baker Street à Londres). Les histoires se passent toutes entre les deux guerres du vingtième siècle, à une époque où les inventions les plus farfelues et les savants parfois fous se côtoient.

Et pour contrer tous les dangers qui se présentent, quoi de plus naturel que de faire appel à l’intelligence et au flegme d’Harry Dickson, toujours accompagné de son fidèle Tom Wills. Les deux histoires contenues dans ce quatrième tome sont résolument fantastiques.

Le polichinelle d’argile.

Des enfants sont capturés par d’étranges gnomes en terre glaise. À partir d’une main cassée, Harry Dickson va remonter jusqu’au commanditaire de ces rapts, et va découvrir que l’homme qui se cache derrière cela n’a qu’un seul but : tuer les enfants et utiliser leur sang. En le mélangeant à cette terre glaise en provenance d’Australie, il crée des gnomes qui travaillent pour lui. Il n’a qu’un but, s’enrichir sans se soucier de la vie des autres. Une aventure où Harry Dickson est lui-même en danger.

La chambre effroyable.

Les membres d’un cercle sont parvenus à capturer la mort, la faucheuse. Et cela grâce à l’aide d’un fakir qui va tisser une prison psychique. Le problème, c’est que les gens censés mourir ressuscitent. Même Harry Dickson qui a été tué lors d’une enquête revit. Cette situation amène le chaos à Londres et nécessite qu’Harry Dickson retrouve ceux qui ont capturé la mort, et la libère. Entreprise périlleuse puisque le détective doit faire face au pire ennemi qui existe. Mais est-ce vraiment un ennemi ? Car il ne peut exister la vie sans la mort.

Deux enquêtes dans le plus pur style du détective américain, que Brice Tarvel continue à animer à la fois sous forme littéraire, mais aussi en tant que scénariste de bande dessinée, pour notre plus grand bonheur. J’aime bien le clin d’œil à Georgette Cuvelier. J’espère que l’auteur ne se contentera pas de la mentionner dans le tome suivant, mais qu’elle aura un vrai rôle.

À suivre pour l’inconditionnel que je suis d’Harry Dickson. J’ai peut-être éprouvé un peu plus de difficultés à lire ce nouvel opus, parce que Brice Tarvel a parsemé ses histoires d’argot qui ne m’est pas toujours familier. Dans l’ensemble, deux histoires qui font passer un bon moment de lecture.

Les dossiers secrets d’Harry Dickson T.4, Brice Tarvel, éditions Malpertuis, 2014, 130 pages, illustration de Christophe Alves

Harry Dickson 4

Légendes d’Afrique – Marc Bailly

Voilà une anthologie que j’attendais depuis un certain temps. Dirigée par Marc Bailly, elle aurait dû voir le jour un an plus tôt. Mais certaines péripéties l’ont retardée. Ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose, car c’est les éditions Elenya qui ont enfin donné corps à celle-ci.

Avant de parler de chaque nouvelle, je voudrais juste précisé que je fais aussi partie des auteurs qui ont participé à son élaboration. Je ne ferai donc aucune remarque sur mon propre texte, me contentant de résumer l’histoire en quelques lignes.

L’Afrique, un continent qui stimule l’imagination des auteurs, surtout lorsque Marc Bailly demande des textes liés à l’imaginaire, c’est-à-dire au fantastique, à la science-fiction et à la fantasy. Et les nouvelles contenues dans cette anthologie abordent justement les trois genres. J’y ajouterai en fil conducteur l’aventure et le mystère. Les histoires se passent à notre époque, mais aussi dans le futur ou à l’aube de l’humanité, sans parler d’une nouvelle qui nous transporte à une époque où l’Afrique ne portait pas encore ce nom.

Et pour écrire ces histoires, une très belle brochette d’auteurs avec lesquels il est agréable de se retrouver dans la table des matières. Au début de chaque nouvelle, les auteurs expliquent comment ils sont arrivés à écrire leur nouvelle.

Gudule commence l’anthologie en donnant le ton général de celle-ci avec « La rose blanche du Caire », qui nous présente une jeune exploratrice qui va se retrouver au musée du Caire à une place qu’elle n’aurait jamais imaginé. C’est mystérieux et original.

Avec « Celle-qui-conte », David Bry nous présente un jeune homme envoyé en Afrique par son père auprès d’un sorcier qui est censé le guérir. La fille du sorcier ne le laisse pas indifférent, mais une fois soigné, lorsqu’il doit regagner la civilisation, il n’y a pas de place pour une compagne.

Boris Darnaudet propose « Gro-Mak-Gra-Che », titre étrange qui correspond au nom des adversaires que son personnage tuera. L’histoire se passe à l’aube de l’humanité.

Avec « Jahia », Céline Guillaume nous parle d’un prince qui n’a pas le droit de voir des femmes et qui se transforme en crocodile le jour où il en rencontre une.

Jacques Mercier propose une nouvelle sombre et mystérieuse « Ankh ». Les personnes qui portent cette croix meurent.

« La résurrection d’Olokun » de Jérôme Felin nous emmène dans une Afrique mystérieuse où certaines personnes se transforment en félin.

« Qui se souvient encore de moi ? » de Emmanuelle Nuncq mélange aventure et science-fiction avec une sorte d’appareil photo surnommé « Victorine » qui permet de prendre des photos à des époques différentes. Original.

« Saxo bird » de Patrick S. Vast est probablement la nouvelle qui s’éloigne le plus du thème de l’Afrique. Elle fait référence à l’âme de Charlie Parker alias Birdie, et l’histoire ne se passe pas en Afrique. Pour fan de Jazz.

« Anima mea » d’Alain Dartevelle mélange des légendes.

« Lettre morte » de Serena Gentilhomme nous propose une nouvelle très sensuelle qui concerne Isis. On découvre comment elle a trompé Osiris avec Seth avant de le tuer. Très envoutant. C’est mieux que cinquante nuances…

« Amazulu est de retour » de Gulzar Joby. Nouvelle de science-fiction qui s’inscrit dans un cadre plus large développé par l’auteur. Un peu déroutant.

« Les éléphants de Sankuru » de Rose Berryl, revient sur une trame plus familière qui mélange conte et nostalgie.

« Sécheresse et chaos » de Kwamé Maherpa. De l’heroïc fantasy. Une longue nouvelle qui tourne autour d’un royaume dans une Afrique imaginaire, et d’une sécheresse provoquée. L’histoire mérite d’être développée pour en faire un vrai roman. Même si cette nouvelle est longue, il y a comme un gout de trop peu. J’espère que l’auteur en fera un roman.

« La robe d’écailles » de Brice Tarvel. Nouvelle qui commence simplement. Le personnage principal a décidé d’avoir une aventure sans lendemain avec Mami Wata. Jusque-là rien d’anormal, sauf qu’elle va se transformer en sirène et que notre héros va être surpris par la suite des événements. Peut-être que la fin mériterait une ou deux pages de plus. Mais Brice Tarvel est comme d’habitude parvenu à capter mon attention !

« Sable » de Christophe Collins. Du classique, mais du bon classique. Dans un futur où les ordinateurs ont disparu, deux soldats sont chargés de récupérer un paquet en Égypte. La mission ne se fera pas sans danger, et le paquet n’est pas ce qu’on pourrait croire. Il y a un petit clin d’œil à un commandant Morane et à Indiana Jones. Belle nouvelle avec une fin originale.

« La fille qui fut promise au dieu-serpent » de Fabien Clavel est un vrai conte, étrange qui mêle des animaux étranges et une jeune femme qui ne parle pas au début. C’est un excellent texte.

« Semences du désert » de Marc Van Buggenhout. J’en arrive à ma propre nouvelle, qui est la plus longue de cette anthologie, et qui parle d’une pyramide noire découverte dans le désert du Ténéré. Les explorateurs découvrent qu’il s’agit d’un octaèdre formé par deux pyramides collées à leurs bases, qu’elle est plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur, et que le temps s’écoule différemment. J’ai fait un clin d’œil à une amie très proche qui est romancière et comédienne. On devinera qui !

« Emela-Ntouka » de Sophie Dabat. Encore un récit étrange où un animal dangereux à un lien direct avec une petite fille. La fin est surprenante, montrant encore une fois que Sophie Dabat sait comment captiver ses lecteurs.

« La voie du dessous » de Jean Millemann nous fait découvrir un homme qui vient voire un sorcier avec l’espoir de guérir son épouse gravement malade. C’est une quête qui l’attend quelque part dans une grotte en plein désert. Belle histoire qui trouve une fin logique mais triste.

L’anthologie se termine par une présentation de chaque auteur. Dans l’ensemble une belle anthologie, bien équilibrée, dans laquelle on ne s’ennuie jamais. Des textes qui mélangent les thèmes de l’imaginaire, et des auteurs qui n’ont pas hésité à proposer des textes originaux. C’est vraiment une belle sélection de textes réunis par Marc Bailly. Le thème n’avait rien d’évident, car tout le monde n’avait pas été en Afrique, et c’est donc l’image du continent de chacun qui a été transposée dans ces nouvelles.

Je ne voudrais pas terminer cette chronique sans mentionner la belle couverture de cette anthologie éditée par Elenya. Le continent africain qui apparait sur le visage est vraiment original.

Belle anthologie qui mérite d’avoir une suite en explorant les autres continents de notre planète. J’ai vraiment passé un très bon moment de lecture, et j’espère en voir d’autres prochainement.

Légendes d’Afrique, anthologie dirigée par Marc Bailly, éditions Elenya, 2015, 404 pages

 Légendes d'Afrique

Harry Dickson, la maison borgne – Brice Tarvel & Christophe Alvès

Voici enfin le retour d’Harry Dickson en bande dessinée, sous la plume de Brice Tarvel et le crayon de Christophe Alvès. On avait précédemment eu le tandem Zanon & Verhaegen très Blake et Mortimer, et le tandem Nolan & Roman qui nous avaient proposé un Harry Dickson proche des fascicules.

