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Dictionnaire amoureux de la Belgique – Jean-Baptiste Baronian

J’ai hésité avant de chroniquer ce Dictionnaire amoureux de la Belgique écrit par Jean-Baptiste Baronian et édité chez Plon. D’abord parce que je ne suis pas fan des dictionnaires. Ensuite parce Baronian tout comme moi se trouve au générique de l’anthologie La Belgique imaginaire. Mais comme j’aime bien l’érudition du personnage, je devais chroniquer ce livre. Baronian a écrit un dictionnaire totalement subjectif, qui présente le pays d’une façon inhabituelle, un peu cocasse, certainement anecdotique. On lui doit plus d’une trentaine de romans, de nouvelles, d’essais et de biographies (Baudelaire, Verlaine, Rimbaud), mais aussi des essais sur Brel, Magritte ou Simenon. C’est quelqu’un de prolifique qui connait très bien la Belgique, sa culture, et le monde francophone plus particulièrement. Donc, une vraie référence.

On n’aborde pas un dictionnaire amoureux comme un autre dictionnaire. Celui-ci est formé de 250 articles qui couvrent une bonne partie de l’histoire et de la culture belge. Un tel ouvrage ne peut pas être exhaustif et encore moins objectif, et c’est le but. C’est ce qui permet au lecteur de se rendre compte que la Belgique est un pays surréaliste. Petit pays, certes, mais original à plus d’un titre.

J’ai donc lu les articles de ce dictionnaire dans le désordre le plus total, au gré du hasard ou de mes envies du moment. J’y ai trouvé un certain amusement mélangé de curiosité, et au bout du compte j’ai éprouvé un certain plaisir à parcourir les différents sujets, à piocher dans ceux-ci.

Baronian ne se contente pas de répéter ce qu’on trouve sur Wikipedia pour la Belgique. À travers ses souvenirs, ses émotions, son vécu, il apporte une vision personnelle d’un sujet qui tient du ressenti autant que de l’anecdotique. Mais il ne faut pas croire qu’il ne respecte pas la réalité. Oui, c’est vrai ce qu’il écrit, et oui c’est raconté autrement. C’est tout le charme de ce dictionnaire. En fait, c’est du Belge !

Une série de thèmes est incluse dans ce livre. Cela va évidemment de l’histoire du pays à la culture, le sport, la gastronomie, la peinture, le cinéma, la littérature, la musique, etc. Mais le plus amusant, ce sont les sujets inattendus pour le lecteur. Je pense par exemple à la guerre des vaches dont l’auteur nous retrace l’histoire il y a huit siècles. Je pense aussi à ce mystérieux mot qu’est « Pataphonie » qui consiste à faire de la musique avec n’importe quoi. Au fil des pages, on trouve quelques trésors surréalistes typiques de la Belgique.

Il me reste encore à rechercher quelques sujets dans cet ouvrage plutôt sympathique. Je sais qu’on y parle de Manneken pis, mais je n’ai pas encore trouvé à quelle rubrique.

Il y a quelques sujets que j’aimerais bien voir dans une mise à jour prochaine du dictionnaire, qui concerne davantage le théâtre. Je pense évidemment au mariage de mademoiselle Beulemans, à Bossemans et Coppenolle (et évidemment à madame chapeau). Quelques comédiens marquants comme Marie Gillain et Cécile de France pourraient aussi s’y trouver. Et puis peut-être un peu plus parler de notre Atomium qui est un symbole du pays (il y a un article sur l’Expo 58 dans le livre).

Je ne voudrais pas terminer ce tour du dictionnaire amoureux sans rappeler que Baronian est aussi un spécialiste du fantastique Belge en particulier et que ce domaine imaginaire est bien présent dans le dictionnaire. Il nous présente Jean Ray, Thomas Owen, Michel de Ghelderode, Henri Vernes, des auteurs qu’il a aussi connus dans le cadre des éditions Marabout. On lui doit d’ailleurs un panorama de la littérature fantastique de langue française.

Ce dictionnaire amoureux atteint tout à fait son objectif. Baronian est probablement le mieux placé pour commettre un tel dictionnaire amoureux de la Belgique. Le travail accompli à travers ces 760 pages est aussi amusant qu’intéressant et mérite d’être connu des lecteurs. À coup sûr un livre qu’il faut avoir chez soi si on aime la Belgique.

Dictionnaire amoureux de la Belgique, Jean-Baptiste Baronian, Plon, 760 pages, 2015

Dictionnaire amoureux de la Belgique

Virginie Vanos – interview

La sortie de l’Exilée de Virginie Vanos était l’occasion de la rencontrer pour une interview à la fin de ce mois de janvier 2016. Comédienne, modèle, photographe et romancière, c’est une jeune femme aux multiples talents que j’avais envie de dévoiler dans cette interview qui est évidemment succincte, mais qui est révélateur de la personnalité de Virginie Vanos. C’est-à-dire de quelqu’un qui a beaucoup de culture et de sensibilité, qui les exprime à travers plusieurs moyens médiatiques. Je voudrais d’ailleurs la remercier pour le temps qu’elle m’a consacré pour cette interview.

Virginie Vanos

Comment en es-tu arrivé à l’écriture ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit. Lorsqu’il y avait des cours en primaire qui m’embêtait, j’écrivais de la poésie. Très petite, j’avais déjà une âme très romantique. Plus tard, au cours de maths, lorsque je m’ennuyais j’écrivais mes dissertations. Que ce soit un truc plus philosophique ou plus narratif, un jour je me suis fait chopper par le prof de math. Je venais de me plonger dans la littérature érotique du 18 ème siècle, et j’étais en train d’écrire une lettre érotique à la mode du siècle des Lumières. C’est une phase qui a duré peu de temps, pendant laquelle je pensais que plus tard je serais entre la reine Margot et la marquise de Merteuil.

Avec un ancien collaborateur, on s’écrivait des mails rocambolesques et on prenait le moindre détail qu’on montait en épingle, avec quasi rien on créait des histoires complètement épiques. Il m’a dit : mais pourquoi tu n’écrirais pas un livre ? Chiche ? Et comme je marche fort au défi, j’ai dit oui. Il y a deux trucs qui marchent, les guides pratiques et l’humour. C’est comme ça que j’ai écrit le guide pratique « La femme moderne ». Un an plus tard, j’ai été éditée. En 2008 j’ai décidé de me mettre aux romans et aux essais, car j’avais des choses à exprimer.

Est-ce que tu avais un plan pour le premier livre ?

Aucun.

Est-ce qu’à travers la photographie tu montres ton image, alors qu’à travers l’écriture tu dévoiles ton âme ?

Je montre mon âme dans les deux cas. Mais malheureusement en photo, vu qu’on est dans une époque très érotisante, on a tendance à voir le côté sensuel, érotique, esthétique, alors que dans des prises de vues ultras simples j’essaie de mettre autant d’âme que possible, autant de sentiments, autant de vérités. Mais très peu de personnes le ressentent.

