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Je t’aime – Barbara Abel

Pour rester dans l’univers de Barbara Abel, j’ai enchainé avec « Je t’aime » juste après avoir lu « Je sais pas ». J’avais pensé que l’auteure allait se répéter en abordant le problème des enfants et adolescents capricieux. Je m’étais dit qu’il lui restait suffisamment de matière inexploitée du livre précédent pour l’utiliser dans son dernier livre. Et il n’en est rien.

En fait le sujet n’est pas du tout le même. Tout semble presque rose au début de l’histoire. On s’intéresse à des parents et leurs enfants dans des familles différentes. Simon et Maud forment une famille recomposée. Simon qui est chirurgien a une fille de 18 ans qui s’appelle Alice. Il arrive à celle-ci de fumer un joint avec son petit ami Bruno. De son côté, Maud qui est divorcée a deux enfants, Arthur et Suzie de 15 et 11 ans. Nicole est greffière et est la mère de Bruno. Solange est la mère de Thibaut, un enfant de 7 ans.

Tout se passe dans le meilleur des mondes pour ses familles, jusqu’au moment où Bruno le petit ami d’Alice, sous l’emprise de la drogue, fait un accident. Sa voiture s’encastre dans un car. Il perd la vie en même temps que celle de Thibaut. Ces deux décès vont être le départ d’un drame plus que d’un polar. Comme il faut trouver un coupable, pour Nicole la personne toute désignée est Alice, la petite amie de son fils décédé dans l’accident d’auto. Pour elle, Alice est à l’origine de cet accident en fournissant de la drogue. Mais est-ce bien la vérité, ou un prétexte d’une mère qui a perdu son fils pas si parfait que ça, qui a causé le mort d’un petit garçon ? Sa haine vis-à-vis d’Alice et de sa famille va se transformer en vengeance en usant de son influence auprès du juge pour lequel elle travaille. Et à partir de ce moment-là, toutes les personnes présentent dans ce roman vont voir leur vie changer.

Quelques détails de l’histoire m’ont laissé dubitatif. Par exemple que la mère de Bruno qui est greffière et travail pour le juge qui va gérer cette affaire. Normalement, une victime (dans ce cas-ci la mère de la victime) n’a pas le droit d’intervenir dans une enquête. On ne peut pas être juge et parti. Étonnant aussi que Simon espionne son beau-fils dans le parc et ne pense pas à utiliser son smartphone pour le filmer en train de fumer avant de montrer le film à sa mère.

Les policiers ne sont pas particulièrement perspicaces, tout comme c’était déjà le cas dans le livre précédent. C’est grâce à une garde à vue prolongée qu’ils arrivent à obtenir des aveux qui ne reflètent pas la vérité. Ils auraient pu faire preuve de plus de clairvoyance dans leur enquête.

Il reste des inconnues dans cette histoire, surtout concernant la sous-cave exploitée par… qui finalement ? Lorsque tout le monde s’accuse personnellement, cela devient difficile de savoir qui est à l’origine de ce drame. Car drame il y a ! Mais le décès de deux personnes déclenche l’appareil judiciaire et en fait un polar.

Barbara Abel reste égale à elle-même. Ses histoires sont bien documentées, bien construites, bien amenées. C’est un peu la marque de fabrique de Barbara Abel. Amener le lecteur sur de fausses pistes et lui faire comprendre qu’il s’est trompé sur les intentions du coupable, que ce dernier n’est pas celui qu’on croyait.

Des chapitres courts et concis donnent un rythme effréné à ce roman. J’avais passé cinq jours sur la première partie du livre, alors qu’il ne m’a fallu qu’une soirée pour lire la seconde partie et terminer le roman sur les chapeaux des roues, accroché par l’intrigue de cette histoire.

Roman original où l’amour ouvre le bal, pour se transformer ensuite en haine, et se terminer en vengeance aveugle. Aveugle, car les différents protagonistes de cette histoire n’ont pas nécessairement raison, et sont guidés par leurs émotions au détriment de toute logique. C’est étrange d’assister à l’écroulement d’une famille qui donnait l’impression d’être soudée, de constater ensuite que pour ses propres enfants ils sont prêts à tout pour les sauver ou les accuser.

