Archives de Tag: Belge

D’encre et de sang – Renaud et Gihef

D’encre et de sang, de Gihef et Renaud est une bande dessinée en deux tomes qui se passe à Bruxelles à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette BD est éditée par Sandawe en crowdfunding. Le deuxième tome est sorti en février 2016.

Le hasard fait que j’étais en train d’écrire un court roman qui se passe en partie à la même époque à Bruxelles. J’avais fait des recherches sur l’occupation allemande à Bruxelles pendant les quelques jours qui précédaient la libération de la ville. Et Ô miracle, voilà que cette BD aborde en partie le sujet. Elle m’a aidé à visualiser les lieux et scènes de mon propre roman. Si j’ai grandi et j’habite Bruxelles, je ne sais pas toujours à quoi ressemblait la ville pendant la Seconde Guerre mondiale.

J’ai découvert le premier tome grâce au site Sandawe, et je l’ai pratiquement lu d’une traite avant de devenir edinaute pour le second tome. Ma patience est récompensée avec la sortie de la seconde et dernière partie de l’histoire.

D'encre et de sang T1

C’était impossible de chroniquer le tome 2 sans faire référence au tome 1. J’ai donc décidé de chroniquer l’histoire complète.

Katja Schneider, jeune journaliste d’investigation autrichienne, arrive à Bruxelles en septembre 1944. Elle est recommandée par Berlin pour rejoindre l’équipe rédactionnelle du journal Le Soir. À l’époque, le journal servait de propagande à l’occupant allemand.

Depuis que son fiancé est emprisonné par les nazis en Autriche, Katja a rejoint la résistance. Elle découvre que son fiancé est peut-être vivant et prisonnier dans un camp. Pour le compte de la résistance belge, elle doit aussi retrouver Léon Degrelle, collaborateur et instigateur d’un mouvement d’extrême droite. La résistance veut éliminer l’homme avant que les forces de libération n’arrivent dans le pays.

Officiellement, Katja enquête sur une série de meurtres de jeunes femmes juives. Leurs corps sont mutilés et découpés. Ses investigations la mettent en danger, soit parce que ses questions sont trop ciblées sur Léon Degrelle, soit parce qu’elle éveille des jalousies au sein des Allemands. Découvrir le coupable des meurtres met sa vie en péril

Ambiance feutrée, intrigues multiples, très beaux dessins qui montrent le Bruxelles de l’époque, cette bande dessinée à nécessité pas mal de recherches historiques. Il faut ajouter à cela une héroïne plutôt jolie, qui n’a pas peur de se mettre dans l’embarras. C’est un thriller pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les dessins de Renaud sont splendides tandis que le scénario de Gihef est travaillé et donne envie de lire cette bande dessinée jusqu’au bout. Vraiment une excellente BD.

Journal Le Soir

Très peu de BD abordent le problème de l’occupation en Belgique, et à Bruxelles en particulier. Il y a bien sûr D’encre et de sang en deux tomes, mais il y a aussi Ars Magna en trois tomes d’Alcante et Jovanovic. C’est une bonne chose, car on avait l’impression que l’occupation n’existait qu’en France, et que les pays voisins étaient épargnés par les Allemands. Il n’en est rien. Il faut savoir qu’à Bruxelles pendant la guerre, un millier de personnes a été tué par l’occupant. Il existe des témoignages de cette période triste de notre histoire.

Renaud et Gihef ont décidé d’aborder des thèmes sérieux comme l’assassinat de femmes juives, mais aussi comme la traque de Léon Degrelle. Ils reviennent sur la publication du faux soir (le soir volé) avec un dossier qui clôt le premier tome. On le voit, un long travail de recherche a été effectué pour cette bande dessinée. L’intrigue de départ cache d’autres fils conducteurs, qui mèneront Katja Schneider, la jeune journaliste, dans des méandres sombres de l’occupation à Bruxelles.

Je pense que cette BD ouvre une voie inexploitée par les scénaristes et dessinateurs de BD, et qu’elle vaut la peine d’être approfondie à travers d’autres faits historiques dans lesquels des personnages fictifs vont évoluer. J’espère que ce sera le cas. On peut remercier Sandawe d’avoir cru dans ce projet. Mais ce serait bien que les éditeurs traditionnels s’intéressent aussi au genre.

J’ai juste une remarque à faire concernant la page 17 du tome 2. À mon avis, il manque un phylactère qui fait référence à la scène d’introduction du premier tome, question d’expliquer aux lecteurs que les changements vestimentaires de Katja Schneider entre les pages 16, 17 et 18. En dehors de ce petit détail, la BD est excellente.

C’est une bonne BD, qui ne laisse pas indifférent le lecteur que je suis. J’ai un gout de trop peu, car j’aurais aimé trouver à la fin du tome 2 un second dossier sur les dernières heures de l’occupation à Bruxelles. Je sais, j’en demande un peu trop, mais c’est parce que j’ai vraiment apprécié cette bande dessinée.

D’encre et de sang, Renaud et Gihef, édition Sandawe, 48 pages (tome 1, 2014), 48 pages (tome 2, 2016)

 d'encre et de sang T2

Littérature belge d’aujourd’hui – Jacques De Decker

On ne présente plus Jacques De Decker, écrivain, journaliste, dramaturge belge, à qui on doit un grand nombre de chroniques dans les pages du soir. Depuis 1971, c’est un observateur et acteur privilégié de la culture belge, et de la littérature en particulier. Avec ce livre édité par Espace Nord, il nous propose une trentaine d’auteurs qui ont marqué la littérature entre 1971 et 2010.

Bien sûr ce livre n’est pas exhaustif et n’inclut pas toute la production belge. Mais les principaux auteurs se trouvent dans ce livre. Les chroniques de Jacques de Decker sont bien sûr subjectives, mais la qualité de celles-ci fait qu’on peut s’en servir de référence.

Les auteurs sont présentés dans l’ordre alphabétique. On y trouve Jean-Baptiste Baronian, Alain Berenboom, Jacques Crickilion, Francis Dannemark, Jacqueline Harpman, Pierre Mertens, Amélie Nothomb, Thomas Owen, Eric-Emmanuel Schmitt, Jacques Sternberg.

À travers les principaux livres, De Decker nous fait une synthèse de chaque auteur, de chaque parcours littéraire. Si la ligne générale de chaque livre y est décrite, le style l’est également. La genèse de chaque livre n’est pas oubliée. De cette manière Jacques De Decker va à l’essentiel et fait gagner du temps au lecteur qui veut découvrir la littérature belge.

Je pense que mon ami et collègue Bruno Peeters du magazine Phénix est mieux placé que moi pour chroniquer ce livre. Comme je continue à explorer la littérature belge, j’avoue que j’ai encore beaucoup à découvrir, et le choix de ce livre sert justement à combler partiellement cette lacune.

Le seul reproche que je fais, c’est que ce livre s’arrête à 2010, alors que, publié par Espace Nord, il date de fin 2015. Il manque donc cinq années pendant lesquelles de nouveaux auteurs ont fait leur apparition et ne sont pas présents dans cette édition. J’aurais aimé y trouver Barbara Abel, Véronique Biefnot, Armel Job, Patrick Delperdange, Dulle Griet pour n’en citer que quelques-uns. Je suis certain que cet oubli sera réparé dans une prochaine version.

Ce petit livre donne une idée de ce qu’est la littérature belge contemporaine. Si on ne se focalise pas sur la période couverte (1971-2010), on peut dire que Jacques De Decker a atteint son objectif en proposant un panel d’auteurs représentatif. Et au vu du prix très démocratique de ce livre (9 euros), ce serait une erreur de le laisser passer. Donc, amateur de littérature belge, je vous invite à découvrir des auteurs qui viennent d’un pays qu’on dit surréaliste et qui sont fréquemment édités dans la francophonie.

Littérature belge d’aujourd’hui (La brosse à relire), Jacques De Decker, Espace Nord, 2016, 336 pages.

La ittérature belge

Dictionnaire amoureux de la Belgique – Jean-Baptiste Baronian

J’ai hésité avant de chroniquer ce Dictionnaire amoureux de la Belgique écrit par Jean-Baptiste Baronian et édité chez Plon. D’abord parce que je ne suis pas fan des dictionnaires. Ensuite parce Baronian tout comme moi se trouve au générique de l’anthologie La Belgique imaginaire. Mais comme j’aime bien l’érudition du personnage, je devais chroniquer ce livre. Baronian a écrit un dictionnaire totalement subjectif, qui présente le pays d’une façon inhabituelle, un peu cocasse, certainement anecdotique. On lui doit plus d’une trentaine de romans, de nouvelles, d’essais et de biographies (Baudelaire, Verlaine, Rimbaud), mais aussi des essais sur Brel, Magritte ou Simenon. C’est quelqu’un de prolifique qui connait très bien la Belgique, sa culture, et le monde francophone plus particulièrement. Donc, une vraie référence.

On n’aborde pas un dictionnaire amoureux comme un autre dictionnaire. Celui-ci est formé de 250 articles qui couvrent une bonne partie de l’histoire et de la culture belge. Un tel ouvrage ne peut pas être exhaustif et encore moins objectif, et c’est le but. C’est ce qui permet au lecteur de se rendre compte que la Belgique est un pays surréaliste. Petit pays, certes, mais original à plus d’un titre.

J’ai donc lu les articles de ce dictionnaire dans le désordre le plus total, au gré du hasard ou de mes envies du moment. J’y ai trouvé un certain amusement mélangé de curiosité, et au bout du compte j’ai éprouvé un certain plaisir à parcourir les différents sujets, à piocher dans ceux-ci.

Baronian ne se contente pas de répéter ce qu’on trouve sur Wikipedia pour la Belgique. À travers ses souvenirs, ses émotions, son vécu, il apporte une vision personnelle d’un sujet qui tient du ressenti autant que de l’anecdotique. Mais il ne faut pas croire qu’il ne respecte pas la réalité. Oui, c’est vrai ce qu’il écrit, et oui c’est raconté autrement. C’est tout le charme de ce dictionnaire. En fait, c’est du Belge !

Une série de thèmes est incluse dans ce livre. Cela va évidemment de l’histoire du pays à la culture, le sport, la gastronomie, la peinture, le cinéma, la littérature, la musique, etc. Mais le plus amusant, ce sont les sujets inattendus pour le lecteur. Je pense par exemple à la guerre des vaches dont l’auteur nous retrace l’histoire il y a huit siècles. Je pense aussi à ce mystérieux mot qu’est « Pataphonie » qui consiste à faire de la musique avec n’importe quoi. Au fil des pages, on trouve quelques trésors surréalistes typiques de la Belgique.

Il me reste encore à rechercher quelques sujets dans cet ouvrage plutôt sympathique. Je sais qu’on y parle de Manneken pis, mais je n’ai pas encore trouvé à quelle rubrique.

Il y a quelques sujets que j’aimerais bien voir dans une mise à jour prochaine du dictionnaire, qui concerne davantage le théâtre. Je pense évidemment au mariage de mademoiselle Beulemans, à Bossemans et Coppenolle (et évidemment à madame chapeau). Quelques comédiens marquants comme Marie Gillain et Cécile de France pourraient aussi s’y trouver. Et puis peut-être un peu plus parler de notre Atomium qui est un symbole du pays (il y a un article sur l’Expo 58 dans le livre).

Je ne voudrais pas terminer ce tour du dictionnaire amoureux sans rappeler que Baronian est aussi un spécialiste du fantastique Belge en particulier et que ce domaine imaginaire est bien présent dans le dictionnaire. Il nous présente Jean Ray, Thomas Owen, Michel de Ghelderode, Henri Vernes, des auteurs qu’il a aussi connus dans le cadre des éditions Marabout. On lui doit d’ailleurs un panorama de la littérature fantastique de langue française.

Ce dictionnaire amoureux atteint tout à fait son objectif. Baronian est probablement le mieux placé pour commettre un tel dictionnaire amoureux de la Belgique. Le travail accompli à travers ces 760 pages est aussi amusant qu’intéressant et mérite d’être connu des lecteurs. À coup sûr un livre qu’il faut avoir chez soi si on aime la Belgique.