On retrouve le détective de Baker Street et son fidèle collaborateur au cœur d’une histoire de fantômes. Histoire dans la plus pure tradition des Harry Dickson qu’écrivait par Jean Ray.

Brice Tarvel n’est pas un inconnu, ni dans le monde de la BD ni dans le monde de l’imaginaire. Il a déjà signé quelques aventures d’Harry Dickson parues aux éditions Malpertuis. Avec lui, on retrouve un Harry Dickson cohérent, intelligent, accompagné d’un Tom Wills déterminé à en découdre avec le mal sous toutes ses formes.

Christophe Alvès concrétise les histoires de Brice Tarvel, par un dessin soigné et très réaliste (ce qui est un euphémisme en fantastique). Il passe indifféremment d’une scène glauque à une scène d’action, avec une découpe qui permet de garder un certain rythme. Les personnages sont bien campés, les couleurs sont judicieusement bien choisies par Alvès. Dans son ensemble, un bel album sur le plan graphique. Pour un premier essai, c’est réussi.

Et l’histoire. Deux fantômes dans deux fioles qui vont se briser à tour de rôle. Deux brigands qui vont donner du fil à retordre à la police, mais aussi à Harry Dickson. Une maison hantée par ces fantômes, qui se transforme petit à petit en navire. Ça, c’est vraiment très original. Le fantôme qui a peur du noir, je n’y ai pas cru un seul instant. Par contre, capturer l’âme des fantômes pour les placer dans des poules… pourquoi pas ? J’aurais aimé qu’elles se fassent manger à la fin de l’histoire. Mais les deux auteurs en ont décidé autrement en laissant planer un doute à la dernière page. Bien joué !

Dans l’ensemble, un premier tome réussi, amusant, intriguant, attendu par ceux qui comme moi aiment les histoires d’Harry Dickson. Une bande dessinée qui en appelle d’autres, car on peut supposer que les deux compères ne vont pas en rester là. Et donc, une suite très attendue. Beau travail !

Harry Dickson T.1, La maison Borgne, Brice Tarvel et Christophe Alvès, éditions Grand West, 48 pages, 2014

Harry Dickson

Les contes d’Amy – Frédéric Livyns

Mais pourquoi n’ai-je pas lu ce livre plus tôt ? Avec les contes d’Amy de Frédéric Livyns, je retrouve tout ce qui fait l’originalité du fantastique Belge. Et du fantastique, l’auteur nous en sert sur un plateau en contant des petites histoires toutes plus différentes les unes que les autres, mais qui forment un tout dans ce recueil édité par Lokomodo. Un petit livre qui a un prix très démocratique, qui en plus inclut un marque-page.

Curieusement, je n’ai pas lu ces nouvelles les unes à la suite des autres. Entre chacune d’entre elles, j’ai lu autre chose. Peut-être pour mieux apprécier les textes de Frédéric Livyns, pour ne pas être entré et aussi vite sorti de la lecture de ce recueil de nouvelles fantastiques. Et le résultat, c’est que j’ai beaucoup apprécié ce recueil. À travers l’auteur je trouve une relève assurée au fantastique Belge. Jean Ray peut dormir sur ses deux oreilles, Frédéric Livyns est là pour nous concocter des histoires mystérieuses et cauchemardesques. Un fantastique classique à lire, qui pourrait facilement être adapté par le 7ème art.

Le livre a raflé le prix Masterton en 2012, ce qui ne m’étonne pas vraiment en le lisant. Les nouvelles sont courtes et toutes originales. L’écriture est très fluide, et chaque nouvelle est originale. Il y a une certaine homogénéité, un certain équilibre dans ce recueil. Aucune nouvelle ne démérite sa place. Au contraire, chacune apporte une pierre à l’édifice que Frédéric Livyns à patiemment construit. La première et la dernière nouvelle ne forment qu’une seule et même histoire, dans laquelle on peut découvrir qui est Amy. C’est le fil conducteur de ce recueil.

En fait, cela commence par la visite d’un couple, Charles et Coralie, qui a un projet immobilier et s’intéresse à un bâtiment à l’abandon en pleine forêt. L’agent immobilier leur apprend qu’il s’agit d’un ancien asile psychiatrique qui pendant la Seconde Guerre mondiale a été réquisitionné par les Allemands qui en ont fait un point d’observation contre les maquisards. Les pins, c’est le nom de cet ancien institut, accueillaient des pensionnaires qui ont tous été fusillés par les Allemands.

Pendant que Charles visite le bâtiment en compagnie de l’agent immobilier, Coralie découvre des anciens dossiers médicaux qui font référence à une patiente qui s’appelle Amy. Une fillette qui a prématurément vieilli et qui a un don particulier, celui d’effrayer les autres personnes en leur instillant des cauchemars qu’elle a préalablement écrit. Chaque nouvelle correspond à un de ces cauchemars. C’est excellent, bien amené et très fluide.

A noter, l’excellente préface de Christophe Collins, qui lui aussi navigue entre polar, macabre et aventure.

Un bon conseil, si vous voulez dormir sur vos deux oreilles, n’achetez pas un asile psychiatrique en pleine forêt ! Par contre, ne laissez pas passer ce livre, si vous aimez le fantastique. C’est du Belge et c’est excellent.

Les contes d’Amy, Frédéric Livyns, Lokomodo, 224 pages, Prix Masterton 2012, illustration de Jimmy Kerast

Les  contes d'Amy

Hauteville House (intégrale T.1) – Duval, Gioux, Quet, Beau

Voici une BD bien représentative du style steampunk, c’est-à-dire de la science-fiction qui mélange intelligemment passé et technologie. Édité par Delcourt, et réalisée par Fred Duval, Thierry Gioux, Christophe Quet, Carole Beau, cette BD se situe au 19ème siècle, en 1864 pour être précis.

Cette intégrale reprend le premier cycle formé par les quatre premiers tomes (Zelda, Destination Tulum, Atlanta, Le streamer fantôme). Elle est sortie en même temps que le tome 10 (Jack Tupper) de la série.

Jusqu’à présent, je n’avais pas abordé le steampunk. En fait, je m’étais laissé tenter par la superbe couverture de Manchu, et en ouvrant la BD, j’ai découvert un récit en cinémascope et technicolor. Une histoire qui tient de l’aventure et de l’espionnage, sur fond de guerre de Sécession, histoire qui se situe en Europe et en Amérique. Lors de sa lecture, j’ai eu l’impression de lire un mélange entre les mystères de l’ouest, Indiana Jones, Blake et Mortimer et James Bond, dans un contexte historique qui tient tout à fait la route.

Avant de parler de la BD, un petit détour historique est nécessaire. Hauteville house, c’est le surnom d’une maison que Victor Hugo a achetée dans la rue Hauteville, sur l’ile de Guernesey en 1856. Dans la BD, cette maison est le quartier général d’une organisation qui combat Napoléon III.

Hauteville house 1

Hauteville house, c’est l’histoire d’un groupe de soldats républicains exilés sur l’ile de Guernesey qui tente de contrer les projets de conquête de l’empereur Napoléon III. Parmi eux, il y a le capitaine Gabriel-Valentin La Rochelle, plus connu sous le nom de code de Gavroche (un clin d’œil aux Misérables de Victor Hugo). Il est envoyé en mission au Mexique, sur les pas de Cortez, pour empêcher une armée française de mettre la main sur une arme d’origine inconnue. Gavroche s’allie à plusieurs reprises à Zelda, une espionne américaine qui travaille pour les nordistes, et qui a les mêmes objectifs que lui, c’est-à-dire empêcher les sudistes de gagner la guerre de Sécession et contrecarrer les plans d’invasion de Napoléon III. En parallèle à leur mission, Églantine, un autre agent de Hauteville House, joue les traductrices et recherche des informations qui permettront à Gavroche de mener à bien sa mission. Les trois personnages se retrouveront à un moment clé de l’histoire. Curieusement, chacune des quatre parties de cette bande dessinée représente un des éléments (terre, air, eau et feu).

La découverte de ce milieu de 19ème siècle est surprenante. Il existe des véhicules blindés, des dirigeables qui sont de vrais vaisseaux aériens, des sous-marins, des exosquelettes qui permettent de voler. Et toutes ces connaissances sont issues du grand chambardement, moment qui correspond à un coup de pouce de la part des extraterrestres. On est donc confronté à une civilisation qui a deux siècles d’avance sur le plan technologique, mais dont les us et coutumes sont bien ceux du 19ème siècle.

Si je dois émettre une critique, elle se fera sur les représentations des ectoplasmes extraterrestres, ou du monstre (page 184) qui ressemble plus à un grand jouet au milieu d’une bataille. Le fait qu’il y a une partie ésotérique avec une médium ne m’a pas dérangé. Au contraire, cela ajoute du danger à l’histoire.

Si vous avez aimé les mystères de l’ouest, alors vous aimerez cette. C’est admirablement bien dessiné, mis en scène et colorisé. L’aventure est au rendez-vous et le dépaysement est assuré.

Delcourt continue à rééditer ses différentes séries en intégrales. On ne peut qu’applaudir cette initiative qui permet de gagner de la place, mais aussi de proposer la BD à un prix plus abordable.

Hauteville House intégrale T. 1 à 4, Duval & Gioux & Quet & Beau, Delcourt, 2013, 200 pages, illustration de Manchu

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Le fantastique belge aujourd’hui

Ce mardi 3 décembre 2013, Jean-Baptiste Baronian proposait de faire un état des lieux du fantastique en Belgique, et aussi de nous rappeler l’origine de ce genre littéraire à part entière. Pour l’occasion, la conférence était donnée à l’Académie Royale de Belgique, devant une audience composée d’amateurs avertis mais aussi d’auteurs ou réalisateur.