J’avoue avoir passé un bon moment en compagnie de Barbara Abel. Comme pour le précédent livre, je reste agréablement surpris par sa manière d’écrire, par les histoires qu’elle raconte, et j’attends avec impatience le roman suivant.

Je t’aime, Barbara Abel, éditions Belfonds, 2018, 462 pages.

Barbara Abel - Je t'aime

Marilyn X – Philip Le Roy

Et si Marilyn Monroe n’était pas décédée en 1962 ? C’est sur cette idée (pas si) farfelue que Philip Le Roy a écrit Marilyn X un livre qui tient du polar et du documentaire.

On pourrait se dire qu’il existe des centaines de livres sur Marilyn Monroe et qu’on a écrit tout ou presque sur elle. Elle a été l’objet d’innombrables fantasmes de beaucoup de personnes qui ont un jour aimé un de ces films, qui ont lu les livres qui lui sont consacrés. Je ne fais pas exception à la règle. Je pense qu’un jour elle fera sa réapparition sous forme de personnage de synthèse et le public ne devinera jamais qu’elle n’est pas réelle. On approche à grands pas de ce genre de technologie.

L’idée de savoir Marilyn Monroe vivante au-delà de la date de sa mort est évidemment une idée qui peut donner lieu à plusieurs histoires distinctes. Dans le cas présent, Philip Le Roy retrace la vie de Marilyn Monroe à l’époque des Kennedy, c’est-à-dire à l’époque où elle a une aventure avec le président des États-Unis et avec le ministre de la Justice qui n’est autre que le frère du président. Si on ajoute à cela quelques acteurs et chanteurs bien connus, et de vrais mafieux capables d’influencer le président de la nation la plus puissante du monde, on obtient un livre qui jette un regard neuf sur le mystère du décès de Marilyn Monroe.

Lors d’un périple au Nouveau-Mexique, un couple français est témoin d’un incendie. L’homme est écrivain et est accompagné par sa femme. Si rien ne les prédestine à faire une découverte incroyable, ils vont cependant se retrouver en possession de carnets en partie brulés. Ces carnets sont écrits par un narrateur qui a connu de très près Marilyn Monroe. Il n’en faut pas plus à nos deux voyageurs pour imaginer une histoire rocambolesque tirée de ces bribes. En réalité, il n’en est rien, car ces carnets font référence à Marilyn Monroe. Une lecture plus attentive révèle que ces textes ne sont pas issus de l’imagination d’un écrivain, mais qu’il s’agit bien de souvenirs transposés dans des carnets.

La manière dont les informations sont distillées aux lecteurs va les forcer à progresser plus vite dans la lecture de ce roman déjà très fluide et très bien écrit. Et les vraies informations donnent froid dans le dos, surtout lorsqu’on découvre que Robert et John Kennedy étaient dépendants de la mafia. Marilyn Monroe détenait certaines informations compromettantes, dont celle des carnets qui sont révélés, qui mettraient en danger le président des États-Unis.

Pour éviter d’être assassinée, Marilyn Monroe va donc mettre en scène sa propre mort avec la complicité des Kennedy. Cela veut aussi dire qu’elle renonce à sa carrière et opte pour une vie tranquille et discrète. Quoi de mieux qu’une réserve d’Indiens pour y passer le reste de son existence.

J’avoue que le carnet concernant l’hôtel de Frank Sinatra m’interpelle plus particulièrement. Si les faits sont réels, il y avait vraiment nécessité pour Marilyn Monroe de fuir et se cacher. Le plan qu’elle a échafaudé va justement la soustraire au danger qui plane sur elle. C’est assez original.

Il y a beaucoup de romans, de films, ou BD où la belle blonde occupe un rôle parfois joué par une actrice. C’est un mythe et cela le restera encore longtemps. Si vous ne l’avez pas deviné, je suis un peu fan de Marilyn Monroe. Elle représente le sommet du glamour à l’époque. Elle correspond aux années 50 et 60, un peu désuètes, qui reste profondément ancrées dans nos souvenirs ou notre imagination.