Il y a beaucoup de photographes avec qui cela ne passe pas. Ils veulent faire de la pinup, de la mode, etc. Ils veulent parfois faire des portraits où je suis un peu trop enjouée, ce qui est pris comme des avances.

Est-ce que le regard s’arrête à la surface des choses ?

Oui. Je ne me fais pas d’illusion sur l’être humain mâle entre 20 et 40 ans.

Mais tu ne peux pas généraliser ?

Non, c’est pour ça que lorsqu’on voit ce que j’ai voulu faire passer, je suis au comble de la joie.

Tu écris des essais et des romans. Penses-tu qu’entre les deux genres ton lectorat soit différent ? Ou bien vises-tu le même public en souhaitant faire découvrir deux facettes de ta personnalité ?

C’est plutôt la seconde option. J’ai un côté révolté et anticonformiste. Les schémas préétablis, c’est ce que j’exprime le plus dans mes essais. Il y a autant d’analyse sociologique que d’état d’âme. Je suis un schéma personnel, et je me méfie des qu’en-dira-t-on ?

Mes romans, c’est une percée dans le cœur humain, que ce soit des cœurs de pierre ou des cœurs d’or. Dans les deux cas, ce sont deux faces de ma personnalité. À chaque fois, ce sont des choses que j’ai envie d’exprimer. Parfois je le fais sur le mode didactique, parfois sur le mode romanesque, ce qui est plus facile via des personnages.

Parfois, ce que je ne peux pas dire en tant que Virginie Vanos, je le faire dire par mes personnages. Par exemple le personnage d’Alexandra, c’est moi sublimée. Ce que disent les autres personnages sur Alexandra est plus important qu’Alexandra elle-même.

Est-ce que tes personnages sont inspirés de personnes que tu as rencontrées, ou certains d’entre eux existent réellement ?

Tous mes personnages existent en vrai, mais à chaque fois je noie le poisson. Par exemple, Marek est inspiré d’un père (curé) qui existe vraiment. Dans « L’exilée », les lieux et les personnages à Bali existent vraiment. Le personnage de Rosi est inspiré de Rosemarie, qui est le vrai prénom de Romy Schneider.

Tes personnages ne recherchent pas la facilité dans leur quête amoureuse.

Moi non plus !

Faut-il nécessairement passer par un parcours du combattant pour avoir droit au bonheur ?

Non, je ne pense pas. Le bonheur c’est un droit, pas un devoir. C’est une option qu’on peut prendre ou non. Je crois qu’on choisit d’être heureux comme on choisit d’être malheureux. Écrire un drame ou un roman psychologique en faisant du drame de A à Z ce n’est pas intéressant. J’écris des histoires qui sont parfois tristes, fatalistes, mais il y a toujours des moments de gaité, de légèreté, car la vie est faite comme ça. Il y a des petits moments de drames comme des petits moments de délices.

La finalité de tes romans ce n’est pas nécessairement le bonheur.

Non, c’est le chemin personnel de chacun. Tout le monde a le droit d’avoir son propre parcours.

Est-ce que l’écriture est pour toi un exutoire ? Le moyen d’aborder des thèmes qui te sont chers ?

Ce n’est jamais une thérapie. Ce n’est pas un exutoire ou un défouloir.

Est-ce que dans tes prochains romans, le personnage principal pourrait être une femme ?

Pour le prochain roman, les chapitres impairs sont à la première personne et c’est le héros qui parle, les chapitres pairs c’est l’héroïne qui parle.

Pourrais-tu faire un roman qui ne soit pas écrit à la première personne ?

Non, parce qu’il faut que je me glisse dans la peau des personnages. Pour un personnage qui doit patiner, je l’imagine en train de patiner, mais ce n’est pas pour autant que j’irais moi-même patiner.

Est-ce qu’il y a des sujets que tu n’as pas encore abordés, mais que tu as envie de développer ?

Plus je rencontre des gens, plus je me rends compte que l’être humain est vaste. Les histoires de cœur nous occupent bien plus qu’on ne l’imagine. Si on sort des deux schémas classiques (soit je suis libertin et je saute sur tout ce qui bouge, soit je suis avec quelqu’un et je suis heureux et comblé), on se rend compte qu’il y a des centaines d’histoires parallèles qui sont parfois des drames, des tragicomédies.

Toi qui écris, est modèle, fait de la photo depuis pas mal d’années, comment vois-tu ton futur ?

Le futur je ne l’envisage pas. Je rêve encore (des rêveries de jeunes filles). Le futur situé dans deux ou trois semaines est tellement abstrait que je n’y pense pas.

Peux-tu en dire plus sur ce que tu aimes en matière de culture ? Tes préférences ?

Il y a un certain nombre de femmes qui m’ont inspiré pour des raisons différentes, auxquelles je ne me suis jamais identifié. Frida Kalho, l’artiste peintre mexicaine a peint jusqu’à sa mort en vivant des souffrances pas possibles. Marlène Dietrich qui a réussi à se renouveler, à avoir différents projets. Elle se donnait les moyens de ses envies. Grâce à son perfectionnisme, elle a duré plus longtemps que n’importe qui. Marilyn Monroe qui était très fragile, mais démentiellement sexy.

Je suis capable de me faire du mal pour arriver à mes fins sur le plan artistique, comme Romy Schneider. Les voyages que j’ai faits dans le cadre de la photo me permettent de fuir et d’éviter de dépérir. En ça je ressemble un peu à Élisabeth d’Autriche (Sissi) qui passait le moins de temps possible à Vienne et préférait les voyages lointains.

Des livres ou des films cultes ?

Mon film culte c’est Docteur Jivago de David Lean. Quelque part je me reconnais dans ce film. J’ai aussi été irrémédiablement marqué par la prestation de Silvie Testud dans Sagan. C’est là que je me suis intéressé à Françoise Sagan qui a beaucoup souffert, mais était d’une grande bonté, d’une gentillesse, d’une simplicité sans égale. C’est une âme torturée, mais quelqu’un de bien. Je voudrais pouvoir continuer à avancer en ayant la générosité qu’elle avait.

J’ai beaucoup aimé « The hours » de Virginia Woolf, « Tout sur ma mère » d’Almodovar. Dans les films, c’est très éclectique. Il faut que cela me fasse vibrer, comme la prestation de Laetitia Casta dans son rôle d’Arletti pour le film « Arletti, une passion coupable ». J’ai trouvé cette histoire d’amour absolument fabuleuse. C’est l’histoire d’une femme qui tombe amoureuse du mauvais homme. Il y a évidemment « atmosphère, atmosphère », mais il y a aussi son côté éperdument romantique, qui ne va pas (comme moi) jusqu’au bout de ses désirs.

Peux-tu en dire plus sur ce qui te motive et t’interpelle lorsque tu écris des essais ?

Le conformisme, c’est quelque chose que je déteste (tous les types d’extrémisme). Les préjugés. Je n’aime pas disserter sur la vie, la mort, les croyances. C’est plutôt les phénomènes de société qui m’intéressent, les problèmes de fond.

