Archives de Catégorie: Policier

Le navire qui tue ses capitaines – Tillieux & Follet

Lire un roman au format bande dessinée n’arrive pas tous les jours. Le navire qui tue ses capitaines, de Maurice Tillieux, illustré par René Follet et publié par les éditions de l’Élan est l’occasion de découvrir une autre facette du dessinateur et scénariste de Gil Jourdan. Ce roman policier date de 1942 et se lit sans trop de difficultés. Le style est un peu trop ancien à mon avis, et utilise des expressions qui seraient à leur place dans une histoire de Sherlock Holmes ou de Hercule Poirot. Le détective Annemary qui fume la pipe pour démêler l’histoire des capitaines tués à bord du Taï-Wan, fait un peu trop « cliché ». Mais bon, il faut remettre ce roman policier dans le contexte de l’époque, c’est-à-dire pendant la Seconde Guerre mondiale.

L’intrigue se révèle lentement. Arriver à la moitié du roman, quelques éléments de réponse seront présentés, et ce n’est que dans les deux ou trois dernières pages que le lecteur découvre vraiment qui est le vrai coupable. On voit que Tillieux connait le domaine maritime. Cela se sent, cela se voit au fil des pages, tout comme on devine son grand intérêt pour la littérature policière de l’époque.

On peut reprocher à Tillieux un manque de détails dans la description de ses personnages, voire un style d’écriture qui ne met pas en valeur ses derniers. Les astuces littéraires utilisées sont d’une autre époque et ne correspondent plus au standard actuel du roman policier. Donc, il faut lire ce roman en tenant compte de l’époque à laquelle il a été écrit.

C’est plutôt par curiosité que j’ai lu ce roman, en me disant que j’allais peut-être retrouver Gil Jourdan au fil des pages. Ce n’était pas le cas. Pas plus qu’il n’y a de trace d’humour dans ce roman. Le lecteur de l’époque devra attendre 14 ans avant que Libellule ou l’inspecteur Crouton viennent le perturber dans la bande dessinée Gil Jourdan.

On pourrait croire que je suis un nostalgique de cette bande dessinée. Et c’est en partie vrai, car elle fait partie de celles que je lisais quand j’étais adolescent. Je ne peux pas dire autant de Félix, qui m’a complètement échappé à l’époque. Donc, j’espérais retrouver un peu de l’esprit de Gil Jourdan ou de Marc Jaguar.

Le format du livre est inhabituel, surtout pour le lecteur qui veut lire un roman dans les transports en commun. Un livre normal ou un livre de poche aurait mieux fait l’affaire. Mais alors ce serait les illustrations de Follet qui seraient pénalisées. Non, les éditions de l’Élan ont fait le bon choix, surtout dans la perspective de rééditer tout ce que Tillieux a fait.

Plus récemment on a vu la réédition de Marc Jaguar en bande dessinée, et la réédition de S.O.S. bagarreur ne devrait pas tarder. On pourrait aussi se demander si les éditions de l’Élan comptent rééditer les romans « L’homme qui s’assassina » et « Aventures de Paillasson » que Tillieux a aussi écrits.

Le livre est agrémenté de bons nombres d’illustrations de René Follet qui collent parfaitement à l’histoire. C’est même tout l’intérêt de ce livre. À la limite, une version BD du roman par Follet aurait été une excellente idée.

Le livre ne s’arrête pas au roman et aux illustrations. Il contient également un dossier sur la collaboration entre Tillieux et Follet, un dossier sur le contexte de l’époque qui a permis l’écriture du roman, et une présentation de la collection policière belge de l’époque : Le Sphinx. Ce livre est plus qu’un objet de curiosité. C’est évidemment les fans de Tillieux qui s’y intéresseront, ou les passionnés de René Follet.

Je serai d’avis de lire les autres romans de Tilleux, mais c’est surtout les rééditions de sa production en bande dessinée qui m’intéresse le plus.

Le navire qui tue ses capitaines, Maurice Tillieux et René Follet, éditions de l’Élan, 2017, 112 pages.

Le navire qui tue ses capitaines

Je t’aime – Barbara Abel

Pour rester dans l’univers de Barbara Abel, j’ai enchainé avec « Je t’aime » juste après avoir lu « Je sais pas ». J’avais pensé que l’auteure allait se répéter en abordant le problème des enfants et adolescents capricieux. Je m’étais dit qu’il lui restait suffisamment de matière inexploitée du livre précédent pour l’utiliser dans son dernier livre. Et il n’en est rien.

En fait le sujet n’est pas du tout le même. Tout semble presque rose au début de l’histoire. On s’intéresse à des parents et leurs enfants dans des familles différentes. Simon et Maud forment une famille recomposée. Simon qui est chirurgien a une fille de 18 ans qui s’appelle Alice. Il arrive à celle-ci de fumer un joint avec son petit ami Bruno. De son côté, Maud qui est divorcée a deux enfants, Arthur et Suzie de 15 et 11 ans. Nicole est greffière et est la mère de Bruno. Solange est la mère de Thibaut, un enfant de 7 ans.

Tout se passe dans le meilleur des mondes pour ses familles, jusqu’au moment où Bruno le petit ami d’Alice, sous l’emprise de la drogue, fait un accident. Sa voiture s’encastre dans un car. Il perd la vie en même temps que celle de Thibaut. Ces deux décès vont être le départ d’un drame plus que d’un polar. Comme il faut trouver un coupable, pour Nicole la personne toute désignée est Alice, la petite amie de son fils décédé dans l’accident d’auto. Pour elle, Alice est à l’origine de cet accident en fournissant de la drogue. Mais est-ce bien la vérité, ou un prétexte d’une mère qui a perdu son fils pas si parfait que ça, qui a causé le mort d’un petit garçon ? Sa haine vis-à-vis d’Alice et de sa famille va se transformer en vengeance en usant de son influence auprès du juge pour lequel elle travaille. Et à partir de ce moment-là, toutes les personnes présentent dans ce roman vont voir leur vie changer.

Quelques détails de l’histoire m’ont laissé dubitatif. Par exemple que la mère de Bruno qui est greffière et travail pour le juge qui va gérer cette affaire. Normalement, une victime (dans ce cas-ci la mère de la victime) n’a pas le droit d’intervenir dans une enquête. On ne peut pas être juge et parti. Étonnant aussi que Simon espionne son beau-fils dans le parc et ne pense pas à utiliser son smartphone pour le filmer en train de fumer avant de montrer le film à sa mère.

Les policiers ne sont pas particulièrement perspicaces, tout comme c’était déjà le cas dans le livre précédent. C’est grâce à une garde à vue prolongée qu’ils arrivent à obtenir des aveux qui ne reflètent pas la vérité. Ils auraient pu faire preuve de plus de clairvoyance dans leur enquête.

Il reste des inconnues dans cette histoire, surtout concernant la sous-cave exploitée par… qui finalement ? Lorsque tout le monde s’accuse personnellement, cela devient difficile de savoir qui est à l’origine de ce drame. Car drame il y a ! Mais le décès de deux personnes déclenche l’appareil judiciaire et en fait un polar.

Barbara Abel reste égale à elle-même. Ses histoires sont bien documentées, bien construites, bien amenées. C’est un peu la marque de fabrique de Barbara Abel. Amener le lecteur sur de fausses pistes et lui faire comprendre qu’il s’est trompé sur les intentions du coupable, que ce dernier n’est pas celui qu’on croyait.

Des chapitres courts et concis donnent un rythme effréné à ce roman. J’avais passé cinq jours sur la première partie du livre, alors qu’il ne m’a fallu qu’une soirée pour lire la seconde partie et terminer le roman sur les chapeaux des roues, accroché par l’intrigue de cette histoire.

Roman original où l’amour ouvre le bal, pour se transformer ensuite en haine, et se terminer en vengeance aveugle. Aveugle, car les différents protagonistes de cette histoire n’ont pas nécessairement raison, et sont guidés par leurs émotions au détriment de toute logique. C’est étrange d’assister à l’écroulement d’une famille qui donnait l’impression d’être soudée, de constater ensuite que pour ses propres enfants ils sont prêts à tout pour les sauver ou les accuser.

J’avoue avoir passé un bon moment en compagnie de Barbara Abel. Comme pour le précédent livre, je reste agréablement surpris par sa manière d’écrire, par les histoires qu’elle raconte, et j’attends avec impatience le roman suivant.

Je t’aime, Barbara Abel, éditions Belfonds, 2018, 462 pages.

