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Les vandales du vide – Jack Vance

Le Belial inaugure une nouvelle collection de livres consacrés aux pulps de science-fiction. Le premier roman Les vandales du vide est écrit par Jack Vance, et traduit par Pierre-Paul Durastanti. Pour ajouter une note vintage à celui-ci, la couverture est dessinée par Caza, un illustrateur habitué depuis des décennies à mettre en valeur des scènes des romans de Jack Vance et d’autres auteurs. On ne pouvait pas mieux rêver.

Ce roman de science-fiction date de 1950. C’est un inédit de Jack Vance, mais pas nécessairement une œuvre de jeunesse, car à 34 ans, Vance avait déjà écrit d’autres histoires. Il correspond très bien à la science-fiction de l’époque, que d’autres auteurs ont aussi mise en valeur. En lisant ce roman, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec des livres d’Isaac Asimov, Robert Heinlein, Arthur C. Clarke, voire même Filip K. Dick. Les romans de cet âge d’or seraient aujourd’hui considérés comme de la lecture pour la jeunesse. Mais n’avons-nous pas tous été jeunes, et n’avons-nous pas tous gardé un regard d’adolescent sur ce genre d’histoire ?

Dans cette histoire, on suit le jeune Dick Murdock, qui quitte Vénus pour rejoindre son père, l’astronome en chef de l’observatoire situé sur la Lune. Pendant le voyage, le vaisseau qui assure la liaison croise un cimetière d’astronefs. Les épaves sont le résultat d’une bande de pirates qui s’attaquent à la circulation spatiale dans cette partie du système solaire. Un avenir où les humains colonisent petit à petit le système solaire, mais n’ont pas les moyens d’assurer une protection militaire suffisante à chaque convoi. La piraterie a donc fait son apparition et perturbe la colonisation et l’exploitation du système solaire.

En regagnant la Lune, Dick découvre qu’au sein de la base il y a une taupe qui communique aux pirates des informations sur les passages des vaisseaux. Ce qui leur permet d’arraisonner et détruire ces vaisseaux. En voulant en apprendre plus, Dick se met en danger. Son père échappe de peu à la mort et d’étranges accidents surviennent sur la Lune. Dick découvre qu’un homme aux yeux jaune, le Basilic, dirige les vandales et tente de le tuer. Finalement, une science-fiction épique, qui renoue avec

À travers ce livre, on reconnaît difficilement le style de Jack Vance. Le côté flamboyant et baroque est absent, probablement parce que l’histoire se passe dans l’espace et sur la Lune. On trouve ici un Jack Vance qui se fond dans le moule de la science-fiction des années 50. Une science-fiction un peu plus naïve plus axée sur l’aventure, où la technologie est présente, mais pas nécessairement expliquée. C’est ce qui fait d’ailleurs tout le charme de ce genre d’histoire.

On est habitué à mieux de la part de Jack Vance. Par exemple le cycle de Tschaï, la geste des princes-démons, le cycle de la perle verte, ou l’univers baroque de Cugel l’astucieux.

Dans le cas présent, c’est bel et bien un inédit de Jack Vance qui est proposé par le Bélial. Une raison de plus de découvrir ce texte à travers la traduction qu’a faite Pierre-Paul Durastanti.

Je suis curieux de voir quels seront les prochains titres publiés dans cette collection. Il y a certainement quelques perles qui nous ont échappés et qui méritent de revoir le jour ou d’être traduites. Une chose est certaine, c’est une bonne initiative de la part du Bélial. J’espère simplement que ces livres auront également un équivalent poche dans les années qui suivent leur première parution en français.

Le pulp est à la mode. D’autres collections ont décidé de ressortir des romans peu connus ou totalement ignoré du public. C’est par exemple le cas avec Michael Crichton chez Laffont (La dernière tombe, Agent trouble). L’aventure, le polar, l’action, le mystère reviennent à l’avant-plan à travers des œuvres parfois de jeunesse. Et la science-fiction est le genre idéal pour faire découvrir ou redécouvrir des histoires et des auteurs qui ont forgé ce genre littéraire.

À lire, avec un certain recul, et surtout avec un esprit très ouvert, car ce livre remet au centre l’aventure, l’action, le mystère et le danger qui ont bercé notre imagination. J’ai aimé, et je vais certainement suivre cette collection de près.

Un livre de Jack Vance qui fait passer un bon moment de lecture.

Les vandales du vide, Jack Vance, Le Belial, 2016, traduction Pierre-Paul Durastanti, Illustration de Caza

Les Vandales

Le rêve de l’exilé – Alain le Bussy

Alain Le Bussy fait partie de ces auteurs belges qui m’ont échappés. Je l’ai rencontré une fois, lors d’un Trolls et Légendes à Mons. À l’époque, je me demandais ce qu’il pouvait bien écrire comme science-fiction. Puis, je me suis dit qu’il fallait absolument combler cette lacune. D’abord parce que c’est un compatriote, et que depuis un certain temps je fais découvrir des auteurs belges sur mon blog, tous domaines confondus. Ensuite parce que j’en ai tellement entendu parler autour de moi et surtout dans le fandom, qu’il m’était impossible de ne pas le lire.

J’ajouterai que ce premier tome de l’anthologie consacrée à Alain le Bussy est paru chez Rivière Blanche, et est dirigée par Marc Bailly. Donc, cette anthologie devenait incontournable pour moi, surtout si je ne voulais pas mourir idiot. C’est donc avec un regard neuf que j’ai abordé cet auteur très prolifique et très actif dans le domaine de l’imaginaire. Il a écrit une centaine de romans et deux fois plus de nouvelles.

En commençant la lecture de cette anthologie, je n’ai pas eu l’impression d’être confronté à des textes obsolètes. Les nouvelles qui la constituent sont toujours d’actualité, et le style de Le Bussy fait que ses textes restent intemporels.

La première de ces nouvelles donne le ton de l’anthologie. Dans Un don inné paru en 1966, qui est le premier texte d’Alain le Bussy, on aborde le space opera, et de manière plus classique, le planet opera. Ce qu’on découvre, c’est un extraterrestre naufragé sur Terre, qui doit attendre que le niveau technologique de la civilisation lui permette de réparer son vaisseau ou d’en reconstruire un , capable de le ramener chez lui. Mais après les siècles passés, l’extraterrestre doit bien s’intégrer au reste de l’humanité, et l’identité qu’il prend est révélée dans les dernières lignes de la nouvelle, et est assez amusante.

La cité des tours mélancoliques reprend le thème du voyageur solitaire qui explore d’autres mondes. Thème qu’on retrouve souvent dans les nouvelles d’Alain le Bussy. L’auteur est à l’aise avec les histoires de planet et space opera.

Le rêve de l’exilé, nouvelle qui donne son titre à cette anthologie, fait référence au dieu endormi, à l’extraterrestre qui un jour a atterri sur Terre pour ne plus repartir. On peut considérer que cette nouvelle est une variante de « Un don inné ».

Les autres nouvelles sont du même niveau, et se passent parfois à notre époque. Alain le Bussy, passant facilement de la science-fiction au fantastique.

On retrouve dans l’écriture d’Alain le Bussy, une forme toujours très épurée, très facile de ses histoires. L’auteur a le mérite d’avoir de très bonnes histoires, bien pensées, mais racontées simplement, avec l’envie pour le lecteur d’aller jusqu’au bout de celles-ci. Dans certaines des nouvelles, on dénote même une forme de poésie chez l’auteur.

Marc Bailly préface cette anthologie dont il a choisi les textes. Il précise que ce premier tome correspond à une période spécifique de l’écrivain qui va de 1966 à 1991. Deux autres anthologies devraient suivre. Dominique Warfa préface la première nouvelle de Alain le Bussy, tandis que George Bormand, Serena Gentihomme, Christian Martin et Jeremy Sauvage ajoutent un hommage en guise de postface. On le voit, l’auteur ne laisse pas indifférent. Au cours de ses cinquante années d’activités dans l’imaginaire, il a tissé un réseau impressionnant d’amis et de lecteurs.

Sur 350 pages, le lecteur trouvera déjà un excellent panel de la productivité en imaginaire d’Alain le Bussy. Ce premier tome devrait être suivi par deux autres, et réjouira les lecteurs qui ont aimé celui-ci, mais aussi ceux qui veulent découvrir en détail l’auteur. Une anthologie qui rend hommage à un excellent auteur de science-fiction d’origine belge.

Le rêve de l’exilé, Alain le Bussy, Anthologie dirigée par Marc Bailly, Rivière Blanche, 350 pages, illustration de Grillon

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Terre planète impériale – Arthur C. Clarke

Milady continue de rééditer les textes d’Arthur C. Clarke. Après Odyssée l’intégrale des nouvelles de l’auteur, voici Terre, planète impériale. Il s’agit d’un roman mineur, paru dans les années 70, réservé à un public d’adolescents. On me rétorquera que c’était aussi le cas pour la trilogie de l’espace précédemment sortie chez Milady. C’est vrai, mais ici cela se ressent particulièrement par le manque flagrant d’actions dans ce roman.

Dans cette histoire, en 2276, on suit Duncan, petit-fils de Malcolm Makenzie, un ingénieur qui a fait fortune en exportant sur Terre de l’hydrogène puisé sur Titan le plus gros satellite de Saturne. Duncan a été cloné, car la colonie humaine qui vit sur Titan est dans l’incapacité de se reproduire naturellement. Lui, et son père Colin, sont des clones, et lui-même devra se cloner pour avoir un descendant.

Duncan doit se rendre sur Terre pour les célébrations du 500ème anniversaire des États-Unis (Isaac Asimov nous avait proposé la nouvelle L’homme bicentenaire pour fêter les deux siècles des USA). Un roman qu’on devine un peu trop pro-américain, et qui laissera dans l’indifférence totale les Européens que nous sommes.

Après un périple dans le système solaire, Duncan va découvrir la planète mère et être confronté à la gravitation plus forte que celle de Titan. Il va aussi être confronté à la technologie, et surtout à la nature florissante qui lui est totalement inconnue sur Titan. Pour lui, la Terre aurait dû s’appeler Océan.

Duncan va découvrir que son ancien meilleur ami organise un trafic de Titanite, des pierres précieuses. Trafic qui finance un projet d’écoute spatiale.

L’extraterrestre qui découvre la Terre, c’est un sujet déjà exploité par d’autres auteurs. En terre étrangère de Robert A. Heinlein est de loin meilleur et a raflé le prix Hugo en 1962.

C’est un roman qui ne laissera pas de souvenirs impérissables aux lecteurs, si ce n’est celui de chercher où est l’action dans ce roman de 400 pages. Mais dans sa logique de réédition de l’œuvre d’Arthur C. Clarke, Milady se devait aussi de sortir ce livre. Donc, cette édition est très cohérente par rapport aux cinq livres précédemment sortis (Les chants de la Terre lointaine, La trilogie de l’espace, Les enfants d’Icare, Les gouffres de la Lune, Odyssées).

