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Les larmes du seigneur afghan – Pascale Bourgaux

On connait Pascale Bourgaux à travers ses reportages internationaux pour le JT de la RTBF. C’est une grand reporter qu’on retrouve aux quatre coins du monde, en pleins conflits, dans des lieux où la condition féminine n’est pas ce qu’elle est dans nos pays occidentaux. Un grain de folie doit subsister chez elle pour mettre sa vie en danger. Mais comme elle le dit si bien, il faut bien régler le thermomètre de la folie et de la peur pour s’y rendre. Son expérience, son intuition, sa connaissance de l’Afghanistan et de ses habitants l’ont aidé à estimer les risques de ce reportage adapté en bande dessinée.

Pascale Bourgaux 2

Les larmes du seigneur afghan n’a rien d’une fiction. C’est un prolongement sous forme BD du vrai reportage que Pascale Bourgaux a réalisé en Afghanistan en 2010. Cette BD va plus loin que le documentaire du même nom et nous dévoile les coulisses du métier de grand reporter de guerre. Elle montre ce qui précède et suit les événements décrits dans le documentaire et révèle aussi les pensées, les craintes, les doutes que la journaliste et son caméraman ont éprouvés pendant ce reportage qui a duré un mois. On se rend compte que les images qui font notre quotidien télévisé ont été faites dans la crainte d’être emprisonné ou tué. Être un reporter occidental en Afghanistan, c’est attirer la méfiance sur soi. Les pro-talibans soupçonnent Pascale et son cameraman d’être des espions à la solde des Américains. C’est à la fois risible et navrant de découvrir des esprits aussi obtus, car la journaliste s’est rendue six fois en dix ans dans cette partie du monde.

Lors de ce reportage, qui au départ lui est déconseillé, Pascale et son cameraman Gary ont comme objectif de retourner dans le village de Mamour Hassan, dans le nord du pays. Si les retrouvailles restent chaleureuses, le climat, la tension ne sont pas au beau fixe. Les ennemis d’hier se sont lentement infiltrés dans la vie de tous les jours. Les décisions économiques et politiques sont fortement influencées par les aspects religieux. Le village de Mamour Hassan semble être un îlot de quiétude dans un monde d’incertitude et de chaos économique. Les personnes autour du seigneur afghan doutent, alors que lui reste profondément anti-taliban depuis plusieurs décennies. Pour pouvoir faire son reportage dans de bonnes conditions, Pascale doit se plier aux us et coutumes locaux. Par moment, la burqa est de rigueur, et son cameraman doit se faire passer pour un sourd et muet.

Pascale découvre qu’un des fils de Mamour Hassan est pro-taliban, et elle croit tenir le sujet principal de son reportage. Elle va donc tenter d’avoir des interviews avec celui-ci, mais aussi avec des personnes influentes ou impliquées dans la vie sociale et culturelle de la région. Sa démarche est plus risquée que par le passé, car les mentalités ont évolué. Jusqu’au moment du départ, il pèse une menace sur sa vie et celle de son cameraman. Ce n’est que de retour dans un camp de l’OTAN qu’ils se retrouvent à l’abri. Ils découvrent que des soldats allemands en mission pour l’OTAN on fait une bavure en tuant des alliés afghans. C’est un scoop que Pascale veut exploiter, mais la nouvelle n’a pas l’effet escompté sur les médias. Finalement, Pascale et Gary reviennent en Belgique pour monter le reportage. C’est l’occasion de terminer la BD en faisant un résumé de la situation économique et politique de l’Afghanistan.

Lorsqu’on referme le livre, on devine une certaine amertume chez Pascale Bourgaux. La présence occidentale, l’OTAN, les ONG, n’ont apporté qu’une paix relative dans cette partie du monde, et le départ des forces militaires est tout proche. La menace du retour des talibans est toujours présente, et le futur du pays reste incertain. L’aide financière semble s’être diluée dans les poches des hauts dignitaires, et les personnes qui avaient le plus besoin de cette aide se demandent toujours où elle est passée. Le pays semble miné par la corruption. Les bakchichs sont monnaie courante. C’est le fléau principal du pays. La sécurité des journalistes occidentaux passe par des gardes personnels.

D’une certaine manière, Pascale Bourgaux nous rappelle qu’il y a des peuples qui ont besoin d’aide pour ne pas basculer vers le choas. L’Afghanistan a le malheur d’être situé dans une région du monde relativement instable. Son relief montagneux, l’Hindou-Kouch, ne le rend pas facile d’accès. Le pays possède des ressources naturelles importantes, mais pour les exploiter, la situation économique et politique devrait être plus stable, ce qui inciterait les compagnies étrangères à s’y installer pour exploiter ses ressources. En attendant, l’Afghanistan est redevenu un des principaux producteurs d’opium dans le monde.

Pascale Bourgaux 1

Ce qui surprend en rencontrant Pascale Bourgaux lors de la présentation de la BD chez Filigranes (interviewée par Sophie Baudry), c’est la joie de vivre qui l’anime, le sourire toujours présent, le regard qui pétille, un humour omniprésent et une certaine autodérision, comme si la jeune femme se ressourçait. On est à la fois heureux et content de la voir défendre le fruit de son travail sous une forme qui était inattendue pour elle. Car la bande dessinée n’est pas un livre de souvenir de guerre ni une succession de reportages qui ont permis au fils des années d’accumuler assez de matières pour nous faire découvrir qu’à l’autre bout du monde il y a aussi des joies, des peines, des incertitudes, des drames qui parsèment la vie d’êtres humains, qui gardent l’espoir d’être un jour aidé et heureux.

Si Pascale arbore un large sourire lorsqu’on lui pose des questions, on ne peut s’empêcher de constater que dans ses réponses, dans le ton de sa voix, il y a un soupçon de nostalgie qui révèle qu’elle a envie de retourner en Afghanistan. Aujourd’hui, partagée entre la RTBF, France24 et TV5 Monde, elle continue son travail de journaliste. On peut être fier, car c’est vraiment un grand reporter !

