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Hauteville House (intégrale T.1) – Duval, Gioux, Quet, Beau

Voici une BD bien représentative du style steampunk, c’est-à-dire de la science-fiction qui mélange intelligemment passé et technologie. Édité par Delcourt, et réalisée par Fred Duval, Thierry Gioux, Christophe Quet, Carole Beau, cette BD se situe au 19ème siècle, en 1864 pour être précis.

Cette intégrale reprend le premier cycle formé par les quatre premiers tomes (Zelda, Destination Tulum, Atlanta, Le streamer fantôme). Elle est sortie en même temps que le tome 10 (Jack Tupper) de la série.

Jusqu’à présent, je n’avais pas abordé le steampunk. En fait, je m’étais laissé tenter par la superbe couverture de Manchu, et en ouvrant la BD, j’ai découvert un récit en cinémascope et technicolor. Une histoire qui tient de l’aventure et de l’espionnage, sur fond de guerre de Sécession, histoire qui se situe en Europe et en Amérique. Lors de sa lecture, j’ai eu l’impression de lire un mélange entre les mystères de l’ouest, Indiana Jones, Blake et Mortimer et James Bond, dans un contexte historique qui tient tout à fait la route.

Avant de parler de la BD, un petit détour historique est nécessaire. Hauteville house, c’est le surnom d’une maison que Victor Hugo a achetée dans la rue Hauteville, sur l’ile de Guernesey en 1856. Dans la BD, cette maison est le quartier général d’une organisation qui combat Napoléon III.

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Hauteville house, c’est l’histoire d’un groupe de soldats républicains exilés sur l’ile de Guernesey qui tente de contrer les projets de conquête de l’empereur Napoléon III. Parmi eux, il y a le capitaine Gabriel-Valentin La Rochelle, plus connu sous le nom de code de Gavroche (un clin d’œil aux Misérables de Victor Hugo). Il est envoyé en mission au Mexique, sur les pas de Cortez, pour empêcher une armée française de mettre la main sur une arme d’origine inconnue. Gavroche s’allie à plusieurs reprises à Zelda, une espionne américaine qui travaille pour les nordistes, et qui a les mêmes objectifs que lui, c’est-à-dire empêcher les sudistes de gagner la guerre de Sécession et contrecarrer les plans d’invasion de Napoléon III. En parallèle à leur mission, Églantine, un autre agent de Hauteville House, joue les traductrices et recherche des informations qui permettront à Gavroche de mener à bien sa mission. Les trois personnages se retrouveront à un moment clé de l’histoire. Curieusement, chacune des quatre parties de cette bande dessinée représente un des éléments (terre, air, eau et feu).

La découverte de ce milieu de 19ème siècle est surprenante. Il existe des véhicules blindés, des dirigeables qui sont de vrais vaisseaux aériens, des sous-marins, des exosquelettes qui permettent de voler. Et toutes ces connaissances sont issues du grand chambardement, moment qui correspond à un coup de pouce de la part des extraterrestres. On est donc confronté à une civilisation qui a deux siècles d’avance sur le plan technologique, mais dont les us et coutumes sont bien ceux du 19ème siècle.

Si je dois émettre une critique, elle se fera sur les représentations des ectoplasmes extraterrestres, ou du monstre (page 184) qui ressemble plus à un grand jouet au milieu d’une bataille. Le fait qu’il y a une partie ésotérique avec une médium ne m’a pas dérangé. Au contraire, cela ajoute du danger à l’histoire.

Si vous avez aimé les mystères de l’ouest, alors vous aimerez cette. C’est admirablement bien dessiné, mis en scène et colorisé. L’aventure est au rendez-vous et le dépaysement est assuré.

Delcourt continue à rééditer ses différentes séries en intégrales. On ne peut qu’applaudir cette initiative qui permet de gagner de la place, mais aussi de proposer la BD à un prix plus abordable.

Hauteville House intégrale T. 1 à 4, Duval & Gioux & Quet & Beau, Delcourt, 2013, 200 pages, illustration de Manchu

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La guerre secrète de l’espace : 1961 Gagarine – Hautière, Cuvelier, Pinchon

Voici le deuxième tome de ce cycle consacré à la conquête spatiale. Hautière, Cuvelier et Pinchon nous proposent l’envoi du premier homme dans l’espace en 1961, c’est-à-dire Youri Gagarine. Dans le premier tome qui se passait en 1957, on avait eu droit à la course que mènent Américains et Russes pour être les premiers dans l’espace. Ce sont les Russes qui ont été les plus rapides avec la mise en orbite du Spoutnik.