Ce roman est suffisamment bien écrit pour que le lecteur se laisse guider par l’intrigue et accepte tous les arguments historiques liés à cette star hors normes. Les détails que donne Philip Le Roy sont presque toujours issus de documents ou de livres. Il est difficile aux lecteurs de faire la distinction entre la réalité et la fiction, à tel point que la totalité du livre pourrait être prise pour des faits authentiques. Et là, l’auteur a parfaitement réussi son coup en nous faisant douter sur la véracité des faits. Marilyn a-t-elle vécu jusqu’à 90 ans à l’écart des médias ? Que ce soit vrai ou faux, importe peu. Je pense que les fans de Marilyn Monroe auraient aimé que ce soit le cas.

C’est le premier livre que je lis de Philip Le Roy. C’est une lacune que je devais combler après avoir rencontré l’auteur et son épouse il y a quelques années à Bruxelles. Je m’étais promis de le faire avec un livre qui n’est pas trop noir, et c’est effectivement le cas avec ce Marilyn X qui revient avec une des célébrités les plus importantes du vingtième siècle.

Croise-t-on vraiment Marilyn Monroe dans ce livre ? Eh bien oui ! Mais le lecteur devra attendre la fin du livre pour se rendre compte que l’actrice fait bien son apparition à notre époque. Un exercice de style bien orchestré par Philip Le Roy, qui mérite vraiment d’être un des meilleurs auteurs de polar du moment.

Un livre à conseiller évidemment, mais surtout un auteur à suivre de près.

Marilyn X, Philip Le Roy, édition Cherche Midi, 2016, 270 pages, illustration Mikaël Cunha

Marilyn X - Philip Le Roy

Sire Cédric en Belgique

Sire Cédric a achevé sa semaine belge avec l’équipe Phénix. Il a été encadré par Marc Bailly, Frédéric Livyns et Christophe Courthouts/Collins lors de ses déplacements à la bibliothèque de Waremme, la Licorne et Filigranes à Bruxelles. Lors du dernier diner étaient présents Marc Bailly, Adriana Lorusso, Frédéric Livyns, Véronique De Laet, Bruno Peeters et Marc Van Buggenhout.

Sire Cédric et l'équipe Phénix

Moment de détente avant le retour vers la France, passé dans un restaurant indien aux alentours de la gare du midi à Bruxelles. C’était l’occasion une dernière fois de profiter de la venue de Sire Cédric en Belgique. Et ce moment a été très intéressant et très détendu. C’était aussi l’occasion de poser des questions à l’auteur sur ses choix littéraires, sur son actualité future, ou tout simplement sur le monde de l’édition et de l’écriture. Et les réponses ne se sont pas fait attendre, car Sire Cédric aborde les différentes questions de manière calme, avec un certain humour et beaucoup de franchise.

Personnellement, je découvrais l’auteur, car le thriller est plus la spécialité d’autres membres de l’équipe Phénix. Dans le courant de la semaine, j’étais passé chez Filigranes, et j’en avais profité pour acheter un des thrillers de Sire Cédric. N’ayant jamais lu ses livres, je n’ai pas pris le premier tome de son cycle qui met en scène une héroïne. Mais ce détail sera corrigé dans un proche avenir, puisque j’envisage de lire tous ses thrillers.

Sire Cédric n’avait pas envie de quitter la capitale sans découvrir nos gaufres de Bruxelles. On a donc fait une escapade dans un lieu qui en proposait Vraiment très amusant.

Sire Cédric, c’est avec Franck Thilliez et Maxime Chattam la tendance actuelle du thriller et polar. Un auteur à découvrir, une production de livres à découvrir, et surtout un homme à connaitre. Car il ne faut pas se fier aux apparences, Sire Cédric est d’une gentillesse, d’une amabilité, d’une sympathie qui font regretter de devoir le quitter à un certain moment. Il est accessible à tout le monde, et fait preuve d’une grande patience et prend le temps d’écouter ses lecteurs.

A découvrir, ou à approfondir pour ceux qui ont déjà lu un de ses romans. En tout cas, a ne pas oublier.