Je ne propose pas une retranscription de la vision du fantastique Belge expliquée par Baronian. Mais plutôt ce que j’ai compris lors de cette conférence. J’y ai aussi ajouté ce que Jacques Van Herp m’avait dit à une certaine époque.

Mais qu’est-ce le fantastique ? Roger Caillois l’a défini comme : « L’intrusion de l’étrange dans le quotidien ».

L’émergence du fantastique Belge date de la fin du 19ème siècle (vers 1880). On retrouve à cette époque Émile Verhaeren, un des plus grands poètes qu’a compté la Belgique. C’est le symbolisme à travers l’utilisation du surnaturel, et un certain réalisme qui va donner naissance à une forme de fantastique propre à la Belgique. Les histoires se passent dans notre monde de tous les jours, mais font intervenir des portes, des êtres, des événements issus d’une réalité parallèle qui interfère avec la nôtre. Ce fantastique qui fait intervenir de la magie dans la réalité va se retrouver dans la peinture, et plus tard dans le cinéma belge. C’est l’envie de déranger, de bousculer les conventions qui va animer ce fantastique qu’on peut considérer comme surréaliste. C’est un fantastique de réaction qui fait face aux courants littéraires traditionnels. Il se distingue de celui des Anglo-saxons, et soutient la comparaison face à celui d’auteurs tels que Howard Philip Lovecraft, Edgar Allan Poe ou Louis Borges. On peut dire que Franz Hellens et Jean Ray y sont pour beaucoup.

Curieusement, les premiers auteurs sont tous flamands, mais écrivent en français. On compte parmi eux Jean Ray ou Michel de Ghelderode. Le premier a écrit des centaines de contes et est probablement l’auteur belge fantastique le plus connu (Malpertuis), et le second a consacré une bonne partie de son existence au théâtre.

Une particularité des auteurs belges, c’est qu’ils sont venus naturellement au fantastique. C’est presque une seconde nature chez eux, comme si c’était enregistré dans leurs gènes. Le fantastique est présent dès le début, et y faire référence n’a rien d’anormal. C’est d’ailleurs ce qui distingue les auteurs belges des Français. Par contre, ils ne se connaissent pas nécessairement. A quelques exceptions près, chacun écrit sans connaitre les autres.

25 histoires noires et fantastiques

Marabout

Il suffit de lire les mémoires d’Henri Verne (père de Bob Morane) pour se rendre compte qu’il a été un des initiateurs du retour du fantastique en Belgique. C’est grâce à lui qu’on a pu redécouvrir l’œuvre de Jean Ray, dont le titre le plus connu est évidemment Malpertuis, mais à qui on doit une grande partie des Harry Dickson. L’œuvre de Jean Ray s’articule autour de centaines de contes et nouvelles, qui ont été publiées sous plusieurs pseudo, entre autres celui de John Flanders. Encore aujourd’hui, Jean Ray reste un auteur de référence, au même titre qu’un Lovecraft chez les Anglo-saxons.

Marabout dans les années 60-70, c’est l’éditeur de référence en matière de fantastique. À l’époque, il n’y avait que quatre ou cinq éditeurs qui proposaient de l’imaginaire et du fantastique en particulier. Pour Marabout, c’était l’âge d’or, celui de la découverte de nouveaux auteurs, ou la redécouverte d’auteurs oubliés, et évidemment la publication de grands titres (Dracula de Bram Stoker, Frankenstein de Mary Shelley). Mais c’était surtout l’occasion de lire des auteurs belges comme Marcel Thiry, Thomas Owen, Jean Ray, Michel de Ghelderode, Gérard Prévot. On doit cette alternance à Baronian, qui en tant que directeur de collection chez Marabout, tenait à faire découvrir ces nouveaux auteurs.

Pour en revenir à Jean Ray, c’est le livre « Les 25 meilleures histoires noires et fantastiques » paru en 1961, qui a permis de redécouvrir l’auteur, alors presque en fin de vie. Parmi les nouvelles présentes, on trouve « La ruelle ténébreuse » ou « Le grand nocturne ».

Je conseillerais à tout amateur de lire la biographie écrite par Henri Verne, qui explique plus en détail cette période du fantastique Belge. Dans la foulée, je me pose la question suivante : peut-on dire que Henri Verne écrivait aussi du fantastique ? Son héros Bob Morane touchant à presque tous les genres, je me dis que le cycle « Les portes d’Ananké » n’est pas seulement de l’aventure, mais aussi du fantastique.

Dans les années 70, Baronian a surnommé cette vague fantastique : l’école belge de l’étrange. Aujourd’hui, on la retrouve à travers des auteurs comme Michel Rozenberg, Alain Dartevelle, Christopher Gérard ou Bernard Quirigny. C’est en tous cas les quatre principaux proposés par Baronian. D’autres auteurs anciens ou contemporains touchent au fantastique. On peut citer : Marcel Thiry, Jean Munoz, Nadine Monfils, Anne Richter, Jacques Sternberg, Alain Le Bussy, pour n’en citer que quelques-uns.

À l’heure actuelle, les auteurs qui écrivent du fantastique se limitent plutôt au format de la nouvelle. Un texte pas trop long, où l’idée principale peut être développée sans provoquer de longueur. Et pourtant il y a des auteurs qui s’essaient au roman fantastique. C’est par exemple le cas de Jean Ray avec Malpertuis. C’est aussi le cas chez des auteurs anglo-saxons, avec Stephen King qui propose régulièrement des pavés de 500-600 pages de fantastique. On espère évidemment retrouver des textes plus longs écrits par les auteurs contemporains belges.

Il existe très peu de magazines dédiés au fantastique belge. Phénix, qui au départ était en format papier, continue à parler de fantastique à travers le domaine plus large de l’imaginaire, mais c’est uniquement sur le Web.

Je pense qu’un essai plus complet sur le fantastique Belge aujourd’hui serait le bienvenu. J’espère que Jean-Baptiste Baronian pensera à l’écrire, car le dernier qu’il a rédigé remonte loin dans le temps.

En écrivant cet article, mon but n’était pas de faire un essai sur le fantastique belge, mais plutôt de résumer où il se situe aujourd’hui.

Marc

La saga de madame Atomos 7 – Michel Stephan

Après avoir édité l’intégrale du cycle madame Atomos d’André Caroff, Rivière Blanche propose ici « Madame Atomos sème la tempête » écrit par Michel Stephan. On retrouve la Japonaise dans le désert du Nevada dans les sixties. À ses trousses, l’éternel Smith Beffort, agent du FBI qui n’a de cesse de mettre définitivement hors d’état de nuire la malfaisante Japonaise.

Le livre comprend le roman, trois nouvelles et une chronologie des aventures de madame Atomos. Si on retrouve effectivement l’ambiance qu’André Carroff avait imposée lors de la parution au Fleuve Noir, on doit lire ce livre avec le regard de l’époque.

Le roman est classique, et pourrait aussi bien correspondre à une aventure de Bob Morane ou d’Harry Dickson. L’ombre jaune, Miss Yalang-Ylang ou Georgette Cuvelier la fille de Flax, joueraient très bien le rôle de madame Atomos. Dans ce roman, le héros c’est évidemment Smith Beffort, qui court derrière Kanoto Yoshimuta (alias madame Atomos) qu’on aperçoit à de rares occasions dans cette histoire.

En fait, on suit d’abord Danny le neveu de Beffort, policier qui est parvenu à s’infiltrer dans une communauté qui vit en bordure du désert de Mojave. Un trafic d’armes de haute technologie est découvert, et un policier a été tué. Danny a été accepté par la communauté et découvre un étrange cimetière. Pendant ce temps, son oncle pense avoir rencontré madame Atomos en la personne de Loris Adams. Il ne lui révèle pas ses soupçons pour l’emmener dans le désert à la recherche de son neveu.

Étrange histoire qui montre que des activités illégales existent dans le désert, et que madame Atomos y a une base secrète enfuie sous le sol. Lorsque Smith Beffort et Lori Adams sont sauvés d’une mort certaine dans le désert, ils se retrouvent dans la base secrète de madame Atomos. Cette dernière qui voue une haine aux Américains a planifié la mort des enfants de Los Angeles. Beffort va découvrir que la base secrète est en fait un grand vaisseau spatial qui fait route vers la cité des anges. Comme à son habitude, les plans de madame Atomos sont perturbés et elle n’est pas capturée.

À ce stade-ci, il y a une petite erreur dans le livre à la page 163. On apprend qu’un énorme engin sphérique d’un diamètre d’un kilomètre était stationné au-dessus de la ville. Et puis plus loin, l’engin est une soucoupe volante qui se jettera dans la mer. Une petite relecture du texte aurait été la bienvenue.

Curieusement, c’est la nouvelle qui suit « Une écharpe de soie rouge » qui m’a le plus plu. Elle est racontée par Tom Wills, l’adjoint d’Harry Dickson. Dans les années 30, le plus grand des détectives a rencontré Kanoto Yoshimuta au Japon. Lors d’un moment de relaxation, elle lui a inoculé quelque chose dans l’organisme qui le paralysera un an plus tard s’il ne vient pas au rendez-vous qu’ils se sont fixé. Amusant comme nouvelle, où on voit Harry Dickson à la merci de la belle Japonaise.

La nouvelle suivante « Avec les compliments de Nestor ! » met en scène Nestor Burma qui accepte de remettre des documents à un homme pour le compte de Leni Riefenstahl. Nouvelle dans laquelle on retrouve Bob Morane, OSS 117 et Mister Bean qui combattent l’organisation de madame Atomos.