Après cette victoire sur l’occident, les Russes décident d’envoyer une chienne dans l’espace. Ce sera Laïka. Ce vol prépare l’envoi du premier homme dans l’espace.

Cette suite toujours aussi bien construite que la première partie, mélange espionnage et conquête spatiale. Les Russes sont toujours aussi suspicieux sur le personnel qui travaille à Baïkonour. Le passé de chaque membre est soigneusement passé au crible. On suit toujours un scientifique du programme soviétique, qui est en fait un agent américain infiltré.

Lors d’une soirée arrosée pour fêter le vol spatial de Youri Gagarine, les choses tournent mal pour la petite amie du scientifique. En voulant la défendre, il se retrouve dépassé par quelqu’un de plus fort que lui, qui est ivre. Et la petite amie n’a qu’une solution, tuer l’homme qui veut étrangler le scientifique. Ils n’ont plus qu’une solution : fuir ! S’engage alors un long voyage à travers l’Union soviétique, qui n’a qu’un but, les exfiltrer via un réseau mis en place par les Américains. Mais leur fuite occasionne aussi des arrestations de membres du réseau. Ce n’est que passé la frontière iranienne, qu’on découvre qui est la personne qui est responsable du démantèlement d’une partie du réseau.

Moins de technique, dans cette BD, mais plus d’espionnage. On découvre les mensonges véhiculés par l’appareil soviétique de l’époque pour cacher les accidents qui se produisent sur les sites dédiés à la conquête spatiale. C’est par exemple le cas pour le maréchal Nedeline, décédé après que le deuxième étage d’une fusée R-16 explose à Baïkonour. 92 personnes perdent directement ou indirectement la vie. Dans le cas de Nedeline, c’est sa proximité avec la fusée R-16 qui est la cause de son décès. Il supervisait les travaux à une vingtaine de mètres de la fusée, alors que l’explosion avait un diamètre de 120 mètres. Les Soviétiques ont indiqué que le maréchal était décédé dans le crash d’un avion. Ce n’est que 30 ans plus tard que la vérité a été dévoilée. En fait, on apprend que bon nombre d’échecs soviétiques ont purement et simplement été cachés au public.

Un deuxième tome qui se déroule donc en 1961, où on voit les Russes encore marquer des points par rapport aux Américains. À trois reprises, ils ont été les premiers (Spoutnik, Laïka et Gagarine). La réaction américaine se fait attendre, et ce n’est qu’à la fin de ce deuxième tome qu’on voit le président américain demander des subsides pour un projet encore plus grandiose : aller sur la Lune et revenir. On imagine très bien que les Américains se sont inspirés d’une fable de La Fontaine, le lièvre et la tortue, et que pour aller au bout de leur objectif, ils vont devoir y mettre le prix.

Comme pour le premier tome, l’album se termine par quelques pages de documentation, qui présentent les différents astronautes et cosmonautes qui ont joué un rôle à cette époque (1961-1964). C’est-à-dire Youri  Gagarine et Guerman Titov du côté soviétique, Alan Shepard et John Glen du côté américain. On a également droit à une explication sur les programmes Vostok et Mercury.

BD très bien réalisée par Hautière, Cuvelier et Pinchon. Espérons qu’il ne faudra pas encore attendre deux ans pour avoir le tome suivant. En complément à cette BD, je conseillerai de voir le film « L’étoffe des héros » qui montre le côté américain. Ou l’excellente série de docufictions sur la conquête spatiale passée sur Arte. À noter que la couverture de ce tome 2 a été réalisée par Manchu.

Le premier tome avait précédemment été chroniqué. Le lien est ici.

La guerre secrète de l’espace T.2 : 1*61 – Gagarine, Hautière, Cuvelier et Pinchon, Delcourt, 2012, Couverture de Manchu, 56 pages.