Noire jonction – Kate Milie

À travers un polar, Kate Milie nous propose de découvrir la jonction Nord-Midi à Bruxelles, un tronçon ferroviaire qui traverse la ville de part en part et l’a défiguré.

J’ai eu la chance de rencontrer Kate Milie lors de la pré-fête nationale organisée par la librairie Club de la place Flagey. C’était l’occasion de découvrir l’engouement, l’intérêt, la passion que l’auteure a pour la capitale de L’Europe.

D’abord intrigué par l’auteure, mais surtout par les lieux où se passe l’histoire de Noire Jonction, je me devais de lire ce livre. Étant bruxellois, et ayant passé les dix-huit premières années de mon existence devant une des cinq gares de cette jonction Nord-Midi (la Chapelle), je voulais en savoir davantage sur ces lieux que j’ai côtoyé pendant des années sans me poser de question sur leurs origines. Et Kate Milie y répond parfaitement, en décrivant minutieusement page après page une partie de l’histoire de Bruxelles du début du vingtième siècle jusqu’à nos jours.

Comme je n’ai pas lu le précédent livre de Kate Milie, L’assassin aime l’art déco, je n’ai pas fait le lien lorsque Marie le personnage principal apparait dans ce livre. En effet, on suit Marie, une guide, photographe à ces heures perdues, qui va faire découvrir la jonction Nord-Midi à un groupe de personnes très hétéroclite. Il y a un écrivain suédois qui veut situer son prochain polar à Bruxelles, deux jeunes artistes qui apportent la joie et la bonne humeur, une jeune slameuse, et une très vieille dame « Moeder Révolution ».

Derrière un projet de bar à textes, qui fait partie du programme Art/Jonction, les différents témoins, lecteurs, visiteurs sont invités à écrire quelques mots. L’événement culturel se répétera et lors d’un dernier bal populaire et feu d’artifice, les textes seront visibles à tous.

Mais voilà, des poupées gonflables sont retrouvées ensanglantées. Puis, une participante aux activités du collectif Art/Jonction est assassinée. Un point commun ? L’ange de la couverture !

À noter, le changement de style qu’impose Kate Milie lorsqu’elle nous révèle les pensées de Tony, que je laisserai découvrir par le lecteur. Cela fait froid dans le dos. C’est écrit dans un style vif, énergique et moderne. On y trouve aussi une correspondance électronique.

Bien que Noire jonction soit un polar, on pourrait presque en faire un guide touristique sur la partie ferroviaire de Bruxelles. Il y manque évidemment les photos qui en feraient un vrai guide. Mais on ne sait plus vraiment si on a affaire à un roman touristique ou un guide romancé. En tout cas, le but est atteint en présentant un aspect de la capitale qui est très mal connu par ses propres habitants. Je ne cache pas que j’y ai appris beaucoup, et qu’en lisant le polar, je jetais fréquemment un coup d’œil dans le dictionnaire historique des rues de Bruxelles de Jean d’Osta. Et dans le polar, j’ai découvert pas mal d’anecdotes historiques qui m’étaient totalement inconnues. Il y a un sérieux travail de recherche dans ce livre. Même s’il tient en deux cents pages, il faut remarquer qu’il s’est fait grâce à un long travail de recherche.

Si je peux faire une suggestion à l’éditeur, c’est de proposer Noire Jonction avec un marque-page représentant la jonction Nord-Midi. Ce sera plus facile pour le lecteur. Un petit détail qui m’a perturbé, c’est une réflexion faite par Tony à la page 13 : « C’est une fille comme moi, qui aime passer son temps dans les trains et les gares ». En tant que lecteur, on croit que cette personne est une femme, alors qu’on découvre plus tard qu’il s’agit d’un homme qui se nomme Tony.

En dehors de cela, j’ai passé un agréablement moment de lecture, trop vite passé, qui incite à lire d’autres livres de Kate Milie. Pour rester dans la veine, je conseille au lecteur qui ont aimé cette escapade bruxelloise et le style rythmé de Kate Milie, à enchainer avec L’assassin aime l’art déco.