Au-delà de découper l’histoire sous forme de page, de strip, et de vignette plus accessibles aux lecteurs, c’est aussi une autre façon de présenter les événements. Pascale doit se dévoiler beaucoup plus que dans les reportages télévisuels. Ses pensées, ses craintes, ses doutes, ses émotions ajoutent une touche personnelle à cette bande dessinée. De grand reporter, elle se retrouve soudain autobiographe et scénariste, en plus d’être le personnage principal d’une BD. Et le résultat est à la hauteur de la tâche qu’elle s’est fixée, car la BD est rythmée, bien structurée, les scènes sont fluides, et le lecteur (que je suis) a de l’empathie pour cette femme qui ose prendre des risques.

Bande dessinée et documentaire, vrai reportage dessiné. C’est une façon plus pratique de faire connaitre un sujet particulier pour lequel on veut faire prendre conscience aux lecteurs. C’est très réussi pour cette BD de 80 pages. Elle donne évidemment envie de voir le documentaire du même nom. Reste un petit défaut à cette BD, que l’éditeur pourrait facilement corriger lors d’un prochain tirage. C’est d’ajouter au bas des pages la traduction de toutes les phrases en pachtoune. En dehors de ce petit détail, voilà une nouvelle façon d’aborder le reportage qui devrait plaire. Suffisamment autobiographique pour que cela passe pour une aventure, et suffisamment détaillée pour comprendre que c’est du vécu.

 C’est donc sa passion de journaliste, l’envie de découvrir et de raconter ce qui se passe à l’autre du monde, qui fait que Pascale Bourgaux nous ramène des reportages internationaux et participe à l’élaboration d’une bande dessinée telle que Les larmes du seigneur afghan. Le livre est sorti dans la collection « Aire libre » chez Dupuis. C’est le fruit d’une collaboration entre le dessinateur Thomas Campi, le scénariste Vincent Zabus et Pascale Bourgaux.

À lire, à découvrir, à suivre, car Pascale Bourgaux n’en restera pas là, et proposera à l’avenir une BD sur ses périples iraniens.

Les larmes du seigneur afghan, Pascale Bourgaux & Thomas Campi & Vincent Zabus, 80 pages, 2014, Aire libre

Les larmes du seigneur afghan

Salon du livre de Paris 2014

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Salon du livre de Paris, édition 2014

La 34e édition du Salon du livre de Paris se déroulera du 21 au 24 mars (à la Porte de Versailles).

Les Lettres Argentines seront à L’honneur et Shanghai sera la ville invitée.

J’aimerais m’y rendre cette année, et répondre à l’invitation des organisateurs, mais c’est impossible. Néanmoins, je vous propose de gagner cinq entrées pour le salon du livre. Mais pour les obtenir, je vais vous mettre à contribution en répondant correctement à une question:

Concours

Quel est mon livre préféré ? (mon livre de chevet)

Réponse facile à trouver sur mon blog. Vous me retournez la réponse sur la page contact du blog. en n’oubliant pas de me communiquer vos coordonnées (noms et adresses postales) avant le 15 mars (pour que les organisateurs du salon du livre aient le temps d’envoyer l’invitation).

Les 5 invitations sont valables pour 1 personne, pour le jour de leur choix (hormis le lundi 24 mars matin, réservé aux professionnels).

Pour plus d’informations, le lien vers le site du SDL : www.salondulivreparis.com

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Michael Moorcock chez Filigranes et Elric en BD

Ce vendredi 24 mai, Michael Moorcock était présent à Bruxelles chez Filigranes pour la sortie de la bande dessinée Elric, tirée de son cycle sur le champion éternel. C’était l’occasion pour l’auteur anglais de rencontrer son public francophone lors de la sortie de la BD et de la réédition d’Elric en intégrale chez Pocket. Entouré par les quatre auteurs de la version BD (Julien Blondel, Didier Poli, Robin Recht, Jean Bastide), Michael Moorcock s’est gentiment prêté à une séance de dédicace pendant laquelle chacun pouvait directement lui poser des questions.

Michael Moorcock 1

Je n’ai pas pour habitude de rechercher les dédicaces, mais depuis au moins 30 ans, Michael Moorcock m’a marqué profondément à travers les cycles de son champion éternel et de son épée buveuse de sang et de vie. Je garde un excellent souvenir de chacun de ses livres. Le dernier en date était « Les buveurs d’âmes » en collaboration avec Fabrice Colin. Un livre dont j’aurais aimé voir une suite.

C’était l’occasion de demander à Michael Moorcock si une suite verrait le jour. La réponse a été négative, car son grand âge ne lui permet plus d’écrire au même rythme qu’avant. Par contre, lorsque j’ai abordé la réédition du cycle Elric chez Pocket, il m’a confirmé que celle-ci suivait l’ordre chronologique et non pas l’ordre de parution précédemment suivi par Pocket. Pour ce premier tome, on a donc droit à : Elric des dragons, La forteresse de la perle, Les navigateurs sur les mers du destin. Évidemment, certains lecteurs auraient aimé voir Stormbringer comme deuxième titre.

Michael Moorcock 2

C’était un moment trop court. Mais le vieil homme m’a ému par sa simplicité et sa gentillesse. Son grand âge ne lui permettait pas de se déplacer facilement. Par contre, il répondait aux questions dans la langue de Shakespeare avec beaucoup de sagesse et de gentillesse, encadré par des traducteurs de chez Filigranes. Pendant la dédicace, j’étais heureux de discuter avec Michael Moorcock, qui a vraiment conditionné l’image que j’ai de la fantasy (tout comme Roger Zelazny avec le cycle des princes d’ambres). Un grand monsieur de la fantasy, qui mérite qu’on le mette à l’honneur avec des rééditions ou des adaptations de ses livres. À coup sûr un moment que je ne pouvais pas rater.

Michael Moorcock nous a expliqué qu’à 18 ans il a créé Elric, et qu’à 21 ans il l’avait tué. Quand il s’est rendu compte de l’importance que son personnage avait, il a décidé d’écrire les aventures de l’albinos entre le moment où il quitte Melniboné et le moment où il meurt. C’est la chute de » empire romain, qui lui a donné envie d’imaginer Melniboné. En fait, c’est la fin d’un empire qui est le point commun entre notre histoire et celle d’Elric.

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Le seul reproche que je fais au cycle, c’est que cela manque de personnage féminin. J’aurais aimé voir une Cymoril plus présente. Par contre, la découverte d’Arioch, un des dieux du chaos, va vraiment conditionner le futur du champion éternel et rendre ce cycle incontournable en fantasy.