Dictionnaire amoureux de la Belgique, Jean-Baptiste Baronian, Plon, 760 pages, 2015

Dictionnaire amoureux de la Belgique

Kyrielle Blues – Biefnot-Dannemark

Après La route des coquelicots, roman qui racontait le périple à travers l’Europe de vieilles dames bien gentilles, on pouvait se demander ce que le tandem Biefnot-Dannemark (Véronique Biefnot et Francis Dannemark) allait nous concocter comme nouveau roman. Et à peine un an après le premier livre écrit à quatre mains, voici qu’ils nous proposent une histoire totalement différente où on retrouve le style caractéristique des deux romanciers.

Je me fais parfois la remarque que Biefnot-Dannemark, c’est un peu comme Boileau-Narcejac, mais en littérature belge. Un duo qui écrit des livres différents de leur production respective et qui touche un plus large public en écrivant à deux.

Encore une fois, je me pose la question de savoir qui a écrit quoi, sans parvenir à déceler qui est l’auteur d’une scène en particulier. Et pourtant je connais les deux auteurs. La seule certitude dans ce livre, c’est que les aquarelles qui parsèment chaque chapitre et agrément la lecture, sont dessinés par Véronique Biefnot. Le noir et le bleu sont les seules couleurs utilisées et renforcent le ton général, l’ambiance, le climat de cette histoire. La seule exception c’est le cendrier et la photo sur le piano.

kb5

Dans Au tour de l’amour, le livre de poésie que les deux auteurs avaient commis en même temps que La route de coquelicots, Véronique Biefnot avait déjà montré son talent de peintre à travers une série d’aquarelles en sépia. Et le résultat était splendide. Ici, Véronique va plus loin en proposant une cinquantaine de dessins qui ne sont pas issus de l’histoire, mais qui donnent à celle-ci un ton particulier. Si tous les livres étaient comme celui-ci (textes et dessins), il y aurait probablement plus de personnes qui se mettraient à lire.

Kyrielle Blues, c’est d’abord un événement dramatique dans l’existence de Nina Desmarais qui vit à Bordeaux. Son prénom est un hommage à Nina Simone. Un jour de septembre, elle vient de perdre son père, Teddy qui était pianiste de Jazz. Celui-ci lui a laissé un testament chez Antoine de Laval un notaire d’Hazebrouck (département du Nord à proximité de la Belgique). Alors qu’elle ne voulait plus remettre les pieds dans cette ville, elle décide de s’y rendre et parcourt les 700 kilomètres qui séparent Bordeaux d’Hazebrouck. Le cœur gros et des reproches plein la tête adressés à l’âme de son père qui l’a quitté trop tôt, elle se rend chez le notaire pour régler les formalités d’usage liées au décès.

La lecture du testament va permettre à Nina de replonger dans le passé de ce père pianiste souvent parti en tournée. À travers des flashbacks et une kyrielle d’objets qu’il lui a laissés, elle va découvrir des facettes de son père qu’elle ignorait. Et pour l’aider dans à raviver ce passé familial et musical, Antoine va non seulement lui lire le testament, mais va aussi lui remettre un DVD sur lequel le père de Nina lui fait une révélation qui va l’ébranler.

Ce qui passe pour un moment de nostalgie, de souvenirs enfuis dans les mémoires, va être le déclic à une histoire moins triste, dans laquelle d’autres protagonistes vont avoir un rôle important à jouer. Il y a Anton le fils de Nina, Kathy et ses trois enfants, Jacqueline la secrétaire d’Antoine, et puis une rencontre inattendue, un vieux souvenir qui va resurgir inopinément et va aussi bouleverser la vie des personnages. En dire plus, c’est dévoiler le cœur du roman, ce qui serait gâché l’effet de surprise voulu par les deux romanciers.

Ce qu’il faut retenir, c’est que dans ce tourbillon de rencontres et d’événements, de bons sentiments vont naître, pas nécessairement comme le lecteur le pensera. Mais le bonheur sera au bout du chemin.

kb3

L’histoire se passe entre Bordeaux et Hazebrouck, révèle des lieux dans lesquels la musique a une grande importance, et le jazz en particulier. Les deux auteurs ont eu la bonne idée de commencer le roman par une partie de la scène finale, sans trop dévoiler l’intrigue. Ce qui oblige le lecteur à terminer le livre pour comprendre cette scène. C’est vraiment original.

Le livre est parsemé de références musicales liées au jazz. On aurait presque envie de pouvoir écouter chaque morceau de musique cité dans le livre. Rien n’empêche le lecteur de voir ou d’entendre chaque chanson sur le Web. C’est en tout cas ce que j’ai décidé de faire.

Tout au long du livre, on découvre : September song, Stella by starlight, Everytime We Say Goodbye, What Is This Thing Called Love, Night and days, My funny Valentine, In a sentimental mood, How my heart sings, There will never be another you, The touch of your lips.

Par certains côtés, ce roman et cette musique me font penser au film Forget Paris de Billy Cristal, dans lequel il y a aussi un enterrement au début et une musique jazz. Film qui est pourtant une belle romance.

kb6

C’est évidemment une gageure de la part des deux auteurs de mélanger musique et belle histoire, tout comme c’est une gageure de prendre comme fil conducteur la lecture du testament du père de Nina. En tant que lecteur, on pourrait penser que commencer une histoire par un événement pénible va donner un ton triste et mélancolique au reste du livre. Il n’en est rien ! Sans trop dévoiler l’histoire, on peut dire qu’il s’agit d’une belle romance, atypique, mais une belle histoire tout de même.

Un roman qui ravira les nouveaux lecteurs autant que ceux qui ont aimé La route des coquelicots. Comme ce dernier, cette histoire apporte un moment de fraicheur, de joie, et d’amusement, avec un brin de nostalgie, tout ça sur fond de jazz. Encore une fois, c’est difficile pour le lecteur de fermer le livre à la dernière page et devoir abandonner les personnages auxquels ils s’étaient habitués au fil des pages. L’addiction est totale. Mais le lecteur quittera le livre en étant rassuré sur le sort des personnages principaux. On retrouve cette constante chez Biefnot-Dannemark, quoiqu’il arrive l’histoire se termine bien, et c’est tant mieux pour le lecteur.

Pour rester dans le ton de ce roman, j’aurais envie de chanter :

C’est un beau roman, c’est une belle histoire, c’est une romance d’aujourd’hui…

Tout comme La route des coquelicots, Kyrielle Blues est une histoire qui pourrait facilement être adaptée au cinéma ou à la télévision. À partir de situation originale, les deux romanciers ont créé des personnages attachants qui doivent surmonter les difficultés engendrées par les aléas de la vie. En tant que lecteur, on aimerait bien que ces histoires passent du livre au petit ou grand écran. J’espère qu’un jour ce sera le cas.

Encore une belle histoire de Véronique Biefnot et Francis Dannemark. Un livre qui confirme tout le bien que je pense de cette complicité qui s’est établie au fil du temps. A lire absolument.

Et voici la bande annonce du livre : Kyrielle Blues.

Kyrielle Blues, Biefnot-Dannemark, éditions Le Castor astral, 280 pages, 2016, illustrations de Véronique Biefnot

 Kyrielle Blues

Virginie Vanos – interview

La sortie de l’Exilée de Virginie Vanos était l’occasion de la rencontrer pour une interview à la fin de ce mois de janvier 2016. Comédienne, modèle, photographe et romancière, c’est une jeune femme aux multiples talents que j’avais envie de dévoiler dans cette interview qui est évidemment succincte, mais qui est révélateur de la personnalité de Virginie Vanos. C’est-à-dire de quelqu’un qui a beaucoup de culture et de sensibilité, qui les exprime à travers plusieurs moyens médiatiques. Je voudrais d’ailleurs la remercier pour le temps qu’elle m’a consacré pour cette interview.

Virginie Vanos

Comment en es-tu arrivé à l’écriture ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit. Lorsqu’il y avait des cours en primaire qui m’embêtait, j’écrivais de la poésie. Très petite, j’avais déjà une âme très romantique. Plus tard, au cours de maths, lorsque je m’ennuyais j’écrivais mes dissertations. Que ce soit un truc plus philosophique ou plus narratif, un jour je me suis fait chopper par le prof de math. Je venais de me plonger dans la littérature érotique du 18 ème siècle, et j’étais en train d’écrire une lettre érotique à la mode du siècle des Lumières. C’est une phase qui a duré peu de temps, pendant laquelle je pensais que plus tard je serais entre la reine Margot et la marquise de Merteuil.

Avec un ancien collaborateur, on s’écrivait des mails rocambolesques et on prenait le moindre détail qu’on montait en épingle, avec quasi rien on créait des histoires complètement épiques. Il m’a dit : mais pourquoi tu n’écrirais pas un livre ? Chiche ? Et comme je marche fort au défi, j’ai dit oui. Il y a deux trucs qui marchent, les guides pratiques et l’humour. C’est comme ça que j’ai écrit le guide pratique « La femme moderne ». Un an plus tard, j’ai été éditée. En 2008 j’ai décidé de me mettre aux romans et aux essais, car j’avais des choses à exprimer.

Est-ce que tu avais un plan pour le premier livre ?

Aucun.

Est-ce qu’à travers la photographie tu montres ton image, alors qu’à travers l’écriture tu dévoiles ton âme ?

Je montre mon âme dans les deux cas. Mais malheureusement en photo, vu qu’on est dans une époque très érotisante, on a tendance à voir le côté sensuel, érotique, esthétique, alors que dans des prises de vues ultras simples j’essaie de mettre autant d’âme que possible, autant de sentiments, autant de vérités. Mais très peu de personnes le ressentent.

Il y a beaucoup de photographes avec qui cela ne passe pas. Ils veulent faire de la pinup, de la mode, etc. Ils veulent parfois faire des portraits où je suis un peu trop enjouée, ce qui est pris comme des avances.

Est-ce que le regard s’arrête à la surface des choses ?

Oui. Je ne me fais pas d’illusion sur l’être humain mâle entre 20 et 40 ans.

Mais tu ne peux pas généraliser ?

Non, c’est pour ça que lorsqu’on voit ce que j’ai voulu faire passer, je suis au comble de la joie.

Tu écris des essais et des romans. Penses-tu qu’entre les deux genres ton lectorat soit différent ? Ou bien vises-tu le même public en souhaitant faire découvrir deux facettes de ta personnalité ?

C’est plutôt la seconde option. J’ai un côté révolté et anticonformiste. Les schémas préétablis, c’est ce que j’exprime le plus dans mes essais. Il y a autant d’analyse sociologique que d’état d’âme. Je suis un schéma personnel, et je me méfie des qu’en-dira-t-on ?

Mes romans, c’est une percée dans le cœur humain, que ce soit des cœurs de pierre ou des cœurs d’or. Dans les deux cas, ce sont deux faces de ma personnalité. À chaque fois, ce sont des choses que j’ai envie d’exprimer. Parfois je le fais sur le mode didactique, parfois sur le mode romanesque, ce qui est plus facile via des personnages.

Parfois, ce que je ne peux pas dire en tant que Virginie Vanos, je le faire dire par mes personnages. Par exemple le personnage d’Alexandra, c’est moi sublimée. Ce que disent les autres personnages sur Alexandra est plus important qu’Alexandra elle-même.

Est-ce que tes personnages sont inspirés de personnes que tu as rencontrées, ou certains d’entre eux existent réellement ?

Tous mes personnages existent en vrai, mais à chaque fois je noie le poisson. Par exemple, Marek est inspiré d’un père (curé) qui existe vraiment. Dans « L’exilée », les lieux et les personnages à Bali existent vraiment. Le personnage de Rosi est inspiré de Rosemarie, qui est le vrai prénom de Romy Schneider.

Tes personnages ne recherchent pas la facilité dans leur quête amoureuse.

Moi non plus !

Faut-il nécessairement passer par un parcours du combattant pour avoir droit au bonheur ?

Non, je ne pense pas. Le bonheur c’est un droit, pas un devoir. C’est une option qu’on peut prendre ou non. Je crois qu’on choisit d’être heureux comme on choisit d’être malheureux. Écrire un drame ou un roman psychologique en faisant du drame de A à Z ce n’est pas intéressant. J’écris des histoires qui sont parfois tristes, fatalistes, mais il y a toujours des moments de gaité, de légèreté, car la vie est faite comme ça. Il y a des petits moments de drames comme des petits moments de délices.