Noire Jonction, Kate Milie, 180° éditions, 2013, 208 pages

Noire jonction

Le martyr de l’Etoile – Évelyne Guzy

Après avoir lu un premier livre dans la collection de romans de gare « Kiss and Read » des éditions Luc Pire (Les dessous de Villers, par Véronique Biefnot), j’avais envie d’essayer un livre de la collection jumelle « Kill and Read » toujours chez le même éditeur.

Comme j’avais rencontré Évelyne Guzy à deux reprises lors du salon du livre belge, et aussi chez Filigranes, c’était l’occasion pour moi de combler une lacune en lisant un de ses livres. C’est chose faite avec ce martyr de l’étoile, dont l’histoire se passe entièrement à Bruxelles. Il faut savoir que les livres de ces deux collections (Kill et Kiss) doivent respecter certains critères. L’histoire doit se situer en Belgique, et la taille du texte ne peut pas excéder 144.000 signes. Une taille qui convient justement à un roman de gare. Je me demande même s’il n’y avait pas aussi un critère lié à la proximité d’une gare. À confirmer…

Je ne vous cache pas qu’étant bruxellois, j’ai encore appris des détails historiques sur ma propre ville en lisant ce livre. Évelyne Guzy distille tout au long de son roman, un cours d’histoire sur Bruxelles, sur Éverard t’Serclaes en particulier ou sur la place des Martyrs. Je sais enfin pourquoi je touche le bras de t’Serclaes chaque fois que je vais à la Grand-Place ! Merci Évelyne !

Le livre raconte une enquête policière sur l’assassinat de Marie B., une jeune femme, retrouvée devant la maison de l’Étoile qui est située à la Grand-Place de Bruxelles. Une jeune femme dont on découvrira qu’elle menait une enquête journalistique dans les milieux islamistes radicaux et musulmans. Ce n’est pas à proprement parler ma tasse de thé, mais le style d’Évelyne Guzy a fait que j’ai lu ces 142 pages presque d’une traite. À travers le regard de Laureen G., qui va aider le commissaire Steurs à dénouer cette intrigue, on découvre une enquête qui trouve un lien indirect avec les événements du 11 septembre.

C’est expliqué minutieusement. Cela tient de l’enquête journalistique et de la visite guidée de la ville de Bruxelles. On comprend mieux le style quand on découvre qu’Évelyne Guzy a une licence en journalisme et communication, et une agrégation. Elle n’en est pas à son coup d’essai, et a déjà publié des livres pour la jeunesse, des livres de littérature, des textes journalistiques ou scientifiques. Son premier roman s’intitule : Dans le sang.

Personnellement, j’ai bien aimé ce court  polar, qui respecte la taille du roman de gare. Je voudrais faire une remarque pour Évelyne Guzy. J’aurais aimé avoir une traduction des phrases ou expressions arabes en bas de page. En dehors de cela, voilà un petit roman policier à un prix très démocratique.

Le Martyr de l’étoile, Évelyne Guzy, éditions Luc Pire, Collection Kill and Read, 2012, 144 pages

Le martyr de l'étoile

Interview de Christophe Collins

Dans le cadre de la sortie du nouveau livre de Christophe Collins, L’équerre et la croix, je lui ai demandé de répondre à quelques questions. Voici l’interview.

La sortie de « L’équerre et la croix » propose au lecteur de retrouver Sam Chappelle dans une seconde aventure. Après « L’étoile de l’Est », comment a été accueilli le personnage par le public ?

Dans l’ensemble, les lecteurs que j’ai pu croiser se sont beaucoup amusés. Et je pense qu’il apprécie Sam Chappelle. Certains, qui me connaissent, y trouvent une expression de ma propre personnalité. D’autres y voient plutôt un « concentré » de quelques personnages classiques du cinéma et de la littérature de genre. Mais, tous s’accordent pour penser que Sam à une « voix » et c’est cela le plus important à mes yeux !

Comment t’est venue l’idée de créer Sam Chappelle ? Est-ce une simple émanation de toi ? Ou bien est-il ce que tu aurais voulu être ?