Alors qu’il existe déjà des adaptations d’Elric en bande dessinée (Druillet entre autres), voilà qu’une équipe composée de Julien Blondel, Didier Poli, Robin Recht et Jean Bastide, se lance dans l’aventure. Un scénariste, deux dessinateurs et un coloriste. Quatre inconscients, dira-t-on, qui n’ont pas nécessairement des styles qui se complètent, vont s’attaquer à l’adaptation du premier livre du champion éternel, c’est-à-dire « Elric des dragons ». Ce premier tome s’appelle « Le trône de rubis ». À travers un dessin, sombre, et des décors dignes d’un lointain passé, ils donnent une seconde vie à Elric. Pas de fioritures dans cette BD qui colle parfaitement au livre de Michael Moorcock. Il y a bien quelques libertés qui ont été prises, mais la BD respecte l’état d’esprit que l’auteur a créé. Lire cette BD lorsqu’on a déjà lu le cycle, c’est enfin voir Elric de Melniboné. Ils n’ont pas fait du flamboyant, mais du grandiose, ce qui est encore mieux. On aurait aimé voir Stormbringer, mais pour cela il faudra attendre le deuxième tome de ce qui devrait être un cycle en BD.

Elric

Les quatre auteurs ont fait un excellent travail de recherche pour restituer l’ambiance des romans de Michael Moorcock. Ils se sont inspirés de notre histoire pour recréer Melniboné. C’est un coup d’essai qui est en réalité un coup de maitre, et sans aucun doute la meilleure adaptation du champion éternel. Ce premier tome est accompagné de 16 pages d’illustrations qui montrent la genèse d’Elric en BD. Un détail intéressant : différentes versions de Stormbringer y sont dessinées, et annoncent un tome deux tout aussi passionnant. C’est une excellente adaptation d’Elric.

Un petit mot sur la réédition du cycle Elric chez Pocket. Réédition qui coïncide avec la BD, qui reprend quelques pages de cette dernière en fin d’ouvrage. En 600 pages, Pocket nous propose les trois premiers livres du cycle. Cette réédition devrait comprendre trois tomes reprenant les neuf livres qui composent le cycle d’Elric.

Elric - intégrale 1

Michael Moorcock a écrit quelques-unes des plus belles pages de fantasy avec son héros Elric, ainsi qu’avec ses incarnations dans le multivers, que sont Hawkmoon, Corum et Erekosë. On lui doit entre autres « Gloriana ou la reine inassouvie », qui à mon humble avis est son meilleur livre. Mais c’est son champion éternel et son épée qui marqueront à jamais le lecteur. C’est une fantasy sombre, mais d’une efficacité redoutable. Cette sortie BD donne envie de relire l’entièreté du cycle. À conseiller, à consommer, à visualiser chaque fois que c’est possible. C’est excellent.

Elric, 1. Le trone de rubis, Blondel & Poli & Recht & Bastide, Glénat, 2013, 64 pages
Elric, intégrale, Michael Moorcock, 602 pages, Pocket, 2013

Elric - Glénat

Alain Walsh (librairie Malpertuis) – L’interview

Phénix Mag n’a pas voulu clore le chapitre Malpertuis sans une dernière fois interviewer Alain Walsh dans son rôle de libraire. Marc Bailly et moi-même avons concocté un questionnaire auquel Alain Walsh a bien voulu se soumettre. Certaines questions sont impertinentes, d’autres feront sourire. Un peu plus d’une heure d’interview a été résumée dans la transcription qui suit. L’interview s’est faite un samedi matin chez Malpertuis, qui était ouvert aux clients. Connaissant le personnage depuis plusieurs années, Marc et moi avons mis Alain Walsh sur le gril, dans une ambiance bon enfant, parfois agrémentée d’éclats de rire. Je ne cache pas que je n’aimerais pas répondre à ce questionnaire. Parfois, cela fait du bien de ne pas être la victime ! En tout cas, nous espérons que cette interview vous donnera une idée du personnage qu’est Alain Walsh.

En plus de cette interview, on trouvera ci-dessous deux témoignages d’habitués de longue date de la librairie Malpertuis. Paul Barbieux, informaticien et musicien, et Philippe Vanhauwermeiren également connu sous le nom de Daidin qui tient un blog consacré à la science-fiction, mais plus axé sur l’uchronie.

Paul Barbieux.

Nous sommes en 1981, j’ai 14 ans et découvre la littérature SF au hasard des belles couvertures de Chris Foss sur les livres J’ai Lu… et des fascicules « Inexpliqué » ! Car à ce moment-là les éditions Atlas publient une nouvelle encyclopédie consacrée au « monde de l’étrange, de l’insolite et du mystère ». Et la dernière page de chaque fascicule est consacrée à un auteur incontournable de la littérature de l’imaginaire : je découvre ainsi Tolkien, Poe, Lovecraft… et Jean Ray ! Il était écrit qu’il fallait absolument lire « Malpertuis », alors me voilà en route pour un petit magasin au centre-ville qui, je ne sais plus quel copain de classe me l’a dit, ne vend que cette sorte de littérature.

Me voilà dans cette librairie à la devanture peinte en bleu, vraie caverne d’Alibaba ! Précisons que j’y entre sans voir le nom du magasin – et c’est là un détail important, qui nous vaut cette anecdote. J’y suis donc pour acheter « Malpertuis »… et enchaîne plusieurs bêtises qui ne perturbent pas monsieur Walsh, gardant son flegme britannique ! D’abord,je lui demande s’il connait ce livre, « Malpertuis », écrit par un célèbre écrivain belge. Oui, il connait (…), et il me montre le livre, en J’ai Lu. Je l’ai en main et je lui demande…si c’est vraiment bien ?!… Sic !

Mon premier livre de chez Malpertuis fut donc « Malpertuis », acheté suite à une conversation un peu décalée, pour ne pas dire de la 4ème dimension : peut-être que monsieur Walsh a oublié cet adolescent maladroit, mais moi j’y repense souvent en me disant que, heureusement, avec l’âge on mesure mieux ses paroles…

Daidin (Philippe Vanhauwermeiren)

Quand mon ami Marc m’a demandé d’écrire un mot sur la seule librairie spécialisée en SF, Fantasy, Fantastique, Esotérique… de Bruxelles à l’occasion de la fermeture de cette institution, je n’ai pas hésité.