Avec « La maitresse du haut château », on retrouve madame Atomos à la tête d’un asile psychiatrique dans lequel elle a une conversation avec Hawthorn Abendsen l’écrivain créé par Philip K. Dick dans Le maître du Haut Château.

Ce tome 7  se termine par une chronologie des aventures de madame Atomos. Dans l’ensemble, un livre qui se lit sans nécessairement avoir lu les précédents. C’est un moment de lecture plutôt réservé aux fans de la Japonaise. Rivière Blanche continue la saga commencée par André Carroff. Aux commandes, Michel Stephan qui s’en tire pas si mal que ça. À lire.

La saga de madame Atomos T.7, Michel Stephan, 214 pages, Rivière Blanche, 2013, illustration de Jean-Michel Ponzio

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Au-delà du réel (1963)

Est-ce que vous vous souvenez de cette série télé qui prenait le contrôle de votre téléviseur ? Sortie en 1963 aux États-Unis, elle n’est arrivée sur nos écrans qu’en 1972 sur la première chaine de l’ORTF. Tout au long des 49 épisodes en noir et blanc de 52 minutes, cette série originale nous captivait déjà rien qu’avec son générique :

Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur, ne cherchez donc pas à régler l’image. Nous avons le contrôle total de l’émission : contrôle du balayage horizontal, contrôle du balayage vertical. Nous pouvons aussi bien vous donner une image floue qu’une image pure comme le cristal. Pour l’heure qui vient, asseyez-vous tranquillement. Nous contrôlerons tout ce que vous verrez et entendrez. Vous allez participer à une grande aventure et faire l’expérience du mystère avec Au-delà du réel.

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Créée par Leslie Stevens et Joseph Stefano, cette série de science-fiction proposait toujours de nouvelles histoires mettant en œuvre des extraterrestres, des monstres, d’étranges créatures, des personnes douées de pouvoirs ou des savants fous. Les thèmes principaux se focalisaient sur les contacts avec d’autres civilisations, l’utilisation de la technologie et les questions que cela posait à notre propre civilisation. La peur était omniprésente dans cette série, et les réalisateurs s’appuyaient sur celle-ci pour captiver le spectateur. À l’époque, on était en pleine guerre froide et le sujet revenait régulièrement. Les idées ne manquaient pas et pour ceux qui seront attentifs en la visionnant, ils remarqueront que pas mal de thèmes seront repris plus tard dans des productions pour grand écran. Par exemple, l’épisode Le soldat fait penser à Terminator de James Cameron.

Faute d’effets spéciaux comme on les connait aujourd’hui, ce sont les costumes, le maquillage, l’ambiance et surtout le jeu des acteurs qui étaient privilégiés. Et des acteurs, il y en a eu : Donald Pleasance, Robert Duvall, Martin Landau, Martin Sheen, David McCallum, Robert Culp, Dabney Coleman, Henry Silva, Barry Morse, Sally Kellerman, James Doohan, William Shatner ou Leonard Nimoy (trois acteurs de Star Trek). On ajoute à cela le fait que c’était tourné en noir et blanc et que les contrastes étaient particulièrement exploités pour dramatiser les scènes et obtenir une série qui mélangeait science-fiction, fantastique et terreur.

À la fin de chaque épisode, on avait droit à un dernier message : Nous vous redonnons maintenant le contrôle de votre appareil de télévision jusqu’à la prochaine émission de Au-delà du réel.

Au-delà du réel (The Outer Limits en anglais) est sorti en 1963 sur les petits écrans après la diffusion de La quatrième dimension (The Twilight Zone). Elle n’a connu que deux saisons, la seconde étant interrompue à cause du coût de chaque épisode. ABC, la chaine qui la produisait, a réduit les budgets et a placé la série dans une case horaire qui lui a fait perdre ses spectateurs, d’où son abandon en pleine saison 2. On a donc 32 épisodes dans la saison 1 et 17 épisodes dans la saison 2.

The outer limits 2

Un demi-siècle plus tard, cette série se regarde toujours, au même titre que La quatrième dimension, Les envahisseurs ou Star Trek. Elle est revenue en 1995 sous la forme d’une série de 7 saisons, qui comprenait au total 144 épisodes de 42 minutes. Elle était en couleur et abordait plus de thèmes que dans la série originale.

Au-delà du réel a contribué à l’essor de la science-fiction sur le petit écran. C’était une série originale qui posait des questions de société, sans chercher à moraliser le spectateur. Aujourd’hui, c’est en coffret DVD que la série peut encore toucher un public amateur de vieille science-fiction. Si vous avez l’occasion de la voir, n’hésitez pas, car bon nombre d’idées restent exploitables dans les films d’aujourd’hui.

Au-delà du réel
créée par Leslie Stevens et Joseph Stefano en 1963
49 épisodes, deux saisons
avec : Vic Perrin, la voix du Contrôle

Au-dela du reel

Annette Luciani/Amy Shark – Interview

Suite à la sortie de son livre Jour de chance pour les salauds, et dans le cadre du magazine Phénix, j’ai proposé une interview à Amy Shark alias Annette Luciani.

Annette Luciani

Il est difficile de croire que la personne qui a écrit « La Corse, l’enfance » ou « L’enfant du lac » est aussi celle qui a écrit « Jour de chance pour les salauds ». Ce sont des genres totalement différents. Dans quel genre te sens-tu le plus à l’aise pour écrire ?

Je dirais que les genres se complètent ! J’ai d’abord écrit beaucoup de poésie avant d’en venir à la prose, et la poésie reste pour moi le moyen d’expression le plus parfait, capable de concentrer tout ce qu’un écrivain recherche – le rythme, la musicalité, la couleur, l’émotion, le sens… — dans un minimum d’espace.

Et puis j’ai écrit des nouvelles policières ou fantastiques, mais toujours très courtes, ce qui fait que les revues les refusaient souvent. C’est Joel Champetier qui le premier m’a décidée à faire « du long » : il avait accepté quelques-uns de mes textes pour Solaris, tout en leur reprochant d’être « trop courts ». Donc, c’est en essayant d’« allonger » mes textes que j’ai versé dans le polar, et en m’efforçant d’« allonger » mes polars, que Jérôme Camilly trouvait lui aussi trop courts, que je suis retombée dans le fantastique, pour ne plus en sortir ! C’est comme si l’un menait naturellement à l’autre, la poésie liant le tout.

Par contre, je n’ai jamais vraiment été tentée par la SF : c’est un genre dont les risques de longueur m’effraient. Même dans le long, je reste une adepte du court, ne serait-ce que parce que j’ai peu le temps d’écrire, et que c’est le temps pour moi le plus précieux de ma journée. Une fois lancée, je cours vers la fin. Finalement, le genre qui me tente le plus, l’idéal auquel j’aspire, c’est l’image. Je le dis dans mon tout premier texte, L’esprit de chair ; c’est peut-être pourquoi je suis proche des peintres, des photographes, des cinéastes… Je les admire, parce qu’ils parviennent à un absolu qui reste pour moi, en littérature, du domaine de la recherche, de l’expérimentation, du tâtonnement. Un texte en prose n’est jamais complètement abouti.

Le titre de ton dernier livre « Jour de chance pour les salauds » est un peu sur le même ton que « Journal d’un vieux dégueulasse » de Charles Bukowski. Y a-t-il eu une influence de Bukowski dans le choix du titre ?

Pas dans le choix du titre, non, mais j’apprécie la référence à Bukowski ! J’aime particulièrement ses poèmes, et il a marqué mon parcours américain. Ceci dit, mon Salaud n’est pas un vieux dégueulasse du tout ; il est jeune, il est beau, et il a de la tenue. Et c’est un flic, en plus ! Ce n’est pas une cloche ! Donc, le titre de Bukowski ne conviendrait pas du tout !!! Même si les femmes, au fond, aiment tout autant les vieux dégueulasses que les salauds, comme le prouve l’histoire de Bukowski. Et celle de Kowinski !

Pourrais-tu nous dire quelles sont tes préférences en imaginaire et pourquoi ? Quels sont les livres ou les auteurs qui t’ont marqué ?

Ouf ! La liste est longue. Tout Rimbaud. Nerval, Novalis, Goethe, Hugo, Poe, Baudelaire pour les classiques. En vrac, ensuite, Cortazar, Borges, Buzzati, Jean Ray, Owen, Bradbury, Clive Barker, S. King, G. Masterton, Ellroy, J.Thompson, P.Highsmith, R.Rendell, la Bible et les Évangiles.

Y a-t-il un roman dont tu aurais voulu être l’auteur ? Si oui, pourquoi ?

J’aurais bien voulu écrire la Bible, j’aurais pu y apporter quelques modifications…

Comment t’est venue l’idée de cette trilogie qui tient du fantastique et un peu de la science-fiction ? Y a-t-il eu un élément marquant qui t’a donné envie d’écrire l’histoire d’un salaud tel que Kowinski ?

Il n’y a pas vraiment d’idée, rien qu’une immense vague de dégoût et une révolte inutile pour ce que la réalité nous offre au quotidien : le meurtre et mensonge, qui ont toujours pignon sur rue. L’inutilité de cette révolte qui continue pourtant à s’affirmer, à crier sa présence, c’est cela pour moi le « fond » du fantastique, son origine et son ressort. D’ailleurs, c’est sans doute la raison d’exister de toute la littérature, dans tous ses genres. Disons que le fantastique est pour moi le meilleur angle d’approche.

Est-ce que Kowinski est inspiré d’un personnage réel ?

Même de plusieurs. On y reconnaît facilement un récent tueur en série, pilote de ligne, militaire haut gradé, au parcours impeccable, qui à côté de ça démolissait les femmes… On peut y reconnaître les fantasmes de toute-puissance et la perversité de certains chefs d’entreprise qui ne valent pas mieux que des tueurs en série. Inutile de citer des noms, regarde autour de toi et dis-moi si nous ne sommes pas cernés par un tas de salauds !