Barbara Abel - Je t'aime

Irons ingénieur-conseil – Luc Brahy & Tristan Roulot

Nouveau personnage de bande dessinée, Irons vient renforcer l’offre déjà alléchante du catalogue Lombard. Sorti dans la collection Troisième vague (dans laquelle on trouve par exemple Alpha), Irons de Luc Brahy & Tristan Roulot va devoir convaincre les amateurs de BD sur un marché déjà pléthorique.

La couverture du premier tome ne laisse pas indifférente, et le dessin de Luc Brahy donne vraiment envie de découvrir cette BD. Le détail des décors, la découpe des planches, sont impeccables, très bien mis en couleur par Hugo Facio. Les nuits canadiennes froides et sombres, tout comme les profondeurs marines sont le décor de cette histoire. Il y a un côté glauque que Brahy a très bien restitué.

Manque peut-être un peu plus d’expression sur les visages des personnages. Si on compare cette BD au dernier Alpha sorti chez le même éditeur dans la même collection au même moment, Alain Queirex est plus précis dans les visages que Luc Brahy. Mais pour le reste, c’est du très beau boulot.

Le scénario de Tristan Roulot est classique et solide, entrecoupé de flashbacks. C’est juste bizarre de trouver un ingénieur en ponts aux commandes de cette histoire policière. Tristan Roulot tisse un scénario autour d’un pont dont une pile s’est effondrée et d’un bateau de pêche (le lady Acacia) qui a coulé lors d’une tempête dix ans plus tôt. Tout se passe au Canada, sur une ile que le pont relie au continent. Irons qui voulait rejoindre le continent pour continuer ses propres affaires se voit bloqué sur cette ile. Son aide précieuse va aider la police à résoudre cet étrange incident.

On découvre un personnage intelligent, mais froid. Comme il le dit lui-même (page 41), il est dyssocial, ou plus simplement sociopathe, qui ne ressent rien pour les autres. C’est un peu le danger de cette BD. Le héros est intelligent, mais pas sympathique.

Sinon, Irons est contraint d’agir et de mener sa propre enquête sur ce pont et sur la voiture qui a plongé dans le fleuve. Il apporte des éléments intéressants en matière de construction. On voit que le domaine a été étudié par le scénariste. Le seul reproche que je fais, c’est que parfois Irons sort une preuve, un fait, une évidence, qui normalement nécessiterait plus de recherche. C’est un peu comme s’il la sortait de son chapeau au bon moment pour faire avancer l’histoire.

Il faut laisser le temps à cette série de se développer, de prendre sont rythme. C’est pourquoi je lirai « Les sables de Sinkis » déjà annoncé sur la quatrième de couverture de la BD.

Dans l’ensemble une bonne bande dessinée à suivre.

Irons ingénieur-conseil, Luc Brahy & Tristan Roulot, Lombard troisième vague, 56 pages, 2018

Irons

Je sais pas – Barbara Abel

Je ne lis pas souvent un polar, préférant la science-fiction, la littérature ou la BD, voire la vulgarisation scientifique. Et quand j’en lis, c’est davantage des auteurs comme Chandler, Hammett, Spillane ou Manchette qui me mobilisent.

Il était donc nécessaire de corriger une lacune vis-à-vis des auteurs contemporains qui écrivent du polar, et en particulier par rapport à une auteure belge que j’ai rencontrée à plusieurs reprises. Je parle de Barbara Abel. C’est l’événement culturel et littéraire le Boulevard du polar, en parallèle au BIFFF qui a été le déclencheur de cette lecture et de cette chronique.

Avec « Je sais pas » de Barbara Abel, je m’attendais à une histoire pas cousue de fil blanc, qui allait m’emmener dans un sujet cent fois raconté sous forme de série B télévisée. Eh bien non ! Si ça commence bien comme une histoire de petite fille qui s’égare dans la forêt à l’insu de ses professeurs, puis qui est rapidement retrouvée, le reste de l’histoire peut surprendre le lecteur.

On découvre Émilie, une petite fille de cinq ans, qui derrière un visage angélique est un vrai démon. Elle n’hésite pas à faire croire que sa maîtresse est méchante avec elle. De plus, Émilie ne s’entend pas avec ses petits collègues à l’école. Lors d’une sortie en forêt avec 75 enfants et leurs professeurs, elle va suffisamment montrer sa mauvaise foi pour que les professeurs la changent de groupe d’enfants. Un échange est fait dans le groupe de Mylène son institutrice. Émilie quitte le groupe pour un autre, tandis que Mylène récupère un enfant de l’autre groupe. Et que vont faire les enfants en petit groupe ? Construire des cabanes. Un concours de cabane est donc l’activité principale de cette sortie scolaire.

C’est l’occasion pour Émilie de s’échapper et s’enfoncer dans la forêt sans rien dire à personne. Et ce n’est qu’après un certain laps de temps, quand les instituteurs doivent recenser les enfants, qu’ils constatent la disparition d’Émilie.

Barbara Abel

L’écriture de Barbara Abel est fluide et l’histoire tellement évidente qu’on se dit qu’on va rapidement arriver à la fin de cette histoire de petite fille fugueuse. Mais en nous présentant chaque personnage, on a une autre image de l’histoire.

Mylène l’institutrice est diabétique et part à la recherche d’Émilie sans avoir pris sa dose d’insuline. Étienne, le père de Mylène, a un passé violent. Il est aussi diabétique, et est l’amant de Camille, la mère d’Émilie. Camille trompe son mari Patrick et pète les plombs lorsque sa fille fugue ou ne lui raconte pas ce qui s’est réellement passé. Et puis Patrick, le père d’Émilie, professeur, qui en sait plus que ce qu’on pense et à des avis trop tranchés vis-à-vis de sa femme.

Si Émilie est rapidement retrouvée, il n’en est pas de même pour Mylène qui est partie à sa recherche avec d’autres professeurs. Retrouver la petite fille dans un trou, la libérer et être soi-même coincé dans ce même trou ressemble à un cauchemar, surtout pour une diabétique qui a laissé sa dose d’insuline auprès d’une collègue qui garde les enfants.

Chacun des acteurs de ce roman a suffisamment de raisons pour vouloir connaitre la vérité ou tout faire pour que les autres ne sachent rien de ce qui s’est passé. Questionner Émilie sur sa fugue n’a rien d’évident. Ni pour la mère ni pour les policiers qui doivent résoudre l’affaire. Et lorsque ces derniers découvrent que le foulard au bras d’Émilie appartient en fait à Mylène et que cette dernière n’est pas revenue, l’enquête prend une tournure qui n’a plus rien à voir avec une simple fugue d’une enfant capricieuse. C’est une course contre la montre qui s’engage pour retrouver l’enseignante qui risque de mourir si elle n’est pas retrouvée et soignée rapidement.

Le roman prend alors une direction inattendue pour le lecteur et reste très captivant. Les desseins de chacun seulement dévoilés aux lecteurs permettent de se rendre compte que chaque acteur de cette histoire n’est pas aussi net qu’il le montre. Je dirai même que la surprise attend le lecteur lorsqu’il apprend les intentions de l’un d’entre eux.

Au fur et à mesure de la lecture de ce roman, les différents personnages étaient de plus en plus classés dans le tiroir des mauvais. C’était aussi le cas pour les victimes. Seuls les policiers semblaient faire exception à la règle.

En fait, c’est un très bon polar, avec une intrigue bien distillée au fil des pages, où Barbara Abel nous mène en bateau pour nous surprendre jusqu’à la dernière page.

J’ai douté en lisant « Je sais pas » des personnages et de l’auteure. En finalité, j’ai adoré ce livre. Ce qui m’a incité à prévoir la lecture du suivant. Je sais une chose, c’est que Barbara Abel est une excellente auteure de polar, et que je ne vais pas en rester là dans ses romans.

Je sais pas, Barbara Abel, 2017, Pocket, 440 pages, illustration : Rysk

Je sais pas - Barbara Abel

Marilyn X – Philip Le Roy

Et si Marilyn Monroe n’était pas décédée en 1962 ? C’est sur cette idée (pas si) farfelue que Philip Le Roy a écrit Marilyn X un livre qui tient du polar et du documentaire.

On pourrait se dire qu’il existe des centaines de livres sur Marilyn Monroe et qu’on a écrit tout ou presque sur elle. Elle a été l’objet d’innombrables fantasmes de beaucoup de personnes qui ont un jour aimé un de ces films, qui ont lu les livres qui lui sont consacrés. Je ne fais pas exception à la règle. Je pense qu’un jour elle fera sa réapparition sous forme de personnage de synthèse et le public ne devinera jamais qu’elle n’est pas réelle. On approche à grands pas de ce genre de technologie.