Pour l’instant on paie les excès de l’ultra capitalisme libéral. J’ai peur qu’il n’y ait plus de place que pour les gens qui ont réussi, et que les autres resteront sur le bas-côté. Beaucoup de gens pensent que le diplôme, la voiture, l’écran plasma sont des signes de réussite, mais pour moi il y a plus de joie et de satisfaction à être libre de ses mouvements qu’à être maître du monde. Seulement les gens confondent pouvoir et bonheur. Ils s’imaginent qu’avoir du pouvoir sur les autres c’est être heureux. Si on veut être lucide, si les gens pouvaient avoir un peu de pouvoirs sur leur propre existence, être capable de manœuvrer comme s’ils étaient sur une petite goélette qu’ils mènent à bon port, ce serait déjà une grande victoire. Si les gens agissent ainsi, le monde humainement parlant avancerait plus.

On a l’impression que tu veux conscientiser les gens dans tes livres, et que ça passe par l’humour.

Si je prends un ton trop didactique en écrivant, ça ne marchera jamais. L’humour fait plus avancer que des leçons de morale ou de maintien. Parfois il y a du sarcasme. L’humour est compris par la plupart des gens, alors que le sarcasme donne l’impression que c’est de la véhémence déguisée. Parfois je peux être véhémente, mais c’est surtout contre moi-même et contre certains faits établis que je m’énerve, mais jamais contre quelqu’un en particulier.

Des projets photographiques, littéraires, culturels ?

Avec un ami photographe, j’aimerai interpréter Frida Kalho. Toutes les femmes qui m’ont inspiré, je les ai interprétées. En photo, Édith Piaf, Camille Claudel, Élisabeth d’Autriche, Marilyn Monroe, Christiane F. (du roman éponyme).

Est-ce facile d’être un auteur en Belgique ?

Non, c’est facile nulle part. Être auteur, c’est vivre sur un cactus en regardant l’horizon.

L’édition numérique, pour toi c’est quoi ?

C’est un moyen technique. Le numérique permet de nouveaux moyens de communication et une propagation des idées.

Que peut-on te souhaiter en 2016 ?

J’espère que les beaux jours reviendront bientôt, que je puisse sortir de ma tour d’Ivoire. Je voudrais que certaines personnes qui figurent dans mes livres sous un pseudo aient le courage de prendre le téléphone et m’inviter à diner. Ce n’est pas un souhait, plutôt une utopie.

Interview de Virginie Vanos faite le 29-01-2016

Petit-fils d’Algérie – Joël Alessandra

Voilà une bande dessinée qui n’en est pas vraiment une, mais qui mérite le détour. Joël Alessandra assume le rôle de dessinateur, scénariste et coloriste pour cette histoire qui est publiée chez Casterman. Mais est-ce vraiment une histoire ? C’est davantage la quête d’un homme à la recherche de ses origines.

En tant que Belge, je ne connais pas l’histoire de l’Algérie, pas plus que l’histoire des pieds noirs. Les seules images que j’ai de ces derniers sont celles de personnages de films, ou d’acteurs et chanteurs qui ont représenté cette culture. Je dis cette culture, car je trouve péjoratif de dire colons ou expatriés. Culture, car elle est issue de plusieurs pays méditerranéens.

À travers un livre de 128 pages, Joël Alessandra qui n’a pas connu l’indépendance de l’Algérie décide de nous retracer son propre périple pour retrouver les lieux où a vécu sa famille, c’est-à-dire à Constantine. C’est un voyage dans lequel le lecteur suit l’auteur qui s’est lui-même mis en scène. Et l’idée est originale, car ce dernier se pose la question de savoir si ses ancêtres étaient des gens bien. La réponse lui est donnée au fil de son voyage, grâce à des témoignages de personnes qui ont connu sa famille.

À l’origine, la famille de Joël Alessandra est italienne. Au début du vingtième siècle, pour fuir la misère en Italie, elle a émigré en Algérie, qui était encore une province française. Les Alessandra se sont établis à Constantine et ont participé à bon nombre de constructions qui existent encore aujourd’hui.

L’Algérie a connu sa rébellion contre l’autorité française. Défaites, mais aussi victoires, qui ont vu l’indépendance du pays en 1962 et l’expulsion des pieds noirs vers la France. Parmi ceux-ci, la famille Alessandra. Les colons entretiennent une certaine inimitié face à l’autorité française de l’époque qui ne les a pas soutenus, c’est-à-dire le général de Gaule. En plus de cela, ils ne sont pas vraiment les bienvenus en France.

Les années passent, Joël Alessandra voit le jour, et ce n’est qu’en 2013 qu’il décide de visiter les lieux jadis occupés par sa famille en Algérie. S’y rendre n’est pas aussi simple que cela, car sur place il est accompagné par un ange gardien qui veille sur lui. Mais pourquoi ?

C’est un excellent moment de dépaysement passé avec cette bande dessinée qui tient à la fois du livre d’histoire, d’ethnologie, de géographie et d’autobiographie. On découvre une partie de l’Algérie à travers le regard de personnes attachantes qui restent nostalgiques d’une certaine époque. Les décors dessinés par Joël Alessandra donnent envie de les voir en vrai, de se rendre sur les lieux. Un sentiment de bien-être et de curiosité se dégage de se livre. Le tout agrémenté de photos qui parsèment le livre, qui font découvrir un pays et une culture mal connus des Européens.

Le voyage de Joël Alessandra est une longue promenade qui part de Marseille, passe par Constantine, pour se terminer à Paris. Un beau livre, plein de mélancolie et de souvenir qui nous rappellent que notre existence sur Terre est éphémère, mais que rechercher nos racines nous aide parfois à comprendre qui nous sommes vraiment. Un beau livre qui vaut autant pour ses dessins, que pour l’histoire vécue qu’il nous propose.

Petit-fils d’Algérie, Joël Alessandra, Casterman, 2015, 128 pages

Petit-fils d'Algérie

Autodictionnaire Voltaire – André Versaille

Voltaire, un des esprits les plus vifs et intelligents du 18ème siècle est ici mis à l’honneur à travers ce dictionnaire dont les thèmes ont été choisis par André Versaille, un auteur et éditeur belge. Qui mieux que ce dernier pouvait proposer un dictionnaire de plus de 600 pages dans une collection qui convient tout à fait à l’œuvre de Voltaire. Je veux dire la collection Omnibus.

Un de mes amis m’avait dit qu’il lisait cet « Autodictionnaire Voltaire » et qu’il y prenait un malin plaisir. J’avais noté ce détail quelque part au fond de mon esprit, car j’aime également lire Voltaire dont je venais d’acquérir « œuvres d’humour » chez le même éditeur.

Le hasard a fait qu’en me rendant à la onzième foire du livre belge au centre culturelle d’Uccle, André Versaille était justement interviewé pour nous parler de ce dictionnaire. L’homme avait commis précédemment un « Dictionnaire de la pensée de Voltaire par lui-même », livre de référence. Qui mieux qu’André Versaille pouvait donc proposer ce dictionnaire dont toutes les définitions sont extraites de l’oeuvre de Voltaire. Pour concevoir ce livre, Versaille avait relu en une année la totalité de l’œuvre, soit 25.000 pages. C’est énorme. Mais sachant qu’aucun sujet de discussion n’était écarté par Voltaire, il était nécessaire de relire son œuvre intégralement.