Dans ton roman, la ville est omniprésente. Que ce soit Maskette, Petipas ou Vignole, elles occupent une place importante dans l’histoire, et tu vas même jusqu’à qualifier la première de ville-cube, ville-monstre, ville-mouroir. Penses-tu que nos villes actuelles prennent cette direction ?

Oui. J’envie les grands écrivains de SF de les avoir si bien décrites, d’avoir si bien perçu notre avenir urbain.

Dans la préface, Jérôme Camilly dit qu’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. On a l’impression que tu as appliqué ce principe et proposé à tes lecteurs un personnage qu’on a envie d’étrangler tellement il est mauvais. Dirais-tu que les lecteurs sont plus attirés par les âmes sombres plutôt que par les personnages sans reproches ?

Disons que toute histoire ne peut se nouer qu’autour de deux personnages, un bourreau et une victime. Pour aimer la victime qu’est le capitaine Vince dans cette histoire, il faut ressentir et apprécier, même si on la déteste, la cruauté de Kowinski. S’il n’y avait que des innocents vertueux, ce serait le Paradis, et on n’écrit pas au Paradis, on ne raconte pas, on contemple ; c’est très ennuyeux. Un roman avec des personnages, et surtout des héros sans reproches, ce serait une utopie littéraire !

Si un tel personnage que Kowinski, qui est censé représenter l’ordre, en arrive à de tels actes, n’est-ce pas parce qu’il a une image négative de la société ? Est-ce qu’à ses yeux, l’humanité n’est pas vouée à la pourriture ? Et les zombies en sont le bon exemple ?

Je partagerais alors la vision intime de Kowinski sur ce point ! L’humanité est certainement vouée à la pourriture, depuis toujours, puisqu’elle est vouée à la mort, vivante ou non. Le seul moyen d’échapper à la morsure des vers, au grouillement de la vermine, à la zombification, c’est l’incinération évidemment. Le grand incendie purificateur ! Mais attention, c’est là ma vision personnelle, ce n’est pas celle de Kowinski. Kowinski n’est pas un anarchiste, ce n’est pas un justicier, il ne souffre aucunement de l’injustice. C’est un fonctionnaire égoïste, mesquin, lâche et pantouflard, un survivant qui ne songe qu’à assouvir ses instincts, qui lui-même est mené par des pulsions animales qu’il ne s’explique pas. Il ne se comprend pas, il ne comprend rien ; son raisonnement est très limité…

Sans dévoiler la suite de l’histoire, peux-tu nous dire où tu en es dans la suite de l’écriture ?

Les trois tomes sont finis, je ne veux rien révéler ! Mais évidemment, le polar s’achève dans le plus pur fantastique, puisqu’il s’agit de savoir au fond si cette société pourrie a une possibilité de se racheter, de renaître sous une autre forme, ou de disparaître à jamais…

Pourrais-tu nous en dire plus sur tes projets littéraires ?

J’ai une série de douze nouvelles policières qui devrait paraître (dont certaines sont mélangées de fantastique), et un gros thriller en préparation. « Gros » pour moi, c’est à dire presque 200 pages !

Merci, Marc, merci Phenix, j’ai passé un bon, agréable moment à répondre à ces questions !

Jour de chance pour les salauds – Amy Shark

Je vous rassure tout de suite ! Amy Shark n’est pas un nouvel auteur. C’est Annette Luciani qui a décidé d’utiliser ce pseudo. J’avais aimé sa nouvelle « La maison amoureuse » dans l’anthologie « Les mondes de Masterton » dirigée par Marc Bailly. Et j’avais envie de continuer à lire des textes d’Annette Luciani. Voilà qu’elle propose non pas une nouvelle, mais un roman court qui sera suivi de deux autres.

Jour de chance pour les salauds tient du polar. Un polar qui se passe dans un futur indéfini, où un virus créé par les humains a décimé une partie des plantes, et par extension une partie de l’humanité. L’histoire se passe donc dans un « quelque part » qui inclut les villes de Maskette, Vignole et Petipas. Ne me demandez pas où ça se trouve, car moi-même j’aimerais le savoir !

On pourrait donc penser que ce livre tient de la science-fiction. Si on veut. En réalité il a des allures fantastiques qu’on découvre au fil de la lecture. Et en fin de compte, on doit bien reconnaitre que c’est bel et bien du fantastique, dans lequel Annette Luciani … pardon ! Amy Shark excelle.

Jour de chance pour les salauds va nous confronter à une enquête policière dans laquelle un serial killer est un membre de la police. Si dès les premières pages, Amy Shark nous le révèle, c’est parce qu’elle a décidé de nous présenter le personnage sous un aspect particulier. Ce flic véreux, Kevin Kowinski, est particulièrement dangereux, sans scrupules, et surtout dénué de toute compassion pour ses proches. Le livre montre comment un salaud de ce calibre arrive à ne pas se faire identifier et pourchasser. L’homme est particulièrement retors et n’hésite pas à violer et tuer, puis balancer le corps depuis un train. Il est aussi très cruel, et les scènes violentes sont au rendez-vous dans ce livre qui fait à peine 114 pages.

Le ton, le rythme imposé par Amy Shark font qu’on ne s’ennuie pas un seul instant. Au contraire, le temps passe trop vite. Et quand on arrive à la fin de ce court roman, on est déçu de ne pas déjà avoir la suite sous la main. C’est là que l’objectif de l’auteur est pleinement rempli. Ce polar fantastique est excellent. Dans sa construction, on pourrait presque l’assimiler à un film (ce qui ne devrait pas poser de problème). Oui, le livre fait penser à un de ces multiples films fantastiques ou d’horreur dans lesquels il y a des scènes spécialement présentes pour captiver l’attention du spectateur habitué au genre. Histoire qui se termine par une fin qui laisse délirer l’imagination de chacun.

Je ne vais pas révéler les différents tenants et aboutissants de cette histoire, mais sachez que c’est bien ficelé et que si vous le lisez, vous attendrez la suite. Et une suite, il y en aura deux, puisque ce livre est le début d’une trilogie. Et l’auteur m’a annoncé que le troisième tome serait fantastique. Hum… des bonnes choses en perspectives. Mais combien de fois dormir pour la suite ?

Jours de chances pour les salauds porte bien son nom. Bien que personnellement j’aurais mis le titre au singulier. Et en matière de salaud, Amy Shark nous en présente un tout particulièrement doué dans ses œuvres malfaisantes. Il ravira les amateurs de serial killer dans la nature. Ici, ce sera dans un futur improbable où l’homme a voulu jouer à l’apprenti sorcier sur le plan génétique et a échoué. Le résultat, trois petites villes qui subsistent, reliées entre elles par les chemins de fer. Et autour, des dormants qu’on peut qualifier de zombies. Oui, ce sont des zombies, dont quelques un travaillent pour les forces de l’ordre. Leur principal soucis, c’est se sustenter.

Ce roman est très bien écrit. Il va droit au but et touche directement le lecteur. Pas d’échauffement, pas de mise en condition, l’auteur entre directement dans le vif du sujet et mène son histoire tambour battant, jusqu’à une fin qui n’est peut-être pas celle espérée par le lecteur. Mais qui à coup sûr, trouvera une suite dans deux autres romans. Un petit roman marquant et addictif. Si vous avez aimé la nouvelle d’Annette Luciani dans l’anthologie sur Masterton, alors vous allez aimer ce Jour de chances pour les salauds d’Amy Shark. C’est le même auteur !

Jour de chance pour les salauds, Amy Shark, Société des écrivains, 2012, 114 pages

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La perle d’éternité – Céline Guillaume

Après le tumulte d’un livre de science-fiction, j’avais envie de lire un roman court, qui me sortirait d’un genre que je ne connais que trop bien. En général, j’alterne fantastique, fantasy et science-fiction. Et je m’étais promis de lire un livre de Céline Guillaume, en particulier son roman « La perle d’éternité » dans son édition Lokomodo. Le roman est complété par d’autres récits fantastiques, ce qui fait de ce livre un excellent recueil de nouvelles.

La perle d’éternité met en scène Blandine, une jeune archéologue qui a perdu son fiancé Julien. Plutôt que de se laisser abattre par les événements, Blandine continue les recherches archéologiques commencées par son fiancé. Elle est l’invitée du château d’Aube-Croix, et fait la connaissance de son propriétaire, l’étrange Charles Cornier. Il l’incite à continuer ses recherches archéologiques, car cela donnera plus de valeur au château s’il veut le revendre.

Blandine va vivre des événements étranges, qui vont l’amener à s’intéresser à Albérède d’Aunis, une châtelaine qui a été emmurée vivante au moyen-âge. Cela va commencer par une bague qui va se retrouver à un de ces doigts, un petit matin lors de son réveil. Elle va voir des fantômes et assister à des phénomènes surnaturels. Une visite nocturne dans un passage secret du château va lui faire découvrir l’histoire d’Albérède. Le châtelain actuel qui va la surprendre dans son exploration nocturne va lui demander d’arrêter celle-ci. C’est alors qu’on constate que l’homme est étrange, et que lui comme elle a un lien avec ce passé médiéval. On pourrait parler ici de réincarnation à travers les âges. Apprendre qui est Albérède, c’est apprendre sur elle-même.

Malgré une histoire très intéressante, pleine de mystère et de magie, c’est vers Blandine et vers l’ambiance mise en place que notre attention est attirée. Céline Guillaume a un talent certain pour rendre ses personnages attachants (ou repoussant comme on le verra dans les nouvelles qui suivent) et à créer un climat empreint de mystère qui ravira le lecteur.