L’idée de savoir Marilyn Monroe vivante au-delà de la date de sa mort est évidemment une idée qui peut donner lieu à plusieurs histoires distinctes. Dans le cas présent, Philip Le Roy retrace la vie de Marilyn Monroe à l’époque des Kennedy, c’est-à-dire à l’époque où elle a une aventure avec le président des États-Unis et avec le ministre de la Justice qui n’est autre que le frère du président. Si on ajoute à cela quelques acteurs et chanteurs bien connus, et de vrais mafieux capables d’influencer le président de la nation la plus puissante du monde, on obtient un livre qui jette un regard neuf sur le mystère du décès de Marilyn Monroe.

Lors d’un périple au Nouveau-Mexique, un couple français est témoin d’un incendie. L’homme est écrivain et est accompagné par sa femme. Si rien ne les prédestine à faire une découverte incroyable, ils vont cependant se retrouver en possession de carnets en partie brulés. Ces carnets sont écrits par un narrateur qui a connu de très près Marilyn Monroe. Il n’en faut pas plus à nos deux voyageurs pour imaginer une histoire rocambolesque tirée de ces bribes. En réalité, il n’en est rien, car ces carnets font référence à Marilyn Monroe. Une lecture plus attentive révèle que ces textes ne sont pas issus de l’imagination d’un écrivain, mais qu’il s’agit bien de souvenirs transposés dans des carnets.

La manière dont les informations sont distillées aux lecteurs va les forcer à progresser plus vite dans la lecture de ce roman déjà très fluide et très bien écrit. Et les vraies informations donnent froid dans le dos, surtout lorsqu’on découvre que Robert et John Kennedy étaient dépendants de la mafia. Marilyn Monroe détenait certaines informations compromettantes, dont celle des carnets qui sont révélés, qui mettraient en danger le président des États-Unis.

Pour éviter d’être assassinée, Marilyn Monroe va donc mettre en scène sa propre mort avec la complicité des Kennedy. Cela veut aussi dire qu’elle renonce à sa carrière et opte pour une vie tranquille et discrète. Quoi de mieux qu’une réserve d’Indiens pour y passer le reste de son existence.

J’avoue que le carnet concernant l’hôtel de Frank Sinatra m’interpelle plus particulièrement. Si les faits sont réels, il y avait vraiment nécessité pour Marilyn Monroe de fuir et se cacher. Le plan qu’elle a échafaudé va justement la soustraire au danger qui plane sur elle. C’est assez original.

Il y a beaucoup de romans, de films, ou BD où la belle blonde occupe un rôle parfois joué par une actrice. C’est un mythe et cela le restera encore longtemps. Si vous ne l’avez pas deviné, je suis un peu fan de Marilyn Monroe. Elle représente le sommet du glamour à l’époque. Elle correspond aux années 50 et 60, un peu désuètes, qui reste profondément ancrées dans nos souvenirs ou notre imagination.

Ce roman est suffisamment bien écrit pour que le lecteur se laisse guider par l’intrigue et accepte tous les arguments historiques liés à cette star hors normes. Les détails que donne Philip Le Roy sont presque toujours issus de documents ou de livres. Il est difficile aux lecteurs de faire la distinction entre la réalité et la fiction, à tel point que la totalité du livre pourrait être prise pour des faits authentiques. Et là, l’auteur a parfaitement réussi son coup en nous faisant douter sur la véracité des faits. Marilyn a-t-elle vécu jusqu’à 90 ans à l’écart des médias ? Que ce soit vrai ou faux, importe peu. Je pense que les fans de Marilyn Monroe auraient aimé que ce soit le cas.

C’est le premier livre que je lis de Philip Le Roy. C’est une lacune que je devais combler après avoir rencontré l’auteur et son épouse il y a quelques années à Bruxelles. Je m’étais promis de le faire avec un livre qui n’est pas trop noir, et c’est effectivement le cas avec ce Marilyn X qui revient avec une des célébrités les plus importantes du vingtième siècle.

Croise-t-on vraiment Marilyn Monroe dans ce livre ? Eh bien oui ! Mais le lecteur devra attendre la fin du livre pour se rendre compte que l’actrice fait bien son apparition à notre époque. Un exercice de style bien orchestré par Philip Le Roy, qui mérite vraiment d’être un des meilleurs auteurs de polar du moment.

Un livre à conseiller évidemment, mais surtout un auteur à suivre de près.

Marilyn X, Philip Le Roy, édition Cherche Midi, 2016, 270 pages, illustration Mikaël Cunha

Marilyn X - Philip Le Roy

Time lapse

Et si votre voisin mourait et laissait dans sa maison une étrange machine qui prenait quotidiennement des photos de votre maison toutes les 24 heures ? Oui, mais 24 heures dans le futur, c’est-à-dire demain à 8 heures du soir. C’est sur cette idée originale qu’est basé Time lapse, un film qui tient de la science-fiction, mais qui bascule rapidement dans le thriller angoissant. Le film est un huis clos, ce qui renforce encore un peu plus cette angoisse. L’histoire se passe uniquement dans une maison et celle d’en face.

Film à petit budget dont l’intérêt est largement compensé par une bonne histoire. C’est le genre de film qui a parfaitement trouvé sa place au BIFFF en 2014, et qui est sorti en salle en 2016. Pas de grands acteurs ni réalisateur oscarisé. Simplement le développement d’une idée de science-fiction déjà exploitée sur le plan littéraire et déjà abordée au cinéma sous un autre angle.

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Trois amis colocataires vivent dans une petite maison. L’un d’entre eux est peintre et assure le rôle de concierge dans les environs. Sa petite amie est serveuse, tandis que le troisième est un parieur qui côtoie des personnes pas toujours fréquentables.

Ils découvrent que leur voisin d’en face n’a plus montré signe de vie depuis quelque temps. Le courrier s’accumule sur le pas de sa porte. Heureusement, ils ont la clé de la maison. Et ce qu’ils vont découvrir en y pénétrant, c’est une étrange machine qui prend des photos toutes les 24 heures. Des photos de leur propre maison, prises à travers une baie vitrée. Étrangement une photo montre une situation qui n’est pas encore arrivée. Ils retrouvent la dépouille du propriétaire enfermé dans la cave. Celui-ci est mort mystérieusement. Les trois amis vont découvrir que la photo générée chaque jour correspond bien à ce qui va se passer le lendemain à huit heures du soir.

L’idée de connaitre son avenir prend soudain une grande importance dans leur vie, surtout dans celle du parieur qui y voie un moyen de gagner beaucoup d’argent en récupérant le résultat des courses du lendemain.

Au cœur d’une histoire de paradoxe temporelle, les trois personnages vont être confrontés à un bookmaker peu scrupuleux, qui va les contraindre à travailler pour lui. Leurs vies en danger, ils n’ont plus qu’un moyen de s’en sortir, c’est de se débarrasser du bookmaker et de son garde du corps. Le film bascule alors vers du thriller. Et ça marche ! Cela reste une bonne série B, mais ça marche.

Chaque jour révèle une photo différente de l’avenir, photo parfois compromettante, parfois énigmatique. Le concepteur décédé de cet étrange appareil photo avait laissé quelques mots qui indiquaient que ne pas faire le lendemain ce que la photo montre, correspond à changer le cours du temps, avec les désagréments que cela peut occasionner. Reproduire l’événement revient à s’assurer que ce dernier arrivera bien.

On le voit ici, les principaux protagonistes sont pris dans un piège temporel. Faut-il suivre la photo du lendemain pour que tout se réalise ? Ou faut-il ne pas tenir compte de cette photo ? Le réalisateur du film s’est davantage basé sur la première hypothèse, ce qui lui a permis une certaine liberté quant à la suite de l’histoire.

Personnellement, je pense que quoi que les personnages fassent, la photo du lendemain devra montrer ce qui va vraiment se passer. Donc, il n’y a pas d’obligation de suivre à la lettre la photo. Mais ça, c’est un autre débat qui sort du cadre de ce film. Reste donc, une histoire intéressante, bien développée, sans prétention, qui fera passer un bon moment aux amateurs de science-fiction et de thriller.

Je suis content de retrouver Danielle Panabaker dans ce film. Ce qui la sort de son personnage du docteur Caitlin Snow dans les séries de science-fiction Flash et Arrow. Dans ce film elle est davantage une victime, bien que…

J’ai vraiment bien aimé.

Time lapse réalisé par Bradley King, interprété par Danielle Panabaker, Matt O’Leary, George Finn, 2015, durée 1h44.

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A la mort subite – Jerome Charyn et Michel Castermans

À la mort subite. Un titre qui évoque invariablement pour un Bruxellois un lieu dans lequel il peut boire une gueuze du même nom. Car la mort subite est d’abord une gueuze. La brasserie bruxelloise se trouve au croisement de la rue de la Montagne et de la rue d’Assaut, et a pris le nom de La mort subite vers 1910. Voilà pour la petite histoire.