Client de Malpertuis depuis des temps immémoriaux (à une époque où toutes les maisons d’édition réunies publiaient à peu près autant de bouquins que les seules éditions Bragelonne aujourd’hui), j’ai beaucoup fréquenté la librairie à une époque où je forgeais ma collection de bouquins de SF. Par la suite, mes passages se sont un peu espacés parce que je fréquentais beaucoup moins le quartier et que plusieurs concurrents sérieux ont vu le jour (pour les nouveautés uniquement) : la Fnac, Filigranes… qui présentaient l’avantage de proposer aussi d’autres médias (jeux, CD, DVD…), mais pendant toutes ces années, Malpertuis est restée la référence lorsqu’on cherchait une information ou un livre épuisé.

Malpertuis, c’était une petite (au sens propre, elle devait faire une douzaine de mètres carrés) librairie sise non loin de la grand place de Bruxelles. Ne payant pas de mine de prime abord, on pouvait cependant y trouver l’essentiel de la littérature SF-Fantasy… dans un cadre somme toute prestigieux. La maison où était situé le magasin aurait elle-même pu se retrouver dans une anthologie fantastique ou dans un dessin de Smit-le-Bénédicte.

Malpertuis, c’était l’endroit où l’on pouvait trouver toutes les nouveautés bien sûr, mais aussi tomber sur le bouquin épuisé que l’on cherchait depuis des années (vous savez, ce Philip K. Dick paru chez « Le Masque » sous deux couvertures différentes…, vous n’auriez pas celui avec la deuxième couverture ?!?).

Malpertuis, c’était surtout Alain Walsh, un personnage en soi. Plein d’enthousiasme et incollable sur les bouquins parus en Français (La vraie langue comme il dit, ne lui parlez surtout pas de l’autre…), Alain pouvait être bourru par moment, avec des idées bien ancrées sur certains sujets et les défendant parfois avec vigueur. On pouvait cependant compter sur lui pour essayer de vous procurer ce bouquin paru chez un petit éditeur obscur du fin fond de la Bretagne.

Je suis passé chez Malpertuis il y a quelques jours et pour la première fois depuis des années, j’ai vu des rayons incomplets, une table des nouveautés qui ne présentait plus de nouveautés… Triste spectacle !

Au moment où j’écris ces lignes, Malpertuis est sans doute fermée, aucun repreneur sérieux ne s’étant manifesté à ma connaissance. J’espère qu’une autre librairie spécialisée renaîtra à Bruxelles pour reprendre le flambeau et représenter les littératures de l’imaginaire.

Lors de notre discussion ce jour-là, Alain m’a confié qu’il avait de nombreux projets (dont certains concernaient la science-fiction) et notamment des voyages. Alors So Long Alain, bon voyage sur des routes qui ne sont pas toutes imaginaires et qui sait, on se reverra peut-être au bar du coin des temps !

Interview Alain Walsh le 12 novembre 2011

L’aventure Malpertuis touche gentiment à sa fin. Quel bilan fais-tu de ces 35 ans d’activités ?

Beaucoup de plaisir. C’est le bilan numéro un. Sans compter, plein de gens intéressants. J’ai vécu de la manière dont je voulais. Si c’était à refaire, je recommencerais. On peut dire que c’est positif !

Comment est née l’idée d’ouvrir une librairie de science-fiction, fantasy et fantastique à Bruxelles(sans oublier l’ésotérisme et la bande dessinée) ?

Et bien je suis passé dans la rue, j’ai vu que la maison était vide, remplie de brol. Je me suis dit depuis quelque temps que j’avais envie d’ouvrir une librairie. Ça me semblait un bon endroit. J’ai trouvé le propriétaire, on s’est mis d’accord, et j’ai ouvert. C’est aussi simple que ça.

Pourquoi as-tu envie d’ouvrir une librairie ? Qu’est-ce qui t’attirait là-dedans ?

J’aimais la science-fiction, j’aimais le livre. Je me suis dit : pourquoi pas ?

Directement la science-fiction ?

Science-fiction, fantastique, fantasy, c’est le même type de pensée. L’ésotérisme, car cela complétait le fantastique au point de vue documentaire. La BD est venue six mois plus tard. Au départ, je ne pensais pas faire la BD, mais on m’a demandé. Comme en BD il y a beaucoup de science-fiction, fantasy et fantastique… J’ai fait un peu de BD aussi.

Est-ce que le nom Malpertuis est un hommage au livre de Jean Ray ? Ou y a-t-il une autre explication au nom de la librairie ?

J’aimais bien l’œuvre de Jean Ray. Et comme la maison du magasin semblait vaguement bizarre. À l’époque tout était encombré de manière pas possible, je me suis dit que « Malpertuis » cela allait bien.

Mais comme tu préfères la science-fiction, tu aurais pu prendre un nom lié à la science-fiction ?

J’aurais pu, mais je ne l’ai pas fait !

Pourquoi ? Qu’est-ce qui t’intéressait dans l’œuvre de Jean Ray ?

Je trouvais que c’était d’abord un auteur belge. Je l’ai toujours trouvé très intéressant. J’ai lu tous les Marabouts à l’époque. Toute son œuvre était éditée par Marabout, y compris les Harry Dickson. Et je trouvais que dans le fantastique, avec Thomas Owen, il était le plus marquant de l’époque.

Et maintenant, 40 ans après ?

Il est toujours aussi bon. On a maintenant le plaisir de lire quelque chose qui se passe à une époque un peu révolue. C’est un autre type de plaisir, mais les ressorts fantastiques y sont. Le fantastique est souvent axé sur le passé. C’est la raison pour laquelle je trouve que c’est un bon auteur.

Ouvrir une librairie spécialisée dans l’imaginaire, était-ce un risque calculé ? Ou bien le désir l’a emporté sur la raison, et tu t’es lancé dans cette aventure sans trop réfléchir ?

Je me suis lancé rapidement. Je n’ai jamais envisagé que cela ne marche pas. Je me suis dit que si le chiffre d’affaires progressait, j’étais dans le bon. Cela a commencé très doucement, avec peu de bouquins. J’ai eu de plus en plus de clients. Je me suis fait connaitre, et de fil en aiguille Malpertuis est devenu ce que vous connaissez. De manière assez naturelle.