Je suggérerais à Milady d’éditer prochainement le cycle Base Vénus que Arthur C. Clarke a écrit avec Paul Preuss, précédemment sorti chez J’ai lu en 6 tomes. Je les ai toujours, et ils n’ont jamais été réédités. En plus, c’est cohérent avec l’anthologie Odyssées, car c’est une réutilisation des nouvelles de Clarke dans une histoire plus moderne qui se déroule à travers tout le système solaire. L’idéal serait un ou deux omnibus pour ce cycle.

Donc, Terre planète impériale, c’est à lire, mais pas indispensable. Amusant car c’est une ballade à travers le système solaire qui mènera Duncan Makenzie sur Terre.

Terre planète impériale, Arthur C. Clarke, Milady, 2014, 408 pages, traduit par George H. Gallet, illustration de Pascal Casolari

Terre, planète impériale

Prélude à Fondation – Isaac Asimov

Fondation d’Isaac Asimov est un classique de la science-fiction. Écrit entre 1951 et 1953, il s’est d’abord décliné sous la forme d’un cycle composé de Fondation, Fondation et empire, Seconde fondation. Il s’agit d’une suite de nouvelles qui retrace la chute d’un empire galactique, et sa lente reconstruction au fil des siècles. On peut comparer cette chute à celle de l’empire romain.

Tout démarre sur Trantor lorsque Hari Seldon un mathématicien de génie propose la psychohistoire, une science capable de prédire les évènements futurs. L’effondrement de l’empire ne fait plus aucun doute, et des millénaires de barbarie vont accompagner cet effondrement. Pour raccourcir cette période d’obscurantisme, Seldon met au point un plan qui devrait permettre à l’humanité entière de retrouver le même niveau de civilisation que celui de l’empire en un millénaire. Pour cela, il crée une fondation sur Terminus, qui au fil du temps va aider les différents peuples à retrouver un niveau de civilisation comparable. En parallèle à cette fondation, Seldon en a créé une seconde restée secrète, qui a pour rôle de veiller à ce que le plan qu’il a établi se réalise bien.

Il a fallu 30 ans à Isaac Asimov pour ajouter deux tomes qui font le lien entre le cycle des robots et Fondation (Fondation foudroyée, Terre et Fondation). Et encore une dizaine d’années supplémentaires pour ajouter deux tomes qui précèdent Fondation et qui sont axés sur Hari Seldon (Prélude à Fondation, L’aube de Fondation) et sur le développement de la psychohistoire.

Sur Trantor, Hari Seldon invente la psychohistoire, une science qui tient des statistiques et de l’histoire, science qui n’avait pas encore fait ses preuves. Mais lorsque celle-ci fut dévoilée au public lors d’un colloque, certaines personnes comprirent qu’elle permettrait d’accroitre son pouvoir sur la population. Un des premiers intéressés n’est autre que l’empereur Cléon, qui espère connaitre les évènements futurs grâce à cette science. Mais pour Seldon, appliquer cette science à la totalité de l’empire est impossible et trop complexe. L’empereur qui n’apprécie pas cette réponse négative veut faire tuer Seldon par l’intermédiaire de son premier ministre Demerzel.

Seldon s’enfuit, accompagné par l’historienne Dora Venabili. Ils traversent les différents secteurs de Trantor et découvrent que l’empire est en pleine décadence. Seldon n’a pas besoin d’étudier d’autre monde pour finaliser son invention. Trantor lui fournit les éléments nécessaires pour mettre au point la psychohistoire. On apprend que Demerzel est en fait R. Daneel Olivaw, un robot qui ressemble à un humain.

Ce livre fait le lien avec le cycle des robots d’Asimov. Cycle qui n’est pas indispensable à lire, mais qui peut être intéressant pour le lecteur. Je ne conseillerai pas de commencer par les robots.

Prélude à Fondation est un vrai roman, contrairement aux tomes précédents qui sont constitués de nouvelles. Les chapitres sont courts et commencent par un extrait de l’encyclopédie galactique. Si ce livre est le premier chronologiquement et montre la genèse de la psychohistoire, il ne peut se lire qu’après avoir lu la trilogie de base. Il faut d’abord avoir vécu la chute de l’empire galactique, et comprendre le rôle de la Fondation (ainsi que la deuxième) pour s’attaquer ensuite à ce prélude à Fondation qui trouve sa suite dans l’Aube de Fondation.

Il ne s’agit pas d’un livre de plus dans un cycle important. Même s’il y a été écrit plusieurs décennies après la première trilogie, il trouve parfaitement sa place dans le cycle. Hari Seldon n’est plus un hologramme qui se manifeste à des périodes précises de l’histoire galactique. C’est un brillant mathématicien qui a inventé une science qui prédit l’avenir. Écrit il y a 25 ans, ce livre est toujours d’actualité.

Prélude à Fondation, Isaac Asimov, 447 pages, Pocket

Prélude à Fondation

Flash Gordon intégrale 1934-1937 – Alex Raymond

Les éditions Soleil rééditent un classique de la science-fiction, mais aussi de la bande dessinée, Flash Gordon dessiné par Alex Raymond. Ce premier tome reprend les planches de 1934 à 1937. On peut supposer que les éditions Soleil nous sortiront l’intégrale, comme c’est le cas pour Tarzan ou Prince Valiant.

Flash Gordon, c’est l’aventure à l’état pur, avec en toile de fond de la science-fiction et un univers qui va captiver le lecteur par son originalité. Le personnage est créé à une époque où Buck Rogers fait déjà le bonheur des lecteurs. On peut pratiquement dire que Flash Gordon est le concurrent direct de Buck Rogers. Créé à l’époque des pulps,

Flash Gordon, c’est un célèbre joueur de Polo diplômé de Yale, qui va croiser sur sa route Dale Arden, celle qui deviendra sa compagne. Ils vont se rencontrer sur un vol transcontinental, qui en plein vol va être endommagé par une comète. Dans cette première scène, Flash Gordon est déjà le héros qu’on espère voir au fil des pages. Lui et Dale Arden atterrissent dans la propriété du docteur Zarkov, un savant illuminé (pour ne pas dire fou) qui a construit une fusée pour se rendre sur la comète qui perturbe la Terre. Flash et Dale n’ont pas le choix, sous la menace d’une arme, ils doivent monter dans la fusée et accompagner Zarkov dans son périple vers Mongo. Le trio est formé et chaque personnage pourra se reposer sur les deux autres.

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Ici commence une aventure dans laquelle Alex Raymond se donne à cœur joie en nous présentant un monde qui mélange technologie et passé, où les personnages ont des empreintes fortes, en particulier l’empereur Ming et sa fille Aura, mais aussi Barin et Vultan. Les dangers sont permanents pour Flash tandis que Dale est l’objet de toutes les convoitises. Les personnages vont de Charybde en Scylla quasi en permanence. Une bande dessinée épique, qui à l’époque se distinguait des autres par son rythme, par ses scènes d’actions, et tout simplement par son imagination.

Flash Gordon a aussi inspiré beaucoup d’auteurs de romans ou de bandes dessinées. Le plus célèbre d’entre eux est certainement Edgar P. Jacobs qui a dessiné le rayon U (qui est presqu’une copie conforme de Flash Gordon), puis qui a créé les personnages de Blake et Mortimer, qui deviendront également une légende dans le domaine de la bande dessinée belge. George Lucas s’est aussi inspiré de Flash Gordon pour créer Star Wars.

Flash Gordon est né à une époque où Edgar Rice Burroughs avec ses cycles de Tarzan et John Carter/Mars/Barsoom transportait le lecteur vers d’autres continents ou d’autres planètes. C’est aussi l’époque où Hugo Gernsback crée Amazing stories, un magazine de science-fiction. Une époque foisonnante où les auteurs et dessinateurs ne manquaient pas d’imagination, où l’histoire et l’action prenaient le pas sur la vérité scientifique. Quelques années après la sortie de Flash Gordon, les comics feront leur apparition (Superman, Batman, Spectre, etc.). Le héros d’Alex Raymond est un modèle pour bon nombre d’auteurs qui s’en inspireront.

Cette réédition (qui n’est pas la première des éditions Soleil) est la bienvenue pour ceux qui ne trouvaient plus la dernière édition, si ce n’est à des prix prohibitifs, et pour ceux qui veulent découvrir une science-fiction épique qui ressort aujourd’hui avec des films comme John Carter.
Flash Gordon est une des bandes dessinées fondatrices de la science-fiction. À notre époque, cela peut paraître simpliste, mais cela reste une des références qui ont permis le développement du genre à travers les romans, les BD ou les films.

Les éditions Soleil proposent une belle version de l’œuvre d’Alex Raymond, dans un format presque carré. Intégrale qui nous explique la légende du personnage ainsi que l’héritage qu’il nous laisse. Des photos et des croquis appuient cette présentation et font de ce livre un vrai collector. Une BD qu’il faut avoir dans sa bibliothèque. Des héros comme Flash Gordon, on en fait plus, car le moule est cassé depuis longtemps !

Flash Gordon intégrale volume 1 – 1934-1937, Alex Raymond, Soleil âge d’or, 208 pages, 2013

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Robert A. Heinlein (1907-1988)

Il y a 25 ans, Robert A. Heinlein décédait…

Un des auteurs de science-fiction qui a le plus marqué par son empreinte le vingtième siècle, c’est Robert Heinlein. Il a non seulement écrit des textes importants, mais en plus il a inspiré certains projets technologiques américains. Robert A. Heinlein est né à Butler dans l’état du Missouri en 1907 et est décédé en 1988, c’est-à-dire il y a juste vingt-cinq ans. Étrange parcours que celui d’Heinlein, qui à peine sortit du lycée, entre à l’académie navale d’Annapolis et en sort lieutenant. Il quittera la marine, suite à une tuberculose. De retour dans la vie civile, il étudie la physique à l’université de Californie (UCLA). Pour vivre, il n’a pas d’autre choix que de trouver des boulots dont le salaire n’est pas assuré (propriétaire de mine, agent immobilier…). Il s’essaie à la politique, mais sans succès.

Astounding - Life line

En 1938, Heinlein participe à un concours de nouvelles de science-fiction organisé par le magazine Thrilling Wonder Stories. Il écrit la nouvelle « Ligne de vie » (Life line), mais se ravise en ne la soumettant pas pour le concours. C’est à John Wood Campbell qu’il s’adresse pour la faire publier. La nouvelle sera publiée en 1939 dans le magazine Astounding Science-fiction, et lui rapportera plus d’argent que le premier prix du concours. À partir de ce moment, Heinlein va devenir un auteur récurrent du magazine, au même titre qu’Isaac Asimov, E.E. doc Smith, Clifford D. Simak, L. Sprague de Camp ou Alfred E. Van Vogt. C’est l’âge d’or de la science-fiction.

À cette époque, on doit à Heinlein plusieurs nouvelles qui se raccrochent à son cycle « Histoire de futur ». Avec la Seconde Guerre mondiale, il se détourne de l’écriture et se focalise sur son job d’ingénieur dans la marine. Après la guerre, et un peu de militantisme, il revient à l’écriture.