André Versaille-800

Ce dictionnaire contient une longue préface d’André Versaille, qu’il nomme « préface inutile » et qui est d’autant plus importante car il s’agit d’un essai sur Voltaire qui intéressera à coup sûr les lecteurs.

J’indique ici quelques thèmes repris dans ce dictionnaire : Amour, Athéisme, Bible, Cul, Démocratie, Esclavage, Juifs, Justice, Liberté, Louis XIV, Pascal, Shakespeare, Théâtre.

En parcourant ce livre dans le désordre (un dictionnaire ne se lit pas du début à la fin), je ne peux m’empêcher de penser que si Voltaire existait à notre époque, il serait certainement une des personnes les plus lues et écoutées au monde. Et qu’à travers un média comme Internet, il aurait encore eu plus d’impact sur notre société.

Deux siècles et demi après sa mort, son œuvre reste d’une grande clarté et se lit avec plaisir. Il n’est toujours pas démodé. C’est un intellectuel qui a très bien relaté son époque.

Avec cet omnibus, André Versaille nous rappelle que Voltaire a encore beaucoup de choses à nous dire.

Autodictionnaire Voltaire, André Versaille, Omnibus, 624 pages, 2013

Autodictionnaire Voltaire

Les enfers virtuels – Iain M. Banks

Précédemment sorti en deux tomes chez Laffont Ailleurs & Demains, ce livre appartenant au cycle Culture de Iain M. Banks est enfin disponible en poche. Et quel livre de poche ! Plus de 850 pages pour une histoire qui nous plonge dans un univers bien familier pour les amateurs du cycle. On a droit ici à une excellente traduction de Patrick Dusoulier et à une couverture de Lauren Panepinto.

Je n’ai eu aucun problème à rentrer dans cette histoire. Une fois découverts les quelques personnages principaux, l’univers de la Culture est tout à fait familier. Les mentaux y jouent une place importante, comme d’habitude. La seule vraie nouveauté, c’est l’apparition des enfers virtuels, qui sont finalement des réalités virtuelles dans lesquelles les morts ont encore une existence. Mais quelle existence ? Un enfer, un vrai enfer, qu’ils revivent souvent. En matière de torture intellectuelle, on atteint un sommet dans les civilisations proches de la Culture.

Le personnage principal de cette histoire est Lededje, qui est une intaillée (tatouée dehors et dedans), qui est devenue esclave sexuelle de l’homme le plus riche de Sichulte. Sa mort dès le début de l’histoire devrait nous plonger dans l’embarras. Eh bien non ! Banks nous montre ce que la Culture est capable de faire, et Lededje sera reventée à bord d’un vaisseau. Pour l’amateur de la Culture que je suis, je ne pouvais pas mieux demander.

Tous les personnages de l’histoire ne sont pas indispensables. Par exemple Prin et Chay. Cette dernière en particulier. Ils vont vivre l’enfer dans toute sa splendeur. Ils souffriront, en quête d’une porte de sortie dans chaque enfer, mais ils tomberont sur un autre enfer. Ils seront la proie des démons. À travers Chay, on va vivre cet enfer perpétuel de manière plus explicite. Au-delà de la souffrance, c’est aussi l’espoir de mettre un terme à celle-ci qui prédomine chez elle. Et Chay va passer de proie à prédateur. Elle libérera les âmes à travers sa propre faim et sa propre souffrance. C’est beau et c’est horrible. Les chapitres qui sont consacrés à Chay n’apportent rien à l’histoire principale, et n’ont pour but que de nous faire vivre les enfers à travers les yeux de deux personnages. J’aurais envie de dire que Banks aurait pu garder ces chapitres pour nous faire un vrai livre d’horreur. Mais bon, ne gâchons pas notre plaisir, cela reste excellent.

En parallèle à Lededje, on suit aussi Yime, agent de la Culture, qui ne sait pas qu’elle fait partie de Contact Spécial. Elle est chargée d’empêcher Lededje de se venger en assassinant Veppers, et d’arrêter ce dernier pour meurtre. Personnage en demi-teinte, qui manque un peu de charisme et qui est tributaire du mental qui dirige le vaisseau dans lequel elle se trouve.

Et puis il y a la confliction. La guerre larvée qui règne dans les enfers, et que le camp anti-enfers veut transposer dans la réalité. Et pour ce faire, ils mettent en production des millions de vaisseaux sur le disque Tsungariel, composé de frabricats. C’est démesuré, comme seul sait le faire Banks. Mais les plans du camp anti-enfers vont être perturbés par le vaisseau de la Culture qui amène Lededje à proximité de son tortionnaire.

Ce livre est davantage un space opera que ne l’était Trames. Les vaisseaux de la Culture y ont un plus grand rôle, soit sous leur forme primitive de vaisseaux, soit sous la forme d’avatar. Dans la deuxième partie du livre, ils prennent même le dessus sur les personnages humains. Ce n’est pas foncièrement dérangeant, mais on a l’impression que Banks a changé la logique de son histoire en cours de route.

Malgré le fait que j’adore toujours autant ce cycle, j’ai quelques remarques à faire. Oh, rien de grave pour un auteur comme Banks. Le livre contient quelques longueurs. Curieusement, les batailles spatiales sont racontées de manière sommaire, à travers l’avatar d’un vaisseau. Cela fait un peu « Bing, bang, j’ai refilé une raclée à l’ennemi ! ». On aurait bien voulu avoir une longue description de l’événement, comme sait le faire David Weber par exemple. Et puis, il y a le caractère de Veppers, homme le plus riche de sa planète, qui a hérité comme dette de famille de Lededje, une intaillée. L’homme en fait une esclave sexuelle et la tue dès le début de l’histoire. C’est très original puisqu’elle est le personnage principal. Mais grâce au lacet neural, la mémoire et la personnalité peuvent être sauvegardées et réimplantées dans un corps au sein même de la Culture. C’est ce qui s’appelle être reventée. Mais c’est très étrange de voir un monstre comme Veppers, prendre le parti des anti-enfers alors qu’il en détient 70 pour cent dans la galaxie. Cet étrange retournement ne colle pas vraiment avec la personnalité de l’homme qui n’a aucune considération pour la vie d’autrui.

Un dernier point concerne Vateuil, militaire qui va combattre dans des enfers virtuels et acquérir une longue expérience de la guerre. On a l’impression que ce personnage n’a pas vraiment sa place dans cette histoire. Mais la dernière ligne du livre (j’ai bien dit la dernière ligne) fait le lien avec L’usage des armes, un autre livre du cycle.

Les enfers virtuels restent un très bon livre de la Culture. Banks continue à développer son univers et à nous étonner. L’habituer du cycle se retrouvera comme un poisson dans l’eau. Le nouveau lecteur qui veut aborder ce cycle ferait mieux de commencer par L’homme des jeux ou L’usage des armes.