C’est le premier livre que je lis de Jérôme Charyn. Je le découvre à travers ce roman. Et pourtant l’homme semble être une référence littéraire au Etats-Unis. On retrouve ses textes aux côtés de ceux de Francis Scott Fitzgerald ou Henry Miller. On lui doit aussi Marilyn la dernière déesse, livre dans lequel il retrace la carrière de Marilyn Monroe.

Le Castor Astral nous propose un roman à suspens (je n’ose pas dire policier) de cet auteur qui va justement utiliser comme décor cette brasserie bien connue des Bruxellois. À travers les yeux de Sidney Holden son personnage principal, on a droit à un tour de Bruxelles. Ici, point de guide touristique. On apprend qu’il y aurait un étage caché à l’hôtel Métropole, que les trams bruxellois sont des scarabées de cuivre, et qu’on peut trouver du waterzooi à la mort subite.

L’histoire est relativement simple. Sydney Holden qui vit à Paris est appelé par le vieux Raab à Bruxelles. Il est invité par celui-ci à l’hôtel Métropole. Holden occupe la même chambre que son défunt père. Il a toujours su que son père n’était pas qu’un ancien MP américain, mais qu’il était aussi un flingueur, un nettoyeur qui travaillait pour Raab. Sydney Holden est aussi un flingueur. Son arrivée à Bruxelles provoque certains remous dans le milieu de la pègre. À peine arrivé à l’hôtel Métropole, on tente déjà de l’éliminer. C’est Raab qui se débarrasse d’un de ses hommes de main en l’envoyant tuer Holden. Après cette péripétie mortelle pour l’homme de main, Raab propose à Holden de reprendre le boulot de son père, en commençant par se débarrasser d’une certaine Louiza Boogarden qui lui fait de l’ombre.

Alors qu’il cherche à rencontrer cette « môme », Holden découvre une photo d’une femme qui pourrait être sa mère et qu’il n’a jamais connue. La rencontre avec Louiza va lui faire comprendre que le pourri dans cette histoire, ce n’est pas elle, mais bien Raab qui ne supporte pas la concurrence. De plus, Raab détient la mère de Holden. Ce dernier va remettre les choses en place. Le flingueur qu’il est ne s’encombre pas de sentiments pour faire le vide autour de lui.

L’histoire est agrémentée par de nombreuses photos en noir et blanc prises par Michel Castermans. Avec celle-ci, le lecteur peut mieux visualiser les lieux dans lesquels l’histoire se passe. Car ces lieux existent vraiment.

Courts romans ou longues nouvelles, au choix. On ne s’ennuie jamais dans ce livre dont le rythme ne permet pas au lecteur de souffler. Tous les chapitres sont courts, et commencent par une photo en noir et blanc des lieux où se situe l’action. On aurait presque envie de demander à l’auteur de faire un autre roman, dans lequel Michel Castermans pourrait insérer d’autres photos de la capitale européenne.

 J’ai beau connaitre Bruxelles, la vision de Jérôme Charyn est plutôt sombre, mais pas glauque. Les photos de Michel Castermans ajoutent de la noirceur à cette histoire de truands. Le Bruxellois que je suis a aimé ce court roman. Plus pour l’histoire que pour les lieux où elle se situe. À peine commencé, ce livre a été lu entièrement. Et lorsque je l’ai refermé, j’avais le sentiment d’avoir passé un bon moment avec ce flingueur. Petit roman sympa qui se laisse lire.

À la mort subite, Jérome Charyn & Michel Castermans, Le Castor Astral, 2014, 110 pages, traduit par Marc Chénetier.

A la mort subite

Sire Cédric en Belgique

Sire Cédric a achevé sa semaine belge avec l’équipe Phénix. Il a été encadré par Marc Bailly, Frédéric Livyns et Christophe Courthouts/Collins lors de ses déplacements à la bibliothèque de Waremme, la Licorne et Filigranes à Bruxelles. Lors du dernier diner étaient présents Marc Bailly, Adriana Lorusso, Frédéric Livyns, Véronique De Laet, Bruno Peeters et Marc Van Buggenhout.

Sire Cédric et l'équipe Phénix

Moment de détente avant le retour vers la France, passé dans un restaurant indien aux alentours de la gare du midi à Bruxelles. C’était l’occasion une dernière fois de profiter de la venue de Sire Cédric en Belgique. Et ce moment a été très intéressant et très détendu. C’était aussi l’occasion de poser des questions à l’auteur sur ses choix littéraires, sur son actualité future, ou tout simplement sur le monde de l’édition et de l’écriture. Et les réponses ne se sont pas fait attendre, car Sire Cédric aborde les différentes questions de manière calme, avec un certain humour et beaucoup de franchise.

Personnellement, je découvrais l’auteur, car le thriller est plus la spécialité d’autres membres de l’équipe Phénix. Dans le courant de la semaine, j’étais passé chez Filigranes, et j’en avais profité pour acheter un des thrillers de Sire Cédric. N’ayant jamais lu ses livres, je n’ai pas pris le premier tome de son cycle qui met en scène une héroïne. Mais ce détail sera corrigé dans un proche avenir, puisque j’envisage de lire tous ses thrillers.

Sire Cédric n’avait pas envie de quitter la capitale sans découvrir nos gaufres de Bruxelles. On a donc fait une escapade dans un lieu qui en proposait Vraiment très amusant.

Sire Cédric, c’est avec Franck Thilliez et Maxime Chattam la tendance actuelle du thriller et polar. Un auteur à découvrir, une production de livres à découvrir, et surtout un homme à connaitre. Car il ne faut pas se fier aux apparences, Sire Cédric est d’une gentillesse, d’une amabilité, d’une sympathie qui font regretter de devoir le quitter à un certain moment. Il est accessible à tout le monde, et fait preuve d’une grande patience et prend le temps d’écouter ses lecteurs.

A découvrir, ou à approfondir pour ceux qui ont déjà lu un de ses romans. En tout cas, a ne pas oublier.

La saga de madame Atomos 7 – Michel Stephan

Après avoir édité l’intégrale du cycle madame Atomos d’André Caroff, Rivière Blanche propose ici « Madame Atomos sème la tempête » écrit par Michel Stephan. On retrouve la Japonaise dans le désert du Nevada dans les sixties. À ses trousses, l’éternel Smith Beffort, agent du FBI qui n’a de cesse de mettre définitivement hors d’état de nuire la malfaisante Japonaise.

Le livre comprend le roman, trois nouvelles et une chronologie des aventures de madame Atomos. Si on retrouve effectivement l’ambiance qu’André Carroff avait imposée lors de la parution au Fleuve Noir, on doit lire ce livre avec le regard de l’époque.

Le roman est classique, et pourrait aussi bien correspondre à une aventure de Bob Morane ou d’Harry Dickson. L’ombre jaune, Miss Yalang-Ylang ou Georgette Cuvelier la fille de Flax, joueraient très bien le rôle de madame Atomos. Dans ce roman, le héros c’est évidemment Smith Beffort, qui court derrière Kanoto Yoshimuta (alias madame Atomos) qu’on aperçoit à de rares occasions dans cette histoire.

En fait, on suit d’abord Danny le neveu de Beffort, policier qui est parvenu à s’infiltrer dans une communauté qui vit en bordure du désert de Mojave. Un trafic d’armes de haute technologie est découvert, et un policier a été tué. Danny a été accepté par la communauté et découvre un étrange cimetière. Pendant ce temps, son oncle pense avoir rencontré madame Atomos en la personne de Loris Adams. Il ne lui révèle pas ses soupçons pour l’emmener dans le désert à la recherche de son neveu.

Étrange histoire qui montre que des activités illégales existent dans le désert, et que madame Atomos y a une base secrète enfuie sous le sol. Lorsque Smith Beffort et Lori Adams sont sauvés d’une mort certaine dans le désert, ils se retrouvent dans la base secrète de madame Atomos. Cette dernière qui voue une haine aux Américains a planifié la mort des enfants de Los Angeles. Beffort va découvrir que la base secrète est en fait un grand vaisseau spatial qui fait route vers la cité des anges. Comme à son habitude, les plans de madame Atomos sont perturbés et elle n’est pas capturée.

À ce stade-ci, il y a une petite erreur dans le livre à la page 163. On apprend qu’un énorme engin sphérique d’un diamètre d’un kilomètre était stationné au-dessus de la ville. Et puis plus loin, l’engin est une soucoupe volante qui se jettera dans la mer. Une petite relecture du texte aurait été la bienvenue.