En 1950, sort en film « Destination Lune », basé sur les idées d’Heinlein. Il participe à l’élaboration du film. C’est la période où on lui doit ses « juvéniles », des histoires de science-fiction adressées aux adolescents (La patrouille de l’espace, La planète rouge).

En 1951 vient « Marionnettes humaines », histoire qui montre une Terre infiltrée par des extraterrestres qui se présentent sous la forme de parasites qui se greffent dans le dos des humains. À partir de 1956, Heinlein va écrire plusieurs livres qui vont recevoir le prix le plus élevé en science-fiction, c’est-à-dire le prix Hugo. Il va le décrocher pour : Double étoiles (1956), Etoiles, garde-à-vous (1960), En terre étrangère (1962), Révolte sur la Lune (1967). Des livres qui ont vieilli, mais qui se lisent encore très bien si on tient compte du contexte de l’époque. Heinlein nous conte l’histoire d’un acteur qui joue la doublure d’un homme politique, puis l’engagement militaire de la Terre face à un ennemi extraterrestre. Avec En terre étrangère, il frappe un grand coup en nous donnant la vision de notre monde vue par un martien (qui est un descendant humain), et enfin dans Révolte sur la Lune, il nous montre comment une colonie lunaire se soustrait à la domination de la Terre. Quatre livres qui méritent amplement le prix Hugo.

Robert Heinlein

Heinlein a aussi écrit des perles, comme « Une porte sur l’été » qui parle d’amour contrarié par les affres du temps et le long sommeil en particulier. Un des personnages n’est autre que Petronius le chat. Heinlein est un grand conteur, probablement le plus grand qu’a connu la science-fiction. Un quart de siècle après son décès, il influence encore les nouvelles générations de lecteurs et d’auteurs. Que ce soit la NASA ou le gouvernement américain, sans le vouloir, Heinlein a influencé leur politique spatiale. Aujourd’hui, il nous laisse une œuvre très complète, mais qui n’a pas totalement été rééditée. Espérons que cette lacune sera comblée dans un futur proche, car Heinlein mérite d’encore être revisité par les nouveaux lecteurs.

Les cinq rubans d’or – Jack Vance

ActuSF a récemment réédité un des romans de Jack Vance, les cinq rubans d’or. Ce n’est pas le premier texte que cet éditeur de l’imaginaire nous propose. A chaque fois, on a droit à des romans courts ou des nouvelles qui n’ont pas pris une ride malgré le laps de temps écoulé depuis la première publication.

Avec les cinq rubans d’or, on retrouve une histoire épique et picaresque comme sait le faire Jack Vance. Avec un personnage qui a un lien de parenté certain avec Cugel dans le cycle Terre mourante ou Adam Reith dans le cycle Tschaï. C’est Paddy qui est ici la vedette, un personnage roublard comme on les aime dans les romans de Vance. Dès la première page, Paddy essaie de voler le secret de l’ultrapropulsion. Mais pas de chance pour lui, la bombe qu’il fait exploser va aussi permettre aux instances policières de lui mettre le grappin dessus.

Bien que les terriens aient colonisé une partie de l’espace et qu’ils ont mis au point l’ultrapropulsion grâce à Langtry, ils n’en sont pas les maitres. Les colonies dirigées par les cinq fils de Langtry sont devenues autonomes et ont pris une avance technologique par rapport à la Terre. Les terriens sont considérés comme une race inférieure par les cinq races issues des fils de Langtry.

Bien qu’étant prisonnier et promis à une belle mort, Paddy se retrouve embarqué dans un évènement de première grandeur : la réunion annuelle des cinq dirigeants (Shaul, Koton, Kudrhu, Loristanais, Badau). La réunion se tient sur un astéroïde disposant d’une gravité artificielle et d’un champ de force qui retient l’air. Le caillou qui fait à peine une soixantaine de mètres de long accueille les cinq dirigeants, fils de Langtry. Ils détiennent chacun un bracelet d’or dans lequel se trouve une partie du secret de l’ultrapropulsion. Du moins, c’est ce que Paddy croit dès le début. Il est enchainé auprès des cinq chefs et a pour mission de jouer les traducteurs. Pour chacune des paroles d’un membre, il doit les traduire dans la langue des quatre autres. Si cette réunion se termine sans incident, c’est aussi la fin pour Paddy. Son rôle de traducteur s’arrête là et sa vie n’a plus aucune valeur. Alors qu’il doit être emmené pour être exécuté, il parvient à s’échapper sur ce petit petit caillou perdu dans l’espace, puis à couper la gravité, et par extension l’atmosphère. Le résultat c’est que toutes les personnes présentes sur l’astéroïde meurent asphyxiées, sauf Paddy. C’est-à-dire, aussi les cinq fils. Paddy arrive à se sauver et récupère les bracelets que chaque fils possède. Ces bracelets contiennent une partie du secret de l’ultrapropulsion. Lors de la réunion, ils se sont échangé leurs bracelets de telle manière qu’une certaine rotation soit maintenue. Paddy a récupéré les bracelets, puis s’est enfui avec une navette spatiale, avant de regagner un monde où il pourrait changer d’identité et refaire son portrait. Il va se faire aider par Fay, une femme qui est un agent terrien, qui lui courait après et qui est chargée de le ramener sur Terre ainsi que le secret de l’ultrapropulsion. A deux, à bord du  vaisseau de Fay, ils vont se lancer dans une quête aux indices technologiques. L’aventure de monde en monde est ici accompagnée d’un brin d’humour et d’une bonne dose d’actions.

Ce roman est rythmé. Pas de temps mort. À partir d’une énigme principale, Paddy et Fay vont devoir parcourir une partie du secteur galactique dans lequel ils se trouvent, et retrouver les informations nécessaires au rébus que Langtry a un jour inventé qui révèle le secret de l’ultrapropulsion. Chaque énigme est prétexte à voyager sur un nouveau monde où les humains se sont établis et ont légèrement changé de physionomie. Au fil des générations, leurs corps se sont adaptés à chaque environnement planétaire.

On retrouve un schéma classique chez Vance qui consiste à poser un problème, y réfléchir et le résoudre en se déplaçant et agissant. C’est simple et efficace, car le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. Il passe d’un problème à l’autre, sans avoir à comprendre des plans derrière des plans.

Je suis content de chroniquer ce livre qui date de 1950, car Jack Vance fait partie de mes auteurs préférés. Et ce livre qui date de l’âge d’or démontre encore une fois que la science-fiction c’est aussi de l’aventure, du danger, de l’épique, et pourquoi pas du picaresque. Un bon Jack Vance, que je conseillerai à tous ceux qui recherchent un livre de science-fiction pas trop épais, qui va à l’essentiel et que le lecteur aura difficile à quitter avant la dernière page. Il faut juste lire le livre en tenant compte du contexte dans lequel il a été écrit. Un Jack Vance sympa, à lire ou relire. En tout cas, un bon moment de lecture.

Les cinq rubans d’or, Jack Vance, ActuSF, 2013, 232 pages, illustrateur Rodolpho Reyes

Les cinq rubans d'or

Voisins d’ailleurs – Clifford D. Simak

 

La sortie de Voisins d’ailleurs chez Folio SF permet de renouer avec cet auteur de l’âge d’or. Ce recueil contient neuf nouvelles dont le thème principal tourne autour de voisins extraterrestres agissant sur notre planète, ou oubliant certains objets qui ont des conséquences sur nos vies. Les histoires se situent pour la plupart dans le milieu rural, que Simak connait très bien pour y avoir été cultivateur. Il nous présente des personnages sympathiques, volontaires et pleins de bon sens qui sont confrontés à des machines qui émettent des cliquetis avant de pondre des objets (La maternelle), ou qui troquent (Le bidule).

Simak ne se contente pas d’ajouter un élément extraterrestre à ses histoires, il y ajoute également des éléments spatiotemporels. Par exemple l’étranger qui après deux heures de route n’a toujours pas trouvé l’entrée d’autoroute alors que le cultivateur qui emprunte la même route n’aura besoin que de dix minutes pour la trouver (Le voisin). La fin des maux nous montre comment on peut soigner les maladies sur notre planète, mais en rendant les humains un peu moins intelligents. Des objets viennent du futur (Le cylindre dans le bosquet de bouleaux) ou des personnes étaient déjà présentes, loin dans notre passé (La photographie de Marathon, La grotte des  cerfs qui dansent). Ce qui peut paraitre un paradoxe temporel trouve son explication rationnelle. Curieusement la nouvelle Un Van Gogh de l’ère spatiale sort du thème imposé. C’est aussi le texte le plus faible de ce recueil.

Simak a un style fluide, sans fioriture, toujours agréable à lire un demi-siècle plus tard. Un livre qui ravira certainement les fans de Simak. Un livre qui en appelle d’autres, je l’espère…

Voisins d’ailleurs, Clifford D. Simak, traduit par Paul Durastanti, 400 pages, Denoël Folio SF, 2012

 

 

 

 

La trilogie de l’espace – Arthur C. Clarke

Derrière ce titre se cachent trois romans d’Arthur C. Clarke parus entre 1951 et 1955. Il s’agit de Les iles de l’espace, Les sables de Mars, et Lumière cendrée. Trois histoires que Milady a eu la bonne idée de réédité sous la forme d’une intégrale en format poche (mais la poche doit être grande). Reste que cette initiative peut combler la disparition de la collection Trésor de la science-fiction en Bragelonne. Je dirai même que ce serait une excellente idée de nous rééditer les classiques du genre en intégrale Milady. Le format est pratique, et le prix démocratique. Si on peut y insérer une plus longue préface, un petit essai, une ou deux nouvelles, ce serait magnifique.

Il s’agit ici des premiers livres de science-fiction de Clarke. Dès le début, on constate qu’il se focalise principalement sur la hard science. Ses histoires sont plausibles et se basent sur le développement de la technologie des années cinquante et suivantes. Si on ne tient pas compte du côté naïf de ses histoires, Clarke reste un excellent visionnaire. Ce qu’il décrit n’est malheureusement toujours pas réalisé par notre civilisation. C’est comme si nous ne nous intéressions plus à l’espace.

Donc, voici trois romans de science-fiction qui ont plus d’un demi-siècle. Sont-ils encore lisibles ? Eh bien oui ! Mais il faut les lire en tenant compte du contexte de l’époque. Disons qu’il s’agit davantage de livres qui s’adressent à un public d’adolescents qui veut découvrir les vicissitudes de la conquête spatiale.

Les iles de l’espace
Ce livre raconte l’histoire d’un adolescent qui gagne un jeu télévisé. Son prix, un séjour dans l’endroit de ses rêves. Et lorsqu’il indique qu’il veut aller dans la station spatiale la plus proche de la Terre, il surprend les organisateurs du concours, car ce voyage coute dix fois ce qui était prévu au départ. L’adolescent va donc connaitre les joies de l’apesanteur et de la vie à bord d’une station spatiale. Il aura l’occasion d’embarquer à bord d’une fusée et de voyager dans le système solaire. Récit typique des années cinquante, un peu comme Robert Heinlein savait le faire. Gentil, mais pas impérissable.