Voici donc encore un très bon Banks, toujours aussi original. L’auteur ne déçoit pas, et encore une fois arrive à nous captiver.

Les enfers virtuels, Iain M. Banks, Poche, 2013, 861 pages, traduction de Patrick Dusoulier, Illustration de Lauren Panepinto.

les enfers virtuels

Iain M. Banks (décès)

Décidément, 2013 est une mauvaise année pour la science-fiction. Après le décès de Jack Vance, voici celui de Iain M. Banks. Deux de mes auteurs préférés viennent de s’en aller pour un monde, on l’espère, meilleur.

Iain Banks

Au mois d’avril dernier, Iain Banks avait annoncé son cancer et ajouté qu’il ne survivrait peut-être pas jusqu’à la fin de l’année. Il avait un cancer avancé de la vésicule biliaire, qui s’était propagé au foie et au pancréas. Iain Banks est décédé le 9 juin 2013 à l’âge de 59 ans. D’origine écossaise, Iain Menzies Banks était né à Dunfermline dans le File (une région située dans l’est de l’Écosse) le 16 février 1954.

Après des études d’anglais et de philosophie à l’université de Stirling, il travaille dans un cabinet d’avocats

Son premier livre n’avait rien à voir avec la science-fiction. Le seigneur des guêpes tient du thriller fantastique et de la folie. À l’époque, son éditeur (Macmilan) lui conseille d’écrire un livre par an. L’auteur va s’y tenir.

Avec Entrefer, Banks aborde le rêve et propose un livre beaucoup plus psychologique qui se passe sur un pont sans fin. Mais c’est avec « L’usage des armes » qu’il a commencé à créer la Culture en 1987.

Banks s’est impliqué dans la production théâtrale, et a écrit la musique de la pièce « The curse of Iain Banks » qui a été jouée en 1999 à l’Édimbourg Fringe festival. Sur le plan politique, il a aussi milité en défaveur du premier ministre Tony Blair. À l’époque, l’Angleterre avait participé à l’invasion de l’Irak. En signe de protestation, Bank a coupé son passeport. Dans son livre « Raw spirit », il reviendra sur ses préoccupations concernant l’Irak.

Iain Banks nous lègue une belle œuvre, composée majoritairement de livres de science-fiction qui se rapportent à la Culture. Certains d’entre eux n’ont pas encore été traduits et édités en français. Au total 27 livres :

2013 – The Quarry
2012 – The hydrogen sonata (La sonate d’hydrogène)
2012 – Stonemouth
2010 – Surface Detail (Les enfers virtuels)
2009 – Transition
2008 – Matter (Trames)
2007 – The Steep Approach to Garbadale
2004 – The Algebraist (L’algébriste)
2003 – Raw Spirit: In Search of the perfect dram
2002 – Dead Air
2000 – Look to Windward (Le sens du vent)
1999 – The Business (Le business)
1998 – Inversions
1997 – A Song of Stone
1996 – Excession
1995 – Whit, Little
1994 – Feersum Endjinn (Effroyabl Ange1)
1993 – Complicity
1993 – Against a Dark Background (La plage de verre)
1992 – The Crow Road
1990 – The Use of Weapons (L’usage des armes)
1989 – The State of the Art (L’état des arts)
1989 – Canal Dreams
1988 – The Player of Games (L’homme des jeux)
1987 – Espedair Street
1987 – Consider Phlebas (Une forme de guerre)
1986 – The Bridge (Entrefer)
1985 – Walking on Glass
1984 – The Wasp Factory (Le seigneur des guêpes)

Banks signait ses livres de deux manières différentes, suivant qu’il s’agissait de littérature générale ou de science-fiction. Dans le premier cas, il était connu sous le nom de « Iain Banks » tandis que dans le second cas il signait « Iain M. Banks ». Le M fait référence à son Prénom Menzies.

Son apport à la science-fiction est immense. Il a renouvelé le space opera en intégrant une forme d’humour, d’ironie, voire du second degré. Sa vision d’une civilisation galactique est unique, démesurée, mais tellement originale qu’un lecteur ne se contentera jamais de ne lire qu’un seul livre de la Culture. Mais à quoi ressemble cette Culture ?

La Culture est une société galactique sans lois, mais avec bon nombre de principes, de protocoles, d’usages et coutumes à respecter. Ce n’est pas la plus ancienne ni la plus grande civilisation, mais elle tend à s’élargir en intégrant tous les peuples qu’elle croise dans son expansion. Parfois cela génère des conflits armés, parfois l’intégration se fait en douceur. Dans tous les cas, la Culture arrive à ses fins. C’est une civilisation dans laquelle il n’est pas nécessaire de travailler pour vivre. Ce sont des mentaux qui la gèrent pour le compte des humains. Ils se présentent sous la forme d’IA intégrée à un vaisseau ou sous forme de petit drone qui utilise l’antigravité pour se déplacer. Les mentaux sont retors, au point de parfois devenir très dangereux. Ils ne s’investissent pas toujours eux-mêmes et font appel à des humains à qui ils accordent une grande liberté de mouvement. La Culture respecte l’individu et le place au centre de toutes les attentions. Les mentaux font tout ce qu’ils peuvent pour assurer aux humains cette liberté qui leur est chère. Mais parfois, les intérêts politiques et économiques prennent le pas sur les considérations humaines, et alors la Culture peut devenir très dangereuse.

Dans cet univers créé de toute pièce, chaque livre du cycle se focalise sur des races différentes, et parfois des époques différentes. Le lecteur n’est jamais perdu, car rapidement il retrouve les services « Circonstances spéciales » et « Contacts » qui sont le fil conducteur de tout le cycle.

Iain Banks 2

Iain Banks est un auteur important en science-fiction, incontournable en space opera, et intéressant en mainstream. Il avait apporté un renouveau au genre et s’était imposé comme un des chefs de file anglo-saxons. Toute sa production n’est pas du même niveau, mais elle reste néanmoins très originale. Espérons que ces derniers livres non encore traduits ne le resteront pas longtemps. La disparition de Banks crée un vide dans le paysage de la science-fiction anglo-saxonne qui ne risque pas de se remplir de si tôt. A lire ou à relire, l’œuvre de Iain M. Banks est importante. C’était un de mes auteurs préférés.

Véronique Biefnot : Meet & Greet avec Marc Bailly

Dans le cadre du « Meet & Greet » proposé par Marc Bailly (Phénix Mag, le prix Masterton, le prix Bob Morane, Les imagineurs belges) dans l’auditorium de l’ONSS, Véronique Biefnot était son invitée le 19 juin 2012. Elle venait présenter son dernier livre Les murmures de la terre. Livre qui précède deux autres livres fantastiques qui paraitront encore en 2012. Cette rencontre avec Marc Bailly et les lecteurs présents ne se résumait pas seulement à l’événement littéraire du moment, mais aussi à une présentation plus personnelle de la carrière de la romancière, qui est également comédienne, metteur en scène, animatrice et chroniqueuse à la RTBF et ARTE et peintre. Au théâtre elle s’occupe aussi des décors et des costumes. C’est donc une femme aux multiples talents, à la carrière bien remplie, qui est venue se dévoiler un peu plus au public. Et en matière de révélation, ce moment a été particulièrement touchant lorsque Véronique Biefnot a offert la lecture d’une de ces nouvelles (Le fauteuil) qui faisait référence à son enfance et à sa grand-mère. Lecture pendant laquelle elle n’a pas pu s’empêcher de laisser s’exprimer ses émotions à deux reprises. Derrière un beau sourire, des yeux pétillants, un esprit vif et un don certain pour la communication, se cache aussi une femme sensible, émotive, et très attachante.