Curieusement, c’est la nouvelle qui suit « Une écharpe de soie rouge » qui m’a le plus plu. Elle est racontée par Tom Wills, l’adjoint d’Harry Dickson. Dans les années 30, le plus grand des détectives a rencontré Kanoto Yoshimuta au Japon. Lors d’un moment de relaxation, elle lui a inoculé quelque chose dans l’organisme qui le paralysera un an plus tard s’il ne vient pas au rendez-vous qu’ils se sont fixé. Amusant comme nouvelle, où on voit Harry Dickson à la merci de la belle Japonaise.

La nouvelle suivante « Avec les compliments de Nestor ! » met en scène Nestor Burma qui accepte de remettre des documents à un homme pour le compte de Leni Riefenstahl. Nouvelle dans laquelle on retrouve Bob Morane, OSS 117 et Mister Bean qui combattent l’organisation de madame Atomos.

Avec « La maitresse du haut château », on retrouve madame Atomos à la tête d’un asile psychiatrique dans lequel elle a une conversation avec Hawthorn Abendsen l’écrivain créé par Philip K. Dick dans Le maître du Haut Château.

Ce tome 7  se termine par une chronologie des aventures de madame Atomos. Dans l’ensemble, un livre qui se lit sans nécessairement avoir lu les précédents. C’est un moment de lecture plutôt réservé aux fans de la Japonaise. Rivière Blanche continue la saga commencée par André Carroff. Aux commandes, Michel Stephan qui s’en tire pas si mal que ça. À lire.

La saga de madame Atomos T.7, Michel Stephan, 214 pages, Rivière Blanche, 2013, illustration de Jean-Michel Ponzio

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Noire jonction – Kate Milie

À travers un polar, Kate Milie nous propose de découvrir la jonction Nord-Midi à Bruxelles, un tronçon ferroviaire qui traverse la ville de part en part et l’a défiguré.

J’ai eu la chance de rencontrer Kate Milie lors de la pré-fête nationale organisée par la librairie Club de la place Flagey. C’était l’occasion de découvrir l’engouement, l’intérêt, la passion que l’auteure a pour la capitale de L’Europe.

D’abord intrigué par l’auteure, mais surtout par les lieux où se passe l’histoire de Noire Jonction, je me devais de lire ce livre. Étant bruxellois, et ayant passé les dix-huit premières années de mon existence devant une des cinq gares de cette jonction Nord-Midi (la Chapelle), je voulais en savoir davantage sur ces lieux que j’ai côtoyé pendant des années sans me poser de question sur leurs origines. Et Kate Milie y répond parfaitement, en décrivant minutieusement page après page une partie de l’histoire de Bruxelles du début du vingtième siècle jusqu’à nos jours.

Comme je n’ai pas lu le précédent livre de Kate Milie, L’assassin aime l’art déco, je n’ai pas fait le lien lorsque Marie le personnage principal apparait dans ce livre. En effet, on suit Marie, une guide, photographe à ces heures perdues, qui va faire découvrir la jonction Nord-Midi à un groupe de personnes très hétéroclite. Il y a un écrivain suédois qui veut situer son prochain polar à Bruxelles, deux jeunes artistes qui apportent la joie et la bonne humeur, une jeune slameuse, et une très vieille dame « Moeder Révolution ».

Derrière un projet de bar à textes, qui fait partie du programme Art/Jonction, les différents témoins, lecteurs, visiteurs sont invités à écrire quelques mots. L’événement culturel se répétera et lors d’un dernier bal populaire et feu d’artifice, les textes seront visibles à tous.

Mais voilà, des poupées gonflables sont retrouvées ensanglantées. Puis, une participante aux activités du collectif Art/Jonction est assassinée. Un point commun ? L’ange de la couverture !

À noter, le changement de style qu’impose Kate Milie lorsqu’elle nous révèle les pensées de Tony, que je laisserai découvrir par le lecteur. Cela fait froid dans le dos. C’est écrit dans un style vif, énergique et moderne. On y trouve aussi une correspondance électronique.

Bien que Noire jonction soit un polar, on pourrait presque en faire un guide touristique sur la partie ferroviaire de Bruxelles. Il y manque évidemment les photos qui en feraient un vrai guide. Mais on ne sait plus vraiment si on a affaire à un roman touristique ou un guide romancé. En tout cas, le but est atteint en présentant un aspect de la capitale qui est très mal connu par ses propres habitants. Je ne cache pas que j’y ai appris beaucoup, et qu’en lisant le polar, je jetais fréquemment un coup d’œil dans le dictionnaire historique des rues de Bruxelles de Jean d’Osta. Et dans le polar, j’ai découvert pas mal d’anecdotes historiques qui m’étaient totalement inconnues. Il y a un sérieux travail de recherche dans ce livre. Même s’il tient en deux cents pages, il faut remarquer qu’il s’est fait grâce à un long travail de recherche.

Si je peux faire une suggestion à l’éditeur, c’est de proposer Noire Jonction avec un marque-page représentant la jonction Nord-Midi. Ce sera plus facile pour le lecteur. Un petit détail qui m’a perturbé, c’est une réflexion faite par Tony à la page 13 : « C’est une fille comme moi, qui aime passer son temps dans les trains et les gares ». En tant que lecteur, on croit que cette personne est une femme, alors qu’on découvre plus tard qu’il s’agit d’un homme qui se nomme Tony.

En dehors de cela, j’ai passé un agréablement moment de lecture, trop vite passé, qui incite à lire d’autres livres de Kate Milie. Pour rester dans la veine, je conseille au lecteur qui ont aimé cette escapade bruxelloise et le style rythmé de Kate Milie, à enchainer avec L’assassin aime l’art déco.

Noire Jonction, Kate Milie, 180° éditions, 2013, 208 pages

Noire jonction

Annette Luciani/Amy Shark – Interview

Suite à la sortie de son livre Jour de chance pour les salauds, et dans le cadre du magazine Phénix, j’ai proposé une interview à Amy Shark alias Annette Luciani.

Annette Luciani

Il est difficile de croire que la personne qui a écrit « La Corse, l’enfance » ou « L’enfant du lac » est aussi celle qui a écrit « Jour de chance pour les salauds ». Ce sont des genres totalement différents. Dans quel genre te sens-tu le plus à l’aise pour écrire ?

Je dirais que les genres se complètent ! J’ai d’abord écrit beaucoup de poésie avant d’en venir à la prose, et la poésie reste pour moi le moyen d’expression le plus parfait, capable de concentrer tout ce qu’un écrivain recherche – le rythme, la musicalité, la couleur, l’émotion, le sens… — dans un minimum d’espace.

Et puis j’ai écrit des nouvelles policières ou fantastiques, mais toujours très courtes, ce qui fait que les revues les refusaient souvent. C’est Joel Champetier qui le premier m’a décidée à faire « du long » : il avait accepté quelques-uns de mes textes pour Solaris, tout en leur reprochant d’être « trop courts ». Donc, c’est en essayant d’« allonger » mes textes que j’ai versé dans le polar, et en m’efforçant d’« allonger » mes polars, que Jérôme Camilly trouvait lui aussi trop courts, que je suis retombée dans le fantastique, pour ne plus en sortir ! C’est comme si l’un menait naturellement à l’autre, la poésie liant le tout.

Par contre, je n’ai jamais vraiment été tentée par la SF : c’est un genre dont les risques de longueur m’effraient. Même dans le long, je reste une adepte du court, ne serait-ce que parce que j’ai peu le temps d’écrire, et que c’est le temps pour moi le plus précieux de ma journée. Une fois lancée, je cours vers la fin. Finalement, le genre qui me tente le plus, l’idéal auquel j’aspire, c’est l’image. Je le dis dans mon tout premier texte, L’esprit de chair ; c’est peut-être pourquoi je suis proche des peintres, des photographes, des cinéastes… Je les admire, parce qu’ils parviennent à un absolu qui reste pour moi, en littérature, du domaine de la recherche, de l’expérimentation, du tâtonnement. Un texte en prose n’est jamais complètement abouti.

Le titre de ton dernier livre « Jour de chance pour les salauds » est un peu sur le même ton que « Journal d’un vieux dégueulasse » de Charles Bukowski. Y a-t-il eu une influence de Bukowski dans le choix du titre ?

Pas dans le choix du titre, non, mais j’apprécie la référence à Bukowski ! J’aime particulièrement ses poèmes, et il a marqué mon parcours américain. Ceci dit, mon Salaud n’est pas un vieux dégueulasse du tout ; il est jeune, il est beau, et il a de la tenue. Et c’est un flic, en plus ! Ce n’est pas une cloche ! Donc, le titre de Bukowski ne conviendrait pas du tout !!! Même si les femmes, au fond, aiment tout autant les vieux dégueulasses que les salauds, comme le prouve l’histoire de Bukowski. Et celle de Kowinski !