La finalité de tes romans ce n’est pas nécessairement le bonheur.

Non, c’est le chemin personnel de chacun. Tout le monde a le droit d’avoir son propre parcours.

Est-ce que l’écriture est pour toi un exutoire ? Le moyen d’aborder des thèmes qui te sont chers ?

Ce n’est jamais une thérapie. Ce n’est pas un exutoire ou un défouloir.

Est-ce que dans tes prochains romans, le personnage principal pourrait être une femme ?

Pour le prochain roman, les chapitres impairs sont à la première personne et c’est le héros qui parle, les chapitres pairs c’est l’héroïne qui parle.

Pourrais-tu faire un roman qui ne soit pas écrit à la première personne ?

Non, parce qu’il faut que je me glisse dans la peau des personnages. Pour un personnage qui doit patiner, je l’imagine en train de patiner, mais ce n’est pas pour autant que j’irais moi-même patiner.

Est-ce qu’il y a des sujets que tu n’as pas encore abordés, mais que tu as envie de développer ?

Plus je rencontre des gens, plus je me rends compte que l’être humain est vaste. Les histoires de cœur nous occupent bien plus qu’on ne l’imagine. Si on sort des deux schémas classiques (soit je suis libertin et je saute sur tout ce qui bouge, soit je suis avec quelqu’un et je suis heureux et comblé), on se rend compte qu’il y a des centaines d’histoires parallèles qui sont parfois des drames, des tragicomédies.

Toi qui écris, est modèle, fait de la photo depuis pas mal d’années, comment vois-tu ton futur ?

Le futur je ne l’envisage pas. Je rêve encore (des rêveries de jeunes filles). Le futur situé dans deux ou trois semaines est tellement abstrait que je n’y pense pas.

Peux-tu en dire plus sur ce que tu aimes en matière de culture ? Tes préférences ?

Il y a un certain nombre de femmes qui m’ont inspiré pour des raisons différentes, auxquelles je ne me suis jamais identifié. Frida Kalho, l’artiste peintre mexicaine a peint jusqu’à sa mort en vivant des souffrances pas possibles. Marlène Dietrich qui a réussi à se renouveler, à avoir différents projets. Elle se donnait les moyens de ses envies. Grâce à son perfectionnisme, elle a duré plus longtemps que n’importe qui. Marilyn Monroe qui était très fragile, mais démentiellement sexy.

Je suis capable de me faire du mal pour arriver à mes fins sur le plan artistique, comme Romy Schneider. Les voyages que j’ai faits dans le cadre de la photo me permettent de fuir et d’éviter de dépérir. En ça je ressemble un peu à Élisabeth d’Autriche (Sissi) qui passait le moins de temps possible à Vienne et préférait les voyages lointains.

Des livres ou des films cultes ?

Mon film culte c’est Docteur Jivago de David Lean. Quelque part je me reconnais dans ce film. J’ai aussi été irrémédiablement marqué par la prestation de Silvie Testud dans Sagan. C’est là que je me suis intéressé à Françoise Sagan qui a beaucoup souffert, mais était d’une grande bonté, d’une gentillesse, d’une simplicité sans égale. C’est une âme torturée, mais quelqu’un de bien. Je voudrais pouvoir continuer à avancer en ayant la générosité qu’elle avait.

J’ai beaucoup aimé « The hours » de Virginia Woolf, « Tout sur ma mère » d’Almodovar. Dans les films, c’est très éclectique. Il faut que cela me fasse vibrer, comme la prestation de Laetitia Casta dans son rôle d’Arletti pour le film « Arletti, une passion coupable ». J’ai trouvé cette histoire d’amour absolument fabuleuse. C’est l’histoire d’une femme qui tombe amoureuse du mauvais homme. Il y a évidemment « atmosphère, atmosphère », mais il y a aussi son côté éperdument romantique, qui ne va pas (comme moi) jusqu’au bout de ses désirs.

Peux-tu en dire plus sur ce qui te motive et t’interpelle lorsque tu écris des essais ?

Le conformisme, c’est quelque chose que je déteste (tous les types d’extrémisme). Les préjugés. Je n’aime pas disserter sur la vie, la mort, les croyances. C’est plutôt les phénomènes de société qui m’intéressent, les problèmes de fond.

Pour l’instant on paie les excès de l’ultra capitalisme libéral. J’ai peur qu’il n’y ait plus de place que pour les gens qui ont réussi, et que les autres resteront sur le bas-côté. Beaucoup de gens pensent que le diplôme, la voiture, l’écran plasma sont des signes de réussite, mais pour moi il y a plus de joie et de satisfaction à être libre de ses mouvements qu’à être maître du monde. Seulement les gens confondent pouvoir et bonheur. Ils s’imaginent qu’avoir du pouvoir sur les autres c’est être heureux. Si on veut être lucide, si les gens pouvaient avoir un peu de pouvoirs sur leur propre existence, être capable de manœuvrer comme s’ils étaient sur une petite goélette qu’ils mènent à bon port, ce serait déjà une grande victoire. Si les gens agissent ainsi, le monde humainement parlant avancerait plus.

On a l’impression que tu veux conscientiser les gens dans tes livres, et que ça passe par l’humour.

Si je prends un ton trop didactique en écrivant, ça ne marchera jamais. L’humour fait plus avancer que des leçons de morale ou de maintien. Parfois il y a du sarcasme. L’humour est compris par la plupart des gens, alors que le sarcasme donne l’impression que c’est de la véhémence déguisée. Parfois je peux être véhémente, mais c’est surtout contre moi-même et contre certains faits établis que je m’énerve, mais jamais contre quelqu’un en particulier.

Des projets photographiques, littéraires, culturels ?

Avec un ami photographe, j’aimerai interpréter Frida Kalho. Toutes les femmes qui m’ont inspiré, je les ai interprétées. En photo, Édith Piaf, Camille Claudel, Élisabeth d’Autriche, Marilyn Monroe, Christiane F. (du roman éponyme).

Est-ce facile d’être un auteur en Belgique ?

Non, c’est facile nulle part. Être auteur, c’est vivre sur un cactus en regardant l’horizon.

L’édition numérique, pour toi c’est quoi ?

C’est un moyen technique. Le numérique permet de nouveaux moyens de communication et une propagation des idées.

Que peut-on te souhaiter en 2016 ?

J’espère que les beaux jours reviendront bientôt, que je puisse sortir de ma tour d’Ivoire. Je voudrais que certaines personnes qui figurent dans mes livres sous un pseudo aient le courage de prendre le téléphone et m’inviter à diner. Ce n’est pas un souhait, plutôt une utopie.

Interview de Virginie Vanos faite le 29-01-2016

Le secret de Monalisa – Murielle Lona

Nouvelle petite incursion dans la littérature belge avec « Le secret de Monalisa » le roman de Murielle Lona. Au menu, un vent de fraicheur, une pincée d’aventure et de sagesse, de la poésie, et une part de mysticisme.

On pourrait s’attendre à un roman sentimental, mais il n’en est rien. On découvre Lona Sampai, l’héroïne belge de ce roman, en voyage en Inde. Sur son chemin, elle croise le professeur Dharma, un astrologue, un sage érudit qui va la conseiller. Il y a aussi Herschel, ce Sud-Africain qui veut lui donner rendez-vous à Delhi et l’emmener voir le Taj Mahal. Il y a aussi Ngayang, la belle Tibétaine qui achète des coquillages. Et puis il y a la rencontre avec Amma « la mère ». Et il y a enfin Sam le saxophoniste, qui ne lui est pas indifférent.

Le roman est parsemé de rencontres qui vont doucement influencer le comportement de Lona. Par petite touche, pierre après pierre, énigme après énigme, mystère après mystère.

J’ai eu quelques difficultés, car je n’adhérais pas aux jeux de mots et anagrammes qui sont censés former d’autres mots (VER, REV, SILVER, LONA, SAM, MONALISA, 201). En tant qu’informaticien, je ne voulais pas être confronté à une séance de numérologie. Après la lecture d’un livre sur Alan Turing, mon esprit cartésien refusait ces jeux de mots et j’ai souvent passé ceux-ci pour me concentrer sur l’histoire.

La lecture du livre a parfois nécessité de chercher une définition sur Internet. Qu’est-ce qu’un bachert ? Avant de lire ce livre, je n’en avais aucune idée. Heureusement, l’auteur nous explique que c’est l’âme sœur. Le roman est parsemé de détails historiques, philosophiques, religieux liés à l’Inde. On voit que l’auteur aime cette région du monde et la manière de penser qui la caractérise. Cela peut souvent surprendre les lecteurs. Ce n’est pas seulement découvrir une nouvelle histoire, c’est aussi explorer des voies qu’on n’avait jamais empruntées auparavant en tant que lecteur. Il suffit donc de suivre le guide qu’est Murielle Lona. Elle n’hésite d’ailleurs pas à éclaircir chaque détail, chaque concept, chaque idée du roman. De temps en temps, elle fait référence à Wikipédia, ce qui donne un air plus pédagogique à l’histoire. Je me pose des questions sur certaines anecdotes du roman. Je pense par exemple à Lekha qui devient une secrétaire de Gandhi. Est-ce vrai ou Murielle Lona a imaginé la scène ? En tout cas, cela donne envie d’y croire. Il y a aussi des moments inattendus, comme les références à Marc Levy et Guillaume Musso, ou l’interview de Marilyn Monroe. Amusant pour le lecteur que je suis.

Le style de Muriel Lona reste fluide, léger. Les scènes s’enchaînent rapidement, et les échanges épistolaires sont là pour maintenir ce rythme. Pas de lourdeur dans les textes, même lorsque l’auteur se transforme en pédagogue. Le dépaysement permanent peut inciter à parfois relire certains mots ou noms dont la prononciation ne nous est pas familière en Europe.

J’aurais aimé lire ce livre dans de meilleures conditions. Les événements personnels ont fait que la lecture a été morcelée à travers le temps, et qu’il m’a fallu revenir sur certaines parties du livre pour reprendre le cours de la lecture. C’est indépendant du livre et de son auteur. C’est moi qui ai été fréquemment interrompu dans mes lectures. Ce qui fait que la chronique apparait tardivement.

Ceci dit, j’ai aimé ce dépaysement et ce style qui est propre à Murielle Lona. D’un côté, on assiste à une quête du bachert de l’héroïne, et de l’autre l’Inde et ses mystères viennent perturber le lecteur au fil des pages. Pour davantage entrer dans son univers littéraire, Muriel Lona a ajouté plusieurs poèmes. Quand on arrive au bout du roman, on ne peut s’empêcher de penser que l’héroïne n’est autre que la romancière qui a écrit le livre. Il y a tellement de similitudes entre les deux qu’elles ne peuvent faire qu’un. À l’occasion, je poserai la question.

En tout cas, c’est un beau voyage initiatique et un bon moment de lecture. Il me tarde de rencontrer l’auteur lors d’un prochain événement culturel.

Le secret de Monalisa, Murielle Lona, édition Avant-Propos, 320 pages, 2015

Le secret de Monalisa - Murielle Lona

La route des coquelicots – Biefnot-Dannemark

Littérature belge. La route des coquelicots de Biefnot-Dannemark est le deuxième livre du tandem Véronique Biefnot et Francis Dannemark paru au Castor Astral. Le premier livre mélange prose, poésie et peinture, tandis que celui-ci est un vrai roman.

Il y a un an, j’avais lu une première version de ce roman qui s’appelait alors « La balade d’Olena », l’histoire d’une jeune Ukrainienne qui travaille dans une maison de retraite, qui veut retrouver sa petite fille Milena toujours en Ukraine, et son mari Vassili qui travaille au Portugal. Et pour arriver à cela, trois charmantes vieilles dames octogénaires vont l’aider. L’histoire est restée la même, mais a entièrement été retravaillée et est beaucoup plus fluide.