Au départ, Sam est né d’une demande du webmaster du premier site Internet du Télémoustique. Il voulait un personnage récurrent pour un feuilleton… Ensuite, Sam s’est réincarné lorsque Max Rensonnet, l’éditeur aux commandes de 3Cinq7, m’a demandé de songer à un personnage de polar. Mais c’est vrai que Sam concentre pas mal de mes traits de caractère… Et de ma vision de la vie…

As-tu hésité un moment avant de proposer un policier franc-maçon au public ? Est-ce que cela a soulevé de la curiosité de la part des lecteurs ?

Hésitez non, puisque l’idée était là dès le départ… Je pense que le public balance entre curiosité et… indifférence. Certes, son parcours d’initié a de l’importance dans sa manière d’aborder la vie et ses enquêtes… Mais je ne voulais pas non plus que sa « maçonnerie » bâtisse un mur entre lui et les lecteurs « non-initiés ». Il faut que tout le monde y trouve son compte… Mais si les aventures de Sam poussent certaines personnes à s’informer sur la franc-maçonnerie, tant mieux. Contrairement à ce que l’on pense, la curiosité n’est pas un vilain défaut.

La dernière dizaine de Bob Morane ont été écrits sous ta plume. Y a-t-il un lien secret entre Bob Morane et Sam Chappelle (en dehors du fait que tu les écris) ? Ou bien les deux personnages n’ont rien en commun ?

Il y a surtout une énorme différence… Bob Morane est un mythe… Sam Chappelle un petit gars qui débute dans le métier ! Je dois dire que mon écriture est très différente de l’un à l’autre. Bob Morane demande de la discipline, de la structure, une certaine rigueur… Bob Morane possède des milliers de lecteurs qui attendent quelques choses des aventures de leur héros. Avec Sam, c’est davantage moi qui mène la danse. Et je peux agir à ma guise… Ce sont des plaisirs différents, mais tout aussi intenses.

Est-ce un choix personnel d’écrire des romans qui ne sont pas des « pavés », comme beaucoup d’auteurs le font actuellement ? Te sens-tu plus à l’aise avec des romans courts ?

En fait… Je ne pense pas que je décide de la longueur des romans que j’écris. L’Étoile de l’Est était relativement court… L’Équerre et la Croix est un peu plus long… En fait, l’écriture en « je », avec le style que j’adopte pour les Sam Chappelle, je crains que sur un magnum opus de 1000 pages cela devienne un peu pénible non ? Sans faire de comparaison hasardeuse avec un dieu de la littérature populaire, Frédéric Dard n’allongeait jamais trop la sauce de ses San Antonio. Vu que l’humour est un élément essentiel de la « dynamique » de Sam Chappelle, je me dis toujours que les blagues les plus courtes sont les meilleures. Mais qui sait, un jour, Sam prendra peut-être un peu de bouteille et je pourrais me lancer dans la version maçonnique du Trône de Fer !

Quels sont tes projets d’écriture ? D’autres Bob Morane ? D’autres Sam Chappelle ? Des nouvelles ?

Dans un avenir assez proche, c’est Bob Morane qui prendra le devant de la scène. D’une part avec Piège infernal : « Contre-Attaque », qui sera en vente en janvier, et puis « La Malédiction de Michel-Ange » qui sera publié en mars. Là, il sera sans doute temps de revenir vers Sam Chappelle… Pour une aventure un peu moins polardesque et peut-être un peu plus historique… Mais je n’en dis pas plus… Liège a un passé d’une telle richesse…

Comptes-tu revenir au fantastique prochainement ?

J’y songe. J’ai même entamé l’écriture de quelques chapitres… D’une histoire qui prend clairement son inspiration du côté de Graham Masterton. Mais nous verrons, à chaque jour suffit sa peine !

Y a-t-il un livre ou un projet d’écriture dans lequel tu as hésité à te lancer, et sur lequel tu reviendrais plus tard ?

