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Les conquérants de l’univers – Richard-Bessière & Raoul Giordan

Tirée d’un roman de F. Richard-Bessière (pseudonyme de François Richard et Henri Bessière), cette adaptation en bande dessinée mérite le détour. Elle était initialement sortie dans la collection Sidéral en 1968. Dessinée par Raoul Giordan, cette adaptation du roman du même nom paru en 1951 est assez fidèle.

Les conquérants de l’univers était le premier livre de la collection fusée au Fleuve Noir. Il a quatre suites, toutes éditées dans la même collection. Plus tard, Aredit a commencé sa collection Sidéral par ce cycle de science-fiction.

Cette BD m’a fait découvrir Richard-Bessière. J’avais 10 ans, et j’achetais régulièrement Sidéral. Plus récemment, le cycle en romans a été réédité au format omnibus chez Eons. Un seul livre contient les cinq romans et est sorti en 2006. Plutôt que de rechercher les cinq livres originaux, j’ai préféré acheter cet omnibus qui contient :

1 — Les Conquérants de l’univers
2 — À l’assaut du ciel
3 — Retour du Météore
4 — Planète vagabonde
5 — Sauvetage sidéral

C’est donc avec un certain plaisir que je vois cette réédition BD en grand format chez Ananké. Plaisir de retrouver une histoire que j’avais presque oubliée, car lue pendant mon enfance. Surtout de retrouver les dessins de Raoul Giordan. Le dessinateur a un style très caractéristique qui se marie très bien avec le noir et blanc de l’époque. Ses mondes, ses cités, ses extraterrestres correspondent à une science-fiction qui peut paraitre naïve aujourd’hui, mais qui avait son charme à l’époque. Les fusées se posent debout sur leurs ailerons. Les cités mélangent l’acier et le verre, et sont séparées par de grandes esplanades. Les extraterrestres sont fréquemment humanoïdes. Giordan a un gout prononcé pour les femmes aux belles formes, correspondant aux standards de l’époque. Dommage qu’elles n’avaient pas un plus grand rôle dans chaque histoire. Dans les conquérants de l’univers, c’est Mabel, membre de l’équipage qui apporte une touche de féminité (ce qui n’est pas le cas dans la série Météor du même dessinateur).

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J’avoue que je n’ai pas lu grand-chose d’autre de Richard-Bessière. À l’époque, je préférais lire un Jimmy Guieu, un André Caroff ou le cycle Perry Rhodan, tous trois aussi au Fleuve Noir. Je me suis davantage tourné vers les adaptations BD tirées des romans Richard-Bessière. Donc, cela reste un auteur à découvrir lors de réédition en omnibus.

L’histoire de ce premier tome des conquérants de l’univers est assez simple. Le professeur Bénac a mis au point un vaisseau spatial, le Météore. À son bord, il compte explorer le système solaire. Trois personnes sont censées l’accompagner : Jeff Dickson le journaliste, Richard Beaumond son filleul, et Mabel Peterson qui l’a convaincu qu’une femme devait faire partie du voyage. Lors du décollage, Ficelle, le mécanicien du professeur, va se retrouver enfermé sur le vaisseau en même temps que Don Alfonso, un ingénieur aux intentions pas très nettes. Le voyage commence avec une halte sur Deimos, un des satellites de la planète Mars, avant de prendre la direction de Mars. Mais le Météore accélère soudain vers la planète rouge. L’équipage découvre rapidement que le vaisseau est contrôlé à distance par les Martiens. Le professeur Bénac et son équipage vont faire la connaissance des Martiens et découvrir que ceux-ci sont incapables de quitter leur planète. Il va résoudre scientifiquement ce problème, et repartir pour continuer son périple.

Ce premier tome ne va pas plus loin. Cela peut paraitre totalement dépassé comme science-fiction, mais ça se laisse lire malgré les incohérences par rapport à nos connaissances actuelles en astronomie. Il faut donc lire cette BD avec l’esprit de l’époque, sans se focaliser sur l’aspect technique. C’est de la science-fiction d’un autre âge.

Je voudrais attirer l’attention sur cette nouvelle édition, car deux grands illustrateurs et dessinateurs en font partie. Giordan qui a dessiné l’histoire de Richard-Bessière, et surtout Brantonne qui signe la couverture. Ce dernier a d’ailleurs signé la plupart des couvertures de la collection fusée chez Fleuve Noir. La couverture de cette BD correspond bel et bien à celle du roman de 1951. C’est un petit détail que j’apprécie beaucoup en tant qu’amateur de science-fiction.