Le thème principal de cette histoire, c’est l’amour à travers le temps, au-delà du temps. Un amour qui se répète à diverses époques avec des personnages qui se sont réincarnés.

Je ne cache pas que cette histoire m’a tellement intrigué que j’ai cherché Aube-Croix sur le Web et que j’en suis arrivé à la conclusion que l’endroit est sorti tout droit de l’imagination de Céline Guillaume. Roman court ou longue nouvelle, je laisse le lecteur décidé. Dans tous les cas, c’est un excellent texte qui ravira les amateurs de fantastique médiéval.

Le titre du livre est « La perle d’éternité et autres récits fantastiques ». On a donc droit à 14 textes supplémentaires qui viendront prolonger le climat mystérieux et magique dans lequel Céline Guillaume nous a plongé.

« Au bout du chemin » nous emmène dans une partie de la France qui n’est pas reprise sur une carte. « Les flammes de l’au-delà » nous présente le tenancier d’une auberge à l’époque de Louis XV, qui n’en peut plus de vivre avec sa femme devenue un laideron et un pochetron. Mais parfois, un simple souhait fait bien les choses au point de parler de combustion spontanée. « Théobald Mendola » va dans le même sens, mais cette fois-ci ce sera un gros rat blanc qui sera l’instrument du destin, souhaité par un enfant qui n’apprécie pas sa tante. Les nouvelles qui composent ce recueil sont soit amusantes, soit macabres. Mais dans tous les cas, envoutantes.

Je pense que la vraie perle de ce livre, c’est tout simplement Céline Guillaume, qui nous propose son univers fantastique, dans un style très personnel, très onirique et archéologique, avec une écriture d’une grande fluidité, influencée par le passé médiéval. C’est un vrai moment de détente, de bonheur et de lecture.

On sent à travers les textes de Céline Guillaume toute l’émotion, toute la sensibilité à fleur de peau de l’auteur. Derrière chaque vieille pierre se cache peut-être quelque chose de magique et mystérieux qui nécessite d’être explorer ou dévoilé. J’aime ce genre de fantastique qui n’est pas sanglant comme c’est de plus en plus le cas à l’heure actuelle. Je suis sorti du livre un peu émerveillé avec l’envie de lire d’autres textes de Céline Guillaume. C’est une romancière qui a l’art d’envouter ses lecteurs, ce qui rend la situation cocasse et attachante.

C’est donc un livre à lire absolument, petits et grands, à un prix très démocratique.

La perle d’éternité et autres récits fantastiques, Céline Guillaume, Lokomodo fantastique, 240 pages, 2011

La perle d'éternité

Elie Owl l’animalter – Véronique Biefnot

Étrange nom pour un personnage encore plus étrange. Véronique Biefnot aborde ici le domaine fantastique. Elie Owl l’animalter est édité par Myriapode, dans une collection qui est dédiée à la jeunesse. Mais est-ce vraiment un roman uniquement pour les adolescents ? Non, heureusement. Le livre s’adresse à tout public, en particulier à ceux qui aiment le fantastique.

L’histoire se passe à notre époque, à des endroits différents de la planète, où l’on suit Elie Owl à travers ses transformations. Contre son gré, il se retrouve tous les jours dans le corps d’un animal différent. On a donc droit à une narration à la première personne qui décrit ce que ressent Elie Owl dans le corps des différents animaux. Très étrange, surtout qu’il semble avoir perdu ses souvenirs dès le début de l’histoire, et ne comprend pas pourquoi il se réveille à chaque fois dans un autre corps. Et le lecteur se pose aussi la question !

Les chapitres alternent et permettent d’avoir une vue générale sur une situation donnée ou sur une vue à travers le regard d’Elie Owl. À la lecture des différentes transformations, on découvre un personnage qui tient plus de monsieur catastrophe que d’un héros. Peut-être en est-il un ? Seule Véronique Biefnot le sait. Après une première partie axée sur les transformations, on découvre un second personnage qui va rappeler à Elie Owl qui il est et ce qu’il est réellement. Il découvre que ses actes négatifs ne le sont peut-être pas autant qu’il pourrait le penser. Tout a un but (caché) s’il est là, c’est pour une bonne raison que lui-même ignore.

Heureusement, Véronique Biefnot nous montre l’autre côté du miroir, et l’on accède soudain à une autre vérité en revivant les scènes sous un autre angle. Oh, tout n’est pas révélé, tant s’en faut ! La condition d’animalter n’est pas très répandue et n’est pas irrémédiable. Mais quels desseins peut-il bien servir ? Il est l’instrument du destin, comme l’écrit Véronique Biefnot. Le livre laisse planer des questions sur les origines d’Elie Owl et surtout sur son avenir immédiat.

Livre fantastique qui se laisse lire, dans lequel on retrouve certains sujets de prédilection de Véronique Biefnot. L’ouverture avec le chat n’est pas anodine. En lisant ce roman court, j’ai essayé de faire un parallèle avec quelque chose que j’avais déjà lu ou vu, et je n’ai rien trouvé d’approchant. La romancière est vraiment sortie des sentiers battus (de la littérature) pour nous proposer une histoire originale et fantastique. Évidemment, je reste sur ma faim, car la fin du roman m’oblige à attendre la suite. J’espère que Véronique Biefnot ne tardera pas trop longtemps à fournir le tome deux de ce qui semble être un cycle ou une trilogie.

Personnellement, j’ai beaucoup aimé. D’abord pour l’histoire, ensuite parce que je retrouve le style et le rythme d’une romancière que je connais très bien. À conseiller aux grands comme aux petits, aux jeunes comme aux personnes âgées.

Elie Owl, l’animalter, Véronique Biefnot, éditions Myriapode, 154 pages,  2012, couverture de Marc Taraskoff

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Guide des éditeurs de l’imaginaire – Cocyclics

On l’avait rêvé, Cocyclics l’a réalisé. Le guide des éditeurs de l’imaginaire, alias Le grimoire galactique des grenouilles (GGG) a été publié aux éditions Tremplins de l’imaginaire. Cette seconde édition du petit guide est disponible au prix très démocratique de 5 euros. Guide qu’il faut absolument acquérir si on veut envoyer son manuscrit auprès d’un éditeur.

En un peu plus de 120 pages, le guide fournit tout ce qui est nécessaire aux auteurs. Il commence avec un excellent article de Jean-Claude Dunyach qui explique comment présenter son manuscrit chez un éditeur. Cindy Van Wilder nous rappelle quels sont les genres qui composent l’imaginaire (steampunk, uchronie, cyberpunk, new weird, anticipation, dystopie, fantasy mythologique, fantastique, space opera). J’aurais aimé trouvé la hard science dans cette liste, bien que ce genre peut être associé à un autre. La chaine du livre est également présentée. Les différentes étapes par lesquelles l’idée devient livre sont décrites. À cela vient s’ajouter un petit lexique du jargon utilisé dans l’édition.

Le plat principal de ce guide est évidemment la liste des éditeurs de l’imaginaire. Pour chaque éditeur, une fiche technique indique quel type de texte il accepte, quelle taille doit avoir le texte, les critères de soumission, les coordonnées et les délais d’attente pour obtenir une réponse. C’est la partie la plus importante de ce guide, qui motivera tout un chacun à l’acquérir. Le livre se termine par des témoignages de jeunes auteurs et aussi par une présentation de Cocyclics qui a un rôle certain à jouer dans le paysage imaginaire.

Le guide n’est pas dénué d’erreurs. Par exemple, Bragelonne est indiqué comme ne faisant pas de science-fiction. Étrange, surtout qu’il y a une collection Bragelonne SF, dans laquelle on retrouve Peter F. Hamilton, Kevin J. Anderson, Richard Morgan, Connie Willis, David Weber, Iain M. Banks.

Il y a aussi les bizarreries de l’index des éditeurs. On trouvera les éditions Laffont en cherchant sur le prénom et pas le nom (c’est à dire à Robert Laffont). Le pré au clerc se trouve à la lettre « L » alors que Le seuil jeunesse se trouve à la lettre « S ». Comprendra qui veut. Heureusement que ce guide est facile à parcourir.

On y trouve un éditeur canadien. Je me demande dans quelle mesure la prochaine version de ce guide ne devrait pas aussi reprendre les éditeurs francophones situés en Belgique, Suisse et Canada qui sont distribués dans l’hexagone.

L’initiative faite par Cocyclics est excellente. Ce genre de guide manquait vraiment. On trouve les coordonnées d’éditeurs dans des livres consacrés à l’écriture, mais rien de spécifique pour l’imaginaire. Ici c’est proposé pour un prix plus que démocratique. Cocyclics comble un vrai vide avec ce petit guide.

Je suis très content que ce genre d’initiative existe. Le guide est proposé dans un format très pratique, facile à manipuler, avec une présentation exemplaire. En tous cas, il aidera bon nombre de nouveaux auteurs à trouver l’éditeur qui convient le mieux à leurs textes. À conseiller à tous, car ce genre de guide est tellement rare qu’il serait impardonnable de ne pas l’avoir.

Guide des éditeurs de l’imaginaire, Cocyclics, édition Tremplins de l’imaginaire, 152 pages, 2012, illustration de Guillaume Ducos

Jean Ray, l’alchimie du mystère – Arnaud Huftier

Voilà un livre que je m’étais promis de lire depuis sa sortie en 2010. Mais à peine l’avais-je acheté, que déjà il se retrouvait dans ma dans la liste de livres non prioritaires. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une étude sur Jean Ray et son œuvre. Le lire un ou deux ans plus tard ne changera rien, car ce genre de livre vise un public pointu (qui aime l’œuvre de Jean Ray), qui peut se permettre d’attendre et qui est prêt à débourser 60 euros.