J’ai un péché mignon. Ce sont les comédies romantiques à l’anglaise. J’avoue, je suis un excellent client. Et je rêve, depuis plusieurs années, d’en écrire une. Un roman qui se trouvera à la croisée des chemins entre espionnage, humour et sentiment. J’ai même un bon pitch. Le souci ? Le dosage… Comment ne pas être trop ceci, ou trop cela ? Et surtout, ne pas basculer dans une mer de cynisme… D’humour qui griffe… Je me dis que j’y arriverai peut-être un jour…

Pourrais-tu dire un mot sur les imaginaires belges ? L’idée n’a pas été jusqu’au bout en 2012. Mais ressortira-t-elle dans un avenir proche ?

Je ne sais si j’y reviendrais… J’avais espéré, peut-être un peu naïvement, que l’idée de réunir des auteurs belges sous une sorte de « chapeau » pour que l’on partage des expériences, des rencontres, des projets, serait une bonne idée. J’ai juste oublié que l’écriture est un travail solitaire. Qui prend du temps. Et l’écrivain n’est peut-être pas aussi sociable que je l’imaginais. Et puis… Je pense que pour un projet pareil, il faut une vraie locomotive. Et là, mea culpa, je n’ai pas le temps de l’être cette loco…

Mais où son passé les Sam Chappelle Girls ? Les verra-t-on dans le prochain opus du policier ?

Il y a toujours de nouvelles girls dans les aventures de Sam. Même si, dans l’Équerre et la Croix, il semble se calmer un peu… Mais ce type est incorrigible… Dès qu’une créature callipyge pointe le bout d’une rondeur, il se met à l’arrêt, façon chien de chasse. Parfois, franchement, il me fait honte…

Que peut-on te souhaiter sur le plan littéraire en 2013 ?

J’espère qu’avec Bob et Sam, nous allons rencontrer un nombre croissant de lecteurs, tant via les sorties, que via des salons, des émissions, des rencontres… C’est la partie du boulot que je préfère. La rencontre. J’en profite pour lancer un appel aux organisateurs qui liraient cette interview. Appelez-moi ! Je ne suis pas cher du tout !

Christophe Collins

L’équerre et la croix – Christophe Collins

Le commissaire Sam Chappelle avec deux « p » est de retour. Cette fois-ci, il doit élucider le meurtre d’un prêtre, attaché nu à une table, avec une croix dans le postérieur (pour rester gentil) et ce qui ressemble à une morsure de vampire. On retrouve le personnage cynique et ironique créé par Christopher Collins dans « L’étoile de l’Est ». Chappelle a toujours une Lotus Esprit qui ne se transforme pas en sous-marin et il est toujours membre d’une loge maçonnique. L’histoire est racontée à la première personne et on suit facilement les pensées du personnage sympathique à l’humour corrosif. Pour une fois, il fait profil bas mais son entourage ne peut s’empêcher d’avoir des préjugés parce qu’il est franc-maçon. Ces préjugés assimilent les francs-maçons à des anticléricaux qui « cassent du curé » à longueur de temps.

Oui, bon ! Étant athée et pas franc-maçon, je n’ai pas d’avis sur la question. Par contre, je sais que la franc-maçonnerie, ce n’est pas Facebook avant la lettre !

Mais dans cette histoire, cela handicape fortement Sam Chappelle qu’on accuse à tort d’être à l’origine des problèmes qui se posent dans cette nouvelle enquête. Il attire les problèmes comme le fait un paratonnerre avec la foudre. Lorsqu’il veut interroger l’évêque de Liège, il est directement pris à partie à cause de ses convictions personnelles. Ce qui finalement ne l’aidera vraiment pas dans son enquête. On retrouve la ville de Liège qui était déjà le théâtre de la première histoire du commissaire Chappelle, ville où vit l’auteur du livre. Quand on connait un peu Christophe Collins, on constate que Sam Chappelle et lui ne font qu’un. Ce dernier est une transposition romanesque de l’auteur (qui curieusement appartient aussi à une loge maçonnique). Il a le même sens des réparties, la même façon de s’exprimer, le même humour décalé, la même personnalité. Sam Chappelle est un bon flic, qui fait honnêtement son boulot. Sur le plan professionnel, on ne peut rien lui reprocher. Son chef lui réclame sans cesse les rapports liés aux dernières affaires sur lesquelles il travaille. Ses collègues ne sont pas des plus sympas, surtout lorsqu’ils viennent d’autres services de police.