Les sables de Mars
C’est le cœur de cette intégrale et aussi le meilleur des trois romans. Un écrivain fait partie de l’équipage de l’Ares, un vaisseau qui se rend sur Mars. Là-bas, une petite ville existe déjà. Lors d’une expédition qui fait suite à une panne d’avion, notre écrivain va découvrir des martiens, sorte de kangourou. L’équipe sur Mars développe aussi un projet secret : transforme un des satellites de Mars en soleil. Livre intéressant, toujours basé sur des technologies réalistes, comme Clarke sait le faire. Ici aussi, l’auteur nous décrit tous les problèmes qu’une telle aventure entraine. Problème humain, problème technologique, problème de société. Aujourd’hui, on lira davantage un livre de Bova, Robinson ou Baxter. Mais Clarke a le mérite d’avoir été un des pionniers.

Lumière cendrée
Ce roman nous fait visiter les installations lunaires au XXIIème siècle. La Terre et la Lune doivent faire face à la fédération, constituée des autres colonies spatiales dans le système solaire. En dehors de visiter la Lune, ce roman se traine. Il faut attendre les cinquante dernières pages pour que l’histoire démarre enfin. C’est le plus mauvais livre de cette intégrale. Le conflit se déroule tellement vite, que le lecteur risque de rester sur sa faim. Et la seule issue à cette histoire, c’est que la Terre et ses colonies dissidentes doivent s’entendre pour pouvoir évoluer conjointement. Un livre qu’il est préférable de lire en diagonale !

Dans les trois romans, on remarque que la colonisation de l’espace a déjà commencé. L’adolescent embarque à bord de stations spatiales et vaisseaux déjà en fonction depuis longtemps. Il en est de même sur Mars, où une petite ville existe déjà. Les installations lunaires sont aussi bien implantées dans le dernier livre. Donc, un univers cohérent, qu’Arthur C. Clarke nous fait découvrir.

Personnellement j’aime bien ce genre de réédition sous un format intégral, omnibus, de classique de la science-fiction (parfois dépassés). Cela permet aux nouvelles générations de se familiariser avec les auteurs et les livres qui ont été à l’origine du genre. Avec Arthur C. Clarke, c’est principalement la hard science qui est à l’honneur. La conquête spatiale et la rencontre avec d’autres civilisations ont toujours été sa préoccupation majeure. Son principal défaut est un manque évident de chaleur dans ses livres. Les rapports humains ne sont pas vraiment très développés, et c’est ce qui m’a toujours déplu chez lui. Tout n’est pas que technologie.

Il y a de fortes chances que si vous aimez lire les auteurs contemporains de science-fiction, vous allez trouver cette intégrale dépassée. Et c’est normal. Mais le but ici, est bien de proposer aux lecteurs trois livres qui ne sont plus disponibles, si ce n’est en occasion dans diverses éditions. À travers ces trois livres, on remarque que 2001 l’odyssée de l’espace ou Rendez-vous avec Rama suivent la même démarche intellectuelle chez Arthur C. Clarke. Même un peu dépassés, ces livres contiennent encore l’esprit d’aventure, de conquête qui nous fait défaut dans le domaine spatial. Aujourd’hui, on optera davantage pour des auteurs comme Stephen Baxter ou Alastair Reynolds qui sont plus en phases avec ce qu’on recherche. Mais avant eux, il y avait un certain Arthur C. Clarke.

Je ne voudrais pas oublié Manchu, qui illustre cette intégrale avec le vaisseau des sables de Mars. Comme d’habitude, il nous livre une illustration qui colle parfaitement à l’histoire.

À conseiller à ceux qui veulent découvrir l’auteur à travers ses premiers romans. À conseiller aussi aux nostalgiques de cette époque. En tout cas, une intégrale intéressante pour qui veut se remettre dans le contexte de l’époque où ces textes ont été écrits.

La trilogie de l’espace, Arthur C. Clarke, Milady, 2011, 715 page, illustration de Manchu

Frères lointains – Clifford D. Simak

Après le recueil de nouvelles « Voisins d’ailleurs », Le Bélial nous propose un second recueil de nouvelles de Clifford D. Simak. Ce « Frères lointains » s’inscrit tout à fait dans la lignée du premier tome. En commençant sa lecture, je m’attendais à retrouver le style si caractéristique de Simak. Et au bout du compte, je n’ai pas été déçu. L’auteur est toujours aussi agréable à lire.

Il faut remercier Le Bélial pour son initiative de rééditer Simak. Cela fait des années qu’on a plus eu l’occasion de voir une réédition de cet auteur. À part quelques classiques encore au catalogue, ou en omnibus, l’auteur a pratiquement disparu des librairies. Je devrais dire que ce recueil de nouvelles est principalement édité pour les amateurs avertis. Mais ce ne serait pas rendre service à l’éditeur. Non, Simak doit être lu par les nouvelles générations de lecteurs autant que par les anciennes. Il a toujours sa place en science-fiction. Cette version révisée et traduite par Pierre-Paul Durastanti, s’ouvre par un avant-propos de sa plume.

Au programme de ce recueil, huit nouvelles et une postface très intéressante, qui est une vraie bibliographie de Simak. Huit nouvelles, dont quatre inédites, qui me semblent tout de même moins marquantes. Mais ne boudons pas notre plaisir.

Le frère – Un journaliste enquête sur le frère d’un vieil homme. Le problème, c’est que personne n’a vu ce frère, et qu’il n’est enregistré nulle part. Nouvelle qui rappelle le premier recueil de nouvelles édité par le Bélial. Ce n’est pas la meilleure, mais elle donne le ton.

La planète des reflets – Nouvelle dans laquelle on suit une équipe d’explorateurs qui lors de la construction des premiers baraquements sur un nouveau monde, sont suivis par des extraterrestres qu’ils surnomment « reflets ». Les reflets sont des touche-à-tout, sourds et muets, qui viennent gentiment semer la pagaille. La colonie d’humains s’en accommode parfaitement. Jusqu’au jour où un des reflets meurt. En découvrant comment se débarrasser des reflets, les terriens décident de construire une machine qui ne sert à rien, si ce n’est à attirer l’attention des reflets. Ils apprennent que ceux-ci sont en fait dirigés par des extraterrestres qui craignent l’installation d’une colonie plus importante de terriens. La rencontre avec les extraterrestres est plutôt cocasse et annonce un futur où les deux races vont pouvoir vivre en paix.

Mondes sans fin – Dès le départ, la lecture de cette nouvelle m’a fait penser à Philip K. Dick. C’est à mon avis, la meilleure de ce recueil. L’histoire commence à la guilde du rêve, une entreprise qui permet au commun des mortels de vivre des rêves qu’il a lui-même choisis. Le personnage principal de cette histoire travaille dans cette entreprise. Dès le départ, son supérieur meurt, et il se voit promu à son poste. Le problème, c’est qu’il découvre que les clients vivent des rêves qu’ils n’ont pas demandé, et qu’ils servent en fait de cobaye pour explorer des univers inconnus. Depuis des siècles, des statistiques sont faites sur l’exploration de ses rêves. Une nouvelle qui tient à la fois du thriller et de la science-fiction. Sans aucun doute la pierre angulaire de ce recueil de nouvelles.

Tête de pont – Un vaisseau d’exploration atterrit sur un monde où les autochtones ressemblent à des humanoïdes minces comme des allumettes. Le premier contact avec ces humanoïdes est assez frappant, surtout lorsque ces derniers indiquent aux humains qu’ils n’auraient pas dû venir, qu’ils ne repartiront jamais, et qu’ils mourront sur ce monde ! Simak nous conte une histoire où la technologie se déglingue et où les humains sont faces à une inconnue que leur technologie ne leur a pas permis de découvrir. Pas mal, mais prévisible.

L’ogre – Nouvelle qui nous emmène sur un monde où les arbres font de la musique. Ils composent des symphonies. Les humains voudraient en rapatrier sur Terre. Encore une nouvelle qui traite des rapports entre humains et extraterrestre. Dans le cas présent, Simak n’a pas hésité à nous proposer des extraterrestres farfelus.

À l’écoute – Les humains entrent en contact télépathique avec des extraterrestres beaucoup plus avancés qu’eux. Comment obtenir des informations sur le moyen de dépasser la vitesse de la lumière, surtout que les extraterrestres voient les humains pour des sous-développés ?

Nouveau départ – L’histoire commence comme une randonnée qui tourne mal. En effet, le personnage principal se foule une cheville et est obligé de rentrer à la maison en rampant. Mais lorsqu’il entre, il découvre que sa vie va entièrement changer grâce à des extraterrestres bienveillants. Il faudrait me donner l’adresse de ces derniers, car à côté d’eux, le père Noël est un enfant de choeur.

Dernier acte – Cette nouvelle plutôt mélancolique nous montre l’humanité qui a reçu un don de prescience. Les humains savent ce qui va se passer dans les 24 heures à venir, ce qui rend d’autant plus monotone leur existence. La nouvelle la plus courte et la moins intéressante.

L’université galactique au coin du bois – Postface de Philippe Boulier, véritable biographie de Simak, qui mérite toute l’attention du lecteur. Très beau travail accompli.

Je ne sais pas si un troisième recueil viendra compléter les deux existants. En tous cas, ce deuxième tome tient toutes ses promesses. Il traite davantage des rapports entre humains et extraterrestres. Avec une particularité chez Simak, c’est ce côté pragmatique qu’ont les humains face aux rencontres avec des extraterrestres. Voilà encore un recueil de nouvelles qui trouve sa place dans une bibliothèque de science-fiction. Les nouvelles n’ont pas subi les affres du temps, et le lecteur actuel n’y verra que du feu. À conseiller, dans tous les cas.

Frères lointains, Clifford D. Simak, Le Bélial 2011, 340 pages, couverture de Philippe Gady

Jackpots – Robert Heinlein

Chose rare, voici un recueil de nouvelles de Robert Heinlein, édité par ActuSF. L’éditeur continue à nous sortir des perles rares, qui nous ont parfois échappés. Trois nouvelles de science-fiction précédemment éditées, et une inédite. Elles ont été écrites entre 1941 et 1953.

Éric Picholle nous gratifie d’une excellente préface dans laquelle il nous décrit le contexte de l’époque dans lequel Robert Heinlein a écrit ses nouvelles. On constate que par certains côtés, Heinlein était un visionnaire. Son utilisation des armes atomiques avant que celles-ci n’existent fait froid dans le dos. Tout comme l’utilisation « d’arme sale ».