Pourrais-tu nous dire quelles sont tes préférences en imaginaire et pourquoi ? Quels sont les livres ou les auteurs qui t’ont marqué ?

Ouf ! La liste est longue. Tout Rimbaud. Nerval, Novalis, Goethe, Hugo, Poe, Baudelaire pour les classiques. En vrac, ensuite, Cortazar, Borges, Buzzati, Jean Ray, Owen, Bradbury, Clive Barker, S. King, G. Masterton, Ellroy, J.Thompson, P.Highsmith, R.Rendell, la Bible et les Évangiles.

Y a-t-il un roman dont tu aurais voulu être l’auteur ? Si oui, pourquoi ?

J’aurais bien voulu écrire la Bible, j’aurais pu y apporter quelques modifications…

Comment t’est venue l’idée de cette trilogie qui tient du fantastique et un peu de la science-fiction ? Y a-t-il eu un élément marquant qui t’a donné envie d’écrire l’histoire d’un salaud tel que Kowinski ?

Il n’y a pas vraiment d’idée, rien qu’une immense vague de dégoût et une révolte inutile pour ce que la réalité nous offre au quotidien : le meurtre et mensonge, qui ont toujours pignon sur rue. L’inutilité de cette révolte qui continue pourtant à s’affirmer, à crier sa présence, c’est cela pour moi le « fond » du fantastique, son origine et son ressort. D’ailleurs, c’est sans doute la raison d’exister de toute la littérature, dans tous ses genres. Disons que le fantastique est pour moi le meilleur angle d’approche.

Est-ce que Kowinski est inspiré d’un personnage réel ?

Même de plusieurs. On y reconnaît facilement un récent tueur en série, pilote de ligne, militaire haut gradé, au parcours impeccable, qui à côté de ça démolissait les femmes… On peut y reconnaître les fantasmes de toute-puissance et la perversité de certains chefs d’entreprise qui ne valent pas mieux que des tueurs en série. Inutile de citer des noms, regarde autour de toi et dis-moi si nous ne sommes pas cernés par un tas de salauds !

Dans ton roman, la ville est omniprésente. Que ce soit Maskette, Petipas ou Vignole, elles occupent une place importante dans l’histoire, et tu vas même jusqu’à qualifier la première de ville-cube, ville-monstre, ville-mouroir. Penses-tu que nos villes actuelles prennent cette direction ?

Oui. J’envie les grands écrivains de SF de les avoir si bien décrites, d’avoir si bien perçu notre avenir urbain.

Dans la préface, Jérôme Camilly dit qu’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. On a l’impression que tu as appliqué ce principe et proposé à tes lecteurs un personnage qu’on a envie d’étrangler tellement il est mauvais. Dirais-tu que les lecteurs sont plus attirés par les âmes sombres plutôt que par les personnages sans reproches ?

Disons que toute histoire ne peut se nouer qu’autour de deux personnages, un bourreau et une victime. Pour aimer la victime qu’est le capitaine Vince dans cette histoire, il faut ressentir et apprécier, même si on la déteste, la cruauté de Kowinski. S’il n’y avait que des innocents vertueux, ce serait le Paradis, et on n’écrit pas au Paradis, on ne raconte pas, on contemple ; c’est très ennuyeux. Un roman avec des personnages, et surtout des héros sans reproches, ce serait une utopie littéraire !

Si un tel personnage que Kowinski, qui est censé représenter l’ordre, en arrive à de tels actes, n’est-ce pas parce qu’il a une image négative de la société ? Est-ce qu’à ses yeux, l’humanité n’est pas vouée à la pourriture ? Et les zombies en sont le bon exemple ?

Je partagerais alors la vision intime de Kowinski sur ce point ! L’humanité est certainement vouée à la pourriture, depuis toujours, puisqu’elle est vouée à la mort, vivante ou non. Le seul moyen d’échapper à la morsure des vers, au grouillement de la vermine, à la zombification, c’est l’incinération évidemment. Le grand incendie purificateur ! Mais attention, c’est là ma vision personnelle, ce n’est pas celle de Kowinski. Kowinski n’est pas un anarchiste, ce n’est pas un justicier, il ne souffre aucunement de l’injustice. C’est un fonctionnaire égoïste, mesquin, lâche et pantouflard, un survivant qui ne songe qu’à assouvir ses instincts, qui lui-même est mené par des pulsions animales qu’il ne s’explique pas. Il ne se comprend pas, il ne comprend rien ; son raisonnement est très limité…

Sans dévoiler la suite de l’histoire, peux-tu nous dire où tu en es dans la suite de l’écriture ?

Les trois tomes sont finis, je ne veux rien révéler ! Mais évidemment, le polar s’achève dans le plus pur fantastique, puisqu’il s’agit de savoir au fond si cette société pourrie a une possibilité de se racheter, de renaître sous une autre forme, ou de disparaître à jamais…

Pourrais-tu nous en dire plus sur tes projets littéraires ?

J’ai une série de douze nouvelles policières qui devrait paraître (dont certaines sont mélangées de fantastique), et un gros thriller en préparation. « Gros » pour moi, c’est à dire presque 200 pages !

Merci, Marc, merci Phenix, j’ai passé un bon, agréable moment à répondre à ces questions !

Jour de chance pour les salauds – Amy Shark

Je vous rassure tout de suite ! Amy Shark n’est pas un nouvel auteur. C’est Annette Luciani qui a décidé d’utiliser ce pseudo. J’avais aimé sa nouvelle « La maison amoureuse » dans l’anthologie « Les mondes de Masterton » dirigée par Marc Bailly. Et j’avais envie de continuer à lire des textes d’Annette Luciani. Voilà qu’elle propose non pas une nouvelle, mais un roman court qui sera suivi de deux autres.

Jour de chance pour les salauds tient du polar. Un polar qui se passe dans un futur indéfini, où un virus créé par les humains a décimé une partie des plantes, et par extension une partie de l’humanité. L’histoire se passe donc dans un « quelque part » qui inclut les villes de Maskette, Vignole et Petipas. Ne me demandez pas où ça se trouve, car moi-même j’aimerais le savoir !

On pourrait donc penser que ce livre tient de la science-fiction. Si on veut. En réalité il a des allures fantastiques qu’on découvre au fil de la lecture. Et en fin de compte, on doit bien reconnaitre que c’est bel et bien du fantastique, dans lequel Annette Luciani … pardon ! Amy Shark excelle.

Jour de chance pour les salauds va nous confronter à une enquête policière dans laquelle un serial killer est un membre de la police. Si dès les premières pages, Amy Shark nous le révèle, c’est parce qu’elle a décidé de nous présenter le personnage sous un aspect particulier. Ce flic véreux, Kevin Kowinski, est particulièrement dangereux, sans scrupules, et surtout dénué de toute compassion pour ses proches. Le livre montre comment un salaud de ce calibre arrive à ne pas se faire identifier et pourchasser. L’homme est particulièrement retors et n’hésite pas à violer et tuer, puis balancer le corps depuis un train. Il est aussi très cruel, et les scènes violentes sont au rendez-vous dans ce livre qui fait à peine 114 pages.

Le ton, le rythme imposé par Amy Shark font qu’on ne s’ennuie pas un seul instant. Au contraire, le temps passe trop vite. Et quand on arrive à la fin de ce court roman, on est déçu de ne pas déjà avoir la suite sous la main. C’est là que l’objectif de l’auteur est pleinement rempli. Ce polar fantastique est excellent. Dans sa construction, on pourrait presque l’assimiler à un film (ce qui ne devrait pas poser de problème). Oui, le livre fait penser à un de ces multiples films fantastiques ou d’horreur dans lesquels il y a des scènes spécialement présentes pour captiver l’attention du spectateur habitué au genre. Histoire qui se termine par une fin qui laisse délirer l’imagination de chacun.

Je ne vais pas révéler les différents tenants et aboutissants de cette histoire, mais sachez que c’est bien ficelé et que si vous le lisez, vous attendrez la suite. Et une suite, il y en aura deux, puisque ce livre est le début d’une trilogie. Et l’auteur m’a annoncé que le troisième tome serait fantastique. Hum… des bonnes choses en perspectives. Mais combien de fois dormir pour la suite ?