Je me suis donc amusé à relire cette histoire qui est un vrai « road book » qui se passe au début des années 90. Le mur de Berlin est tombé, et l’URSS a été remplacée par la Russie et d’autres républiques. La problématique des sans-papiers est en toile de fond de cette histoire, tout comme la vie dans une maison de retraite du nord de la France. Mais ces sujets sont vite relégués à quantité négligeable lorsqu’on découvre les trois vieilles dames que sont Lydie, Flora et Henriette. La vie heureuse qu’elles connaissent à la Moisson est perturbée par une idée folle, aider Olena (qui travaille à la Moisson) à retrouver sa fille et son mari en Europe. Et quand elles ont une idée en tête, rien ne les fera changer d’avis. Avec l’aide de Théo et Charles, deux autres pensionnaires, elles vont préparer un périple dangereux pour l’époque qui les mènera du nord de la France à la frontière entre l’Allemagne et la Pologne, puis qui les fera traverser l’Europe jusqu’au Portugal. Un périple à bord d’une vieille Opel qui risque de rendre l’âme à tout moment. Si la plupart du temps c’est Olena qui roule, à plusieurs occasions (passage de frontière), c’est bien une des trois chères dames qui doit prendre le volant. C’est cocasse, surtout lorsqu’on replace l’histoire dans le contexte de l’époque (1992) où les frontières s’effondraient, mais où les contrôles existaient encore.

L’histoire se complique lorsqu’Olena récupère sa fille Milena. Elles ne sont plus quatre, mais bien cinq à bord de cette vieille Opel. Et ce long voyage met toujours en danger Olena et sa fille qui sont sans papier, sans oublier la santé de nos fées qui ne sont pas de première jeunesse.

Au fil du temps, on s’attache à ces trois dames d’un autre âge. Elles ont chacune leurs secrets, leur personnalité, que le lecteur découvre lentement. C’est pour elles, l’occasion de faire un dernier grand voyage dans lequel elles sont censées réconcilier le petit fils de l’une et la petite fille de l’autre. Mais ce n’est qu’un prétexte. C’est réaliser le rêve d’Olena qui est la vraie motivation de ce périple. Malgré une santé précaire, elles vont se lancer dans cette aventure avec beaucoup de détermination et d’abnégation. On aimerait bien avoir des grand-mères pareilles.

Le titre du livre est entièrement justifié, car à plusieurs reprises des coquelicots sont présents dans cette histoire. C’est le fil conducteur, la marque de fabrique des deux romanciers.

Une histoire drôle, pleine de péripéties, empreinte de sensibilité, dans laquelle on ne s’ennuie jamais. Et trois octogénaires qui se chamaillent, puis qui se réunissent autour d’un projet commun. À leur manière, ces trois fées vont concrétiser les espoirs d’Olena, de sa fille Milena et de son mari Vassili. Une belle histoire avec des rebondissements, et une fin originale, qui ne laisse pas le lecteur indifférent. Un très bon moment de lecture pour un roman réussi écrit à quatre mains.

Cerise sur le gâteau, sur le site Biefnot-Dannemark, les lecteurs du roman peuvent télécharger la version audio lue par Véronique Biefnot et Francis Dannemark. Six heures d’écoute au format MP3 téléchargeable avec un code qui se trouve dans le roman. Je signale que le code est facile à trouver, mais qu’il faut lire le roman pour trouver celui-ci.

On ne sait pas qui a écrit quoi, si ce n’est dans des interviews où les deux auteurs dévoilent quelques informations sur l’écriture de ce roman. C’est très bien écrit. La première partie présente les différents personnages de l’histoire, tandis que la seconde partie se focalise sur le périple à travers l’Europe. Une belle histoire, où on quitte les personnages attachants de Véronique Biefnot et Francis Dannemark. C’est un phénomène récurrent chez eux qui s’applique aussi à leurs romans respectifs. Mais cela fait partie de leur marque de fabrique. Uu beau roman qui plaira aux lecteurs. Je n’en doute pas un seul instant.

La route des coquelicots, Biefnot-Dannemark, Castor Astral, 2015, 312 pages, illustration de Véronique Biefnot.

La route des coquelicots 3

Au tour de l’amour – Biefnot-Dannemark

Pour les quarante ans du Castor Astral, un livre atypique est publié. Il s’agit d’un recueil de textes en vers et en prose écrits par le tandem Véronique Biefnot et Francis Dannemark. Les deux romanciers, sous un pseudonyme unique (Biefnot-Dannemark), publient deux livres en même temps. Le premier, un roman sur lequel je reviendrai dans une autre chronique : « La route des coquelicots », et « Au tour de l’amour » une plongée au cœur de ce qui motive notre existence, l’amour. Sujet vaste et éternel que les deux romanciers ont voulu aborder à travers des textes, mais aussi à travers des peintures toutes réalisées par Véronique Biefnot. Les dessins s’accordent parfaitement avec les mots. Ils retournent une certaine chaleur, beaucoup de sensibilité et peuvent se regarder indépendamment du texte.

La collaboration des deux auteurs n’est pas neuve, puisque leur dernier roman respectif possédait des éléments de roman de l’autre. Cela s’était aussi traduit par une nouvelle « Wallis & Ashvin » précédemment publiée en anglais, qui est un échange épistolaire entre deux personnes dans un futur improbable. À la lecture des différents textes, le lecteur trouvera des liens avec « Les murmures de la terre » et « Là où la lumière se pose ».

J’ai l’habitude de lire les livres des deux romanciers. Concernant Francis Dannemark, c’est depuis l’histoire d’Alice. Le livre m’a suffisamment marqué pour lire ses derniers opus littéraires, mais aussi pour lire ses précédents livres. Ses textes sont emprunt d’une légèreté, d’un bon sens, d’un amusement, d’une vision positive de la vie même dans les situations les plus dramatiques.

Pour Véronique Biefnot, c’est plus facile, car la romancière et comédienne est aussi une amie. En littérature, elle se révèle être une des romancières belges les plus douées. Sa trilogie sur Naëlle souffle le chaud et le froid et surprend les lecteurs. Et puis, il ne faut pas oublier la peinture, un art qu’elle exerce à merveille et qui peut se voir à travers une exposition ou tout simplement à travers ce livre qui parle d’amour.

Et l’amour, quel sujet peut autant occuper nos pensées et diriger notre vie ? Vaste domaine que les deux auteurs ont abordé pour notre plus grand bonheur avec toute leur sensibilité et talent, à travers l’écriture et la peinture.

Le titre du livre est un jeu de mots qui dévoile un peu le chemin qu’ils veulent faire prendre à leurs lecteurs. Les voies qui mènent à l’amour sont nombreuses et une de celles-ci passe par ce livre.

À travers les différents textes qui font ressortir tous les sentiments qui nous étreignent : le doute, l’incertitude, l’espoir, l’attente, le souvenir, le désir, la mélancolie, la tendresse, l’amusement, l’affection qu’on éprouve, l’envie ou le trouble qui nous assaille nous rappellent que le chemin qui mène à l’amour est parsemé de sentiments qui prennent souvent le dessus sur notre raison. Ne dit-on pas que le cœur à ses raisons que la raison ne connait pas.

Au tour de l'amour3

Je ne pouvais pas chroniquer ce livre sans proposer deux extraits:

Et si c’était la dernière fois…
Si c’était la dernière fois que je vois
Dans les yeux d’un homme qu’il me trouve belle ?
Si c’était la dernière fois que je suis belle ?

Mais aussi :

Avant que le soleil ne disparaisse,
Avant de revenir vers les gestes,
Accorde-moi encore un instant de rêve
Sans parler, sans bouger, laisse-moi te regarder.

Un voyage qui ne nous laisse pas indifférents, dans un pays qui nous est proche et éloigné, qui révèle nos propres sentiments et émotions, et que les deux auteurs ont décidé d’explorer à leur manière. Un moment de magie, de mystère, de plaisir qu’on partage volontiers avec les deux auteurs.

Des mots et des images au tour de l’amour, que les deux auteurs nous proposent de compléter à la fin du livre, par nos propres interprétations de l’amour. Un livre à lire, et à relire, qu’il est bon d’offrir ou de partager avec l’être aimé. C’est aussi un collector pour les quarante ans du Castor Astral.

Au tour de l’amour, Biefnot-Dannemark, Le Castor Astral, 2015, 128 pages, illustrations de Véronique Biefnot

 Mise en page 1

Tango tranquille – Verena Hanf

Premier roman de Verena Hanf, qui est édité au Castor Astral. Au moment où je fais cette chronique, un second roman sort chez le même éditeur : Simon, Anna, les lunes et les soleils.

Tango tranquille, c’est la rencontre d’une femme âgée, un peu aigrie, qui vit seule, et un jeune émigré bolivien, sans papier. Pas une histoire d’amour, simplement une rencontre entre deux personnes différentes, comme on en fait dans la vie de tous les jours. On découvre deux personnages qui n’ont rien en commun, si ce n’est qu’à un moment donné l’un va travailler pour l’autre, et qu’ils vont un peu se découvrir.

C’est très bien écrit, d’une simplicité exemplaire, avec beaucoup d’expressions typiques propres à la Belgique. De ce côté là, Verena Hanf a très bien traité son sujet. Mais ce livre n’a rien de réjouissant. Il y a très peu de chaleur dans cette histoire qui se passe en automne et hiver.

Je ne suis pas un adepte des livres écrits à la première personne. Tout au plus, quelques paragraphes qui correspondent à des états d’âme ou à une description des événements passés. Ici, l’auteur a décidé de raconter l’histoire à travers les yeux des deux personnages principaux, en s’exprimant à la première personne. Je ne cache pas que cela m’a dérouté. Un personnage passe encore, mais deux !

Dans la première partie de ce roman, on découvre que « madame patate » va rencontrer « monsieur maigre ». Un jour Violette, une sexagénaire ramène des pommes de terre à la maison, mais les fait tomber en cours de route. Enrique va les ramasser et les lui rendre. À partir de ce moment-là, il va apparaitre à plusieurs reprises dans la vie de cette vieille femme dont on suit les pensées (et dont on découvre le quotidien). Petit à petit, elle s’intéresse à cet étranger qui est censé jouer les jardiniers chez une voisine. Enrique de son côté est un sans-papier, hébergé par sa cousine. Il cherche des petits boulots pour ramener quelques euros, dont une partie est expédiée en Bolivie.

Dans la seconde partie du livre, les deux personnages vont enfin établir une relation employeur-employé, et Violette va profiter d’une occasion pour faire passer Enrique pour son filleul. C’est aussi l’occasion pour elle de retrouver son ancien amour qui suit une chimiothérapie à l’hôpital, et qu’elle ramènera à la maison.

Dans la troisième partie du livre, on apprend que la petite amie d’Enrique qui est restée en Bolivie est enceinte d’un autre, et que Enrique a fuit sa cousine et est sans logement. Mais il continue de travailler pour Violette et aide en même temps Jean son ancien amour.

Le livre se termine sur une partie d’échecs entre les deux hommes, et une Violette qui fait prendre l’air à son matelas. Et là, ça pose problème, car j’ai eu l’impression de lire un livre inachevé. Quelle est la finalité de cette histoire ? Est-ce que Enrique va retrouver un logement et des papiers ? Est-ce que Jean va se rétablir ? Est-ce que Violette est heureuse? Et bien, on n’en sait rien ! Et rien que pour ça, je sors frustré de la lecture de ce roman. Je suis mitigé sur ce premier roman. D’un autre côté, je ne vais pas me contenter de ce premier livre de l’auteur. Comme c’est très bien écrit, et je n’hésiterai pas à lire le nouveau roman de Verena Hanf.

Auteur à découvrir et à suivre.

Tango tranquille, Verena Hanf, Castor Astral, 2013, 167 pages

hanf-tango-tranquille

Raconte-moi Mozart… – Thierry-Marie Delaunois

Toujours dans mon exploration de la littérature belge contemporaine, c’est le livre de Thierry-Marie Delaunois, Raconte-moi Mozart… qui est ma dernière lecture. On pourrait penser qu’avec un tel titre on a affaire à une œuvre naïve et légère. Il n’en est rien. Ce livre apporte son lot de drames et au final est une leçon sur la recherche du bonheur.