C’était en 1976 ?

C’était en 1976.

Et tu lisais déjà à l’époque ?

J’ai toujours lu. Je ne me souviens pas d’une période où je n’ai pas lu. La science-fiction a toujours été ce que j’aimais.

Malpertuis est situé derrière la Grand Place de Bruxelles. As-tu un jour pensé à déménager la librairie pour un endroit plus grand ou plus facile d’accès ?

J’y ai parfois pensé, mais je me suis dit que si Malpertuis s’agrandissait, je devrais prendre du personnel et je ne m’en sortirais pas tout seul. Donc, je ne serais plus libraire, mais gestionnaire. Cela ne m’intéresserait pas du tout !

Malpertuis, ce n’est pas simplement des lecteurs. C’est aussi de belles rencontres avec des acteurs du domaine (auteurs, éditeurs, etc.). Y en a-t-il qui t’ont marqué plus que d’autres ?

Je dirai Jacques Van Herp, qui était quelqu’un d’extrêmement cultivé dans le domaine et qui avait son franc-parler.

Y en a-t-il que tu aurais aimé recevoir chez Malpertuis ? (indifféremment de la langue qu’il parle)

Il y en a beaucoup que j’aime. Si on commence maintenant la liste, on peut la terminer demain.

Bon nombre de clients de Malpertuis venaient aussi pour être conseillés. En tant que libraire tu t’es beaucoup plus investi que bon nombre de confrères. Était-ce un choix délibéré ? Penses-tu que cela fait partie du rôle d’un libraire ?

Je pense que c’est rigoureusement indispensable. Le travail du libraire est de conseiller son client. Également conseiller dans ce qu’on estime qu’il ne doit pas acheter, car cela ne lui plaira pas. C’est très important. Il y a à conseiller les livres qu’il va apprécier, mais il y a également à déconseiller. Bien entendu, il s’agit de faire cela avec des clients qu’on connait bien. La personne qui rentre, qu’on n’a jamais vu, c’est assez difficile.

Est-ce que la découverte de nouveaux auteurs, telle que Adriana Lorusso, s’inscrit dans la même démarche ?

Oui, parce qu’un libraire est sensé lire énormément, et lire les nouveaux auteurs en priorité. Et dans le cas d’un manuscrit, pourquoi pas, bien que ce ne soit pas le travail du libraire. Si l’occasion se présente, il n’y a pas de raison.

Et tu en as eu d’autres comme cela ?

Publié ? Non. J’ai lu, j’ai conseillé. Cela suit son petit bonhomme de chemin.

Que penses-tu du niveau actuel en imaginaire ? Est-ce mieux qu’il y a 35 ans ? Ou bien les livres se sont simplement épaissis au fil du temps ?

Il y a toujours d’excellents bouquins qui sortent, mais il y a une pléthore de sorties, qui fait qu’on n’a plus l’occasion de tout connaitre. Et évidemment, cela amène les éditeurs à sortir des textes un peu plus faciles. Mais, étant donné qu’il sort beaucoup, il y a toujours d’excellents textes qui sortent. On parle de manière récurrente de crise dans tel ou tel domaine de l’imaginaire. Je ne l’ai jamais ressenti. J’ai toujours trouvé qu’il y avait pas mal de textes qui sortaient. Je lis encore des nouveautés qui sont réellement intéressantes, qui sont originales, surtout en science-fiction. La science-fiction, c’est le domaine numéro un de l’imaginaire. La fantasy et le fantastique sont basés sur des archétypes plus connus. Donc, pour se renouveler, ce n’est pas toujours évident.

Malpertuis, c’est aussi un grand nombre de discussions, de débats, qui se créaient spontanément et qui débordaient parfois du domaine de l’imaginaire. Y a-t-il une explication à ce phénomène ?

Je crois que pas mal de gens se sentaient bien à Malpertuis. Lorsqu’on se sent bien quelque part et qu’on rencontre des gens qu’on trouve sympathiques, on parle avec eux. Pas plus compliqué que cela.

Est-ce qu’Alain Walsh est un grand psychologue ?

Je n’en sais fichtre rien !

Quels sont les livres qui t’ont marqué dans le genre qui nous intéresse ?

Il y en a tellement… Certains classiques : Les Fondation d’Asimov, Dune de Frank Herbert. Au fil du temps on découvre d’autres auteurs. David Weber avec la série Honor Harrington qui est de la bonne science-fiction. D’un côté traditionnelle, mais bien renouvelée. C’est la question épouvantable ! Il y a Peter Hamilton également.

Y a-t-il des livres qui a tes yeux sont incontournables ? Et pourquoi ?

Il y a des livres incontournables, mais ils ne sont pas incontournables pour tout le monde. C’est une question de gout. Il est tout à fait légitime de ne pas aimer Hypérion de Dan Simmons qui est l’œuvre que j’adore. Donc, on ne peut jamais dire qu’une œuvre est incontournable. C’est un peu comme si on imposait la lecture à quelqu’un. Ce n’est pas logique. On peut sortir une bibliothèque d’une centaine de volumes dans lesquels un amateur trouvera toujours d’excellents auteurs qu’il va apprécier, mais il y a peu de chance qu’il aime les cent auteurs en question, qui sont considérés chacun comme extrêmement importants par beaucoup de gens.

Mais comment peut-on dire qu’un auteur est devenu un classique ? Ses chiffres de ventes ?

Oui, en quelque sorte.

Mais quels ont été les meilleurs chiffres de vente chez toi ?

Étant donné que je n’ai jamais tenu de statistiques de ce genre, c’est très difficile à dire. Cela varie un peu au fil du temps. Par exemple John Scalzi a sorti son premier bouquin (Le vieil homme et la guerre), c’était la découverte. J’ai fait énormément de vente de Scalzi.

Il y en a eu d’autres comme ça ?

Oui. Il est incontestable que la publicité d’éditeur ou de critique joue. Dans la publicité d’éditeur, il y a parfois à boire et à manger.

Y a-t-il des livres qui n’ont pas eu le succès escompté, mais qui méritaient un plus grand intérêt de la part des lecteurs ?

C’est purement personnel. Chacun va estimer cela. Tout amateur va dire : « Tiens, j’ai adoré ce bouquin et on n’en parle pas ».