J’ai une seule critique à formuler concernant cette BD, c’est son prix vraiment dissuasif. En 1968, la version Sidéral coutait deux francs français. Aujourd’hui, presque un demi-siècle plus tard, elle dépasse les quarante euros. C’est indécent, même pour un tirage limité à 230 exemplaires. Apparemment, l’éditeur est habitué à pratiquer de tels tarifs avec ses autres cycles.

En dehors de cela, j’espère qu’Ananké continuera de réédité les Sidéral, mais pourquoi pas tous les Giordan ? Le cycle Météor dessiné aussi par Giordan sort à intervalle irrégulier chez le même éditeur. J’espère qu’il sera plus régulier pour les conquérants de l’univers.

BD clairement pour amateur de science-fiction et nostalgique d’une époque où l’aventure prenait le dessus sur la véracité scientifique. Histoire d’un autre temps, qui peut faire sourire aujourd’hui, mais quelle belle imagination de la part de Richard-Bessière, et quel très beau trait de crayon de Raoul Giordan. Un classique de la science-fiction ressuscité.

Les conquérants de l’univers, F. Richard-Bessière & Raoul Giordan, Editions Ananké, 2014, 108 pages, illustration de Brantonne

Les conquérant de l'univers

Dune – Frank Herbert (collector 50ème anniversaire)

Cette année, les Anglo-saxons se sont rappelés que Dune le chef-d’œuvre de Frank Herbert a 50 ans. Le livre refait son apparition chez Folio Society dans une version pour collectionneur, dans un coffret qui résistera au temps, et sous la forme d’un livre qui n’a pas son équivalent dans les précédentes versions (comme je les collectionne tous…). Il a le poids et la taille d’un dictionnaire.

Les amateurs pourraient être refroidis par le prix de cette version, 75 livres sterling (plus de 100 euros), auxquels il faut encore ajouter les frais de port. Mais quand on aime, on ne compte pas. C’est ce que j’ai fait pour Dune qui est mon livre de chevet. C’est un tirage limité, pour lequel il faut prendre contact avec l’éditeur pour le commander.

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Le livre est agrémenté d’illustrations de Sam Weber. Celles-ci ajoutent une note sombre, qui dramatise encore plus l’histoire de Frank Herbert. Mais elles correspondent exactement à l’image que se font les lecteurs lors de la lecture du livre.

Les trois parties d’origines sont incluses dans ce collector, c’est-à-dire : Dune, Muad’Dib, et Le Prophète. On ne trouvera pas la quatrième Le Messie de Dune, qui fait partie de la version française parue chez Laffont Ailleurs & Demain.

Après l’introduction de Michael Dirda, le roman s’étale sur 500 pages sur un papier épais dont les pages sont agréables à tourner. Plusieurs appendices font suite à l’histoire. Le premier concerne l’écologie de Dune, le second la religion de Dune, le troisième concerne les objectifs du Bene Gesserit, un quatrième est un extrait de l’almanach En-Ashraf qui présente les principaux personnages. Une terminologie de l’imperium vient également s’ajouter à ces appendices. Et le livre se termine sur une postface de Brian Herbert. Je ne vous cache pas que ce livre est pour amateur averti et collectionneur et est en nombre limité.

Je me pose juste une question : est-ce que Laffont Ailleurs & Demain sortira une version collector du livre en français ? Et de préférence avec la quatrième partie. Je n’en sais rien. Un collector a été fait pour Le seigneur des anneaux. Je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas de même pour Dune, qui est tout de même l’équivalent en science-fiction du livre de J.R.R.Tolkien.

S’il devait voir le jour en français, je serais probablement un des premiers à l’acheter. Pour l’anecdote, j’avais été chez un relieur avec la version Laffont du livre, en demandant ce que couterait de transformer celui-ci en équivalent Pléiade. C’était faisable, mais le prix et l’effort à fournir m’ont dissuadé.

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Concernant l’histoire que raconte le livre, j’invite les lecteurs à lire ma chronique sur Phénix Mag ou sur mon blog. 

Voir : https://marcfvb.wordpress.com/2011/02/28/dune-frank-herbert/

Si j’ai un reproche à faire à ce livre en dehors de son prix, c’est qu’il aurait pu contenir un signet comme c’est le cas des Pléiades. Peut-être aussi faire une suggestion : inclure la quatrième partie : Le messie de Dune. Mais comme celle-ci n’était pas présente dans la version originale de 1965, on ne peut pas dire que c’est un oubli de la part de l’éditeur.