Les personnages sont originaux et suffisamment différents pour attirer l’attention du lecteur. D’un côté, on a Juliette, une petite fille de sept ans, à l’esprit espiègle, mais bien attentionné. Elle fait un peu penser au Petit Prince de Saint-Exupéry. De l’autre côté, on a Oscar Larose, septuagénaire qui ne pense qu’à lui, et qui a une attirance pour Charlot au point de se vêtir comme lui et porter le chapeau-boule et la canne. Ce personnage m’a fait penser à monsieur Scrooge tout droit sorti de Charles Dickens. Peut-être que Saint-Exupéry et Dickens sont des références de l’auteur. En tout cas, ses personnages sont suffisamment campés pour amuser les lecteurs lorsqu’ils se rencontrent dans le roman.

Mais que raconte ce livre ? C’est non seulement la rencontre entre deux personnages qui sont diamétralement à l’opposé de leur existence. Pour Juliette, la vie en est à ses débuts, alors que pour Oscar elle approche de la fin. Ces deux êtres que tout sépare vont être confrontés à une situation dramatique, amenée par la chute d’une météorite dans la région où se passe l’histoire. C’est-à-dire dans la vallée de la Durance dans les Hautes Alpes. C’est l’événement qui permet de découvrir un autre Oscar. Il n’est pas le mauvais bougre égoïste et grognon qu’il donne l’impression d’être. La vie ne lui a pas été favorable, et il a gardé une image de lui qui ne correspond pas à sa vraie nature. Et là, l’auteur du livre s’en donne à cœur joie pour montrer aux lecteurs que l’habit ne fait pas le moine, et qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Oscar ira jusqu’à sacrifier sa vie pour sauver Juliette des flammes. Autour de ces deux personnages principaux, il y a une myriade de seconds rôles qui ont tous des secrets dévoilés au fil du texte.

À chaque page, Thierry-Marie Delaunois nous invite à lire des dialogues percutants, amusants, parfois empreint d’émotions, qui ne laissent pas indifférent le lecteur. C’est écrit dans un style vif et très fluide, avec des jeux de mots. Les pages défilent sans qu’on s’en rende compte.

Pas évident de rentrer pleinement dans l’univers de Thierry-Marie Delaunois. D’abord parce que tout le monde ne partage pas ses gouts pour le classique. Et lorsqu’il fait mention de Mozart ou de Schubert, cela ne m’a pas interpellé. Sans doute qu’un autre lecteur aura la fibre plus classique pour apprécier les références musicales. J’aurais été plus à l’aise s’il avait fait référence à des compositeurs de musique de film comme John Williams, Jerry Goldsmith, John Barry ou James Horner pour n’en citer que quelques-uns.

Si je dois formuler une critique à ce roman, c’est qu’il y a trop de Juliette dans cette histoire. Cela m’a parfois forcé à relire les mêmes paragraphes pour être certain qu’il ne s’agissait pas de la même personne. La première Juliette est la petite fille qui se surnomme Colibri, la seconde est l’ancien amour de monsieur Oscar, et la troisième est l’Africaine qui tient tête à la première pour un pot de confiture (page 69 : Face à face, Colibri et Juliette se dévisagèrent).

Si l’histoire est plus triste, plus sérieuse, plus profonde qu’elle ne le parait, c’est néanmoins une parabole sur la manière de trouver la voie du bonheur. Voie qui peut paraitre compliquée et sinueuse pour certaines personnes. Au final, une belle histoire avec son lot de drames, que le début ne permet pas de deviner. C’était sans doute le but de l’auteur, et c’est réussi. A lire, et un auteur à découvrir qui en est à son cinquième roman.

 Raconte-moi Mozart… , Thierry-Marie Delaunois, Edilivre, 2013, 322 pages

Raconte-Moi-Mozart

Conan, sur les traces du barbare – Paul M. Sammon

Sept années se sont écoulées entre la version anglaise et la version française de ce livre de référence sur le plus connu des Cimmériens issu de l’œuvre de Robert Howard. Le livre de Paul M. Sammon était originalement sorti en 2007 chez les Anglo-saxons. Et il a fallu attendre 2014 pour que Huginn & Huginn se décident à le publier en français.

Beau livre, qui passe en revue les différentes manifestations de Conan le barbare. Cela va des premiers pulps dans lesquels il apparaissait, en passant par la bande dessinée, et le cinéma. Paul M. Sammon livre ici un livre de référence sur Conan.

Dès l’ouverture, on a droit à un avant-propos écrit par Michael Moorcok, ce qui en soi, indique la qualité du livre qu’on tient entre les mains.

Paul M. Sammon aborde le héros en nous parlant de sa propre découverte du personnage, et des 45 ans qu’il a passé en Cimmérie avec lui. La vie et l’œuvre de Robert Howard y sont présentées à travers des textes, des photos, et un nombre impressionnant de pulps dans lesquels il était présent. Howard était un auteur très prolifique. On comprend mieux comment le personnage de Conan est né et comment il a pu inspirer beaucoup d’autres auteurs après le décès de son créateur. Il doit son succès aux fans qui voulaient absolument que Robert Howard écrive d’autres histoires.

L’aspect graphique n’a pas été oublié. Frank Frazetta et John Buscema sont à l’honneur dans ce beau livre. Sans parler d’Arnold Schwartzenegger qui a parfaitement incarné le héros sur grand écran.

Vous l’aurez compris, ce livre est incontournable pour le fan du Cimmérien. Beau livre, richement illustré et livre de référence, qui complète parfaitement l’intégrale de Robert Howard publiée chez Bragelonne.

Conan, le sur les traces du barbare, Pal M. Sammon, 176 pages, Huginn & Huginn, 2014

Conan sur les traces du barbares

Le rêve de l’exilé – Alain le Bussy

Alain Le Bussy fait partie de ces auteurs belges qui m’ont échappés. Je l’ai rencontré une fois, lors d’un Trolls et Légendes à Mons. À l’époque, je me demandais ce qu’il pouvait bien écrire comme science-fiction. Puis, je me suis dit qu’il fallait absolument combler cette lacune. D’abord parce que c’est un compatriote, et que depuis un certain temps je fais découvrir des auteurs belges sur mon blog, tous domaines confondus. Ensuite parce que j’en ai tellement entendu parler autour de moi et surtout dans le fandom, qu’il m’était impossible de ne pas le lire.

J’ajouterai que ce premier tome de l’anthologie consacrée à Alain le Bussy est paru chez Rivière Blanche, et est dirigée par Marc Bailly. Donc, cette anthologie devenait incontournable pour moi, surtout si je ne voulais pas mourir idiot. C’est donc avec un regard neuf que j’ai abordé cet auteur très prolifique et très actif dans le domaine de l’imaginaire. Il a écrit une centaine de romans et deux fois plus de nouvelles.

En commençant la lecture de cette anthologie, je n’ai pas eu l’impression d’être confronté à des textes obsolètes. Les nouvelles qui la constituent sont toujours d’actualité, et le style de Le Bussy fait que ses textes restent intemporels.

La première de ces nouvelles donne le ton de l’anthologie. Dans Un don inné paru en 1966, qui est le premier texte d’Alain le Bussy, on aborde le space opera, et de manière plus classique, le planet opera. Ce qu’on découvre, c’est un extraterrestre naufragé sur Terre, qui doit attendre que le niveau technologique de la civilisation lui permette de réparer son vaisseau ou d’en reconstruire un , capable de le ramener chez lui. Mais après les siècles passés, l’extraterrestre doit bien s’intégrer au reste de l’humanité, et l’identité qu’il prend est révélée dans les dernières lignes de la nouvelle, et est assez amusante.

La cité des tours mélancoliques reprend le thème du voyageur solitaire qui explore d’autres mondes. Thème qu’on retrouve souvent dans les nouvelles d’Alain le Bussy. L’auteur est à l’aise avec les histoires de planet et space opera.

Le rêve de l’exilé, nouvelle qui donne son titre à cette anthologie, fait référence au dieu endormi, à l’extraterrestre qui un jour a atterri sur Terre pour ne plus repartir. On peut considérer que cette nouvelle est une variante de « Un don inné ».

Les autres nouvelles sont du même niveau, et se passent parfois à notre époque. Alain le Bussy, passant facilement de la science-fiction au fantastique.

On retrouve dans l’écriture d’Alain le Bussy, une forme toujours très épurée, très facile de ses histoires. L’auteur a le mérite d’avoir de très bonnes histoires, bien pensées, mais racontées simplement, avec l’envie pour le lecteur d’aller jusqu’au bout de celles-ci. Dans certaines des nouvelles, on dénote même une forme de poésie chez l’auteur.

Marc Bailly préface cette anthologie dont il a choisi les textes. Il précise que ce premier tome correspond à une période spécifique de l’écrivain qui va de 1966 à 1991. Deux autres anthologies devraient suivre. Dominique Warfa préface la première nouvelle de Alain le Bussy, tandis que George Bormand, Serena Gentihomme, Christian Martin et Jeremy Sauvage ajoutent un hommage en guise de postface. On le voit, l’auteur ne laisse pas indifférent. Au cours de ses cinquante années d’activités dans l’imaginaire, il a tissé un réseau impressionnant d’amis et de lecteurs.

Sur 350 pages, le lecteur trouvera déjà un excellent panel de la productivité en imaginaire d’Alain le Bussy. Ce premier tome devrait être suivi par deux autres, et réjouira les lecteurs qui ont aimé celui-ci, mais aussi ceux qui veulent découvrir en détail l’auteur. Une anthologie qui rend hommage à un excellent auteur de science-fiction d’origine belge.

Le rêve de l’exilé, Alain le Bussy, Anthologie dirigée par Marc Bailly, Rivière Blanche, 350 pages, illustration de Grillon

image

A la mort subite – Jerome Charyn et Michel Castermans

À la mort subite. Un titre qui évoque invariablement pour un Bruxellois un lieu dans lequel il peut boire une gueuze du même nom. Car la mort subite est d’abord une gueuze. La brasserie bruxelloise se trouve au croisement de la rue de la Montagne et de la rue d’Assaut, et a pris le nom de La mort subite vers 1910. Voilà pour la petite histoire.

C’est le premier livre que je lis de Jérôme Charyn. Je le découvre à travers ce roman. Et pourtant l’homme semble être une référence littéraire au Etats-Unis. On retrouve ses textes aux côtés de ceux de Francis Scott Fitzgerald ou Henry Miller. On lui doit aussi Marilyn la dernière déesse, livre dans lequel il retrace la carrière de Marilyn Monroe.

Le Castor Astral nous propose un roman à suspens (je n’ose pas dire policier) de cet auteur qui va justement utiliser comme décor cette brasserie bien connue des Bruxellois. À travers les yeux de Sidney Holden son personnage principal, on a droit à un tour de Bruxelles. Ici, point de guide touristique. On apprend qu’il y aurait un étage caché à l’hôtel Métropole, que les trams bruxellois sont des scarabées de cuivre, et qu’on peut trouver du waterzooi à la mort subite.

L’histoire est relativement simple. Sydney Holden qui vit à Paris est appelé par le vieux Raab à Bruxelles. Il est invité par celui-ci à l’hôtel Métropole. Holden occupe la même chambre que son défunt père. Il a toujours su que son père n’était pas qu’un ancien MP américain, mais qu’il était aussi un flingueur, un nettoyeur qui travaillait pour Raab. Sydney Holden est aussi un flingueur. Son arrivée à Bruxelles provoque certains remous dans le milieu de la pègre. À peine arrivé à l’hôtel Métropole, on tente déjà de l’éliminer. C’est Raab qui se débarrasse d’un de ses hommes de main en l’envoyant tuer Holden. Après cette péripétie mortelle pour l’homme de main, Raab propose à Holden de reprendre le boulot de son père, en commençant par se débarrasser d’une certaine Louiza Boogarden qui lui fait de l’ombre.

Alors qu’il cherche à rencontrer cette « môme », Holden découvre une photo d’une femme qui pourrait être sa mère et qu’il n’a jamais connue. La rencontre avec Louiza va lui faire comprendre que le pourri dans cette histoire, ce n’est pas elle, mais bien Raab qui ne supporte pas la concurrence. De plus, Raab détient la mère de Holden. Ce dernier va remettre les choses en place. Le flingueur qu’il est ne s’encombre pas de sentiments pour faire le vide autour de lui.