Jours de chances pour les salauds porte bien son nom. Bien que personnellement j’aurais mis le titre au singulier. Et en matière de salaud, Amy Shark nous en présente un tout particulièrement doué dans ses œuvres malfaisantes. Il ravira les amateurs de serial killer dans la nature. Ici, ce sera dans un futur improbable où l’homme a voulu jouer à l’apprenti sorcier sur le plan génétique et a échoué. Le résultat, trois petites villes qui subsistent, reliées entre elles par les chemins de fer. Et autour, des dormants qu’on peut qualifier de zombies. Oui, ce sont des zombies, dont quelques un travaillent pour les forces de l’ordre. Leur principal soucis, c’est se sustenter.

Ce roman est très bien écrit. Il va droit au but et touche directement le lecteur. Pas d’échauffement, pas de mise en condition, l’auteur entre directement dans le vif du sujet et mène son histoire tambour battant, jusqu’à une fin qui n’est peut-être pas celle espérée par le lecteur. Mais qui à coup sûr, trouvera une suite dans deux autres romans. Un petit roman marquant et addictif. Si vous avez aimé la nouvelle d’Annette Luciani dans l’anthologie sur Masterton, alors vous allez aimer ce Jour de chances pour les salauds d’Amy Shark. C’est le même auteur !

Jour de chance pour les salauds, Amy Shark, Société des écrivains, 2012, 114 pages

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Le martyr de l’Etoile – Évelyne Guzy

Après avoir lu un premier livre dans la collection de romans de gare « Kiss and Read » des éditions Luc Pire (Les dessous de Villers, par Véronique Biefnot), j’avais envie d’essayer un livre de la collection jumelle « Kill and Read » toujours chez le même éditeur.

Comme j’avais rencontré Évelyne Guzy à deux reprises lors du salon du livre belge, et aussi chez Filigranes, c’était l’occasion pour moi de combler une lacune en lisant un de ses livres. C’est chose faite avec ce martyr de l’étoile, dont l’histoire se passe entièrement à Bruxelles. Il faut savoir que les livres de ces deux collections (Kill et Kiss) doivent respecter certains critères. L’histoire doit se situer en Belgique, et la taille du texte ne peut pas excéder 144.000 signes. Une taille qui convient justement à un roman de gare. Je me demande même s’il n’y avait pas aussi un critère lié à la proximité d’une gare. À confirmer…

Je ne vous cache pas qu’étant bruxellois, j’ai encore appris des détails historiques sur ma propre ville en lisant ce livre. Évelyne Guzy distille tout au long de son roman, un cours d’histoire sur Bruxelles, sur Éverard t’Serclaes en particulier ou sur la place des Martyrs. Je sais enfin pourquoi je touche le bras de t’Serclaes chaque fois que je vais à la Grand-Place ! Merci Évelyne !

Le livre raconte une enquête policière sur l’assassinat de Marie B., une jeune femme, retrouvée devant la maison de l’Étoile qui est située à la Grand-Place de Bruxelles. Une jeune femme dont on découvrira qu’elle menait une enquête journalistique dans les milieux islamistes radicaux et musulmans. Ce n’est pas à proprement parler ma tasse de thé, mais le style d’Évelyne Guzy a fait que j’ai lu ces 142 pages presque d’une traite. À travers le regard de Laureen G., qui va aider le commissaire Steurs à dénouer cette intrigue, on découvre une enquête qui trouve un lien indirect avec les événements du 11 septembre.

C’est expliqué minutieusement. Cela tient de l’enquête journalistique et de la visite guidée de la ville de Bruxelles. On comprend mieux le style quand on découvre qu’Évelyne Guzy a une licence en journalisme et communication, et une agrégation. Elle n’en est pas à son coup d’essai, et a déjà publié des livres pour la jeunesse, des livres de littérature, des textes journalistiques ou scientifiques. Son premier roman s’intitule : Dans le sang.

Personnellement, j’ai bien aimé ce court  polar, qui respecte la taille du roman de gare. Je voudrais faire une remarque pour Évelyne Guzy. J’aurais aimé avoir une traduction des phrases ou expressions arabes en bas de page. En dehors de cela, voilà un petit roman policier à un prix très démocratique.

Le Martyr de l’étoile, Évelyne Guzy, éditions Luc Pire, Collection Kill and Read, 2012, 144 pages

Le martyr de l'étoile

Interview de Christophe Collins

Dans le cadre de la sortie du nouveau livre de Christophe Collins, L’équerre et la croix, je lui ai demandé de répondre à quelques questions. Voici l’interview.

La sortie de « L’équerre et la croix » propose au lecteur de retrouver Sam Chappelle dans une seconde aventure. Après « L’étoile de l’Est », comment a été accueilli le personnage par le public ?

Dans l’ensemble, les lecteurs que j’ai pu croiser se sont beaucoup amusés. Et je pense qu’il apprécie Sam Chappelle. Certains, qui me connaissent, y trouvent une expression de ma propre personnalité. D’autres y voient plutôt un « concentré » de quelques personnages classiques du cinéma et de la littérature de genre. Mais, tous s’accordent pour penser que Sam à une « voix » et c’est cela le plus important à mes yeux !

Comment t’est venue l’idée de créer Sam Chappelle ? Est-ce une simple émanation de toi ? Ou bien est-il ce que tu aurais voulu être ?

Au départ, Sam est né d’une demande du webmaster du premier site Internet du Télémoustique. Il voulait un personnage récurrent pour un feuilleton… Ensuite, Sam s’est réincarné lorsque Max Rensonnet, l’éditeur aux commandes de 3Cinq7, m’a demandé de songer à un personnage de polar. Mais c’est vrai que Sam concentre pas mal de mes traits de caractère… Et de ma vision de la vie…

As-tu hésité un moment avant de proposer un policier franc-maçon au public ? Est-ce que cela a soulevé de la curiosité de la part des lecteurs ?

Hésitez non, puisque l’idée était là dès le départ… Je pense que le public balance entre curiosité et… indifférence. Certes, son parcours d’initié a de l’importance dans sa manière d’aborder la vie et ses enquêtes… Mais je ne voulais pas non plus que sa « maçonnerie » bâtisse un mur entre lui et les lecteurs « non-initiés ». Il faut que tout le monde y trouve son compte… Mais si les aventures de Sam poussent certaines personnes à s’informer sur la franc-maçonnerie, tant mieux. Contrairement à ce que l’on pense, la curiosité n’est pas un vilain défaut.

La dernière dizaine de Bob Morane ont été écrits sous ta plume. Y a-t-il un lien secret entre Bob Morane et Sam Chappelle (en dehors du fait que tu les écris) ? Ou bien les deux personnages n’ont rien en commun ?

Il y a surtout une énorme différence… Bob Morane est un mythe… Sam Chappelle un petit gars qui débute dans le métier ! Je dois dire que mon écriture est très différente de l’un à l’autre. Bob Morane demande de la discipline, de la structure, une certaine rigueur… Bob Morane possède des milliers de lecteurs qui attendent quelques choses des aventures de leur héros. Avec Sam, c’est davantage moi qui mène la danse. Et je peux agir à ma guise… Ce sont des plaisirs différents, mais tout aussi intenses.

Est-ce un choix personnel d’écrire des romans qui ne sont pas des « pavés », comme beaucoup d’auteurs le font actuellement ? Te sens-tu plus à l’aise avec des romans courts ?

En fait… Je ne pense pas que je décide de la longueur des romans que j’écris. L’Étoile de l’Est était relativement court… L’Équerre et la Croix est un peu plus long… En fait, l’écriture en « je », avec le style que j’adopte pour les Sam Chappelle, je crains que sur un magnum opus de 1000 pages cela devienne un peu pénible non ? Sans faire de comparaison hasardeuse avec un dieu de la littérature populaire, Frédéric Dard n’allongeait jamais trop la sauce de ses San Antonio. Vu que l’humour est un élément essentiel de la « dynamique » de Sam Chappelle, je me dis toujours que les blagues les plus courtes sont les meilleures. Mais qui sait, un jour, Sam prendra peut-être un peu de bouteille et je pourrais me lancer dans la version maçonnique du Trône de Fer !

Quels sont tes projets d’écriture ? D’autres Bob Morane ? D’autres Sam Chappelle ? Des nouvelles ?

Dans un avenir assez proche, c’est Bob Morane qui prendra le devant de la scène. D’une part avec Piège infernal : « Contre-Attaque », qui sera en vente en janvier, et puis « La Malédiction de Michel-Ange » qui sera publié en mars. Là, il sera sans doute temps de revenir vers Sam Chappelle… Pour une aventure un peu moins polardesque et peut-être un peu plus historique… Mais je n’en dis pas plus… Liège a un passé d’une telle richesse…

Comptes-tu revenir au fantastique prochainement ?

