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Space O Matic – Manchu

Après Starship[s] et Science[Fiction], Delcourt nous propose Space O Matic, troisième livre consacré à l’œuvre de Manchu.

J’ai toujours considéré Manchu comme le plus grand illustrateur en matière d’imaginaire. Cela à commencer dans les années quatre-vingt avec l’encyclopédie galactique en deux volumes de François Nedelec. Comme j’ai toujours adoré la science-fiction depuis un demi-siècle, j’ai parfois été déçu de ne pas trouver davantage de couvertures de livres qui collent aux l’histoires. Mais voilà, Manchu est arrivé et cela a changé beaucoup de choses.

Cela m’a aussi donné l’envie de voir une de ses expos à Paris. Pour moi, il n’y a pas de meilleur illustrateur dans le domaine de la science-fiction. Suivre son œuvre n’est pas aisée car il y a tellement de livres consacrés à l’imaginaire ou tellement de bandes dessinées auxquels il a participé, que c’est difficile de recenser toute sa production.

En dehors du livre Manchu Sketchbook sorti en 2008, on peut avoir une vision de sa production à travers Starship[s] sorti en 2004 et introuvable, Science[Fiction] sorti en 2010, et Space O Matic sorti en 2017.

Quand on regarde la qualité des détails de chaque illustration, on se demande si elles sortent uniquement de l’esprit de Manchu, ou s’il a régulièrement trouvé le moyen de sillonné la galaxie et l’univers à la recherche de mondes étranges, d’artefacts mystérieux et de vaisseaux aux lignes épurées ou de taille démesurée. C’est tellement réaliste, que cela devient une référence graphique.

Pour prendre un exemple de présence de Manchu dans la science-fiction, je suis en train de lire Vestiges de Laurence Suhner. Que ce soit la couverture grand format ou celle du livre de poche, cette dernière est faite par Manchu, et pour les deux éditions ce sont bien deux illustrations différentes.

Pour un amateur de science-fiction, de fantasy ou de BD, Manchu est une vraie bénédiction. Ses illustrations représentent fidèlement ce que les auteurs ou lecteurs imaginent d’une scène d’un livre. Et si ce n’est pas le cas, elles aident le lecteur à mieux entrer dans le roman ou la BD, voire même à terminer la lecture d’un livre lorsque ce dernier à quelques faiblesses. C’est un peu comme si Manchu jouait le rôle de locomotive pour certains livres et bandes dessinées.

Certaines illustrations vont même donner envie aux lecteurs de lire ou relire des livres qu’on peut parfois considérer comme juvéniles. Je pense par exemple à la trilogie de l’espace d’Arthur C. Clarke, parue en 2001 chez Bragelonne, qui comprend Iles de l’espace, Les sables de Mars, Lumière cendrée. Cette mise à jour graphique apporte un plus à des livres qui ne manquent pas d’intérêt, mais qui ont parfois un peu été oubliés par de nouveaux lecteurs.

La première partie du livre est un florilège d’illustrations qui mêlent science-fiction, exploration spatiale, rencontres avec d’autres civilisations, mais aussi fantasy et aventures. La finesse des détails est saisissante, les couleurs sont chatoyantes et les décors laissent rêveurs. Une mission sur Mars devient soudain plus compréhensive pour le lecteur. Bon nombre de ces illustrations sont accompagnées de roughs (maquettes) qui montrent parfois la même scène sous des angles différents.

Ce sont des auteurs tels que Poul Anderson, Robert Silverberg, Laurent Genefort, Olivier Paquet, Laurence Suhner, Arthur C. Clarke, Iain M. Banks ou Isaac Asimov qui sont mis à l’honneur avec les couvertures de Manchu. On pourrait même dire que toutes ses illustrations pourraient donner naissances à de nouvelles histoires.

Une seconde partie du livre se focalise sur les participations de Manchu dans le domaine de la bande dessinée. Bon nombre de couvertures de BD lui sont imputables. C’est par exemple le cas pour les séries Hauteville House, Jour J, L’homme de l’année et Artica. J’ai moins été tenté par ces cycles BD. C’est probablement parce que j’espérais trouver la patte de Manchu chaque fois que je tournais une page.

Une dernière partie du livre est consacrée au steam punk et a une steam car en particulier, dont on peut admirer les croquis, mais aussi une maquette du véhicule dans un environnement victorien.

En attendant, je conseille cet Art book à tout amateur d’imaginaire qui a envie de retrouver une grande partie des illustrations les plus récentes de Manchu. Personnellement, je suis un inconditionnel de l’illustrateur, donc la présence de ce livre dans ma bibliothèque est une obligation que je m’impose. Il rejoint ses autres livres. J’espère qu’il y aura un quatrième, voire cinquième volume dans les années qui viennent. Je me dis qu’un jour la bannière de mon blog de science-fiction serait inspirée par Manchu.

Un livre à conseiller aux amateurs d’imaginaires, mais aussi à toute personne qui aime les arts books.

Space O Matic, Manchu, éditions Delcourt, 2017, 96 pages.

Manchu Space O Matic

La trilogie de l’espace – Arthur C. Clarke

Derrière ce titre se cachent trois romans d’Arthur C. Clarke parus entre 1951 et 1955. Il s’agit de Les iles de l’espace, Les sables de Mars, et Lumière cendrée. Trois histoires que Milady a eu la bonne idée de réédité sous la forme d’une intégrale en format poche (mais la poche doit être grande). Reste que cette initiative peut combler la disparition de la collection Trésor de la science-fiction en Bragelonne. Je dirai même que ce serait une excellente idée de nous rééditer les classiques du genre en intégrale Milady. Le format est pratique, et le prix démocratique. Si on peut y insérer une plus longue préface, un petit essai, une ou deux nouvelles, ce serait magnifique.