Attiré par l’œuvre de Jean Ray, mais pas par une étude universitaire hermétique (souvent ennuyante à lire), j’ai longtemps hésité à me lancer dans la lecture de ce livre. Mais Arnaud Huftier arrive à captiver son lecteur en proposant une étude littéraire de l’œuvre de Jean Ray. Et pour arriver à cela, il a dû lire les textes francophones et néerlandophones. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il a précédemment dirigé des ouvrages sur J.H. Rosny aîné, Stanislas-André Steeman ou sur le fantastique Belge néerlandophone.

Plus connu sous le nom de Jean Ray ou de John Flanders, Raymond de Kremer a marqué de son empreinte le fantastique Belge. Le chemin qu’Arnaud Huftier nous propose ne se limite pas au fantastique, mais aussi à l’aventure, au roman policier. Ce chemin nous présente l’œuvre de l’auteur dans le contexte de l’époque, sous différents angles.

L’œuvre est proposée de manière chronologique. Quatre périodes distinctes vont montrer un Jean Ray qui commence sa carrière littéraire relativement tard, à l’âge de 38 ans, avec des textes qui sont en néerlandais. Puis un Jean Ray partagé entre une volonté littéraire et l’obligation de toucher un large public. Puis, une période où l’auteur est enfin reconnu (c’est celle de Malpertuis ou de la Cité de l’indicible peur). Et enfin, une période où l’auteur voit son imagination se tarir. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’Henri Vernes à travers les éditions Marabout permet à une nouvelle génération de découvrir l’auteur mythique.

Les 200 dernières pages de cette imposante étude (de 768 pages) sont consacrées à la biographie complète de Jean Ray, abondamment illustré de photos en noir et blanc qui reprennent la majorité des couvertures des livres. On n’y trouvera pas l’intégralité des couvertures des Harry Dickson, mais chaque édition ou réédition est soigneusement reprise dans ce livre. Un travail de fourmi, de longue haleine, réalisé par Arnaud Huftier, qui mérite en soi un grand remerciement pour le travail accompli.

Ce livre très complet se suffit à lui-même. Tout amateur de Jean Ray, que ce soit pour ses textes fantastiques ou pour ses Harry Dickson (qui le sont tout autant), trouvera toutes les références souhaitées. Les multiples éditions dans plusieurs pays, dans plusieurs langues, sont reprises dans cet ouvrage. Il ne manque pas grand-chose pour qu’il soit parfait, si ce n’est un prix plus abordable pour le lecteur. Mais le faible tirage de ce livre ne le rendra jamais accessible à un prix plus abordable.

Je conseillerai à ceux qui se lancent dans l’aventure de prendre en complément les mémoires d’Henri Vernes. Le père de Bob Morane parle longuement de son amitié avec Jean Ray, et la manière dont ses livres ont fait leurs apparitions au catalogue des éditions Marabout. D’une certaine manière, Jean Ray doit beaucoup à Henri Vernes d’avoir été réédité. C’est aussi la consécration de l’auteur.

Donc, voilà un livre pour amateur averti, pour fan de Jean Ray, ou tout simplement pour lecteur qui veut approfondir le fantastique Belge.

Jean Ray, l’alchimiste du mystère, Arnaud Huftier, Encrage, 2010, 768 pages

Skin Trade – George R.R. Martin

De George R.R. Martin, je n’ai lu que le Volcryn, le voyage d’Alvin Tuf, et plus récemment Skin Trade. Je ne suis pas (encore) tombé dans la marmite du trône de fer, et je ne peux donc pas faire référence à ce long cycle de fantasy. Normalement, j’aurais dû lire avant Le dragon de glace sorti chez ActuSF, mais mon choix s’est d’abord porté sur Skin Trade.

ActuSF nous propose un court polar qui a décroché le Worl fantasy award en 1989. Une histoire qui tient en 200 pages et qui correspond tout à fait au format choisi par ActuSF. C’est-à-dire, proposer des courts romans de grands auteurs. Un choix qui fait le bonheur de pas mal de lecteurs, car il s’agit souvent d’inédits en français.

Avec Skin Trade, je pensais quitter un bref instant l’imaginaire. Eh bien, pas de chance ! Ce polar a un côté fantastique certain avec la présence de loup-garou, pardon, lycanthrope ! On s’attache facilement aux deux personnages principaux. D’un côté, Randi Wade, détective privé, fille d’un ancien flic décédé dans l’exercice de ses fonctions, vingt ans plus tôt. C’est-à-dire, tué par un étrange animal. La jeune femme ne digère toujours pas la mort de son père, et mène une enquête personnelle sur sa mort. Et puis, il y a Willie Flambeaux, agent de recouvrement, qui se charge de récupérer l’argent auprès des emprunteurs. Ce n’est pas un méchant bougre, un peu porté sur le sexe, fidèle en amitié, qui est un loup-garou. Au fil de l’histoire, on découvre ce secret.

Au début de l’histoire, George R.R. Martin ne nous donne aucun indice sur Willie. Et lorsqu’il nous indique que ce dernier sent l’odeur du sang à un pâté de maison, ou court à quatre pattes, on a difficile à comprendre qu’il s’agit en fait d’un loup-garou. George R.R. Martin entretient un certain mystère et distille des éléments de réponse au fur et à mesure.

Des meurtres sont commis sur des personnes qui ont un lien commun. Randi et Willie vont s’acharner à découvrir ce qui caractérise ces meurtres, et surtout cherché à savoir pourquoi il existe une similitude avec l’assassinat du père de Randi. La jeune femme va essayer d’obtenir des informations à la police. Celui qui dirige les forces de l’ordre n’est autre que l’ex-partenaire du père de Randi.

Polar intéressant, dans lequel la présence des loups-garous se fait sentir au fil des pages. La ville (on ne sait pas laquelle) serait-elle dirigée par ceux-ci ? Rien n’est moins sûr. L’enquête est semée d’embuches et les deux personnages principaux vont être confrontés aux dangers et menaces. L’intrigue remonte jusqu’aux notables de la ville.

Skin Trade est un vrai polar fantastique qui tient toutes ses promesses, même 24 ans après sa parution originale. L’ambiance me rappelle un peu les histoires où Philippe Marlowe en est la vedette. Rien à voir avec Anita Blake et autres livres de bit-lit actuels. Le polar une fois terminé, ActuSF nous propose un dossier, reprenant la biographe de l’auteur et une courte description de chaque livre écrit par George R.R. Martin.

Ce court polar fantastique s’intercale facilement entre deux lectures de romans plus épais. J’ai beaucoup aimé cette histoire au suspens constant. À conseiller à tous ceux qui recherchent un bon moment de lecture. Et puis, une petite ovation pour la très belle couverture de Andy Brase.

Skin Trade, George R.R. Martin, ActuSF, 2012, 232 pages, illustration de Andy Brase.

Les dossiers secrets de Harry Dickson T.3 – Brice Tarvel

Voici le troisième tome du cycle Harry Dickson, écrit par Brice Tarvel et édité par Malpertuis. Au programme, deux longues nouvelles qui tiennent toutes leurs promesses. Lire un Harry Dickson, c’est comme lire un Bob Morane ou un Sherlock Holmes, l’aventure, le policier et le fantastique sont au rendez-vous.

Comme j’ai grandi avec Bob Morane et Harry Dickson, je ne pouvais pas laisser passer ce livre. Après avoir lu un pavé de science-fiction en deux parties, ce tome 3 du plus célèbre des détectives américains était une aubaine.

Le gouffre des ombres

On retrouve Harry Dickson et son fidèle Tom Wills dans la petite ville de Scalby qui fait face à la mer du Nord. Alors que les deux compères recherchent Black Rat l’assassin à la hache, un événement inconnu se produit. Une partie d’un champ s’effondre, laissant un grand trou béant. En voulant examiner celui-ci, Harry Dickson va se retrouver pendant un bref instant en suspension au-dessus de celui-ci. Ce qui va aiguiser sa curiosité et l’inciter à aller visiter les grottes qu’il y a en dessous et qui donnent sur la mer. D’abord, c’est face à des soldats allemands qu’il sera confronté. Mais rapidement, il va se rendre compte qu’ils n’en ont que l’apparence. La grotte abrite des poulpes qui viennent d’un autre monde ! Nouvelle dans laquelle Brice Tarvel ne nous fait pas basculer vers la science-fiction, mais laisse le lecteur dans une ambiance fantastique.

Le jardin des mandragores

D’étranges hold-up meurtriers sont commis à Londres. Sur les lieux du crime, de la mandragore est retrouvée. Par un curieux hasard, Tom Wills va retrouver une amie d’enfance qui habite en face de la demeure de trois sœurs Tanner. Celles-ci possèdent une serre mystérieusement éclairée la nuit, ce qui va fortement intriguer Tom Wills. Le jeune homme va se rendre dans cette étrange serre, et sera suivi de son amie. Pendant ce temps, Harry Dickson qui est sur l’affaire des hold-up meurtriers va s’inquiéter de ne pas revoir son protégé. Et voilà qu’une nouvelle enquête prend cours pour retrouver Tom Wills. Ce que Harry Dickson ne sait pas encore, c’est que cette dernière enquête est liée à celle des hold-up. Au cœur de Londres, avec un fog omniprésent, Brice Tarvel  restitue très bien une atmosphère mystérieuse et lourde, dans laquelle le danger plane en permanence.

Au final, deux nouvelles très agréables, très fluides, captivantes, dans lesquelles on ne s’ennuie jamais. Brice Tarvel a bien repris le flambeau. L’héritage laissé par Jean Ray est dans de bonnes mains. On retrouve ici le côté inquiétant et fascinant qu’il y a dans les vieux films fantastiques en noir et blanc.