Sous le poids des responsabilités – Alors que Joe Appleby pensait avoir une permission, il est rappelé d’urgence pour servir de pilote au commandant Kleuger. À deux, ils ont la mission de se rendre d’urgence sur une base spatiale à proximité de Pluton. Mais pour apporter l’aide médicale nécessaire avant qu’il ne soit trop tard, ils doivent naviguer à 3.5 G. Accélération que le corps humain ne peut pas supporter très longtemps. Enfermés dans leur vaisseau torche, ils vont se relayer jusqu’à la destination. On suit donc les deux hommes dans ce huis clos, dans lequel leurs propres vies sont en danger. Lorsqu’ils arrivent à destination, ce n’est pas sans conséquence sur leurs propres organismes. Une nouvelle dans laquelle on découvre un antihéros.

Solution non satisfaisante – C’est décidément la nouvelle la plus marquante de ce recueil. Écrite en 1941, elle décrit une guerre dans laquelle les armes nucléaires sales seraient utilisées pour rétablir la paix. Heinlein fait preuve ici d’une grande clairvoyance, quatre ans avant que les Américains ne bombardent Hiroshima et Nagasaki en 1945.

Membre du congrès, l’ancien colonel Manning va échafauder des plans pour rétablir la paix. Mais son obsession le pousse à aller plus loin, à renverser le président des États-Unis et à déclarer la guerre au reste du monde pour unifier celui-ci. Ce qui semblait une démocratie devient soudain une dictature. Étrange, mais excellente nouvelle.

La création a pris huit jours – C’est la nouvelle la plus faible de ce recueil. Pour étudier des « piliers » et découvrir l’origine des « boules de feu », l’équipage d’un navire va envoyer un bathyscaphe dans les profondeurs. Malheureusement, celui-ci sera coupé du navire, et les deux hommes qui y sont enfermés sont étrangement maintenus en vie. Commence alors une étrange discussion sur la présence d’extraterrestres. On n’est pas tout à fait dans la science-fiction. On est plus proche du fantastique.

Une année faste – Le titre aurait dû être l’année du jackpot. L’histoire commence avec le striptease d’une femme sur la voie publique. Avant qu’elle ne soit arrêtée par la police, un mathématicien et statisticien, Potiphar Breen, la sauve et l’emmène chez lui. Il lui explique que ce qu’elle vient de faire n’est pas un acte isolé. Plus de 300 femmes ont eu le même geste dans un court laps de temps. Les statistiques démontrent qu’il s’agit d’un phénomène anormal. Les événements qui suivent (tremblements de terre, guerres, explosions) démontrent que c’est l’année du jackpot pour la Terre. Les événements s’aggravent jusqu’à la fin de l’histoire, qui annonce la fin de l’humanité. Nouvelle originale, qui donne à ce Potiphar Breen un petit ait de Hari Seldon rencontré dans Fondation.

Les histoires sont plutôt pessimistes. On ne peut pas vraiment dire qu’il y a des héros dans celles-ci. En fait, les situations dans lesquelles sont plongés les personnages principaux les dépassent complètement.

Voici donc un recueil de nouvelles qui vient en contrepoint des romans de Robert Heinlein. Il reste un auteur incontournable en science-fiction, et ce recueil de nouvelles nous le prouve encore une fois. Bonne idée d’ActuSF d’éditer ces nouvelles, qui trouvent encore leur place aujourd’hui.

Jackpots, Robert A. Heinlein, ActuSF, 2011, 238 pages, illustration de Scott Blair

Marionnettes humaines – Robert Heinlein

Bien que précédemment sorti chez Folio, « Marionnettes humaines » est à nouveau proposé, mais dans sa version longue. Avec 30 pages de plus, et une révision assurée par Pierre-Paul Durastanti, ce roman de Robert Heinlein se lit toujours aussi agréablement. À part quelques détails, par exemple le fait de mentionner le rideau de fer et l’URSS, ce livre est très actuel. En tout cas, la révision du texte fait qu’il correspond mieux à un lecteur de notre époque.

L’histoire est classique. En 2007, une invasion extraterrestre a lieu. Des soucoupes volantes se sont posées sur Terre. Les extraterrestres se présentent sous la forme de larves, de limaces qui viennent se fixer dans le bas de la nuque des humains. Elles prennent le contrôle de l’esprit et du corps de leurs hôtes. Il est difficile de deviner leur présence. Une légère bosse apparait sur le dos de leurs hôtes. Mais le plus souvent, elles n’apparaissent pas, et le seul moyen de les découvrir est de dénuder le dos de leurs hôtes. Lentement, mais surement, l’information est contrôlée de telle manière que la population encore normale ne se rende pas compte de l’invasion.

Sam Cavanaugh, agent spécial, accompagné de sa collègue Mary, et de son chef (qu’il surnomme « vieux », mais qui est en fait son père), doit enquêter sur la présence d’une soucoupe volante dans l’Iowa. À trois, ils évitent de se faire prendre par les nouveaux possédés, puis font un compte-rendu au président des États-Unis, qui reste incrédule. Sam qui repart en mission se fait kidnapper par les extraterrestres et devient un de leurs porteurs. Lorsqu’il est retrouvé et libéré de sa « limace », ce ne sera que temporairement. Car le seul moyen de faire parler un extraterrestre, c’est de lui poser des questions lorsqu’il a un hôte. Et Sam, d’une certaine manière, piégé par sa collègue Mary, accepte à nouveau la présence d’un extraterrestre qui le contrôle. L’enregistrement de l’interrogatoire qu’il subit servira enfin à convaincre les instances gouvernementales de l’imminence du danger.

Sam est amoureux de Mary, et le vieux leur confie une autre mission. On assiste à un chassé-croisé entre les deux agents, chapeauté par le père de Sam. Alors que l’invasion ne fait plus aucun doute, Sam et Mary se réfugient dans un chalet. Mais c’est sans compter les extraterrestres, qui vont à nouveau bouleverser leurs existences.

Rien d’inconnu pour le lecteur. Les rebondissements sont prévisibles. On peut regretter un manque de profondeur des personnages, des descriptions trop succinctes, ou des scènes trop courtes. Mais doit-on s’en plaindre ? Pas vraiment parce qu’un Heinlein moyen reste au-dessus de la production moyenne.

Ce livre est loin d’un « Révolte sur la Lune » ou de « En terre étrangère« . Il s’apparente davantage à un vieux pulp, à une série B qui garde un certain charme pour les amateurs du genre. L’histoire est classique, mais elle fait passer un bon moment aux lecteurs.

Lentement mais surement, Folio réédite tous les livres de Robert Heinlein, pour notre plus grand bonheur. Étant un inconditionnel de Robert Heinlein, je ne peux qu’apprécier ces rééditions chez Folio, et j’en redemande !

Marionnettes humaines, Robert Heinlein, Folio, 2011, 403 pages, illustration d’Anthony Wolff

La Terre mourante T.2 – Jack Vance

Voici la deuxième partie de « Terre mourante » de Jack Vance, dans lequel on retrouve Cugel et Rhialto le merveilleux. Pygmalion n’a pas laissé passer beaucoup de temps entre les deux tomes. Ce deuxième tome est beaucoup plus épais, et on a toujours droit à une couverture dessinée par Marc Simonetti.

C’est toujours un plaisir de retrouver Cugel à l’autre bout du monde, qui tente de revenir ver l’Almerie. En dehors d’être un aventurier, Cugel est d’une mauvaise foi déconcertante. Il vole, il ment comme un arracheur de dents, il usurpe des identités, il n’a aucun scrupule. Mais ce n’est pas un mauvais bougre. L’homme est doué pour se fondre dans le paysage. Même quand il ne connait pas un domaine, il est toujours prêt à apprendre rapidement, à condition que cela serve ses intérêts personnels.

Le plus amusant, c’est que quand Cugel agit convenablement, il se fait doubler par quelqu’un de plus roublard que lui. Ce qui fait qu’on assiste à des situations cocasses et abracadabrantes. On a beau dire qu’on ne ferait pas le quart du dixième de ce que Cugel ose faire, mais on ne peut pas s’empêcher d’être de son côté en tant que lecteurs. Durant son voyage de retour, les rebondissements ne manquent pas non plus.

On suit donc Cugel, qui doit nécessairement trouver de l’argent et accepter des petits métiers qui lui permettront de vivre et de parfois payer son passage. S’il commence comme intendant d’un vendeur d’écailles, il se retrouvera rapidement comme homme à tout faire, qui n’a qu’un but : voler des écailles (surtout l’éclaboussure de Lumière) et s’en aller. On retrouve Cugel un peu plus loin dans un poste de vermier (qui soigne et guide des vers marins qui font avancer les navires). Même s’il ne se glisse pas parfaitement dans le rôle qu’on lui attribue, Cugel s’échine à faire son possible, voire même à arranger les choses en sa faveur. Sa mauvaise foi va semer la zizanie chaque fois que c’est possible. Et parfois ses propres mensonges se retournent contre lui et il est alors obligé de prendre ses jambes à cou. Pour retourner vers l’Almerie, Cugel devra parfois faire appel à la magie (qu’il a acheté ou volé). Avec des bottes enduites d’une huile magique, et une corde qui peut s’allonger sans fin, on voit Cugel voyager à bord de l’Avventura un vaisseau qu’il est arrivé à faire voler. Ce dernier est simplement tiré depuis une caravane au sol. Mais la magie de Cugel ne fonctionne que lorsqu’on ne lui vole pas ses affaires. Malheureusement pour lui, rien ne se passe comme il le faudrait, en commençant par lui ravir sa cabine de capitaine.

Rhialto est à l’antipode de Cugel. C’est un magicien du 21e éon, qui fait partie d’une guilde de mages. Son surnom de merveilleux lui a été donné, car il était trop fier et vaniteux. Les autres mages qui ne l’apprécient pas trop s’emparent de ses affaires pendant son absence. Envoyé par ses pairs, Rhialto va devoir voyager dans le temps pour retrouver le Perciplex Bleu, un manuscrit très important. C’est aussi l’occasion pour lui de prouver son innocence en retrouvant ce manuscrit. Un Jack Vance plus décousu, avec une fin qui nous fait découvrir que les ennemis de Rhialto sont plus proches de lui qu’il ne pouvait le penser. Sur les quatre livres qui forment ce cycle, c’est celui m’a le moins captivé.

Merci à Pygmalion d’avoir réédité et révisé les quatre histoires qui composent La Terre mourante. C’est de l’excellente fantasy. Chaque histoire fait deux fois moins de pages que les livres du genre produits actuellement en fantasy. Mais Jack Vance est un vrai conteur. Avec lui la qualité prime sur la quantité. Et l’imagination de Jack Vance fait facilement la différence. Même si cette fantasy date des années 50 jusqu’aux années 80, elle n’a rien perdu de son intérêt.

Voilà donc un excellent deuxième tome qui ira rejoindre le premier. La seule question que je me suis posée, c’est : pourquoi Pygmalion n’a pas réuni les deux Cugel en un tome ? Je pense que cela aurait été plus logique pour le lecteur (mais moins pour l’éditeur). Cette réédition se justifie pleinement. Elle ravira les nouveaux lecteurs, et rappellera aux anciens lecteurs comme moi que fantasy et humour peuvent parfaitement cohabiter. C’est de la fantasy baroque, mais c’est surtout une bonne tranche d’aventure qui n’a pas vieilli et qui se lit toujours avec grand plaisir.