A 16 ans, Véronique Biefnot était déjà à l’université. Avec une agrégation à l’ULB en philo et lettres en poche, elle y ajoute le conservatoire en art dramatique et les beaux-arts en peinture. C’est donc une jeune femme très éclectique, qui a ajouté depuis 2011 une nouvelle facette à son profil en devenant également romancière. Et en matière de roman, elle n’a pas choisi la facilité. Son premier livre Comme des larmes sous la pluie à des allures de roman sentimental, mais en le lisant on se rend vite compte qu’il tient davantage du thriller et du drame.

Lorsque Marc Bailly lui demande quel est le rôle qui l’a le plus marqué dans sa carrière, Véronique Biefnot répond en faisant référence à Scandaleuse de Jean-Marie Piemme. Puis, de son rôle de Susanneke dans Le Mariage de mademoiselle Beulemans. Un classique du théâtre belge dans lequel elle avait le premier rôle féminin au côté de Jacques Lippe. Non contente d’être sur les planches, elle est aussi metteur en scène. On lui doit les adaptations de Garbo n’a plus le sourire ou Les combustibles d’Amélie Nothomb. Elle a joué et foulé la plupart des scènes de théâtre belges. On l’a vue dans Le dieu du carnage, Tartuffe, La guerre de Troie, Beaucoup de bruit pour rien, Les Troyennes. Pour de plus amples informations sur sa biographie, je suggère de visiter son blog dont voici le lien.

Véronique écrivait des nouvelles, des poèmes, des aphorismes, des adaptations théâtrales, jusqu’au jour où un metteur en scène lui a fait remarquer qu’elle écrivait très bien. À la question « Pourquoi n’écrirais-tu pas un roman ? », en parallèle à son métier de comédienne, elle s’est lancée dans l’écriture sans avoir d’idée sur la façon de se faire éditée. Les pages s’accumulaient et formaient petit à petit un roman, qu’elle fit lire par le metteur en scène avec qui elle travaillait. Il a aimé le roman, et pour être certaine que ce n’était pas un avis subjectif, Véronique l’a fait lire à des spectateurs du théâtre qui ne savaient pas qu’elle en était l’auteur. La suite, c’est une copie du livre remise chez Filigranes par un des lecteurs, puis la rencontre avec Héloïse d’Ormesson. Et ce qui était un rêve s’est soudain concrétisé en livre. Livre écrit dans un style personnel, qui oscille entre Guillaume Musso et Jean-Christophe Grangier, comme le souligne Marc Bailly.

Au cœur de ce premier livre, on trouve deux personnages principaux. Naëlle, jeune femme perturbée, avec une enfance compliquée et une amnésie pour les douze premières années de sa vie. Et Simon Bersic, romancier qui connait le succès, mais qui n’est pas heureux depuis qu’il a perdu sa femme. Il vit un deuil en compagnie de son fils. Comme des larmes sous la pluie, raconte la rencontre improbable de ces deux personnages. À travers ce livre, Véronique Biefnot voulait montrer comment surmonter les problèmes lorsqu’on n’a pas de chance dans la vie. Le contexte rappelle certaines affaires qui ont ébranler la Belgique. Le roman contient des coup de tonnerre qui perturbent les lecteurs.

Le deuxième roman Les murmures de la terre  fait suite à Comme des larmes sous la pluie, mais il peut se livre de manière indépendante. On retrouve les mêmes personnages. Il s’agit davantage d’un parcours initiatique en Bolivie, où Naëlle disparait et est censée recouvrir sa mémoire à travers des pratiques chamaniques. Simon Bersic part à sa recherche, sans savoir ce qui l’attendra. Le livre tient de l’aventure et du fantastique à travers les voyages spirituels de Naëlle et le paysage amazonien.

Véronique a lu plusieurs extraits des deux livres. Et lorsque Marc Bailly a fait référence aux rituels chamaniques, on a eu droit à une description détaillée de la part de la romancière. Elle a découvert ceux-ci dans des circonstances personnelles et tragiques. Le texte est fluide et s’écoute autant qu’il se lit. Un des secrets de cette fluidité, c’est justement qu’elle se relit à haute voix lors de l’écriture.

Lorsqu’on aborde le sujet du blog, Véronique explique que c’est un moyen pour elle d’être en contact avec ses lecteurs. Il y avait déjà sa page Facebook, mais il faut être inscrit sur le réseau social pour pouvoir la suivre. De son côté, le blog permet à n’importe qui de la suivre et de la contacter. Je voudrais signaler que Véronique intervient aussi sur mon propre blog (Le blog science-fiction de Marc). Elle maintient un contact étroit avec ses lecteurs.

En plus du troisième tome de sa trilogie qu’elle est en train d’écrire, elle a aussi d’autres livres en cours. Le premier est un conte fantastique dont le titre est Animalter. Le second livre Sous les ruines de Villers se passe à Villers la ville et contient également une part de fantastique. Les deux livres s’adressent à des publics différents et sont publiés en 2012.

Pendant la rencontre, Marc Bailly a imposé une liste de noms plus saugrenus les uns que les autres, que Véronique Biefnot a dû glisser dans ses réponses. Cela a parfois donné lieu à des crises de fou rire. La rencontre s’est terminée par une séance de dédicaces et un contact plus rapproché avec ses lecteurs.

Rencontre enrichissante, où on découvre Véronique Biefnot en tant que romancière. Elle est talentueuse et nous réserve dans l’avenir encore de belles pages de lecture.

Le blog de Véronique Biefnot.

Iain M. Banks – Trames

 

Voici la version poche de Trames, un livre de Iain M. Banks qui fait partie du cycle Culture.

L’histoire se passe sur Sursamen, un monde gigogne construit il y a plusieurs milliards d’années par les Involucra, une race qui a depuis longtemps disparu. Sursamen est un monde composé de différents niveaux, qui possèdent chacun leur propre soleil artificiel. Sur lesquels vivent des races dont l’atmosphère peut être liquide ou gazeuse. Ces différents niveaux sont reliés entre eux par de gigantesques tours qui abritent des puits permettant le passage d’un niveau à un autre. On apprend que 4000 mondes gigognes ont été créés autour de la galaxie et qu’il n’en reste plus que 1200. Les autres ayant été détruits par les Ilns. La Culture semble toute petite par rapport à la civilisation galactique qui a créé ces mondes gigognes dans un lointain passé.