Un bon conseil : lorsque vous rencontrez des serres fortement éclairées la nuit contenant des homoncules, fuyez ! Et le même conseil est à prendre à la lettre pour les grottes contenant des poulpes ! Je laisse aux lecteurs le loisir de découvrir à quoi je fais référence.

J’ai vraiment bien aimé ce livre, au point que je lirai les suivants. La couverture de Christophe Alves colle parfaitement avec l’histoire. Évidemment, ce n’est pas Albert Roloff, mais c’est exactement à quoi correspond une des deux histoires. Voilà un bon moment de lecture fantastique, et un héros qui n’a pas pris une ride.

Les dossiers secrets de Harry Dickson T.3, Brice Tarvel, Editions Malpertuis, 2012, 130 pages, illustration de Christophe Alves

Les mondes de Masterton – Marc Bailly

Après les enfants de Masterton, voilà que Marc Bailly nous propose les mondes de Masterton. Nouvelle anthologie qui rend hommage à l’auteur anglais de fantastique. Cette fois-ci, ce ne sont pas les vainqueurs du prix Masterton qui présentent les nouvelles, mais une kyrielle d’auteurs qui aiment l’auteur et les univers qu’il a créés. Il y a une certaine logique dans cette démarche entreprise par Marc Bailly et Rivière Blanche. Les deux livres consacrés à Masterton sont un pendant du prix du même nom. De plus, ils ont été faits avec la bénédiction de l’auteur. Que peut-on rêver de mieux ?

Lorsque j’ai entrepris la lecture des enfants de Masterton, je n’avais jamais lu le moindre livre de Masterton. Avec les mondes de Masterton, ma situation ne s’est pas améliorée, si ce n’est que la première anthologie m’a donné envie de lire la seconde. Lors de la lecture de certaines nouvelles, il y a des références qui m’ont échappées à cause de cette lacune. Je m’en excuse à l’avance.

Avec une préface de Marc Bailly, suivie d’une préface de Graham Masterton en personne, cette anthologie propose treize nouvelles inédites, qui vont emmener les lecteurs dans les univers et enfers de l’auteur britannique. Pour chaque nouvelle, Marc Bailly nous propose une brève description de l’auteur, et donne à celui-ci la parole pour présenter sa nouvelle et le contexte dans lequel il l’a écrite.

Jean-Christophe Chaumette –  Emet (Vérité)
Le professeur Serge Delacour est venu faire des recherches au Québec. Il est historien et ne croit pas à l’Holocauste. Ses théories négationnistes lui ont valu des déboires et seul un musée au Canada accepte de le laisser continuer ses recherches. Dans le musée, il va rencontrer un enfant qui va lui poser des questions indiscrètes et le mettre en difficulté. Cette rencontre lui sera d’ailleurs fatale. Pas mal du tout ! Une bonne entrée en matière pour cette anthologie qui démarre sur les chapeaux de roue.

Estelle Valls de Gomis –  Gimme Shelter
Doug et son fils adoptif Timmy, deux survivants, sont à la maison, cernés par des zombies. Doug est chevalier depuis plusieurs siècles, tandis que Timmy s’est réincarné à plusieurs reprises. Il est âgé de neuf ans, et son père vient de lui donner Macuahuitl, une arme qui peut trancher les têtes des morts-vivants. Histoire classique de morts-vivants et de vivants qui font tout pour éviter la mort. Estelle connait ses classiques et nous propose une nouvelle qui pourrait très bien être une séquence d’un film de George Romero, ou être inspirée d’un livre de Stephen King. Les deux personnages s’en sortent et partent vers de nouvelles aventures. En tant que lecteur, on aimerait bien savoir lesquelles ? La seule critique à formuler, c’est que la nouvelle aurait pu être plus longue. Reste un texte agréable à lire, pour lequel il n’est pas nécessaire de connaitre la chanson des Rolling Stones.

Jess KaanChute d’une damnée
Un tableau qui semble vivant attire l’attention d’un caporal pendant la Première Guerre mondiale. L’auteur de ce tableau va révéler une étrange histoire sur l’origine de celui-ci. Histoire sombre et captivante qui rappelle la légende de Dorian Gray. Le caporal en question deviendra plus tard le plus grand bourreau du vingtième siècle, c’est-à-dire Hitler. Excellent.

Annette LucianiLa Maison amoureuse
En corse, un inspecteur doit mener une enquête autour d’une histoire de rançon. Une vieille femme prétend être menacée si elle ne verse pas d’argent aux ravisseurs de sa fille. Dès le départ, on est plongé dans l’ambiance fantastique de la maison hantée de cette vieille femme. Au fur et à mesure que l’enquête avance, on découvre que l’intrigue est plus complexe que prévu. Bravant les dangers, et avec un brin d’humour, l’inspecteur va démêler cette macabre histoire. J’ai beaucoup apprécié, surtout la fin où on découvre qu’on ne connaissait pas tous les tenants et aboutissant de l’histoire.

Franck FerricLe Serpent à Collerette
Univers carcéral ou milieu hospitalier. Sang et sexe, Violence et langage châtié sont au menu de cette nouvelle racontée à la première personne. C’est davantage la relation entre un tortionnaire et sa victime qui est racontée ici. Après la première lecture, j’avais un avis négatif sur celle-ci, mais en la relisant j’ai changé d’avis et j’ai finalement bien aimé. De l’horreur dans toute sa splendeur et une fin qui fait Ssssshhhhh !

Freddy FrançoisLe Mangeur de Rêves
Étrange histoire d’exorcisme mené par un prévôt et un dormeur contre le mangeur de rêves, une créature surnaturelle qui se nourrit des rêves des autres. Face à face entre le bien et le mal, dans lequel des vies sont sacrifiées. Le dormeur y laissera d’ailleurs sa peau. Ambiance glauque et sanglante pour une histoire très linéaire.

Christophe CollinsL’Ombre du Titanic
L’histoire nous ramène au début du siècle dernier. Pour se débarrasser d’un monstre, on fait couler le Titanic avec le monstre à bord. Histoire bien ficelée, qui met en avant un écrivain contemporain (Maxime Chattam), mais qui ne serait que l’hôte du monstre. Si j’ai trouvé l’histoire horrible (dans le bon sens du terme), je me suis aussi demandé pourquoi couler un tel bateau. À la limite, voler un chalutier ou n’importe quel bateau pouvant prendre la mer aurait fait l’affaire. Ceci dit, encore une excellente nouvelle dans cette anthologie.

Lucie ChenuLa Cité des Rebelles
Étrange histoire se passant à la fois à New York, rempli de démons, et dans une cité souterraine, un monde de fantasy où les femmes ne pensent qu’à se transformer en… autre chose. On passe d’un monde à l’autre, sans comprendre ce qui peut unir les personnages. Mais à la fin, on assiste au passage d’un monde à l’autre. Très belle nouvelle, très bien écrite, de Lucie Chenu.

Boris & François DarnaudetLa Voie des Yamabushi
En 1978, Nancy Shiranuka, une Japonaise, veut se faire exorciser. Pendant trois semaines, elle va rêver d’Oda, un lointain ancêtre qui était Ninja. Comme je n’ai pas lu Tengu, et n’y connaissant rien en japonaiseries, je suis passé à côté du sujet. Peut-être qu’avec un dictionnaire français-japonais…

Brice TarvelLes Chiens Noirs
Un couple et leur fille roulent en voiture sur une petite route. Suite à une tempête et à un chien noir, la voiture va avoir un accident, ce qui va les contraindre à suivre un vieux fermier dans sa maison. L’homme a trois chiens noirs très dangereux. Le couple va se rendre compte que l’homme n’a pas toute sa raison et que les chiens noirs sont immatériels. Après avoir pris la place du vieil homme, ils vont à leur tour ramener des personnes pour les terroriser. Très bonne nouvelle, avec une ambiance glauque, un soupçon d’horreur, qui fait froid dans le dos. Brice Tarvel donne ici un des meilleurs textes de l’anthologie. J’ai adoré, car jusqu’à la fin il faut s’accrocher.

Michel RozenbergMetaplasia
Deux femmes meurent mystérieusement et une troisième est envoutée, possédée par quelque chose d’étrange. Ces trois femmes sont d’une manière ou d’une autre liées à un voyant qui s’intéresse à Manitou (livre que je n’ai pas lu). Une quatrième femme doit accoucher, mais pas d’un enfant… Nouvelle gore, qui m’a fait penser aux nuits blanches que j’ai passées au BIFFF à regarder des films d’horreur. Un peu long, mais excellent, qui donne envie de lire Manitou. Le seul défaut de cette nouvelle, c’est le dialogue en anglais.

Patrick RaveauLe Puits
Une petite fille parle à sa sœur jumelle qui est morte. Mais s’agit-il bien de sa jumelle ? Est-elle réelle ou imaginaire ? La fin de cette nouvelle est un peu trop prévisible, alors que le lecteur attend à être surpris par l’histoire. C’est bien écrit, mais c’est trop court.

Daniel WaltherMoisson de Chair
Dans cette nouvelle on suit un détective privé poursuivi par la grande faucheuse. Sur son passage des morts, du sang, du sexe. Une poursuite impitoyable où notre héros va se retrouver dans la peau du coupable. Cette dernière nouvelle est excellente et termine en beauté l’anthologie.

Cette anthologie vaut la précédente. Je n’ai pas remarqué de différence quant à la qualité des textes. Je devrais même dire que cette anthologie est remarquablement bien équilibrée. Les treize auteurs nous emmènent bel et bien dans des contrées où notre perception des choses est altérée par des histoires plus fantastiques les unes que les autres. Le fantastique et l’horreur n’ont pas dit leur dernier mot, et cette anthologie en est la preuve.

Les mondes de Masterton, Marc Bailly, Rivière Blanche, 340 pages, 2012, Illustration de Nick Tripiciano