Terre mourante T.2, Jack Vance, Pygmalion, 2011, 543 pages, illustration de Marc Simonetti


Dimension Jimmy Guieu – Richard D. Nolane

Comme pour beaucoup de lecteurs de science-fiction, la collection Anticipation du Fleuve Noir a eu une forte influence sur moi. Si mon premier FNA a été Opération Astrée de Scheer & Darlton, j’ai rapidement enchainé avec des auteurs comme Richard Bessière, Jimmy Guieu, Gérard Marcy, Pierre Barbet, Peter Randa ou Maurice Limat. Mais à y regarder de plus près, en dehors du cycle Perry Rhodan, l’auteur que j’ai le plus lu dans cette collection c’est Jimmy Guieu à travers ces cycles Gilles Novak et Blade & Baker. Je dirai que les livres qui m’ont mis le pied à l’étrier sont Le retour des dieux et Joklun-N’Ghar la maudite. Puis j’ai enchainé avec certains titres sortis dans la collection fusée.

A l’époque (fin 60, début 70) en tant qu’adolescent, je n’avais pas beaucoup d’argent de poche. Et tout mon argent allait dans l’achat de livres de science-fiction. Je faisais les bouquineries et je filais directement au rayon FNA dont les couvertures étaient dessinées par Gaston de Sainte-Croix. Je peux dire que cet illustrateur m’a fait rêver autant que les auteurs que je lisais dans cette collection.

C’est donc avec un certain plaisir que j’ai commencé la lecture de ce recueil de nouvelles dirigé par Richard D. Nolane en hommage à Jimmy Guieu. Les nouvelles sont inégales, mais l’engouement de chaque auteur est le même : rendre hommage à l’auteur . C’est réussi et ça se sent, ça se lit à travers chaque introduction, à travers les nouvelles pour lesquels plusieurs se sont amusés à faire de Jimmy Guieu un personnage de leur histoire.

Un Sphinx pour MarcahuasiMichel Archimbault. Une nouvelle beaucoup trop longue,mélangeant réalité et fiction à travers deux auteurs : Erich Van Daniken, Walter Ernsting (Clark Darlton) et un personnage de Jimmy Guieu : Daniel Keller. L’auteur s’est fait plaisir mais a oublié de faire plaisir aux lecteurs  (*). Son texte oscille entre biographie, échange de correspondance et fiction. Un conseil de lecteur : commencer la nouvelle à la page 62 (Lundi 12 juillet 1976). A partir de cet endroit, c’est l’aventure dans les Andes et la rencontre des  extraterrestres.
(*) Authentique !

Cité Noé  51Didier Reboussin nous amène deux siècles dans le futur, et nous propose une rencontre entre Teddy Price et l’androïde de Jimmy Guieu. Nouvelle empreinte d’une certaine sensibilité.

Le miroir de fuméeFrank Schildiner. Petit face à face entre Polariens et Denebiens pour un miroir caché dans la chambre forte de Rockefeller au Walldorf-Astoria. Voilà Jean Kariven dans un mini-thriller.

Seconde chanceChristian Perrot. Jimmy Guieu cloné dans un lointain futur. Il doit aider un peuple à combattre les petits gris. Amusant. Avec une fin sympa où on a vraiment envie d’exhausser son vœu de cloner son épouse.

Planète inhospitalièreChristian Perrot. Le Maraudeur II est détourné de son parcours pour résoudre un meurtre. L’histoire parle d’un peuple qui s’est tourné vers la spiritualité et qui a abandonné son enveloppe corporelle. Mais l’instinct animal vient perturber tout cela. Intéressant.

MARS…la véritéSerge Parmentier. Une aventure de Gilles Novak et de sa compagne Régine. Au départ il doit aller en Angleterre pour enquêter sur les crops circles, mais l’apparition d’un vaisseau spatial va lui faire vivre une aventure sur un autre monde. S’agit-il de réalité ? Ou bien d’images qu’on lui a projetées dans sa tête ? En tout cas c’est un avertissement à notre humanité pour ne pas répéter les erreurs des autres.

Le soleil andalouMichel Stephan. Jimmy Guieu vu par l’auteur. Je pense que chacun de nous aurait une vision similaire du personnage.

La fin du glaiveJean-Marc Lofficier. A qui doit-on penser comme futur collègue pour un magasine? A Gilles Novak évidemment !

Rock ‘n’ roll et soucoupes volantesRichard D. Nolane. Clin d’œil au Fleuve Noir, où on découvre qu’on ne veut plus de Jimmy Guieu comme auteur et qu’on le remplace par… Gilles Novak !

La ballade de YulnThomas Geha. La compagne de Jean Kariven se retrouve dans un supermarché. Ce qui devait être une simple balade se transforme en horreur. Mais n’était-ce pas un simple cauchemar ? Un peu rapide la conclusion.

Habanita est dans de beaux drapsRoch-Alexandre Kursner. Une enquête policière entre Maigret, Colombo et Poirot. J’avoue que je n’ai pas accroché car je ne connaissais pas le personnage. Et puis la science-fiction est aux abonnés absents.

La chanson de JimmyRoland C. Wagner. L’auteur nous explique comment il a rencontré Jimmy Guieu et comment il l’a perçu tout au long de ces années. Un témoignage comme je les aime. Merci Roland !

L’aube de l’ufologieJimmy Guieu. Cette anthologie ne pouvait pas se terminer sans un texte de Jimmy Guieu. Dans le cas présent il s’agit d’un article sur son thème de prédilection, l’ufologie.

Avec le recul du temps, je constate que Jimmy Guieu a laissé une marque indélébile sur chacun de ses lecteurs. C’est avec nostalgie qu’on parle de ses livres. Il avait l’art d’écrire des histoires qui nous captivaient, grâce à un style vif et direct, parfois simpliste. Même si je n’abondais pas dans le même sens concernant les E.B.E j’aimais bien lire les aventures de Gilles Novak qui rencontraient très fréquemment des extraterrestres. Ce n’était pas la même chose. Il y avait la science-fiction d’un côté, et l’ufologie de l’autre. Pour moi il restera un excellent auteur de science-fiction, qui a bercé mon adolescence. Si un jour ces principaux cycles sont réédités sous forme d’Omnibus (4 ou 5 histoires par tome), je serai un des premiers à le relire.

Dimension Jimmy Guieu était attendu depuis longtemps. C’est une excellente initiative de Rivière Blanche, dirigée par Richard D. Nolane. Le genre de sortie littéraire qui je l’espère n’en restera pas là, car Jimmy Guieu mérite plus qu’un  livre.

Si vous avez envie de retrouver Gilles Novak, Jean Kariven ou Blade et Baker dans leur Maraudeur, alors n’hésitez pas, cette anthologie dirigée par Richard D. Nolane vous donnera peut-être envie de relire les cycles de Jimmy Guieu. Pour les curieux ou les nouveaux lecteurs, je dirai simplement que ce livre montre l’engouement qui existe encore pour l’auteur, qui nous a quitté en 2000. Il a vraiment beaucoup marqué la science-fiction francophone.

A noter que cette anthologie contient également une douzaine de reproductions  en noir et blanc de livres de Jimmy Guieu traduits dans d’autres langues.

Dimension Jimmy Guieu, Anthologie dirigée par Richard D. Nolane, Rivière Blanche, 2010, 308 pages, illustration de Patrick Dumas

La Terre mourante T.1 – Jack Vance

Pygmalion réédite en deux volumes le cycle « Terre mourante » de Jack Vance. Cycle qui comprend quatre livres : Un monde magique, Cugel l’astucieux, Cugel Saga, Rhialto le magnifique. Je ne me souviens pas avoir lu chaque livre du cycle, c’est pourquoi je profite de cette réédition pour compléter mes lacunes concernant un auteur que j’adore et que je considère comme un des plus grands. Si je fais abstraction de quelques coquille que l’éditeur a laissé passer, ce livre à tout pour plaire.

Jack Vance m’avait habitué à ces mondes baroques où la magie à tout son sens, où l’aventure et le danger sont le quotidien de ses héros. Avec Cugel l’astucieux j’avais découvert une fantasy plutôt cocasse, dans laquelle le personnage principal, roublard à souhait, se fait pièger par ses propres tours pendables. Avec le cycle de Tschaï, Jack Vance m’avait fait découvrir la traversée d’un monde sur lequel la symbolique avait toute son importance. Et avec Lyonesse, Jack Vance m’avait captivé en mélangeant fantasy et uchronie à travers un drame de toute splendeur. L’auteur reste une référence incontournable aussi bien en science-fiction qu’en fantasy. Sa fantasy est d’ailleurs beaucoup plus simple à lire que bon nombre de livres produits aujourd’hui.

Avec « Un monde magique », on découvre cinq longues nouvelles, nous présentant des personnages qui se croisent et qui ont tous un objectif. Soit il s’agit de retrouver un objet ou une connaissance, soit il s’agit de s’emparer du pouvoir ou de sortilège, soit il s’agit de se libérer de vieux démons qui dorment. A travers les personnages de Turjan, Mazirian, Khandive le Doré, de Liane le voyageur, de Guyal de Sfere, on visite la Terre mourante. Sans oublié T’saï s et T’saïn, deux belles femmes issues des cuves des mages. La civilisation s’est effondrée et à donner naissance à un monde régit par la magie et la sorcellerie. Les histoires commence en Ascolais, une contrée qu’il est impossible au lecteur de situé. Mais c’est quelque part sur Terre. Point d’humour dans ce premier livre du cycle, mais plutôt une réflexion sur le monde. Il y a parfois des situations cocasses comme le sacrilège que fait Guyal de Sfere chez les Saponides. Il évite de peu de faire les actes suivants : couper ses orteils et les coudre à son cou, injurier ses ancêtres pendant trois heure, marcher une demi lieue sous le lac avec des chaussures de plomb à la recherche du livre de Kells. Voilà une fantasy qui date du milieu du siècle dernier et qui se lit encore très bien aujourd’hui.

Cugel l’astucieux est le deuxième livre compris dans cette intégrale. La version que nous propose Pygmalion est complète. La nouvelle Cil qui manquait dans la version poche est effectivement présente.

Avec Cugel on assiste à des aventures rocambolesques. Cugel a tenté de voler le mage rieur Iucounu. Malheureusement cela se retourne contre lui, et voilà Cugel envoyé dans le Nord pour trouver une lentille de verre violette qui donne une autre vision du monde. A travers celle-ci toutes les choses et personnes deviennent belles. Débrouillard et roublard à souhait, Cugel veut souvent se venger. Mais les moyens qu’il utilise se retournent souvent contre lui. C’est de l’humour noir qui ne laisse pas les lecteurs indifférents. En fait c’est excellent.