Le huitième niveau de Sursamen est occupé par les Sarles et les Deldeines, peuples humanoïdes qui se font la guerre avec des armes primitives. L’épée est l’arme classique et le revolver vient de faire son apparition. Derrière ces races se cachent des races mentors qui pour arriver à leur fin influencent délibérément les races inférieures.

Au moment où l’histoire commence, nous suivons Ferbin, un des trois enfants du roi Hausk, qui après avoir évité la mort s’est réfugié dans une maison non loin du champ de bataille. Mais Ferbin qui n’a pas révélé sa présence va assister au meurtre de son père. Tyl Loesp le tue et fait passer sa mort pour une conséquence logique de la bataille qui s’est terminée en faveur des Sarles. L’homme veut régner sur le niveau 8 et sur d’autres, et pour cela il a besoin de tuer les héritiers du roi Hausk, c’est-à-dire Ferbin, son frère Cadet Oramen et leur sœur Djan Seriy Anaplian. Ferbin, qui est majeur, peut prendre la place de son père sur le trône, mais plutôt que de revenir au palais où il est certain de se faire tuer, il préfère fuir en compagnie de son fidèle compagnon Choubris Holse. Son but est de retrouver un ancien ami de son père qui fait partie de Circonstance Spéciale, avec l’espoir que ce dernier l’aidera à chasser le tyran du pouvoir.

Oramen, le second fils du roi, ignore que son père a été tué par Tyl Loesp, et il ne voit en ce dernier que le régent qui assure la transition tant qu’il n’a pas atteint l’âge requis pour régner. En attendant, Oramen se consacre à l’exploration de la cité sans nom. Il exhume un sarcophage vieux de plusieurs millions d’années vers lequel tous les regards de Sursamen se retournent. Surtout ceux des Octes (les mentors des Sarles) qui pensent que le sarcophage contient un Involucra. Comme ils se croient les dignes descendants de ceux-ci, ils estiment que le sarcophage leur revient. Et c’est toute une flotte de vaisseaux Octes qui vient se mettre en orbite autour de Sursamen.

Et puis il y a Djan Seriy Anaplian, la sœur, qui a quitté les Sarles depuis une quinzaine d’années, et qui entretemps est devenue un agent de la Culture et de Circonstances Spéciale en particulier. Quand elle a entendu que son père était mort, elle n’a eu qu’une envie, revenir sur Sursamen pour honorer sa mémoire.

Trois vies, trois trames que le lecteur va suivre tout au long des pages. Dès les premières Iain Banks plonge le lecteur au cœur de l’action. On s’attend ensuite à ce que ce rythme soit soutenu, mais il n’en est rien. Iain Banks a décidé de nous faire visiter la Culture en cinémascope et en Technicolor comme lui seul sait le faire. Que ce soit sur Sursamen le monde gigogne, sur un vaisseau de la Culture ou sur un monde-nid des Morthanveldes, Banks continue à nous surprendre par ses descriptions de civilisations et technologies.

À partir de la découverte du sarcophage, l’histoire s’anime à nouveau et l’action reprend le dessus jusqu’à la fin du livre. Elle se termine de manière inattendue, face à une menace qui met en danger Sursamen. Le livre contient un épilogue dans lequel on retrouve Choubris Holse longtemps après les événements du livre. Il nous laisse deviner le dénouement de l’histoire.

L’image qu’on a de la Culture n’est plus tout à fait la même que celle qu’on avait auparavant. Malgré son étendue et sa diversité, la Culture est en contact avec des civilisations aussi développées qu’elle, voire même plus qu’elle. On découvre que certaines races ont elles-mêmes une race mentor, et que ces races mentor ont aussi une race mentor.

À noter qu’il y a quelques personnages et lieux originaux : un avatoïde avatar du mental d’un vaisseau de la Culture, un drone qui s’est téléchargé dans un missile-couteau en forme de vibromasseur, un Iln tueur de monde gigogne, des vaisseaux qui ont des noms à coucher dehors et un nombre de personnages secondaires tel qu’il vaut mieux ne pas les retenir (d’où l’intérêt de l’appendice en fin de livre).

On retrouve en fin de livre l’article Quelques notes sur la Culture écrit par Iain Banks. Le livre se termine par une biographie de l’auteur.

Trames est vraiment un excellent livre sur la Culture. La version poche est une aubaine pour les amateurs de science-fiction. Bien qu’épais, le livre se manipule très facilement. Vraiment excellent !

Iain M. Banks, Trames, Traduction : Patrick Dusoulier, 834 pages., Poche, 2012

 

 

 

 

L’essence de l’art – Iain M. Banks

Cela faisait des années que j’attendais la réédition de plusieurs nouvelles du cycle de la Culture. J’avais raté à l’époque la sortie du Galaxies No 1 qui reprenait Un cadeau de la Culture. Et puis je n’ai jamais trouvé le DLM qui reprend L’état de l’art. Heureusement, Le Bélial a eu la bonne idée de regrouper les nouvelles de Iain M. Banks qui concernent la Culture.

Est-ce un complément au cycle ou une bonne introduction à celui-ci ? Après lecture du recueil j’aurais tendance à dire que c’est un bon complément. Mais l’introduction d’Arkady Knight ajoute un plus non négligeable. Elle nous résume chaque roman du cycle. Ce qui fait que ce recueil de nouvelles conviendra également aux nouveaux lecteurs qui veulent aborder le cycle.

Au programme on trouve huit nouvelles qui ne sont pas toutes du même niveau. J’irai même jusqu’à dire qu’il y en a certaines qui n’ont rien à voir avec la Culture. Mais je peux comprendre que pour un impératif de format, Le Bélial aie complété le recueil avec quelques nouvelles de Iain M. Banks.

La route des cranes – Deux comparses, dans une carriole tirée par un cheval, se raconte une histoire. Rien n’indique que cette nouvelle est liée à la Culture, si ce n’est le nom de la poétesse et scribe Abrusci qui se nomme  Entoutcaslieutenantellen’estpassurmacarte. Là on reconnait l’humour de Iain M. Banks dans les noms de la Culture.

Un cadeau de la Culture – Un agent infiltré est contraint et forcé à tirer sur un vaisseau de la Culture. Il doit utiliser une arme que seul un membre de la Culture peut utiliser.

Curieuse jointure – Un berger qui surveille ses brouteurs, voit une étoile filante. En se rendant sur les lieux du crash il tombe sur un objet métallique animé.

Descente – Un agent de la culture a été éjecté d’un vaisseau. Lui et sa  combinaison spatiale ont atterri à plus de mille kilomètres d’une base de la Culture. L’agent est blessé, et la combinaison spatiale, dirigée par une IA, est obligée d’économiser ses ressources. Un long voyage proche de la folie pour un des deux membres, qui connaitra un dénouement triste. Mais qui aura vu un face à face très intéressant.

Nettoyage – Que se
passe t-il si un vaisseau-usine de la Culture, en orbite autour de notre planète, débloque et éjecte des objets vers la Terre ? Ça donne une nouvelle loufoque, vraiment dans l’esprit de la Culture. J’ai adoré.