L’histoire est agrémentée par de nombreuses photos en noir et blanc prises par Michel Castermans. Avec celle-ci, le lecteur peut mieux visualiser les lieux dans lesquels l’histoire se passe. Car ces lieux existent vraiment.

Courts romans ou longues nouvelles, au choix. On ne s’ennuie jamais dans ce livre dont le rythme ne permet pas au lecteur de souffler. Tous les chapitres sont courts, et commencent par une photo en noir et blanc des lieux où se situe l’action. On aurait presque envie de demander à l’auteur de faire un autre roman, dans lequel Michel Castermans pourrait insérer d’autres photos de la capitale européenne.

 J’ai beau connaitre Bruxelles, la vision de Jérôme Charyn est plutôt sombre, mais pas glauque. Les photos de Michel Castermans ajoutent de la noirceur à cette histoire de truands. Le Bruxellois que je suis a aimé ce court roman. Plus pour l’histoire que pour les lieux où elle se situe. À peine commencé, ce livre a été lu entièrement. Et lorsque je l’ai refermé, j’avais le sentiment d’avoir passé un bon moment avec ce flingueur. Petit roman sympa qui se laisse lire.

À la mort subite, Jérome Charyn & Michel Castermans, Le Castor Astral, 2014, 110 pages, traduit par Marc Chénetier.

A la mort subite

Les larmes du seigneur afghan – Pascale Bourgaux

On connait Pascale Bourgaux à travers ses reportages internationaux pour le JT de la RTBF. C’est une grand reporter qu’on retrouve aux quatre coins du monde, en pleins conflits, dans des lieux où la condition féminine n’est pas ce qu’elle est dans nos pays occidentaux. Un grain de folie doit subsister chez elle pour mettre sa vie en danger. Mais comme elle le dit si bien, il faut bien régler le thermomètre de la folie et de la peur pour s’y rendre. Son expérience, son intuition, sa connaissance de l’Afghanistan et de ses habitants l’ont aidé à estimer les risques de ce reportage adapté en bande dessinée.

Pascale Bourgaux 2

Les larmes du seigneur afghan n’a rien d’une fiction. C’est un prolongement sous forme BD du vrai reportage que Pascale Bourgaux a réalisé en Afghanistan en 2010. Cette BD va plus loin que le documentaire du même nom et nous dévoile les coulisses du métier de grand reporter de guerre. Elle montre ce qui précède et suit les événements décrits dans le documentaire et révèle aussi les pensées, les craintes, les doutes que la journaliste et son caméraman ont éprouvés pendant ce reportage qui a duré un mois. On se rend compte que les images qui font notre quotidien télévisé ont été faites dans la crainte d’être emprisonné ou tué. Être un reporter occidental en Afghanistan, c’est attirer la méfiance sur soi. Les pro-talibans soupçonnent Pascale et son cameraman d’être des espions à la solde des Américains. C’est à la fois risible et navrant de découvrir des esprits aussi obtus, car la journaliste s’est rendue six fois en dix ans dans cette partie du monde.

Lors de ce reportage, qui au départ lui est déconseillé, Pascale et son cameraman Gary ont comme objectif de retourner dans le village de Mamour Hassan, dans le nord du pays. Si les retrouvailles restent chaleureuses, le climat, la tension ne sont pas au beau fixe. Les ennemis d’hier se sont lentement infiltrés dans la vie de tous les jours. Les décisions économiques et politiques sont fortement influencées par les aspects religieux. Le village de Mamour Hassan semble être un îlot de quiétude dans un monde d’incertitude et de chaos économique. Les personnes autour du seigneur afghan doutent, alors que lui reste profondément anti-taliban depuis plusieurs décennies. Pour pouvoir faire son reportage dans de bonnes conditions, Pascale doit se plier aux us et coutumes locaux. Par moment, la burqa est de rigueur, et son cameraman doit se faire passer pour un sourd et muet.

Pascale découvre qu’un des fils de Mamour Hassan est pro-taliban, et elle croit tenir le sujet principal de son reportage. Elle va donc tenter d’avoir des interviews avec celui-ci, mais aussi avec des personnes influentes ou impliquées dans la vie sociale et culturelle de la région. Sa démarche est plus risquée que par le passé, car les mentalités ont évolué. Jusqu’au moment du départ, il pèse une menace sur sa vie et celle de son cameraman. Ce n’est que de retour dans un camp de l’OTAN qu’ils se retrouvent à l’abri. Ils découvrent que des soldats allemands en mission pour l’OTAN on fait une bavure en tuant des alliés afghans. C’est un scoop que Pascale veut exploiter, mais la nouvelle n’a pas l’effet escompté sur les médias. Finalement, Pascale et Gary reviennent en Belgique pour monter le reportage. C’est l’occasion de terminer la BD en faisant un résumé de la situation économique et politique de l’Afghanistan.

Lorsqu’on referme le livre, on devine une certaine amertume chez Pascale Bourgaux. La présence occidentale, l’OTAN, les ONG, n’ont apporté qu’une paix relative dans cette partie du monde, et le départ des forces militaires est tout proche. La menace du retour des talibans est toujours présente, et le futur du pays reste incertain. L’aide financière semble s’être diluée dans les poches des hauts dignitaires, et les personnes qui avaient le plus besoin de cette aide se demandent toujours où elle est passée. Le pays semble miné par la corruption. Les bakchichs sont monnaie courante. C’est le fléau principal du pays. La sécurité des journalistes occidentaux passe par des gardes personnels.

D’une certaine manière, Pascale Bourgaux nous rappelle qu’il y a des peuples qui ont besoin d’aide pour ne pas basculer vers le choas. L’Afghanistan a le malheur d’être situé dans une région du monde relativement instable. Son relief montagneux, l’Hindou-Kouch, ne le rend pas facile d’accès. Le pays possède des ressources naturelles importantes, mais pour les exploiter, la situation économique et politique devrait être plus stable, ce qui inciterait les compagnies étrangères à s’y installer pour exploiter ses ressources. En attendant, l’Afghanistan est redevenu un des principaux producteurs d’opium dans le monde.

Pascale Bourgaux 1

Ce qui surprend en rencontrant Pascale Bourgaux lors de la présentation de la BD chez Filigranes (interviewée par Sophie Baudry), c’est la joie de vivre qui l’anime, le sourire toujours présent, le regard qui pétille, un humour omniprésent et une certaine autodérision, comme si la jeune femme se ressourçait. On est à la fois heureux et content de la voir défendre le fruit de son travail sous une forme qui était inattendue pour elle. Car la bande dessinée n’est pas un livre de souvenir de guerre ni une succession de reportages qui ont permis au fils des années d’accumuler assez de matières pour nous faire découvrir qu’à l’autre bout du monde il y a aussi des joies, des peines, des incertitudes, des drames qui parsèment la vie d’êtres humains, qui gardent l’espoir d’être un jour aidé et heureux.

Si Pascale arbore un large sourire lorsqu’on lui pose des questions, on ne peut s’empêcher de constater que dans ses réponses, dans le ton de sa voix, il y a un soupçon de nostalgie qui révèle qu’elle a envie de retourner en Afghanistan. Aujourd’hui, partagée entre la RTBF, France24 et TV5 Monde, elle continue son travail de journaliste. On peut être fier, car c’est vraiment un grand reporter !

Au-delà de découper l’histoire sous forme de page, de strip, et de vignette plus accessibles aux lecteurs, c’est aussi une autre façon de présenter les événements. Pascale doit se dévoiler beaucoup plus que dans les reportages télévisuels. Ses pensées, ses craintes, ses doutes, ses émotions ajoutent une touche personnelle à cette bande dessinée. De grand reporter, elle se retrouve soudain autobiographe et scénariste, en plus d’être le personnage principal d’une BD. Et le résultat est à la hauteur de la tâche qu’elle s’est fixée, car la BD est rythmée, bien structurée, les scènes sont fluides, et le lecteur (que je suis) a de l’empathie pour cette femme qui ose prendre des risques.

Bande dessinée et documentaire, vrai reportage dessiné. C’est une façon plus pratique de faire connaitre un sujet particulier pour lequel on veut faire prendre conscience aux lecteurs. C’est très réussi pour cette BD de 80 pages. Elle donne évidemment envie de voir le documentaire du même nom. Reste un petit défaut à cette BD, que l’éditeur pourrait facilement corriger lors d’un prochain tirage. C’est d’ajouter au bas des pages la traduction de toutes les phrases en pachtoune. En dehors de ce petit détail, voilà une nouvelle façon d’aborder le reportage qui devrait plaire. Suffisamment autobiographique pour que cela passe pour une aventure, et suffisamment détaillée pour comprendre que c’est du vécu.

 C’est donc sa passion de journaliste, l’envie de découvrir et de raconter ce qui se passe à l’autre du monde, qui fait que Pascale Bourgaux nous ramène des reportages internationaux et participe à l’élaboration d’une bande dessinée telle que Les larmes du seigneur afghan. Le livre est sorti dans la collection « Aire libre » chez Dupuis. C’est le fruit d’une collaboration entre le dessinateur Thomas Campi, le scénariste Vincent Zabus et Pascale Bourgaux.

À lire, à découvrir, à suivre, car Pascale Bourgaux n’en restera pas là, et proposera à l’avenir une BD sur ses périples iraniens.

Les larmes du seigneur afghan, Pascale Bourgaux & Thomas Campi & Vincent Zabus, 80 pages, 2014, Aire libre

Les larmes du seigneur afghan

Aux anges – Francis Dannemark

Francis Dannemark nous revient avec « Aux anges », un roman toujours édité chez Laffont. Après l’excellent « Histoire d’Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris, plus un) », on se demandait ce que Francis Dannemark allait nous concocter comme nouveau roman. Avec bonheur, on avait découvert Alice qui avait eu une vie extraordinaire et improbable.

Avec ce nouveau roman, Francis Dannemark revient à une trame plus classique, plus proche de « Au train où vont les choses à la fin d’un long hiver ». C’est-à-dire que ses personnages principaux se rencontrent, et vont se remémorer les années écoulées, voire dévoiler les différents événements qui ont émaillé leurs vies respectives pendant cette longue absence. Mais ce n’est pas aussi simple que cela. L’auteur a décidé de perturber le lecteur en faisant découvrir un personnage haut en couleurs en la personne de la comtesse Emilianna. Ce sont finalement les contretemps provoqués par les différents véhicules qui vont être le moteur de cette nouvelle histoire.

Francis Dannemark 2

Au début on découvre Pierre et Florian, deux amis d’adolescence qui se retrouvent après trente ans pour faire un long périple qui doit les mener en France. Dès le début, la voiture de Pierre est emboutie et oblige les deux amis à utiliser le vieux break de Florian. Voyage sans anicroche jusque quand ils découvrent un vieux van très coloré qui piquait du nez dans le fossé. À côté de celui-ci, une vieille dame. Pierre et Florian décident de l’aider et découvrent une comtesse italienne qui se nomme Emiliana di Castelcampo. Ils proposent de la raccompagner chez elle, tandis qu’elle les invite dans son château. Château qui est une vraie ménagerie dans laquelle les oiseaux, les chiens, les chats vivent à proximité d’un éléphant. C’est aussi l’occasion de découvrir les autres personnes qui vivent et travaillent au château. C’est d’ailleurs à ce moment précis que Naëlle et Simon, les deux personnages principaux de la trilogie de Véronique Biefnot font leur apparition dans ce roman.

Si les deux hommes sont contents de pouvoir loger au château et de reprendre leur route initiale le lendemain, il en va autrement lorsque la voiture s’enlise dans le marais, les obligeant à revenir au château.

Aux anges est un roman qui nous parle des étranges détours de la vie, de ces événements inattendus qui viennent subrepticement influencer notre existence et nous faire découvrir des personnes, des lieux ou des événements qu’on avait pas prévu au départ. Belle histoire qui met en valeur les sentiments, les rencontres et qui s’achève sur un classique Night and Day de Cole Porter.

C’est le troisième roman de Francis Dannemark que je lis, et trois autres livres m’attendent encore dans ma bibliothèque (Qu’il pleuve, Le grand jardin, La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis). En fait, c’est faux, je devrais dire que j’ai lu quatre romans… mais ça c’est une autre histoire !