Manchu Sketchbook

Livre de croquis, d’esquisses, ce sketchbook sorti en 2008 nous présente l’art de Manchu. Après les deux livres Science [fiction] et Starship[s}, je trouvais normal de revenir sur ce livre de croquis qui a moins attiré l’attention de l’amateur de science-fiction. En 48 pages, on a un aperçu très complet de ce qui se fait actuellement de mieux en matière d’illustrations futuristes. Les dessins de Manchu vont de la simple esquisse, à une version plus élaborée proche de la bande dessinée, passe par des perspectives. Et tout cela se retrouve sur nos couvertures de livre avec une qualité de détails sans pareil.

On a l’habitude de voir les illustrations de Manchu sur les livres de science-fiction. Difficile de ne pas être tombé sur une de ses couvertures. Avec ce sketchbook, on a l’occasion de voir celles-ci dans l’étape de début. C’est à dire la recherche et la créativité. À noter que certains de ces dessins datent de l’époque où Manchu participait à l’élaboration de l’encyclopédie galactique de François Nedelec. Une ligne toujours fluide, un coup de crayon reconnaissable entre tous. Manchu, c’est le Ralph McQuarrie du 21èle siècle. Difficile de faire mieux à l’heure actuelle. Que ce soit un sujet imposé (comme thème d’un livre) ou de la vulgarisation scientifique (mission Mars), c’est toujours très réaliste, proche de ce que pourrait être le futur que nous dessine Manchu. J’adore. Cette année-ci, j’en ai d’ailleurs profité pour voir la petite exposition Manchu à la cité des sciences.

Ce petit sketchbook est un complément graphique idéal. Pour ceux qui veulent aller plus loin, les deux livres cités plus haut sont les références. Il reste toujours la possibilité d’aller sur le site de Manchu (alias Philippe Bouchet) : http://www.manchu-sf.com/

Manchu sketchbook, Comix Buro, 48 pages, 2008.

Starship(s) – Manchu

S’il y a bien un illustrateur qui se démarque des autres en science-fiction, c’est bien Manchu. Après l’excellent Science (fiction) sorti en 2002 chez Delcourt, voici venir Starship(s) toujours chez le même éditeur. Un livre qui est tout simplement la continuation du précédent, et qui nous montre tout le talent de Manchu.

En le feuilletant, on constate que la plupart des couvertures marquantes de ces dernières années sont de Manchu. La qualité du dessin, le chatoiement de couleurs et l’imagination de l’illustrateur sont difficilement égalables, tellement la perfection est grande. Et Manchu ne fait pas que de la science-fiction. Il est aussi à l’aise dans le vol d’un dragon, en dessinant un dieu égyptien, ou une scène historique tirée d’une Terre parallèle.

Mais Manchu ce n’est pas un simple illustrateur. On découvre avec ce livre sa participation à la bande dessinée, ou ses illustrations représentant l’exploration de Mars par des sondes robots et par les prochaines missions avec équipage humain.

En dehors de sa technique irréprochable, il a le don de résumer un livre en une seule illustration. Il dessine parfaitement une scène clé du livre et restitue l’ambiance que l’auteur voulait décrire. Cette qualité fait qu’on peut souvent se contenter de l’illustration de couverture et du quatrième de couverture pour se décider à acheter un livre de science-fiction.

Ce livre est un vrai régal. Non seulement parce qu’il reprend toutes les illustrations qui ont fait le bonheur de bons nombre de livres de science-fiction, mais en plus parce qu’il permet aux auteurs, aux lecteurs ou aux joueurs d’imaginer plus facilement de nouveaux mondes et technologies rien qu’en jetant un coup d’œil à ce livre.

Comme certains lecteurs, il m’est parfois arrivé d’acheter un livre pour sa couverture. Souvent je recherche la couverture sur le Web, en espérant retrouver une illustration plus détaillées, plus larges, pas découpée à cause des contraintes de l’édition.  Et parfois il m’arrive de trouver le site de l’auteur ou de fans qui n’hésitent pas à mettre en ligne des illustrations qui font rêver. Ici, nul besoin de tout cela, en un seul livre de la taille d’une bande dessinée Delcourt nous propose tout l’art de Manchu. Un vrai trésor qui en est à son second tome.

Si vous avez acquis Science (fiction), alors Starship(s) a toutes les raisons de se retrouver à ses côtés. Si vous aimer les belles couvertures de science-fiction, là encore ce livre ne peut pas vous échapper.

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’illustrateur, je signale que dans mes liens ils trouveront son site.

Starship(s), Manchu, Delcourt, 2010, 96 pages