Et l’inverse ? Les éditeurs annoncent qu’un livre va cartonner et finalement cela a été un flop ?

Oui, c’est arrivé, mais je n’ai pas mémorisé.

Un bouquin dont tu attendais beaucoup ? Même toi en le lisant tu te disais « ou là là ».

Lorsque je suis déçu, je ne m’appesantis pas sur le livre et j’oublie. Ce n’est pas tellement important. Tant pis, on a perdu un peu de temps et c’est tout.

La science-fiction, la fantasy et le fantastique ont évolué et les lecteurs aussi. Quel regard as-tu sur le domaine de l’imaginaire depuis que tu as créé Malpertuis jusqu’à aujourd’hui ? Et quelle sera l’évolution du genre ?

L’évolution du genre est difficile à déterminer étant donné qu’un auteur de science-fiction se base à la fois sur les nouvelles découvertes technologiques et également sur ce qui se passe dans la société en général, et d’éventuelles prospectives ou non, où il extrapole par rapport à un phénomène particulier. Et donc, c’est en perpétuelle évolution. Mais depuis le début, ça se passe comme cela. Donc, au total la science-fiction va continuer à évoluer, mais en suivant ce même type de schéma : essayé d’être toujours en avance et imaginative.

Y a-t-il encore une grande différence entre ce que les auteurs anglo-saxons et francophones produisent en imaginaire ? Va-t-il un jour y avoir une convergence dans la manière d’écrire ou de présenter des sujets ?

Étant donné, que les auteurs francophones lisent beaucoup d’auteurs anglo-saxons, il est évident qu’ils sont malgré tout imprégnés par la science-fiction anglo-saxonne en général. Et donc, oui, il y a une certaine convergence. Mais les types d’écriture, de sujet, de préoccupation sont assez différents en règle générale.

Et comment tu expliques ça ?

C’est culturel. Si on prend un européen, Eschbach par exemple, qui est un excellent auteur, il est différent des auteurs anglo-saxons et francophones. Il y a une différence culturelle et c’est fort heureux. C’est ce qui fait la richesse évidemment.

Y a-t-il des choses que tu aurais aimé faire dans le cadre de ton activité, mais que tu n’as pas pu concrétiser ?

J’aurais aimé faire un peu plus de tout. Mais étant donné qu’il n’y a que 24 heures dans une journée… Disons que pour être un libraire correct, il faut que la librairie soit ouverte. Et cela nécessite une plage horaire très importante. Donc, aller à des conventions, oui, une fois de temps en temps. Je ne peux pas me le permettre tout le temps parce qu’il faut fermer le magasin. Rencontrer des auteurs, oui le soir. Mais ce serait plus gai de la rencontrer pendant la journée. J’aurais aimé rencontrer plus d’auteurs, parler plus longuement avec certains auteurs. J’aurais aimé lire encore plus !

Peux-tu nous dévoiler un coin du voile sur ton propre avenir, car on peut supposer que l’imaginaire restera une de tes préoccupations principales ?

Je vais avoir le temps de lire. C’est merveilleux ! Je vais peut-être essayer d’écrire quelque chose, et je verrai bien si ça vaut le coup après l’écriture du premier chapitre. Il est vraisemblable que j’écrirai quelques chroniques. Je parlerai à l’occasion de quelques bouquins que j’aime bien.

As-tu un genre de prédilection ?

Vraisemblablement la science-fiction.

Peut-on s’attendre à avoir de tes nouvelles sur le Web ou à travers un autre média ?

C’est possible !

Quel est ton auteur de littérature général préféré ?

Je n’en ai pas. J’en lis de temps en temps, mais franchement je n’ai pas d’auteur particulier. J’achète plutôt les bouquins sur un sujet donné. Je préfère lire de la science-fiction et du fantastique. Il n’y a pas d’auteur qui m’enthousiasme. Pas au point de délaisser la science-fiction et le fantastique.

Quel est ton film préféré dans le domaine imaginaire ?

Alien.

Pourquoi Alien ?

Parce que j’ai trouvé le film intéressant à l’époque où il est sorti. C’était la première fois qu’on voyait une technologie utilisée. Ce n’est pas des vaisseaux rutilants qui sortaient d’usine. C’est la première fois qu’on voyait de vieux vaisseaux, qui n’étaient pas des prototypes, pas clinquants. J’ai trouvé que le scénario était excellent et que c’était une bonne idée.

Et les suites ?

Les suites sont des suites !

Quels sont les derniers livres que tu as lus et que tu recommanderais ?

La trilogie du vide de Peter F. Hamilton.

Quel est ton principal trait de caractère ?

Ce n’est pas une question facile. Je crois que j’aime le contact avec les autres. La communication.

Qu’est-ce qui t’énerve ?

L’imbécile.

Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?

Être plus doué en langue pour apprendre l’Espagnol. Cela permet de voyager en Amérique du Sud, ce qui m’intéresse. J’aurais bien aimé connaitre la physique quantique. Tout ce que l’on ne connait pas est intéressant. Le dessin, peut-être. Le dessin permet une certaine représentation. On doit magnifier ce que l’on sait bien faire plutôt que se lamenter sur ce qu’on ne fait pas bien.

Quel est ton rêve de bonheur ?

C’est avoir du temps pour faire tout ce dont j’ai envie. Je crois que le bonheur c’est de faire ce dont l’on a envie. Pouvoir le faire longtemps. Et plus on vit, plus on connait de choses. Plus on connait de choses, plus on a envie de faire des choses.

Par quoi es-tu fasciné ?

Par l’imagination, lorsqu’un auteur a une nouvelle idée.

Cela devient difficile aujourd’hui de trouver des nouvelles idées ?

Je crois que cela a toujours été difficile. Mais les nouvelles idées sont toujours la suite d’autres. Dans les connaissances humaines, toutes les découvertes sont les suites d’autres découvertes. Et l’imagination même dans le domaine littéraire s’appuie sur ce qui a déjà été fait.

Et la première pensée de l’être humain s’appuie sur quoi ?

L’être humain a eu envie de quelque chose. Manger, attraper un animal, se chauffer. Et il a commencé à réfléchir comment l’avoir.

Tes héros dans la vie réelle ?