Il est certain que je lirai avec le même plaisir le tome 2 de cette intégrale. C’était pour moi la première occasion de lire un Pygmalion. L’éditeur est connu pour morceler les livres, et jusqu’à présent j’avais toujours attendu que ceux-ci soient réédités en poche. Ici j’ai fait exception à la règle parce qu’il s’agissait d’un de mes auteurs préférés. Mais si j’ai une remarque à faire concernant cette intégrale, c’est que Pygmalion aurait dû sortir un omnibus intégrant les quatre livre de Jack Vance. Il était possible de proposer aux lecteurs un livre unique, et pas deux tomes comme c’est présentement le cas.

En dehors de cette remarque, je signale que c’est avec Jack Vance que j’ai découvert la fantasy (mais aussi avec Zelazny et Le Guin). Et qu’à ce titre cela reste un de mes auteurs préférés, capable de me dépayser, de me transporter dans un univers baroque et cruel. C’est un réel plaisir de lire lorsqu’il nous décrit ces mondes flamboyants et ces personnages non dénués d’humour qui sont prêts à tout pour arriver à leurs fins. Lire du Jack Vance c’est à coup sûr quitter notre bonne vieille Terre pour une époque ou un monde où la magie et le danger sont font le quotidien de ses personnages.

Sans aucun doute à conseiller les yeux fermés pour ceux qui ne connaissent pas encore l’œuvre de Jack Vance. Et à conseiller à ceux qui comme moi sont des nostalgiques de ses mondes baroques.

La Terre mourante (intégrale tome 1), Jack Vance, Pygmalion, 2010, 406 pages, illustration de Marc Simonetti


L’âge des étoiles – Robert Heinlein

Robert Heinlein nous propose une histoire basée sur le paradoxe des jumeaux (ou paradoxe de Langevin). Écrit en 1956, ce livre s’adressait d’abord aux adolescents. Au travers de celui-ci Robert Heinlein nous explique le paradoxe sans nous montrer la moindre formule mathématique liée à la relativité.

L’âge des étoiles nous raconte l’histoire de Patrick et Thomas Barlett, deux frères jumeaux issus d’une famille nombreuse. Ils sont un jour contactés par l’Institut de Recherches Prospectives qui cherche des télépathes. Les deux garçons sont engagés et doivent prouver scientifiquement que la télépathie peut résoudre les problèmes de communications liés aux grandes distances. Bien sûr ils ne sont pas les seuls jumeaux engagés sur ce projet.

Un des deux jumeaux restera sur Terre tandis que le second sera à bord de l’Elsie un vaisseau torche de colonisation qui fait route vers un autre système solaire. Pat et Tom maintiendront le contact pendant presque tout le temps du voyage. Au fur et à mesure que le temps passe, Tom vieillira plus lentement que son frère resté sur Terre. La communication qu’ils entretiennent sera de plus  en plus difficile à maintenir. La relativité d’Einstein est ici expliquée sous la forme d’une histoire de science-fiction. On reconnait bien là le côté vulgarisateur scientifique de Robert Heinlein. On peut supposer qu’à travers ses livres pour les juvéniles, il a créé beaucoup de vocations liées à la conquête spatiale.

Le livre est écrit à la première personne, et c’est Tom qui tient un journal.

Ce roman n’atteint pas la qualité d’un Révolte sur la Lune ou d’un Double étoile. Mais cela reste un livre plaisant à lire. Sorti et révisé aux éditions Terre de Brume, voici sa réédition en poche.

L’âge des étoiles, Robert Heinlein, Poche, 2010, couverture de Manchu

Les humanoïdes – Jack Williamson

Les humanoïdes de Jack Williamson est un livre de science-fiction publié en 1949. Livre qui retrace l’arrivée d’humanoïdes (robots anthropomorphes) qui vont changer le cours de l’Humanité. J’avais précédemment lu ce livre lors de sa parution chez Stock en 1971. A l’époque j’étais adolescent et le livre m’avait profondément marqué. J’avais découvert Jack Williamson avec son cycle sur la légion de l’espace, puis avec ses récifs de l’espace. Jack Williamson avait rejoint mes auteurs préférés de l’époque, c’est à dire E.E. doc Smith, Edmond Hamilton, Isaac Asimov et A.E. Van Vogt.

Au fil des années, ce livre s’est retrouvé dans ma bibliothèque idéale de livres de science-fiction. S’il faut conseiller un livre sur les robots ou les humanoïdes, c’est le livre de Jack Williamson que je proposerai aux lecteurs. Il n’est pas très épais, il se lit rapidement, et reste très agréable malgré les ravages du temps.

On connaissait les trois lois de la robotique qu’Isaac Asimov avait utilisées dans son cycle sur les robots. Jack Williamson décide de prendre le contrepied de celles-ci et nous en propose une nouvelle : « Au service des hommes pour leur obéir et les garder du mal ». Tout un programme, car cette loi peut être interprétée de différentes manières. Et c’est justement le sujet de ce livre.

L’histoire se passe dans un lointain futur. L’humanité a essaimé dans la galaxie, mais pas aussi bien qu’elle n’aurait dû. Certaines civilisations ont connu la guerre et ont régressé. Le docteur Clay Forester travaille sur le projet « riposte ». Des missiles capables de dépasser la vitesse de la lumière et d’aller frapper un monde situé à plusieurs années lumière. Ce projet est top secret et Forester garde dans une cache de son labo des missiles issus de son projet.

Un jour Forester est contacté par une petite fille qui a le pouvoir de se téléporter. Elle met le docteur Forester et son assistant Ironsmith en contact avec Mark White un philosophe qui possède des pouvoirs parapsychiques, qui se trouve être le chef d’un réseau de résistants. White prévient Forester que son monde va connaitre une invasion. Mais Forester n’y crois pas, et les choses ne vont pas plus loin entre les deux hommes.

Plus tard, des vaisseaux viennent se placer en orbite autour de la planète de Forester. Les humanoïdes font leur apparition, sorte de robots anthropomorphes qui n’ont qu’un but : aider les hommes. Ils font appel à une technologie rhodomagnétique, qui est justement la spécialité de Forester, et ils viennent de la planète Aile IV situé à plusieurs années lumières. On découvre qu’ils forment une sorte de gigantesque réseau, dirigé depuis leur planète d’origine. Lorsque les autorités planétaires signent un traité avec les humanoïdes, ils ne savent pas encore que ces derniers vont tout faire pour que les humains ne mettent plus leur vie en danger. Ils commencent par faire arrêter les travaux de recherche des humains, puis ils les cantonnent à des loisirs. Les humanoïdes, machines infatigables, font tout le travail à la place des humains. Et pour les humains qui éprouveraient des problèmes psychologiques, l’euphoride leur est administré, faisant d’eux des personnes sans volonté, parfois sans souvenirs. Dans leur bienveillance les humanoïdes manipulent les humains et les empêchent de se mettre en danger. Lorsque Forester s’en rend compte, après avoir vu sa femme Ruth retourner en enfance grâce à l’euphoride, puis avoir constaté qu’elle l’avait complètement oublié, il a décidé de retrouver White le philosophe et de rejoindre son groupe de résistant. Mais les choses ne tournent pas aussi bien que Forester l’aurait voulu. Il se retrouve traqué par les humanoïdes, puis il apprend que Ironsmith son assistant est du côté des humanoïdes et déjoue ses plans. Pourchassé, Forester rejoindra les résistants. Il découvrira qu’ils ont tous des dons parapsychiques. Avec leur aide il va essayer de modifier la programmation des humanoïdes. Mais malgré tous ses efforts, les humanoïdes auront le dernier mot.

Le livre de Jack Williamson montre un combat perdu par les humains, mais pas un avenir sombre. Forester et les autres protagonistes de ce livre vont se retrouver du même côté que les humanoïdes et vont finalement aider ceux-ci à coloniser la galaxie Andromède.

Au niveau technologique on peut rapidement faire abstraction des cartes perforées rencontrées au début du livre. Par contre au chapitre 20 (page 169 pour être exact), impossible de laisser passer que le  cerveau humain n’a que 10 millions de cellules. Il manque au bas mot quatre zéro à ce nombre. Comment a-t-on pu laisser passer une telle ânerie lors de la révision ? J’espère que lors de la prochaine édition en format de poche, on corrigera cette erreur.

En dehors de ce petit détail, le livre est excellent. Une histoire soutenue, un personnage attachant, et une intrigue relativement simple. Jack Williamson va à l’essentiel en nous montrant la cause perdue de quelques humains qui combattent la bienveillance des androïdes. Qui a raison ? Les humains sans aucun doute. Si demain cette situation devait nous arrivé sur Terre, nous aurions le même problème. Doit-on laisser les androïdes gérer nos vies ? Si les humains ne sont plus libres de prendre des décisions, de prendre des risques, leurs vies ne vaudraient plus la peine d’être vécue.

J’aimerais faire une dernière remarque sur cette édition. Pourquoi ne pas avoir inclus la nouvelle « Les bras croisés » parue précédemment dans le livre d’or de Jack Williamson et aussi dans le recueil de nouvelles « Des hommes et des machines » dirigé par Robert Silverberg, paru chez Marabout ? Même si il ne s’agit pas de la même histoire (la nouvelle se passant sur Terre), elle a été le précurseur au livre et méritait sa place dans cette dernière édition.

Les humanoïdes est un des meilleurs livres de Jack Williamson. Il a toujours sa place dans une bonne bibliothèque SF. Sa relecture à 39 ans d’intervalle m’a procuré un certain plaisir à retrouver une histoire fluide, axée sur une idée principale, qui résiste au temps. Cela reste un classique à conseiller à tout amateur du genre.

Les humanoïdes, Jack Williamson, Terre de brume, 2009, 268 pages

Le pont sur les étoiles – Jack Williamson

J’attendais cette réédition aux Moutons électriques de ce space opera de Jack Williamson. Il avait précédemment été édité en 1958 dans la revue Satellite, puis en 1975 en Masque SF. C’est d’ailleurs cette dernière version que j’ai lue à l’époque. Le roman m’avait laissé une impression positive. Ce n’était pas mon préféré de Jack Williamson, mais j’en avais gardé un bon souvenir. Et à l’époque j’étais un inconditionnel de Jack Williamson, tout comme de E.E. doc Smith.

Je ne dirai pas qu’il s’agit d’un grand classique. Jack Williamson a produit des  livres beaucoup plus intéressants que celui-ci (La légion de l’espace, les  humanoïdes, Plus noir que vous ne pensez). Comme beaucoup de livres de Jack Williamson, il résiste mal au passage du temps. Même en essayant de se remettre dans le contexte de l’époque à laquelle il a été écrit (1955), il est difficile de rester captivé par cette histoire. Et en matière de grandeur et décadence d’empire stellaire, je renverrai plutôt le lecteur vers Fondation de Isaac Asimov.