Le curé mort semble avoir une vie sexuelle très active et rapidement Chappelle découvre que celui-ci avait une maitresse. Un second curé est assassiné et l’enquête se dirige vers une bande de casseurs qui en veulent à l’Eglise. Alors qu’une jeune journaliste veut remettre à Chappelle le résultat de ses recherches, ils sont la cible de malfaiteurs qui n’ont pas réussi à les éliminer. S’en suit une poursuite à travers Liège où le commissaire au volant de sa Lotus Esprit qui ne se transforme pas en sous-marin (si, si !) va la transformer en tas de ferraille (si, si !). Chappelle a oublié qu’il n’était pas Ralf Schumacher. En contrepoint à cette histoire de meurtres, une seconde affaire occupe le commissaire. Un « frère » qu’il n’a jamais vu auparavant, appartenant à une autre loge maçonnique, l’informe que la jeune fille qu’il paye sur Internet pour des galipettes virtuelles est en fait la fille du maître de sa loge maçonnique et elle n’a que 15 ans. Celle-ci lui apprend qu’elle est contrainte et forcée de dévoiler ses charmes sur le Web. On est ici dans une fiction bien proche du réel, où on découvre une facette pas toujours glorieuse de notre société. Les « affaires » belges de ces dernières décennies ne sont pas étrangères au contenu du livre, même si il n’y est pas fait référence. Par le curieux des hasards, les deux affaires sont reliées entre elles.

Le livre se laisse lire très facilement. L’intrigue se dévoile petit à petit et l’enchainement des événements ne laisse pas de temps mort au lecteur. Quelques chapitres se terminent par des cliffangers, obligeant le lecteur à continuer la lecture. Merci Christophe Collins !

Reste que « L’équerre et la croix » est une bonne suite à « L’étoile de l’Est ». Encore une fois, c’est une histoire qui pourrait facilement être adaptée sur le petit ou le grand écran. Et j’espère pour Christophe Collins qu’un jour on le lui propose. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai. Il avait précédemment écrit du fantastique sous son vrai nom (Christophe Courthouts) et on lui doit aussi l’écriture des 10 derniers Bob Morane ! Donc, c’est un écrivain qui connait bien la matière, qui est familier des intrigues policières. À travers « L’équerre et la croix », il nous propose un personnage qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau et qui plaira à bon nombre de lecteurs.

Y a-t-il des défauts à ce polar ? Non, pas vraiment. J’ai trouvé que Christophe Collins ne pouvait pas s’empêcher de faire référence dans chaque chapitre à des films, des livres, de la musique, etc. C’est une vraie encyclopédie vivante. Ce sont souvent des passages que j’ai lus rapidement pour rester focalisé sur l’intrigue. Ceci dit, on apprend pas mal de choses avec Chappelle. J’aurais aimé qu’un soupçon de fantastique plane sur ce roman. Les morsures de vampires découvertes dès les premières pages du livre auraient pu envoyer le lecteur sur une fausse piste. « L’équerre et la croix » est à conseiller pour les amateurs de polar ou à tous les lecteurs qui veulent découvrir une autre facette de Christophe Collins. Il y a aussi une certaine démystification de la franc-maçonnerie qui apparait dans le livre, comme c’était déjà le cas dans le livre précédent. Ceux qui ont aimé « L’étoile de l’Est » vont retrouver la même ambiance caractéristique, un héros plus vrai que nature et des lieux connus de Liège. Un polar sympa à lire.

Je ne voudrais pas oublier de signaler la postface de Christophe Courthouts. Une chose est certaine, Sam Chappelle reviendra !

J’ai lu une préversion électronique du livre. C’est la première fois que je lis un livre sous forme électronique. J’ai mis trois fois plus de temps que d’habitude et je précise que ce n’est pas dû à l’histoire qui est intéressante, mais au support utilisé qui ne me convenait pas du tout. En fait, j’aurais dû attendre la version papier pour le lire !

L’équerre et la Croix de Christophe Collins, éditions 3Cinq7, 2012, 348 pages

L'equerre et croix