Bill Gates. Il a réellement une pensée sur l’informatique, qu’il a mise en application. Et c’est également quelqu’un qui a décidé, et qu’il le fait, de donner 95 pour cent de sa fortune, les 5 pour cent restants allant à ses enfants. Il donne plus que les états pour la recherche médicale sur le SIDA. Pour ce que j’en sais, c’est un excellent patron.

Si tu rencontrais le génie dans la lampe, quels seraient tes trois vœux ?

1. Que nous puissions tous être immortels, 2. En excellente santé, 3. Que l’on puisse facilement atteindre les autres planètes du système solaire, car sinon cela nous poserait un sérieux problème de surpopulation !

Tu penses qu’on pourrait être immortel ? Est-ce que tu crois que c’est une bonne chose ?

Pour l’être humain, oui. Pour la race humaine, non, car elle ne se développerait plus. Mais avec les thérapies géniques, nous pourrions nous améliorer.

Ne dit-on pas que l’être humain peut avancer, peut innover justement parce qu’il est mortel ?

C’est peut-être le vieillissement qui empêche les gens d’être aussi productifs et imaginatifs dans le développement de la pensée. Un scientifique qui a émis des idées novatrices pourrait peut-être continuer à en avoir tout le temps. Mais c’est relativement rare.

Si tu avais la possibilité d’utiliser la machine à remonter le temps, à quelle époque irais-tu ?

D’abord je vérifierais de pouvoir revenir ! Il est certainement intéressant de vivre à l’époque victorienne, à condition d’être dans les classes supérieures de la société, et de ne pas devoir passer chez le dentiste ! Je pense que j’irais voir l’époque de la république ou de l’Empire romain. C’est une période historique qui m’a toujours intéressé. J’irais également, volontiers, à l’époque napoléonienne. Allez en Chine à l’époque des sept royaumes, ça doit être fascinant.

Si tu pouvais revenir en 1976, qu’est-ce que tu dirais au jeune Alain Walsh qui passe dans la rue ?

Vas-y !

Est-ce que ta vie est à l’image que tu espérais ?

Il y a évidemment des choses que l’on changerait. J’ai commis des erreurs, j’ai souvent fait un mauvais choix. Bien sûr, il y a des choses que je ne ferais plus. Mais globalement, je ferais la même chose, parfois autrement.

Pourrais-tu citer cinq choses qui te plaisent ?

La randonnée, voyager, la lecture, les jeux (mais pas d’argent), être en compagnie d’amis

Pourrais-tu citer cinq choses qui te déplaisent ?

Les gens qui croient tout savoir et qui hélas savent peu, les gens méprisant vis-à-vis des gens censés être inférieurs à eux, les abats, je n’aime pas que les Anglais occupent toujours l’Irlande, les gens bruyants qui dérangent les autres.

Le premier livre que tu as aimé ?

Je ne me rappelle absolument pas mes premiers livres d’enfants. Je me souviens d’un livre d’illustrations qui représentait le futur.

Quelle illustration t’a marqué ?

Des illustrations de Christopher Foss, des vaisseaux spatiaux

Une lecture que tes parents t’ont interdit ?

Mon père ne m’interdisait pas, mais plutôt me dirigeait vers des livres. C’était : regarde ce qui te plait, et prends-le !

Une vision ou illustration effrayante que tu n’as jamais oubliée ?

J’étais enfant, et c’était un film avec une momie. La momie m’a totalement terrorisé. À l’époque, c’était à l’école dans la salle de gymnastique.

Un livre dont tu aimerais écrire la suite ?

Il n’y en a pas ! La question ne se pose pas.

Ton personnage de fiction préféré ?

Honor Harrington.

Es-tu présent dans le livre d’un autre ?

C’est une bonne question ! Dans une nouvelle de Jacques Van Herp, je pense. Je sais que Baronian a parlé de la librairie.

Quelle œuvre classique n’as-tu pas aimée ?

Émile Zola. Peut-être relirais-je Zola, germinal par exemple. Mais d’un point de vue historique.

Quel est le dernier livre que tu as offert ?

Une histoire qui se passe à une époque victorienne, dans une réalité alternative : Sans âme.

Que ne lis-tu jamais ?

Des précis de philosophie bantous !

Le texte absolu à tes yeux, et pourquoi ?

Il n’y a pas de texte absolu.

Le principal trait de ton caractère ?

Le contact

Celui dont tu es le moins fier ?

Je peux m’énerver, m’agacer.

Que changerais-tu chez toi si tu le pouvais ?

J’essayerais d’être plus patient.

Ton remède contre le stress ?

Un bon bouquin.

Qu’as-tu le mieux réussi dans ta vie ?

Au vu des réactions que je vois maintenant, je n’ai pas été un mauvais libraire. Vu le nombre de gens qui ont l’air malheureux, je pense que j’ai dû atteindre le but qui était le mien, qui était de donner du plaisir de lecture aux gens qui sont rentrés chez Malpertuis. J’ai toujours essayé que la personne qui sort d’ici reparte avec des livres qu’elle va lire avec agrément.

Un souvenir d’enfance ?

Quand j’ai été avec mon père au planétarium.

Que sont devenus tes rêves ?

Les rêves, soit ils se réalisent, soit ils se modifient, soit on les envisage pour un peu plus tard. Comme je ne suis pas encore mort, j’espère qu’il y a encore pas mal de choses, qui j’espère, vont se réaliser.

Le meilleur souvenir professionnel ?

J’en ai beaucoup. Lorsque Van Vogt est venu ici, via la convention. En 1971. C’était un grand de la science-fiction.

Le casting d’un diner idéal chez toi ?

Avec des amis.

Ton livre de chevet ?

Il change tout le temps ! Je relis souvent du Lovecraft.

Pourquoi du Lovecraft ?

Je trouve merveilleux qu’il soit arrivé à construire au fil de nouvelles tout un univers. Le monde de Cthulhu avec ses dieux. C’est assez exceptionnel.

Acteurs et actrices préférés ?

Je regarde des films pour me divertir. Je n’ai pas d’acteur ou d’actrice préféré. Je ne vais jamais regarder un film pour un acteur ou une actrice donné.

Qu’est-ce que tu aimes qu’on dise de toi ?

Il est sympa.

Que préfères-tu dans ce métier ?

Chaque fois qu’il y a des nouveautés et que j’ouvre les caisses, c’est comme si je recevais des cadeaux. C’est la découverte.