J’ai décidé de lire les romans de Francis Dannemark à petite dose, c’est-à-dire de ne pas les enchainer les uns à la suite des autres. Car ses romans sont de vraies petites perles, des bonbons dont le gout acidulé reste bien longtemps après les avoir sucés et avalés. Pour mieux les apprécier, il faut les déguster comme s’il s’agissait d’un grand cru classé, et donc de les espacer dans le temps.

Francis Dannemark est un orfèvre de talent en littérature. La métaphore est en dessous de la vérité, car l’écrivain est aussi intéressant à voir et à entendre qu’à lire, et on retrouve chez lui toute cette verve, cet amusement, ce plaisir à raconter des histoires qui nous touchent beaucoup. On ne peut ignorer le poète qui se cache derrière le texte, et encore moins le romancier qui adore nous parler de femmes très originales. Et des femmes qui marquent les lecteurs, il y en a dans ses romans ! Aux anges ne fait pas exception avec Emilianna, cette vieille dame charmante et farfelue qu’on aimerait bien rencontrer un jour dans notre existence.

Dans ce dernier opus, Véronique Biefnot y a apporté une touche féminine non négligeable. Le roman fait d’ailleurs le lien avec « Là où la lumière se pose », le roman de Véronique Biefnot qui est sorti en même temps. On pourrait presque dire que les deux romans ont été écrits à quatre mains, bien qu’ils soient très différents l’un de l’autre. Mais ce cross-over est relativement rare en littérature. Il est plutôt familier des séries TV.

Pour les lecteurs qui liraient les deux romans (Là où la lumière se pose, Aux anges), je préconise de commencer par celui de Véronique Biefnot et de continuer par celui de Francis Dannemark. Cela permet de maintenir une certaine cohérence dans la ligne de temps. Bien sûr, c’est facultatif, mais il faut savoir que le premier roman commence plus tôt et que le second roman finit plus tard.

Aux anges, rassurera les habitués à lire les livres de Francis Dannemark, tandis qu’il amusera les nouveaux lecteurs. À coup sûr un livre qui provoque une addiction, et donnera envie d’attendre le prochain livre. À lire absolument.

Aux Anges, Francis Dannemark, éditions Laffont, 2014, 214 pages.

Aux anges

Là où la lumière se pose – Véronique Biefnot

Deux ans de patience auront été nécessaires pour lire la fin de cette trilogie. Deux ans pendant lesquels Véronique Biefnot a revu entièrement son manuscrit pour finalement nous proposer une histoire qui clôture en beauté cette trilogie qui tient à la fois du thriller et de la romance.

C’est toujours édité chez Héloïse d’Ormesson. Et ce qui ne gâche rien, c’est que le tome précédent Les murmures de la terre sort en même temps en version de poche. Cette fois-ci, le livre est édité dans la collection Les reines du suspense chez Héloïse d’Ormesson. Et du suspense, il y en a ! Le titre de reine du suspense n’est pas usurpé.

Vero1-1000

Avec Là où la lumière se pose, on retrouve le style caractéristique de Véronique Biefnot, qui nous propose des personnages attachants, mais qui nous laisse une part de noirceur que notre esprit doit découvrir au fil des pages. Derrière chaque phrase, on retrouve toute sa sensibilité et son attachement à ses personnages. Elle nous conte ce qui arrive à Naëlle et Simon Bersic, en distillant les informations et en nous surprenant encore une fois. Après un premier tome qui nous avait fait découvrir toute l’horreur d’un passé caché, puis un second tome qui nous révélait enfin qui était vraiment Naëlle, on a droit à une troisième partie qui nous dévoile toute l’histoire et qui va surprendre plus d’un lecteur. Car ce qu’on pensait connaitre dans les deux tomes précédents n’était qu’une partie d’un tout encore plus noir que ce qu’on pouvait imaginer. On remonte jusqu’à l’origine de Naëlle, et on découvre les personnes qui ont fait partie de sa vie.

Les lecteurs qui n’ont pas lu les deux premiers tomes n’auront aucune difficulté à lire ce troisième roman, parce que les événements passés sont résumés, et aussi parce que c’est écrit de telle manière qu’un nouveau lecteur ne sera pas perdu sans avoir lu ce qui précède. Véronique Biefnot, avec l’aide de Francis Dannemark, a remanié le roman pour le rendre indépendant, un vraie gageure. C’était déjà le cas pour Les murmures de la terre, qui pouvait se lire sans avoir connaissance de Comme des larmes sous la pluie.

Ceci dit, Véronique Biefnot frappe à nouveau un grand coup dans ce roman. Le lecteur peut s’attendre à une surprise de taille du même genre que celle qui l’a surpris dans le premier tome. Oh, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous la révéler ! Mais vous souvenez-vous de la claque que vous avez reçue en lisant le premier tome ? Oui, et bien tendez l’autre joue, car une seconde claque vous attend !

Dans ce troisième opus qui se passe principalement en Belgique, un peu en Angleterre et un peu en France, on retrouve les personnages là où on les avait laissés, c’est-à-dire de retour de Bolivie. Un an et demi s’est écoulé depuis la première rencontre entre Naëlle et Simon. Ils sont en couple.

Dès le début de l’histoire, Véronique Biefnot nous déstabilise avec un chapitre moyenâgeux qui laisserait penser que l’histoire se passe aussi à une autre époque. Mais je n’en dis pas plus sur le sujet car vous devrez découvrir par vous-même qui est Léançon de Berse. Par contre, on s’intéresse un peu plus à Lucas, le fils de Simon, qui suit des cours en Angleterre. Le personnage est mieux développé au détriment du couple d’amis de Simon et Naëlle. De son côté, Naëlle a décidé de s’appeler Nathanaëlle. C’était si facile de l’appeler Naëlle, mais si c’est sa volonté…

La petite voix qui faisait le mystère du premier tome est de retour, mais ce n’est pas la même personne. On retrouve ici, cette structure polyphonique que Véronique Biefnot avait utilisée dans le premier tome. Et ça marche ! Car il faudra un certain temps au lecteur pour comprendre à qui appartient cette voix.

Non contente de nous perturber davantage, Véronique Biefnot a aussi décidé de donner un rôle plus important à Nicolas le chat. C’était une information qu’elle avait communiqué lors de la sortie des deux livres précédents, mais on ne savait pas sous quelle forme allait prendre l’intervention du chat dans cette histoire. Et bien c’est fait, le chat a un rôle à jouer. Je rappelle que Nicolas est un Maine Coon, c’est-à-dire un chat qui peut avoir la taille d’un grand chien. En lisant le livre, on a envie de posséder le même chat !

Le roman se découpe en deux parties. Une première dans laquelle Naëlle et Simon vont faire de la spéléologie dans les grottes de Han-sur-Lesse. C’est suffisamment détaillé que pour se dire que la romancière y a un jour été faire un petit tour (à confirmer lors d’une interview). Et ce n’est pas sans danger pour les touristes et les personnages principaux. En tout cas, la lecture de cette partie du livre m’a convaincu de ne pas mettre un pied dans une grotte ou de faire de la spéléologie.

La deuxième partie du livre se focalise sur le passé de Naëlle et ses liens familiaux. Toutes les questions qu’on pouvait se poser dans les deux premiers romans vont enfin trouver leur réponse dans cette quête des origines. On navigue entre thriller et drame, avec l’arrivée d’un nouveau personnage qui correspond à la petite voix. Encore une fois, la dualité de Naëlle va l’aider à faire face aux événements tragiques et pas sans danger de cette seconde partie.

Lorsque j’ai lu le roman, j’ai été scotché à l’histoire, car au fur et à mesure que je tournais les pages, je n’osais pas abandonner celle-ci. Je pensais deviner la suite, et j’ai complètement été surpris par cette dernière partie. Résultat, une nuit blanche pour dévorer ce livre et cela en valait vraiment la peine. Au fil des pages, je me suis attaché à Simon et Naëlle, encore plus que dans les livres précédents. Probablement parce que je devinais que la fin de l’histoire approchait à grands pas et qu’après ce livre je les perdrais définitivement. Mais alors que je terminais la dernière ligne de l’histoire, en tournant la page un dernier chapitre plus poétique et mystérieux, m’a aidé à lentement me détacher de cette belle histoire. Et lorsque j’ai fermé le livre, j’étais à la fois heureux et triste de quitter Naëlle et Simon. Comme pour ses romans précédents, Véronique Biefnot arrive à émouvoir ses lecteurs jusqu’à la fin de l’histoire. Elle nous fait partager un moment de bonheur et de lecture, où ses personnages ont pris plus d’ampleur qu’on ne l’imaginait au départ. Je me suis dit que cette histoire devrait un jour être adaptée sur grand ou petit écran car elle est vraiment originale. En tout cas, je l’espère.

À l’heure où j’écris cette chronique, je ne sais pas quelle est la partie commune au roman de Véronique Biefnot et au roman de Francis Dannemark (Aux anges). Je devine que cela concerne la fin de l’histoire et la comtesse qui apparait, mais sans la moindre certitude. Voici le lien de l’interview que les auteurs ont eu sur télé-Bruxelles. Évidemment, la chronique du livre de Francis Dannemark (qui fait aussi partie de mes auteurs préférés) va suivre…

En tout cas, c’est un très bon moment de lecture qui ravira plus d’un lecteur. Ce livre, comme les précédents, donne envie de continuer à lire les prochains livres de Véronique Biefnot.

Là où la lumière se pose, Véronique Biefnot, Editions Héloïse d’Ormesson, 2014, 320 pages

Là où la lumière se pose

Les contes d’Amy – Frédéric Livyns

Mais pourquoi n’ai-je pas lu ce livre plus tôt ? Avec les contes d’Amy de Frédéric Livyns, je retrouve tout ce qui fait l’originalité du fantastique Belge. Et du fantastique, l’auteur nous en sert sur un plateau en contant des petites histoires toutes plus différentes les unes que les autres, mais qui forment un tout dans ce recueil édité par Lokomodo. Un petit livre qui a un prix très démocratique, qui en plus inclut un marque-page.

Curieusement, je n’ai pas lu ces nouvelles les unes à la suite des autres. Entre chacune d’entre elles, j’ai lu autre chose. Peut-être pour mieux apprécier les textes de Frédéric Livyns, pour ne pas être entré et aussi vite sorti de la lecture de ce recueil de nouvelles fantastiques. Et le résultat, c’est que j’ai beaucoup apprécié ce recueil. À travers l’auteur je trouve une relève assurée au fantastique Belge. Jean Ray peut dormir sur ses deux oreilles, Frédéric Livyns est là pour nous concocter des histoires mystérieuses et cauchemardesques. Un fantastique classique à lire, qui pourrait facilement être adapté par le 7ème art.

Le livre a raflé le prix Masterton en 2012, ce qui ne m’étonne pas vraiment en le lisant. Les nouvelles sont courtes et toutes originales. L’écriture est très fluide, et chaque nouvelle est originale. Il y a une certaine homogénéité, un certain équilibre dans ce recueil. Aucune nouvelle ne démérite sa place. Au contraire, chacune apporte une pierre à l’édifice que Frédéric Livyns à patiemment construit. La première et la dernière nouvelle ne forment qu’une seule et même histoire, dans laquelle on peut découvrir qui est Amy. C’est le fil conducteur de ce recueil.

En fait, cela commence par la visite d’un couple, Charles et Coralie, qui a un projet immobilier et s’intéresse à un bâtiment à l’abandon en pleine forêt. L’agent immobilier leur apprend qu’il s’agit d’un ancien asile psychiatrique qui pendant la Seconde Guerre mondiale a été réquisitionné par les Allemands qui en ont fait un point d’observation contre les maquisards. Les pins, c’est le nom de cet ancien institut, accueillaient des pensionnaires qui ont tous été fusillés par les Allemands.

Pendant que Charles visite le bâtiment en compagnie de l’agent immobilier, Coralie découvre des anciens dossiers médicaux qui font référence à une patiente qui s’appelle Amy. Une fillette qui a prématurément vieilli et qui a un don particulier, celui d’effrayer les autres personnes en leur instillant des cauchemars qu’elle a préalablement écrit. Chaque nouvelle correspond à un de ces cauchemars. C’est excellent, bien amené et très fluide.

A noter, l’excellente préface de Christophe Collins, qui lui aussi navigue entre polar, macabre et aventure.