Il s’agit ici des premiers livres de science-fiction de Clarke. Dès le début, on constate qu’il se focalise principalement sur la hard science. Ses histoires sont plausibles et se basent sur le développement de la technologie des années cinquante et suivantes. Si on ne tient pas compte du côté naïf de ses histoires, Clarke reste un excellent visionnaire. Ce qu’il décrit n’est malheureusement toujours pas réalisé par notre civilisation. C’est comme si nous ne nous intéressions plus à l’espace.

Donc, voici trois romans de science-fiction qui ont plus d’un demi-siècle. Sont-ils encore lisibles ? Eh bien oui ! Mais il faut les lire en tenant compte du contexte de l’époque. Disons qu’il s’agit davantage de livres qui s’adressent à un public d’adolescents qui veut découvrir les vicissitudes de la conquête spatiale.

Les iles de l’espace
Ce livre raconte l’histoire d’un adolescent qui gagne un jeu télévisé. Son prix, un séjour dans l’endroit de ses rêves. Et lorsqu’il indique qu’il veut aller dans la station spatiale la plus proche de la Terre, il surprend les organisateurs du concours, car ce voyage coute dix fois ce qui était prévu au départ. L’adolescent va donc connaitre les joies de l’apesanteur et de la vie à bord d’une station spatiale. Il aura l’occasion d’embarquer à bord d’une fusée et de voyager dans le système solaire. Récit typique des années cinquante, un peu comme Robert Heinlein savait le faire. Gentil, mais pas impérissable.

Les sables de Mars
C’est le cœur de cette intégrale et aussi le meilleur des trois romans. Un écrivain fait partie de l’équipage de l’Ares, un vaisseau qui se rend sur Mars. Là-bas, une petite ville existe déjà. Lors d’une expédition qui fait suite à une panne d’avion, notre écrivain va découvrir des martiens, sorte de kangourou. L’équipe sur Mars développe aussi un projet secret : transforme un des satellites de Mars en soleil. Livre intéressant, toujours basé sur des technologies réalistes, comme Clarke sait le faire. Ici aussi, l’auteur nous décrit tous les problèmes qu’une telle aventure entraine. Problème humain, problème technologique, problème de société. Aujourd’hui, on lira davantage un livre de Bova, Robinson ou Baxter. Mais Clarke a le mérite d’avoir été un des pionniers.

Lumière cendrée
Ce roman nous fait visiter les installations lunaires au XXIIème siècle. La Terre et la Lune doivent faire face à la fédération, constituée des autres colonies spatiales dans le système solaire. En dehors de visiter la Lune, ce roman se traine. Il faut attendre les cinquante dernières pages pour que l’histoire démarre enfin. C’est le plus mauvais livre de cette intégrale. Le conflit se déroule tellement vite, que le lecteur risque de rester sur sa faim. Et la seule issue à cette histoire, c’est que la Terre et ses colonies dissidentes doivent s’entendre pour pouvoir évoluer conjointement. Un livre qu’il est préférable de lire en diagonale !

Dans les trois romans, on remarque que la colonisation de l’espace a déjà commencé. L’adolescent embarque à bord de stations spatiales et vaisseaux déjà en fonction depuis longtemps. Il en est de même sur Mars, où une petite ville existe déjà. Les installations lunaires sont aussi bien implantées dans le dernier livre. Donc, un univers cohérent, qu’Arthur C. Clarke nous fait découvrir.

Personnellement j’aime bien ce genre de réédition sous un format intégral, omnibus, de classique de la science-fiction (parfois dépassés). Cela permet aux nouvelles générations de se familiariser avec les auteurs et les livres qui ont été à l’origine du genre. Avec Arthur C. Clarke, c’est principalement la hard science qui est à l’honneur. La conquête spatiale et la rencontre avec d’autres civilisations ont toujours été sa préoccupation majeure. Son principal défaut est un manque évident de chaleur dans ses livres. Les rapports humains ne sont pas vraiment très développés, et c’est ce qui m’a toujours déplu chez lui. Tout n’est pas que technologie.

Il y a de fortes chances que si vous aimez lire les auteurs contemporains de science-fiction, vous allez trouver cette intégrale dépassée. Et c’est normal. Mais le but ici, est bien de proposer aux lecteurs trois livres qui ne sont plus disponibles, si ce n’est en occasion dans diverses éditions. À travers ces trois livres, on remarque que 2001 l’odyssée de l’espace ou Rendez-vous avec Rama suivent la même démarche intellectuelle chez Arthur C. Clarke. Même un peu dépassés, ces livres contiennent encore l’esprit d’aventure, de conquête qui nous fait défaut dans le domaine spatial. Aujourd’hui, on optera davantage pour des auteurs comme Stephen Baxter ou Alastair Reynolds qui sont plus en phases avec ce qu’on recherche. Mais avant eux, il y avait un certain Arthur C. Clarke.

Je ne voudrais pas oublié Manchu, qui illustre cette intégrale avec le vaisseau des sables de Mars. Comme d’habitude, il nous livre une illustration qui colle parfaitement à l’histoire.

À conseiller à ceux qui veulent découvrir l’auteur à travers ses premiers romans. À conseiller aussi aux nostalgiques de cette époque. En tout cas, une intégrale intéressante pour qui veut se remettre dans le contexte de l’époque où ces textes ont été écrits.

La trilogie de l’espace, Arthur C. Clarke, Milady, 2011, 715 page, illustration de Manchu