Ta madeleine de Proust ?

J’aimerais bien me retrouver avec des amis chez mon oncle Pat.

La librairie Malpertuis jusqu’à fin 2011

Depuis 35 ans, les amateurs de science-fiction, de fantastique, de fantasy, de bande dessinée, mais aussi d’ésotérisme connaissent la librairie Malpertuis, située rue des éperonniers, derrière la grand place à Bruxelles. Alain Walsh les a accueillis, conseillés, guidés, aidés. Avec son flegme et son humour très… british (lui qui ne parle pas barbare), il a accueillis bon d’amateurs et de passionnés aux domaines qui nous intéressent. La librairie n’a jamais été un salon de thé (ce serait d’ailleurs difficile de le faire vu sa taille), mais un grand nombre de rencontres et de débats très éclectiques ont agrémenté la vie de celle-ci.

Aujourd’hui, Alain Walsh annonce qu’à la fin de l’année, il cessera ses activités de libraire. Malpertuis fermera définitivement ses portes. Il y a de quoi être triste car Malpertuis est une référence. La librairie ne paie pas de mine face à Filigranes ou la FNAC, mais le savoir-faire et la connaissance d’Alain font toute la différence. Qui n’a jamais été conseillé par lui lors d’un passage dans la librairie ? Alain connait ses clients sur le bout des doigts, gouts littéraires, les auteurs qu’ils recherchent, les livres qu’ils attendent (mais qui ne sont pas toujours sortis). Avec quelques questions, il devine les gouts des visiteurs et les conseille plus précisément. Sans oublié qu’Alain propose souvent des nouveautés qui valent la peine d’être lues. Combien de fois n’ai-je pas acheté un livre qu’il m’a conseillé, et que je n’ai pas regretté. En fait, Alain a toujours apporté un jugement objectif sur la production de livres en imaginaire.

En 35 ans, je ne compte pas les débats qu’on a eus sur les auteurs, les cycles, les éditeurs, sur l’informatique, les sciences, les civilisations extraterrestres, la conquête spatiale, l’univers, etc. Sans parler de l’écriture où Alain est un réviseur hors pair. Je parle en connaissance de cause puisque Alain révise mon space opera (qui vu sa taille a des allures de trilogie). Alain c’est aussi un avis éclairé sur des textes de nouveaux auteurs. On lui doit la découverte d’Adrianna Lorusso, éditée chez Bragelonne grâce à Jean-Claude Dunyach. Certains éditeurs lui demandent parfois de donner un avis éclairé sur de nouveaux textes non encore publiés. Alain a fait partie du jury du prix Bob Morane.

Chez Malpertuis, combien de débats passionnants n’ont pas marqué l’endroit. Je me souviendrai toujours des passages de Jacques Van Herp qui parlait de fantastique ou de science-fiction du début du siècle. Tout comme je me souviendrai toujours des longues discussions que j’ai eues avec Alain lorsque je faisais face à un problème lors de l’écriture. Son œil avisé, son esprit éclectique faisaient qu’il avait toujours une solution, une alternative intelligente à suggérer. Sans parler des aspects militaires qu’il connait admirablement. Ce qui aide beaucoup lorsqu’on veut écrire du « Honor Harrington » ou équivalent.

Alain Walsh, c’est quelqu’un qui a consacré toute sa vie à la science-fiction, à la fantasy et au fantastique. C’est quelqu’un qui a le potentiel pour écrire dans un de ses genres. J’espère qu’un jour il se lancera dans l’écriture de nouvelles ou de livres. C’est un vœu que je fais. C’est aussi un ami de longue date pour moi. Depuis 35 ans, tous les quinze jours, je passais à la librairie, soit pour acheter des livres, soit pour avoir une de ces excellentes discussions qui font aussi le charme de l’endroit. C’est aussi l’occasion de rencontrer des auteurs, éditeurs, traducteur, réalisateurs, etc. voire même de rencontrer des personnes dont la profession s’éloigne fortement de notre genre préféré, mais qui ont la même passion.

Je pense que je fais partie du petit nombre de personnes qui ont connus Malpertuis depuis le début. Comme beaucoup d’amateurs de science-fiction je vais regretter la fermeture définitive de la librairie. C’est dommage, mais Alain mérite amplement de se retirer. Ces derniers mois, il envisageait de plus en plus d’arrêter ses activités. Connaissant bien le personnage, même si il ne le disait pas ouvertement, cela se devinait. Et lorsqu’il m’en a parlé, je n’ai pas été surpris de l’apprendre. Bien que connaissant la nouvelle avec un peu d’avance (comme un certain éditeur), je ne pouvais pas la divulguer avant le premier aout 2011.

La fermeture de Malpertuis est une grande perte pour tous les amateurs du genre. Quelque part on se sentira tous un peu orphelin, mais c’est la vie et elle continue pour Alain. L’activité continuera normalement jusqu’à la fin de l’année, et Alain se fera une joie d’accueillir ses clients comme il le fait depuis le début de l’aventure Malpertuis.

Librairies et bouquineries à Bruxelles

L’article à été déplacé et est maintenant devenu une page du blog. On le retrouvera dans le menu du blog

Malpertuis

Je ne peux pas m’empêcher de citer Malpertuis, librairie de référence en SF,  fantasy et fantastique, où on peut également trouver de la BD et de l’ésotérisme.  Alain Walsh, qui a ouvert la librairie il y a plus d’une trentaine d’années, est un vrai passionné de SF et une référence dans le domaine. Découvreur de talents à  ses heures perdues (avec par exemple Adriana Lorusso qui a écrit Ta-Shima,  qu’il a présenté à Jean-Claude Dunyach chez Bragelonne).  C’est aussi un ami de longue date chez qui j’achète tous mes livres de science-fiction depuis  que Malpertuis existe. On y rencontre parfois un auteur ou directeur de collection, et on assiste très fréquemment à des discussions passionnées sur la SF, la fantasy, le fantastique, mais aussi les sciences et les évolutions technologiques. Je soupçonne parfois Alain Walsh d’être un envoyé de la  Culture, en visite sur Terre pour nous faire découvrir la SF.
Malpertuis
Rue des éperonniers 18
1000 Bruxelles (Belgique)
Tel : +32 02/512.83.00