Un bon conseil, si vous voulez dormir sur vos deux oreilles, n’achetez pas un asile psychiatrique en pleine forêt ! Par contre, ne laissez pas passer ce livre, si vous aimez le fantastique. C’est du Belge et c’est excellent.

Les contes d’Amy, Frédéric Livyns, Lokomodo, 224 pages, Prix Masterton 2012, illustration de Jimmy Kerast

Les  contes d'Amy

Le fantastique belge aujourd’hui

Ce mardi 3 décembre 2013, Jean-Baptiste Baronian proposait de faire un état des lieux du fantastique en Belgique, et aussi de nous rappeler l’origine de ce genre littéraire à part entière. Pour l’occasion, la conférence était donnée à l’Académie Royale de Belgique, devant une audience composée d’amateurs avertis mais aussi d’auteurs ou réalisateur.

Je ne propose pas une retranscription de la vision du fantastique Belge expliquée par Baronian. Mais plutôt ce que j’ai compris lors de cette conférence. J’y ai aussi ajouté ce que Jacques Van Herp m’avait dit à une certaine époque.

Mais qu’est-ce le fantastique ? Roger Caillois l’a défini comme : « L’intrusion de l’étrange dans le quotidien ».

L’émergence du fantastique Belge date de la fin du 19ème siècle (vers 1880). On retrouve à cette époque Émile Verhaeren, un des plus grands poètes qu’a compté la Belgique. C’est le symbolisme à travers l’utilisation du surnaturel, et un certain réalisme qui va donner naissance à une forme de fantastique propre à la Belgique. Les histoires se passent dans notre monde de tous les jours, mais font intervenir des portes, des êtres, des événements issus d’une réalité parallèle qui interfère avec la nôtre. Ce fantastique qui fait intervenir de la magie dans la réalité va se retrouver dans la peinture, et plus tard dans le cinéma belge. C’est l’envie de déranger, de bousculer les conventions qui va animer ce fantastique qu’on peut considérer comme surréaliste. C’est un fantastique de réaction qui fait face aux courants littéraires traditionnels. Il se distingue de celui des Anglo-saxons, et soutient la comparaison face à celui d’auteurs tels que Howard Philip Lovecraft, Edgar Allan Poe ou Louis Borges. On peut dire que Franz Hellens et Jean Ray y sont pour beaucoup.

Curieusement, les premiers auteurs sont tous flamands, mais écrivent en français. On compte parmi eux Jean Ray ou Michel de Ghelderode. Le premier a écrit des centaines de contes et est probablement l’auteur belge fantastique le plus connu (Malpertuis), et le second a consacré une bonne partie de son existence au théâtre.

Une particularité des auteurs belges, c’est qu’ils sont venus naturellement au fantastique. C’est presque une seconde nature chez eux, comme si c’était enregistré dans leurs gènes. Le fantastique est présent dès le début, et y faire référence n’a rien d’anormal. C’est d’ailleurs ce qui distingue les auteurs belges des Français. Par contre, ils ne se connaissent pas nécessairement. A quelques exceptions près, chacun écrit sans connaitre les autres.

25 histoires noires et fantastiques

Marabout

Il suffit de lire les mémoires d’Henri Verne (père de Bob Morane) pour se rendre compte qu’il a été un des initiateurs du retour du fantastique en Belgique. C’est grâce à lui qu’on a pu redécouvrir l’œuvre de Jean Ray, dont le titre le plus connu est évidemment Malpertuis, mais à qui on doit une grande partie des Harry Dickson. L’œuvre de Jean Ray s’articule autour de centaines de contes et nouvelles, qui ont été publiées sous plusieurs pseudo, entre autres celui de John Flanders. Encore aujourd’hui, Jean Ray reste un auteur de référence, au même titre qu’un Lovecraft chez les Anglo-saxons.

Marabout dans les années 60-70, c’est l’éditeur de référence en matière de fantastique. À l’époque, il n’y avait que quatre ou cinq éditeurs qui proposaient de l’imaginaire et du fantastique en particulier. Pour Marabout, c’était l’âge d’or, celui de la découverte de nouveaux auteurs, ou la redécouverte d’auteurs oubliés, et évidemment la publication de grands titres (Dracula de Bram Stoker, Frankenstein de Mary Shelley). Mais c’était surtout l’occasion de lire des auteurs belges comme Marcel Thiry, Thomas Owen, Jean Ray, Michel de Ghelderode, Gérard Prévot. On doit cette alternance à Baronian, qui en tant que directeur de collection chez Marabout, tenait à faire découvrir ces nouveaux auteurs.

Pour en revenir à Jean Ray, c’est le livre « Les 25 meilleures histoires noires et fantastiques » paru en 1961, qui a permis de redécouvrir l’auteur, alors presque en fin de vie. Parmi les nouvelles présentes, on trouve « La ruelle ténébreuse » ou « Le grand nocturne ».

Je conseillerais à tout amateur de lire la biographie écrite par Henri Verne, qui explique plus en détail cette période du fantastique Belge. Dans la foulée, je me pose la question suivante : peut-on dire que Henri Verne écrivait aussi du fantastique ? Son héros Bob Morane touchant à presque tous les genres, je me dis que le cycle « Les portes d’Ananké » n’est pas seulement de l’aventure, mais aussi du fantastique.

Dans les années 70, Baronian a surnommé cette vague fantastique : l’école belge de l’étrange. Aujourd’hui, on la retrouve à travers des auteurs comme Michel Rozenberg, Alain Dartevelle, Christopher Gérard ou Bernard Quirigny. C’est en tous cas les quatre principaux proposés par Baronian. D’autres auteurs anciens ou contemporains touchent au fantastique. On peut citer : Marcel Thiry, Jean Munoz, Nadine Monfils, Anne Richter, Jacques Sternberg, Alain Le Bussy, pour n’en citer que quelques-uns.

À l’heure actuelle, les auteurs qui écrivent du fantastique se limitent plutôt au format de la nouvelle. Un texte pas trop long, où l’idée principale peut être développée sans provoquer de longueur. Et pourtant il y a des auteurs qui s’essaient au roman fantastique. C’est par exemple le cas de Jean Ray avec Malpertuis. C’est aussi le cas chez des auteurs anglo-saxons, avec Stephen King qui propose régulièrement des pavés de 500-600 pages de fantastique. On espère évidemment retrouver des textes plus longs écrits par les auteurs contemporains belges.

Il existe très peu de magazines dédiés au fantastique belge. Phénix, qui au départ était en format papier, continue à parler de fantastique à travers le domaine plus large de l’imaginaire, mais c’est uniquement sur le Web.

Je pense qu’un essai plus complet sur le fantastique Belge aujourd’hui serait le bienvenu. J’espère que Jean-Baptiste Baronian pensera à l’écrire, car le dernier qu’il a rédigé remonte loin dans le temps.

En écrivant cet article, mon but n’était pas de faire un essai sur le fantastique belge, mais plutôt de résumer où il se situe aujourd’hui.

Marc

Jardin botanique – Alain Bertrand

C’est une chronique en trois temps que nous propose Alain Bertrand à travers Jardin botanique  édité chez Le Castor Astral. Livre amusant, dans lequel on ne peut s’empêcher de comparer certaines scènes à sa propre vie et de se dire : « oui, j’ai aussi connu cette situation ». Car des situations rocambolesques, il y en a quelques-unes dans ce livre.

Il s’agit d’une suite de chroniques située à l’adolescence de l’auteur, c’est-à-dire à la fin des années 60 et le début des années 70, qui se passe à Bruxelles, en Wallonie et en Flandres. En parallèle aux événements personnels, Alain Bertrand nous relate les événements de l’époque. Par exemple la victoire de Jacky Ickx aux 24 heures du Mans.

Partagé entre Bruxelles, la Wallonie et la Flandre, ce livre allie ce qui a de mieux dans chaque région et nous dresse un panorama cocasse de ce qui fait de nous des Belges, à travers les souvenirs de l’auteur. Derrière ces situations hautes en couleur, on ne peut s’empêcher de penser que c’est du vécu plus que de la fiction. Et on retrouve l’ambiance d’une époque qui n’existe plus que dans nos souvenirs. Avec ce livre, il nous offre une tranche de vie parsemée d’anecdotes, dans laquelle il cherche à définir sa propre identité. Est-il Flamand, Wallon, ou Bruxellois ? Peu importe, à travers cette suite de tableaux, il nous rappelle ce qui fait notre originalité.

Par moment on se pose des questions. Qu’est-ce que l’amour à la bruxelloise ? Oserait-on pisser dans le cartable du professeur ? A-t-on dormi avec une Ferrari sous l’oreiller ? L’auteur s’est parfois pris pour Dieu (pour notre plus grand plaisir), ou on l’a surnommé D’Artagnan, ou il s’est vu dans la peau du prince consort avec Bintje (qui dans ce cas-ci n’est pas un type de pomme de terre).

Né la même année que l’auteur, grâce à ce livre j’ai l’impression d’avoir retrouvé une partie de mes propres souvenirs. Ce livre était un vrai plaisir de lecture.

Alain Bertrand n’est pas un nouveau venu dans le monde littéraire. On lui doit des essais sur Georges Simenon et plusieurs romans : La part des anges (Le Castor Astral), Monsieur Blanche (Le Castor Astral), Le Bar des Hirondelles (Labor).

Jardin botanique nous apporte un regard tinté de mélancolie sur une époque révolue et un pays qui existe toujours. Un livre à lire.

Jardin botanique, Alain Bertrand, édité par Le Castor Astral, 142 pages, 2013

jardin botanique

Autodictionnaire Voltaire – André Versaille

Voltaire, un des esprits les plus vifs et intelligents du 18ème siècle est ici mis à l’honneur à travers ce dictionnaire dont les thèmes ont été choisis par André Versaille, un auteur et éditeur belge. Qui mieux que ce dernier pouvait proposer un dictionnaire de plus de 600 pages dans une collection qui convient tout à fait à l’œuvre de Voltaire. Je veux dire la collection Omnibus.

Un de mes amis m’avait dit qu’il lisait cet « Autodictionnaire Voltaire » et qu’il y prenait un malin plaisir. J’avais noté ce détail quelque part au fond de mon esprit, car j’aime également lire Voltaire dont je venais d’acquérir « œuvres d’humour » chez le même éditeur.

Le hasard a fait qu’en me rendant à la onzième foire du livre belge au centre culturelle d’Uccle, André Versaille était justement interviewé pour nous parler de ce dictionnaire. L’homme avait commis précédemment un « Dictionnaire de la pensée de Voltaire par lui-même », livre de référence. Qui mieux qu’André Versaille pouvait donc proposer ce dictionnaire dont toutes les définitions sont extraites de l’oeuvre de Voltaire. Pour concevoir ce livre, Versaille avait relu en une année la totalité de l’œuvre, soit 25.000 pages. C’est énorme. Mais sachant qu’aucun sujet de discussion n’était écarté par Voltaire, il était nécessaire de relire son œuvre intégralement.

André Versaille-800

Ce dictionnaire contient une longue préface d’André Versaille, qu’il nomme « préface inutile » et qui est d’autant plus importante car il s’agit d’un essai sur Voltaire qui intéressera à coup sûr les lecteurs.

J’indique ici quelques thèmes repris dans ce dictionnaire : Amour, Athéisme, Bible, Cul, Démocratie, Esclavage, Juifs, Justice, Liberté, Louis XIV, Pascal, Shakespeare, Théâtre.

En parcourant ce livre dans le désordre (un dictionnaire ne se lit pas du début à la fin), je ne peux m’empêcher de penser que si Voltaire existait à notre époque, il serait certainement une des personnes les plus lues et écoutées au monde. Et qu’à travers un média comme Internet, il aurait encore eu plus d’impact sur notre société.

Deux siècles et demi après sa mort, son œuvre reste d’une grande clarté et se lit avec plaisir. Il n’est toujours pas démodé. C’est un intellectuel qui a très bien relaté son époque.

Avec cet omnibus, André Versaille nous rappelle que Voltaire a encore beaucoup de choses à nous dire.

Autodictionnaire Voltaire, André Versaille, Omnibus, 624 pages, 2013

Autodictionnaire Voltaire