J’y songe. J’ai même entamé l’écriture de quelques chapitres… D’une histoire qui prend clairement son inspiration du côté de Graham Masterton. Mais nous verrons, à chaque jour suffit sa peine !

Y a-t-il un livre ou un projet d’écriture dans lequel tu as hésité à te lancer, et sur lequel tu reviendrais plus tard ?

J’ai un péché mignon. Ce sont les comédies romantiques à l’anglaise. J’avoue, je suis un excellent client. Et je rêve, depuis plusieurs années, d’en écrire une. Un roman qui se trouvera à la croisée des chemins entre espionnage, humour et sentiment. J’ai même un bon pitch. Le souci ? Le dosage… Comment ne pas être trop ceci, ou trop cela ? Et surtout, ne pas basculer dans une mer de cynisme… D’humour qui griffe… Je me dis que j’y arriverai peut-être un jour…

Pourrais-tu dire un mot sur les imaginaires belges ? L’idée n’a pas été jusqu’au bout en 2012. Mais ressortira-t-elle dans un avenir proche ?

Je ne sais si j’y reviendrais… J’avais espéré, peut-être un peu naïvement, que l’idée de réunir des auteurs belges sous une sorte de « chapeau » pour que l’on partage des expériences, des rencontres, des projets, serait une bonne idée. J’ai juste oublié que l’écriture est un travail solitaire. Qui prend du temps. Et l’écrivain n’est peut-être pas aussi sociable que je l’imaginais. Et puis… Je pense que pour un projet pareil, il faut une vraie locomotive. Et là, mea culpa, je n’ai pas le temps de l’être cette loco…

Mais où son passé les Sam Chappelle Girls ? Les verra-t-on dans le prochain opus du policier ?

Il y a toujours de nouvelles girls dans les aventures de Sam. Même si, dans l’Équerre et la Croix, il semble se calmer un peu… Mais ce type est incorrigible… Dès qu’une créature callipyge pointe le bout d’une rondeur, il se met à l’arrêt, façon chien de chasse. Parfois, franchement, il me fait honte…

Que peut-on te souhaiter sur le plan littéraire en 2013 ?

J’espère qu’avec Bob et Sam, nous allons rencontrer un nombre croissant de lecteurs, tant via les sorties, que via des salons, des émissions, des rencontres… C’est la partie du boulot que je préfère. La rencontre. J’en profite pour lancer un appel aux organisateurs qui liraient cette interview. Appelez-moi ! Je ne suis pas cher du tout !

Christophe Collins

L’équerre et la croix – Christophe Collins

Le commissaire Sam Chappelle avec deux « p » est de retour. Cette fois-ci, il doit élucider le meurtre d’un prêtre, attaché nu à une table, avec une croix dans le postérieur (pour rester gentil) et ce qui ressemble à une morsure de vampire. On retrouve le personnage cynique et ironique créé par Christopher Collins dans « L’étoile de l’Est ». Chappelle a toujours une Lotus Esprit qui ne se transforme pas en sous-marin et il est toujours membre d’une loge maçonnique. L’histoire est racontée à la première personne et on suit facilement les pensées du personnage sympathique à l’humour corrosif. Pour une fois, il fait profil bas mais son entourage ne peut s’empêcher d’avoir des préjugés parce qu’il est franc-maçon. Ces préjugés assimilent les francs-maçons à des anticléricaux qui « cassent du curé » à longueur de temps.

Oui, bon ! Étant athée et pas franc-maçon, je n’ai pas d’avis sur la question. Par contre, je sais que la franc-maçonnerie, ce n’est pas Facebook avant la lettre !

Mais dans cette histoire, cela handicape fortement Sam Chappelle qu’on accuse à tort d’être à l’origine des problèmes qui se posent dans cette nouvelle enquête. Il attire les problèmes comme le fait un paratonnerre avec la foudre. Lorsqu’il veut interroger l’évêque de Liège, il est directement pris à partie à cause de ses convictions personnelles. Ce qui finalement ne l’aidera vraiment pas dans son enquête. On retrouve la ville de Liège qui était déjà le théâtre de la première histoire du commissaire Chappelle, ville où vit l’auteur du livre. Quand on connait un peu Christophe Collins, on constate que Sam Chappelle et lui ne font qu’un. Ce dernier est une transposition romanesque de l’auteur (qui curieusement appartient aussi à une loge maçonnique). Il a le même sens des réparties, la même façon de s’exprimer, le même humour décalé, la même personnalité. Sam Chappelle est un bon flic, qui fait honnêtement son boulot. Sur le plan professionnel, on ne peut rien lui reprocher. Son chef lui réclame sans cesse les rapports liés aux dernières affaires sur lesquelles il travaille. Ses collègues ne sont pas des plus sympas, surtout lorsqu’ils viennent d’autres services de police.

Le curé mort semble avoir une vie sexuelle très active et rapidement Chappelle découvre que celui-ci avait une maitresse. Un second curé est assassiné et l’enquête se dirige vers une bande de casseurs qui en veulent à l’Eglise. Alors qu’une jeune journaliste veut remettre à Chappelle le résultat de ses recherches, ils sont la cible de malfaiteurs qui n’ont pas réussi à les éliminer. S’en suit une poursuite à travers Liège où le commissaire au volant de sa Lotus Esprit qui ne se transforme pas en sous-marin (si, si !) va la transformer en tas de ferraille (si, si !). Chappelle a oublié qu’il n’était pas Ralf Schumacher. En contrepoint à cette histoire de meurtres, une seconde affaire occupe le commissaire. Un « frère » qu’il n’a jamais vu auparavant, appartenant à une autre loge maçonnique, l’informe que la jeune fille qu’il paye sur Internet pour des galipettes virtuelles est en fait la fille du maître de sa loge maçonnique et elle n’a que 15 ans. Celle-ci lui apprend qu’elle est contrainte et forcée de dévoiler ses charmes sur le Web. On est ici dans une fiction bien proche du réel, où on découvre une facette pas toujours glorieuse de notre société. Les « affaires » belges de ces dernières décennies ne sont pas étrangères au contenu du livre, même si il n’y est pas fait référence. Par le curieux des hasards, les deux affaires sont reliées entre elles.

Le livre se laisse lire très facilement. L’intrigue se dévoile petit à petit et l’enchainement des événements ne laisse pas de temps mort au lecteur. Quelques chapitres se terminent par des cliffangers, obligeant le lecteur à continuer la lecture. Merci Christophe Collins !

Reste que « L’équerre et la croix » est une bonne suite à « L’étoile de l’Est ». Encore une fois, c’est une histoire qui pourrait facilement être adaptée sur le petit ou le grand écran. Et j’espère pour Christophe Collins qu’un jour on le lui propose. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai. Il avait précédemment écrit du fantastique sous son vrai nom (Christophe Courthouts) et on lui doit aussi l’écriture des 10 derniers Bob Morane ! Donc, c’est un écrivain qui connait bien la matière, qui est familier des intrigues policières. À travers « L’équerre et la croix », il nous propose un personnage qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau et qui plaira à bon nombre de lecteurs.

Y a-t-il des défauts à ce polar ? Non, pas vraiment. J’ai trouvé que Christophe Collins ne pouvait pas s’empêcher de faire référence dans chaque chapitre à des films, des livres, de la musique, etc. C’est une vraie encyclopédie vivante. Ce sont souvent des passages que j’ai lus rapidement pour rester focalisé sur l’intrigue. Ceci dit, on apprend pas mal de choses avec Chappelle. J’aurais aimé qu’un soupçon de fantastique plane sur ce roman. Les morsures de vampires découvertes dès les premières pages du livre auraient pu envoyer le lecteur sur une fausse piste. « L’équerre et la croix » est à conseiller pour les amateurs de polar ou à tous les lecteurs qui veulent découvrir une autre facette de Christophe Collins. Il y a aussi une certaine démystification de la franc-maçonnerie qui apparait dans le livre, comme c’était déjà le cas dans le livre précédent. Ceux qui ont aimé « L’étoile de l’Est » vont retrouver la même ambiance caractéristique, un héros plus vrai que nature et des lieux connus de Liège. Un polar sympa à lire.

Je ne voudrais pas oublier de signaler la postface de Christophe Courthouts. Une chose est certaine, Sam Chappelle reviendra !

J’ai lu une préversion électronique du livre. C’est la première fois que je lis un livre sous forme électronique. J’ai mis trois fois plus de temps que d’habitude et je précise que ce n’est pas dû à l’histoire qui est intéressante, mais au support utilisé qui ne me convenait pas du tout. En fait, j’aurais dû attendre la version papier pour le lire !

L’équerre et la Croix de Christophe Collins, éditions 3Cinq7, 2012, 348 pages

L'equerre et croix