Si en toile de fond il y a ce pont sur les étoiles, qui n’est rien d’autres qu’un réseau de tubes dans lesquelles les vaisseaux se déplacent plus rapidement que la vitesse de la lumière, l’idée parait peu probable technologiquement parce que depuis lors Stargate ou le film Contact sont passés par là et renvoient ce pont sur les étoiles à ses chères études. Et en matière de tube, Greg Bear nous a proposé des histoires beaucoup plus passionnantes avec Eon et Eternité.

Reste l’histoire. Horn un mercenaire a pour mission de tuer le directeur général de la compagnie qui a développé les tubes. La compagnie toute puissante a fait basculer le pouvoir vers la planète Eron, devenue centre de la galaxie car tous les tubes y mènent. Nous voilà face à une nouvelle Rome galactique qui détient le pouvoir absolu et la technologie nécessaire pour résister au temps.
Horn parvient à exécuter sa mission, mais se voit pourchassé à travers la galaxie. On assiste à une sorte de road-movie qui nous fait découvrir l’univers de Jack Williamson. Sur son chemin, Horn rencontre à plusieurs reprises le vieux Wu toujours accompagné d’un perroquet, qui d’une certaine manière influence ses actes. Actes qui vont mener Horn à libérer le peuple et mettre fin à la domination de la compagnie éronienne d’énergie, de transport et de communication.

Chose intéressante, chaque chapitre se termine par un historique qui nous en  apprend plus sur l’empire galactique. Cette réédition a été entièrement révisée. Elle est augmentée d’une préface de Gérard Klein et d’une postface de James E.  Gunn.

Si comme moi vous avez déjà lu le livre dans son édition précédente, ce livre vous rafraichira la mémoire. Cette nouvelle édition remplira bien son rôle et remplacera sans problème votre vieux Masque ou Satellite, et vous fera passer quelques heures de lecture agréables.

Pour ceux qui n’ont jamais lu ce livre, je leur demande un peu d’indulgence en essayant de s’imaginer dans le contexte de l’époque. J’ajouterai qu’il s’agit d’un roman datant de l’âge d’or de la science-fiction.

Le pont sur les étoiles, Jack Williamson, Les Moutons électriques, 2010, 246  pages, illustration de Marie Jeffard


Prisonniers des étoiles – Eric Frank Russell

La collection « Trésors de la science-fiction » éditée par Bragelonne aborde cette fois-ci l’œuvre de Eric Frank Russell. Au menu de ce « Prisonniers des étoiles« , les textes principaux de cet auteur anglais, c’est à dire quatre romans et cinq nouvelles.

Eric Frank Russell n’est pas dénué d’humour, et à plusieurs reprise je souriais devant l’inventivité (mais aussi la naïveté) de certains personnages. L’auteur a le dont de faire tourner en bourrique les ennemis de ses personnages principaux.

Guêpe

James Mowry est envoyé derrière les lignes ennemies. Il est parachuté sur un monde sur lequel il doit semer la zizanie. Pour se faire, il prend différentes identités et paye des acolytes pour y arriver. Il dispose d’un matériel d’espion, des ressources financières, et surtout il pose des autocollants sur lequel il est inscrit « Dirac Angestun Gesept ». Autocollant très difficiles à enlever, qui vont semer la pagaille. Petit à petit Mowry fait croire à l’ennemi qu’il est en train de perdre la guerre contre les humains. Il s’agit plus de guerre psychologique que de batailles spatiales. Et ça marche ! Et tout ça avec beaucoup d’humour.

Plus X

John Leeming, pilote, est un autre héros envoyé chez l’ennemi. Aux commandes d’un vaisseau très rapide, il va s’infiltrer dans l’espace ennemi. Mais son vaisseau va se crasher sur un monde occupé. Il devra le faire exploser, puis espionner l’ennemi. Pas de chance pour lui, il est capturé. Il s’échappe et se fait capturé à nouveau. C’est à ce moment que lui vient l’idée « Plux X ». Emprisonné, interrogé, il va faire tourner en bourrique ses tortionnaires. D’abord il va créer un bracelet en cuivre et faire croire qu’il permet la communication. Puis il va faire croire que les humains ont un eustache, une sorte de conscience liée à chaque humain, capable de se venger sur toute personne qui leur ferait du mal. La naïveté des ennemis est une source de joie pour le lecteur, surtout quand John Leeming introduit la notion de Chocotte. L’ennemi qui a peur des conséquences liées aux eustaches décidera de libérer Leeming et de le renvoyer sur Terre pour négocier l’échange de prisonniers. Un livre presque hilarant, qui vaut son pesant de cacahouètes.

La grande explosion

Encore un roman qui n’est pas dénué d’humour. Avec l’invention du transmetteur de Blieder, qui permet de se déplacer plus vite que la lumière, la moitié de l’humanité a essaimé vers d’autres systèmes solaires. C’était la grande explosion. Quatre cents ans s’écoulèrent avant que la Terre décide de regrouper ces mondes colonisés dans un grand empire. L’histoire est celle d’un des vaisseaux chargés de renouer les liens avec les colonies. Le problème c’est qu’au terme de quatre visites, une partie de l’équipage déserte.

Guerre aux invisibles

Le livre commence comme un roman policier. Des savants découvrent que l’humanité est manipulée par les Vitons, une race extraterrestre qui se nourrit des émotions. Ils provoquent les conflits entre humains, récoltent leurs émotions négatives, comme des cultivateurs exploiteraient leur bétail.

Cinq nouvelles complètent cet omnibus : Le chioff (Allamagoosa, prix Hugo 1955), Mutants à vendre, Triste fin, Rendez-vous sur Kangshan, Quand vient la nuit. Elles sont dans la même veine que les romans.

Je ne passerai pas sous silence l’excellente postface de Marcel Thaon, qui nous révèle les différents leitmotif de Eric Frank Russell, ainsi que la postface de Francis Valery plus axée sur « Guerre au invisibles ».

Un point fort chez Eric Frank Russell, c’est que ses personnages ne sont pas des super héros ou des guerriers, mais simplement des hommes déterminés à réussir leur mission. Pas de bellicisme dans ces romans. C’est l’intelligence pure et surtout la roublardise des héros qui fait la différence. C’est tellement simple à

lire que c’est excellent. Si il ne faut qu’un livre d’Eric Frank Russell, c’est bien cet omnibus assez complet, accompagné d’une excellente postface. Les textes datent de l’âge d’or mais se lisent encore très bien. Ils vont de 1939 à 1962. Il ne faut pas faire beaucoup d’efforts pour se remettre dans le contexte de l’époque. Les vaisseaux ressemblent à des fusées, mais c’est un détail.

Lentement mais surement les trésors de la science-fiction sont réédités pour le bonheur des lecteurs qui ne les trouvaient plus, si ce n’est en occasion. Les choix de Laurent Genefort qui dirige la collection sont toujours très judicieux. Cet Eric Frank Russell tient toutes ses promesses. Je le conseil vivement au
nostalgique de l’âge d’or.

Prisonniers des étoiles, Eric Frank Russell, Bragelonne, 683 pages, 2010, illustration de Gary Jamroz


Farhenheit 451 – Ray Bradbury et Tim Hamilton

Voici un classique de la science-fiction adapté en bande dessinée. S’agit-il vraiment de science-fiction ? Plutôt d’une vision d’un futur pas si improbable que ça où le livre n’a plus sa place et est remplacé par les médias. Roman sorti en 1953 (prix Hugo en 1954), adapté au cinéma par François Truffaut en 1966, Fahrenheit 451 nous revient scénarisé par Ray Bradbury lui-même et dessiné par Tim Hamilton.

Avant de lire la BD, je me suis demandé si ce n’était pas paradoxal de voir Ray Bradbury retravaillé son propre roman. Peut-être pensait-il que son livre serait plus accessible sous forme BD que sous forme de roman ? Peut-être n’avait-il pas envie d’être oublié ? En tout cas cette version sombre et réaliste et est très bien dessinée par Tim Hamilton.

L’histoire est celle de Guy Montag, un pompier incendiaire, qui depuis dix ans brûle les livres. Il vit dans une ville où lire est punissable par la loi. La société est très superficielle et dominée par les médias (principalement représenté par des murs-écrans). Lorsque les pompiers sont appelés, ils fouillent systématiquement les maisons et appartements des suspects jusqu’à ce qu’ils trouvent des livres. Une fois trouvés, ils les brûlent et parfois ils brulent également la maison. Un jour en rentrant chez lui, Montag rencontre Clarisse McClellan, une adolescente de 17 ans qui lui posent des questions pertinentes, qui lui font prendre conscience qu’il a toujours agi sans réfléchir, qu’il a brulé sans chercher à connaitre le contenu de ces livres. Clarisse l’a suffisamment titillé que pour vouloir jeter un coup d’œil aux livres qu’il a soustrait et caché pendant toutes ces
années. Incapable d’aller travailler, Montag se fait passer pour malade. Il en profite pour lire les livres qu’il possède. Sa femme Mildred ne le voit pas du même œil. Elle veut bruler les livres. Montag décide alors de contacter Faber, un vieux professeur qu’il n’a jamais dénoncé, chez qui il espère trouver des réponses à toutes les questions qui le hante depuis qu’il a rencontré Clarisse. Montag propose au professeur de réimprimer certains livres. Malheureusement pour Montag, sa femme Mildred endoctrinée par le système, veut non seulement brûler les livres, mais en plus elle le dénonce à Beatty son supérieur. Lorsque
Montag part en mission, il découvre que c’est chez lui que les pompiers se rendent. De pompier il devient soudain fugitif. Un limier robot est lancé à ses trousses. Montag n’a qu’une seule solution : plonger dans le fleuve et fuir la ville. La chance lui fait rencontrer un groupe de vieux universitaires qui mémorisent les livres avant de les bruler. La bande dessinée se termine sur le début de la guerre et la destruction de la ville.

Le roman a été écrit en plein Maccarthisme, période pendant laquelle les communistes étaient traqués aux Etats-Unis. Il fait penser au moyen-âge à la période noire de l’inquisition où l’autodafé était monnaie courante. Posséder un livre ou le lire était un crime. Bradbury a transposé cette situation dans un futur incertain.

Cette métaphore est accompagnée d’une préface de Bradbury. Dans celle-ci il pose une intéressante question au lecteur : quel livre souhaiterait-il protéger de tout pompier et pour quelle raison ? Personnellement je répondrai Dune de Frank Herbert, parce que c’est un livre-univers où les enjeux sont à la fois politiques, économiques et écologiques. Et vous lecteur ? Que répondriez-vous ?

Je n’ai jamais lu la version originale de Fahrenheit 451 et je me souviens vaguement du film. Donc c’est plutôt avec un regard neuf que j’ai lu cette bande dessinée. C’est très bien fait et très actuel. Il ne faut pas être amateur de science-fiction pour la lire. Si cette version est d’abord dédiée aux amateurs de bande dessinée, elle offre aux autres lecteurs une nouvelle vision d’un classique du genre, toujours supervisé par son véritable auteur.

A lire et même à relire pour ceux qui ont lu le roman.

Farhenheit 451, Ray Bradbury et Tim Hamilton, Casterman, 2010, 160 pages