Fragment – Les pensées
et les convictions politiques et religieuse d’une personne en 1975. Cette nouvelle n’a rien à voir avec la Culture. Il vaut mieux passer son chemin.

L’essence de l’art – La plus longue nouvelle. Celle qui avait précédemment été éditée chez DLM. L’histoire se passe en 1977. Un vaisseau de la Culture est en orbite autour de notre planète, totalement invisible aux terriens. On suit un agent infiltré sur Terre, qui découvre notre culture., et un autre qui a envie d’y  vivre jusqu’à la fin de son existence. C’est une visite guidée de notre planète.

Éclat – Cette nouvelle n’a strictement rien à voir avec la Culture. C’est une sorte délire publicitaire de Iain M. Banks. A mon avis, il a dû fumer la carpette en l’écrivant.

On trouvera en fin de livre une bibliographie complète de Iain M. Banks.

Des nouvelles inégales qui se laissent lire, qui ne dépayseront pas le lecteur habitué à la Culture, et qui permettront aux nouveaux lecteurs d’aborder le cycle. Elles sont loin du niveau des romans, mais c’est une bonne entrée en matière. Je conseillerai de se focaliser sur les nouvelles directement liées à la Culture (Un cadeau de la Culture, Descente, Nettoyage, L’essence de l’art).

Ce recueil est une grande première, car il n’en existe pas d’autre de Iain M. Banks. On savoure d’autant mieux cette initiative du Bélial, qui continue d’éditer des livres qui manquent à l’appel depuis des lustres. Ce livre, c’est la cerise sur le gâteau, le complément idéal au cycle de la Culture.

L’essence de l’art, Iain M. Banks, Le Bélial,2010, 2078 pages, illustration de  Manchu

L'essence de l'art

Trames – Iain M. Banks

Un nouveau livre de Iain M. Banks est toujours un évènement, surtout si celui-ci fait partie du cycle Culture. Trames vient s’ajouter aux six précédents livres du cycle et peut être considéré comme un des meilleurs.

L’histoire se passe sur Sursamen, un monde gigogne construit il y a plusieurs milliards d’années par les Involucra, une race qui a depuis longtemps disparu. Sursamen est un monde composé de différents niveaux, qui possèdent chacun leur propre soleil artificiel. Sur lesquels vivent des races dont l’atmosphère peut être liquide ou gazeuse. Ces différents niveaux sont reliés entre eux par de  gigantesques tours qui abritent des puits permettant le passage d’un niveau à un autre. On apprend que 4000 mondes gigognes ont été créés autour de la galaxie et qu’il n’en reste plus que 1200. Les autres ayant été détruits par les Ilns. La Culture semble toute petite par rapport à la civilisation galactique qui a créé ces mondes gigognes dans un lointain passé.

Le huitième niveau de Sursamen est occupé par les Sarles et les Deldeines, peuples humanoïdes qui se font la guerre avec des armes primitives. L’épée est l’arme classique et le revolver vient de faire son apparition. Derrière ces races se cachent des races mentors qui pour arriver à leur fin influencent délibérément les races inférieures.

Au moment où l’histoire commence, nous suivons Ferbin, un des trois enfants du roi Hausk, qui après avoir évité la mort s’est réfugié dans une maison non loin du champ de bataille. Mais Ferbin qui n’a pas révélé sa présence va assister au meurtre de son père. Tyl Loesp le tue et fait passer sa mort pour une conséquence logique de la bataille qui s’est terminée en faveur des Sarles. L’homme veut régner sur le niveau 8 et sur d’autres, et pour cela il a besoin de tuer les héritiers du roi Hausk, c’est-à-dire Ferbin, son frère Cadet Oramen et leur sœur Djan Seriy Anaplian. Ferbin, qui est majeur, peut prendre la place de son père sur le trône, mais plutôt que de revenir au palais où il est certain de se faire tuer, il préfère fuir en compagnie de son fidèle compagnon Choubris Holse. Son but est de retrouver un ancien ami de son père qui fait partie de  Circonstance Spéciale, avec l’espoir que ce dernier l’aidera à chasser le tyran du pouvoir.

Oramen, le second fils du roi, ignore que son père à été tué par Tyl Loesp, et il ne voit en ce dernier que le régent qui assure la transition tant qu’il n’a pas atteint l’âge requis pour régner. En attendant Oramen se consacre à l’exploration de la cité sans nom. Il exhume un sarcophage vieux de plusieurs millions d’années vers lequel tous les regards de Sursamen se retournent. Surtout ceux des Octes (les mentors des Sarles) qui pensent que le sarcophage contient un Involucra. Comme ils se croient les dignes descendants de ceux-ci, ils estiment que le sarcophage leur revient. Et c’est toute une flotte de vaisseaux Octes qui vient se mettre en orbite autour de Sursamen.

Et puis il y a Djan Seriy Anaplian, la sœur, qui a quitté les Sarles depuis une quinzaine d’années, et qui entretemps est devenue un agent de la Culture et de Circonstances Spéciale en particulier. Quand elle a entendu que son père était mort, elle n’a eu qu’une envie, revenir sur Sursamen pour honorer sa mémoire.

Trois vies, trois trames que le lecteur va suivre tout au long des pages. Dès les premières Iain Banks plonge le lecteur au cœur de l’action. On s’attend ensuite à ce que ce rythme soit soutenu, mais il n’en est rien. Banks a décidé de nous faire visiter la Culture en cinémascope et en Technicolor comme lui seul sait le faire. Que ce soit sur Sursamen le monde gigogne, sur un vaisseau de la Culture ou sur un monde-nid des Morthanveldes, Banks continue à nous surprendre par ses descriptions de civilisations ou de technologies. A partir de la découverte du sarcophage, l’histoire s’anime à nouveau et l’action prédomine jusqu’à la fin du livre. Puis elle se termine de manière inattendue, face à une menace qui met en danger Sursamen. Le livre contient un épilogue dans lequel on retrouve Choubris Holse longtemps après les événements du livre.Il nous laisse deviner le dénouement de l’histoire.

L’image qu’on a de la Culture n’est plus tout à fait la même que celle qu’on avait auparavantt. Malgré son étendue et sa diversité, elle est en contact avec des civilisations aussi développées qu’elle, voire plus développées. On découvre que certaines races ont une race mentor qui elle-même a une autre race mentor, etc.

A noter qu’il y a quelques personnages et lieux originaux : un avatoïde avatar du mental d’un vaisseau de la Culture, un drone qui s’est téléchargé dans un missile-couteau en forme de vibromasseur, un Iln tueur de monde gigogne, des vaisseaux qui ont des noms à coucher dehors et un nombre de personnages secondaires tel qu’il vaut mieux ne pas les retenir (d’où l’intérêt de l’appendice en fin de livre).

On retrouve en fin de livre l’article « Quelques notes sur la Culture » écrit par Iain Banks qui était précédemment disponibles sur le Web en anglais.

Trames est vraiment un excellent livre sur la Culture.

Iain M. Banks, Trames, Traduction: Patrick Dusoulier, 600 pages, Robert Laffont