Reste que pour ceux qui aiment lire en anglais, ou qui sont fans de l’univers de Frank Herbert, ce Dune est le classique à avoir dans sa bibliothèque.

Dune, Frank Herbert, Folio Society, 553 pages, 2015, illustrations de Sam Weber.

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Voyages extraordinaires – Jules Verne

La sortie d’un coffret Jules Verne à la Pléiade est une grande première. Comment un auteur aussi connu que lui a-t-il mis autant de temps avant d’entrer dans cette collection ? Sans doute était-il trop étiqueté jeunesse. L’erreur est réparée, et la Pléiade ne nous propose pas un seul livre, mais un coffret en comprenant deux.

Sous la direction de Jean-Luc Steinmetz, on trouve un coffret comprenant quatre romans :

  • Les enfants du capitaine Grant
  • Vingt mille lieues sous les mers
  • L’île mystérieuse
  • Le Sphinx des glaces

Ces quatre romans sont accompagnés de près de cinq cents illustrations provenant des éditions Hetzel.

Pour moi, Jules Vernes c’est avant tout un bon nombre d’adaptations cinématographiques. En commençant par le tour du monde en quatre-vingts jours, Vingt mille lieues sous les mers, et L’île mystérieuse. Je n’ai d’ailleurs lu que les deux derniers dans un omnibus jadis édité par Lefrancq. Je ne vais donc pas commenter le choix fait par la Pléiade. Je pense que ce choix est bon et qu’il est représentatif de l’œuvre de Jules Verne. Bien sûr, on aurait aimé davantage. Mais rien n’empêche la Pléiade d’ajouter un livre dans le futur.

Pourquoi faudrait-il opter pour cette énième édition de quatre romans de Jules Verne ? Parce qu’ici ce n’est pas la raison qui l’emporte, mais le cœur et la passion. Cette version ne s’adresse pas à toutes les bourses, mais savoir qu’il s’agit d’un coffret d’une collection prestigieuse devrait rassurer l’acheteur. Les livres de cette collection tiennent une vie entière si l’on en prend soin. De plus, ils prennent de la valeur au fil du temps. Donc, si on oublie l’aspect spéculatif, ce coffret s’adresse directement aux collectionneurs et amateurs de Jules Verne ou de la Pléiade.

Cette édition représente un événement non négligeable car la Pléiade n’est pas réputée pour accueillir des auteurs de science-fiction ou de fantastique. Si l’on fait abstraction de Voltaire, on y trouve Edgar Alan Poe et Jorge-Luis Borges. C’est très peu, c’est même trop peu. Jules Verne vient donc renforcer les auteurs de l’imaginaire. Espérons que l’éditeur de cette collection envisage un jour de publier un volume consacré H.G. Wells, qui est le pendant de Jules Verne (dont il existe déjà un omnibus), ou à des auteurs plus modernes comme Frank Herbert ou Robert Heinlein.

Mais la sortie de ce coffret n’est pas la seule chose intéressante. En parallèle, un album sort également dans cette collection. Album iconographique dirigé par François Angelier, qui reprend la biographie de l’auteur et ses principales œuvres sur un peu plus de 300 pages. Ce livre aurait dû faire partie du coffret. Ce n’est pas le cas. La Pléiade a préféré l’offrir à toute personne qui achète trois volumes de la collection. C’est un peu décevant. Sachant que les deux volumes Jules Verne peuvent s’acheter indépendamment, il suffisait de l’offrir à toute personne qui achetait le coffret. Ou mieux, encore, l’intégrer dans le coffret. Dommage !

Reste que l’ensemble (coffret plus album) est une référence, ou le deviendra rapidement. Les anciens lecteurs apprécieront la qualité du coffret. Les nouveaux lecteurs resteront peut-être dubitatifs, d’abord par son prix, ensuite par les personnages de Jules Verne (Nemo, Phileas Fogg, ou le capitaine Grant ne correspondent peut-être plus tout à fait aux héros d’aujourd’hui).

Voilà donc un coffret à ne pas rater (ou deux tomes à acheter séparément) si vous êtes collectionneur. Et évidemment un album à rechercher.

Voyages extraordinaires, Jules Verne, Éditions Gallimard, Collection Pléiade, 2644 pages, 2012
Album Jules Verne, Éditions Gallimard, Collection Pléiade, 320 pages, 2012